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Wendy Walker, Emma dans la nuit

Les sœurs Tanner ont disparu. Les deux adolescentes américaines avaient 17 et 15 ans. Dans ce roman policier psychologique l’auteur, avocate du Connecticut, décortique la psychologie de la mère narcissique qui contamine ses filles. L’agente du FBI, elle-même fille de narcissique, a du mal à se dépêtrer de cette emprise et se trouve impliquée plus que nécessaire dans cette affaire qui dure. Car, cinq ans après, aucune des filles n’a été retrouvée…

C’est alors que se produit le coup de théâtre : Cass, la plus jeune, sonne un matin à la porte de sa mère. Etonnement, drame. Commencent alors quelques jours fiévreux où chacun se demande où est la grande sœur, pourquoi elles se sont toutes deux enfuies, qui les a aidées ou enlevées. Cass décrit une île où elles étaient séquestrées, la grossesse d’Emma qui l’a fait fuir en refusant de donner le nom du père, la première tentative sans lendemain de la cadette pour revenir, sa séduction du pilote du hors-bord qui les ravitaillait pour s’enfuir définitivement. Mais pourquoi revenir chez maman avec qui elle était en conflit, et pas chez papa qui l’aime plus que tout ?

Le psychiatre Abigaïl, qui a fait sa thèse sur mères et filles narcissiques, met en doute le récit trop construit de Cassandra la cadette, dont le prénom est destiné à annoncer le pire. La famille est dysfonctionnelle. La mère narcissique divorcée du père de ses filles mais qui en a obtenu la garde est remariée à un adorateur qui commence à aller chasser de plus jeunes ; son beau-fils obsédé de sexe tournait autour d’Emma dès qu’elle a eu 13 ans avant de draguer sa belle-mère au moment d’aller à l’université. Mais ce n’est pas lui qui a pris des photos d’Emma à 15 ans, seins nus, postées sur les réseaux sociaux.

Le récit de Cass ne colle pas, tout se complique de plus en plus. Puis le FBI découvre l’île en question, qui existe bel et bien parmi les centaines du Maine. Mais pas d’Emma ni de ravisseurs… Que s’est-il vraiment passé pour expliquer la fuite des deux filles en même temps, la séquestration durant cinq ans, le retour de Cass seule ?

Ecrit d’un ton plat comme un rapport au procureur, ce roman intéresse surtout par sa construction, très habile et qui monte en puissance. La psychologie du narcissique semble être la maladie du Yankee, élevé dans une société de l’apparence où il s’agit sans cesse de réussir mieux que les autres par sa beauté, ses atours, son intelligence ou sa ruse. Au lycée, en amours ou en affaires, il faut mettre en spectacle qui l’on est pour avoir ce qu’on veut. Les sentiments vrais sont mis sous le boisseau. Sous forme d’intrigue policière, le message sonne haut et clair : « chacun ne voit que ce qu’il veut voir ». L’autre le répète maintes fois.

Et le final est un ébahissement. Tout s’emboite mais rien n’était prévisible. Mal écrit mais bien construit, Wendy Walker se laisse lire et donne à réfléchir.

Wendy Walker, Emma dans la nuit, Sonatine 2018, 312 pages, €21.00 e-book format Kindle €14.99

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