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Colette, Dans la foule

Parallèlement aux Heures longues, recueil d’articles publiés durant la guerre de 14-18 (et chroniqué ici), Colette publie dès la paix revenue un autre recueil d’articles de 1911 à 1914.

Le lecteur trouvera un peu de tout, la politique étrangère de la France avant 14, le procès de Madame Guillotin accusée d’avoir fait tuer son mari par son amant, la fin de la Bande à Bonnot par l’assaut de la rue Ordener, auquel Colette assiste en direct, les élections législatives de 14.

Il y a aussi l’arrivée du Tour de France – le dernier avant la guerre – un match de boxe où un jeune français blond a gagné, non sans mal, un voyage en ballon, une excursion au-dessus de Paris en dirigeable.

Et quelques impressions personnelles sur le cimetière Montmartre, l’université populaire, les réveillons, les « belles écouteuses » des conférenciers à la mode.

Colette est au contact même de l’événement et le décrit d’une langue riche et fluide, très femme. Ce n’est pas un grand livre, mais une suite de chroniques de journaliste. Cependant, « ce travail a été sélectionné par les chercheurs comme étant culturellement important et fait partie de la base de connaissances de la civilisation telle que nous la connaissons », déclare l’éditeur anglais qui reproduit le texte français en fac-similé.

Colette, Dans la foule, 1918, Wentworth Press 2019 (édition en français), 168 pages, broché €13,05

Colette, Œuvres tome 2, édition Claude Pichois, Gallimard Pléiade 1986, 1794 pages, €69,44

Les œuvres de Colette déjà chroniquées sur ce blog

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De Locmaria au Palais

C’est notre partie la plus facile du tour, mais le dernier jour et sur 17 km quand même. Le vent a tourné au nord, ce qui nous permet de l’avoir dans le nez, mais moins fort qu’hier et sans grains cette fois-ci.

Dans une anse près de Locmaria est installé un camp scout. La plage de sable dans la crique est juste au-delà de la route. Les gamins, que l’on voit en chemise par ce matin venteux, doivent être excités par le vent et l’eau froide vu qu’ils sont peu boutonnés. Le climat breton incite à discipliner sa libido.

À la pointe de Kerdonis, le phare qui culmine à 37,90 mètres au-dessus de la mer fait l’objet d’une légende contemporaine. Une famille était gardien de phare et le père, le soir du 18 avril 1911 est mort en nettoyant la lentille. Comme le mécanisme était démonté, sa femme et ses enfants ont fait tourner le phare toute la nuit à la main, avec le cadavre à leurs côtés, pour ne pas que les marins soient privés du feu annonçant les abords de Belle-Île et l’entrée dans le golfe du Morbihan. Le chanteur Théodore Botrel les a appelés « les Petits Gardiens du feu » et la veuve Matelot a reçu la médaille d’honneur des Travaux publics.

À Port An Do, tout près de là, est la plage où ont débarqué les Anglais en 1761.

Nous marchons parmi les fougères avec quelques criques en dénivelée, mais moins accentuées que sur la côte sud. La maison idéale de Sandrine est tout en pierre de granite, une plage au pied dans sa crique. Il faut simplement clôturer le terrain avant la pente si l’on a des enfants petits.

Nous passons le hameau de Samzun, qui me rappelle Anaïck portant ce même nom de famille, une archéologue que j’ai bien connue. Puis surgit la plage des Grands sables, la plus grande de l’île, où la chienne court et aboie aux vagues mais surtout au kit-surfeur dont la voile lui fait peur. Un ado s’essaie à la planche mais il y a moins de rouleaux que sur la Côte sauvage.

Nous avons laissé nos affaires à la bagagerie des Cars bleus ce matin et nous les récupérons pour prendre le ferry de 16 heures qui nous mènera à Quiberon. Sur le pont supérieur du Bangor, j’observe un père aux trois fils ; il les cajole et leur parle à tour de rôle. Celui du milieu, 7 ans, vêtu d’un blouson de simili cuir, d’un pull et d’un polo, veut absolument se mettre sur son ventre nu, sous le T-shirt. Le plus petit, 4 ans et tout blond, l’imite, puis veut jouer l’avion à bout de bras. Un papa poule.

Les adieux sont très brefs, le Tire-bouchon part trois quarts d’heure plus tard et, si je tente d’attendre quelques minutes la navette qui ne vient pas, je décide très vite d’aller à la gare à pied. C’est éprouvant pour mon ampoule sous le pied droit mais efficace, car j’arrive vingt minutes avant le départ. Une fois installé, je suis sur le siège d’à côté où deux frères s’aiment d’amour tendre. Cela semble de plus en plus courant comme si le monde hostile incitait aux câlins. Le plus grand a 13 ans et écoute sa musique avec des oreillettes tandis que le petit a 6 ou 7 ans. Il pose sa tête sur le torse de l’aîné et se laisse câliner distraitement par la main. Un autre garçon plus grand et un cousin ou un ami, ou deux cousins, sur le siège derrière, écoutent eux aussi la musique de leur téléphone portable. La mère est assise sur le siège derrière moi et s’occupe de distribuer les vivres, un sachet de pomme pressée et un mini cake emballé pour chacun. Lorsque le train arrive à Auray, elle demande au petit frère de réveiller l’aîné « en lui faisant une caresse pour ne pas le brusquer ».

Dans le TGV pour Paris, un bobo qui lit Le Monde sur un siège parallèle face à moi est sans cesse sollicité par ses deux filles. La plus jeune a 8 ans, la plus grande 10 ans. Si la cadette fait très fille, l’aînée est un garçon manqué comme la Claude du Club des cinq. Fagotée d’un short de foot, d’un t-shirt vert pomme et d’un k-way rouge, elle porte des tongs. Je l’ai cru garçon avec ses cheveux blonds dans le cou, ses longues jambes nues et sa vêture foutraque, mais ses tongs sont roses et papa l’appelle Pépita. Lui casse la croûte avec une boite de sardines et une boite de thon. Il y a du pain et des crêpes, rien de plus. Les filles doivent s’en contenter ou « demander à Juliette », une amie, une tante ou une belle-sœur du wagon voisin, « si elle a du fromage ». Passe alors celui que le père appelle aussitôt « Cupidon chéri », un mignon petit blond de 5 ou 6 ans qui se prénomme en réalité Paul.

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Machu Picchu, la découverte

Nous remontons par le bus de 6 h dès l’ouverture du site. Nous ne sommes pas seuls, nombre de touristes font de même, en pèlerinage mondial sur ces lieux religieux qu’il « faut » voir. Mais le gros de la troupe n’arrivera qu’un peu plus tard.

Le site a été découvert surtout par hasard, et accessoirement par Hiram Bingham le 24 juillet 1911 (Juan qui affirme souvent n’importe quoi quand il ne se souvient plus nous dit faussement « 23 juillet 1912 »). Fils de pasteur, sénateur américain, Bingham enseignait à l’université de Yale. D’une curiosité insatiable en héritier de ce XIXe siècle qu’a si bien représenté Jules Verne, ce notable était littéralement fasciné par les Incas. Il n’était pas spécialiste du sujet, enseignant surtout l’histoire coloniale américaine, mais il aimait surtout jouer au sauvage – comme nous. Il part alors visiter le pays des Incas à dos de mulet. Il voulait retrouver les cités-refuges de Manco le rebelle, révolté en 1536 contre les Espagnols ce qui lui a permis de tenir jusqu’en 1572, date à laquelle le dernier souverain inca Tupac Amaru fut capturé dans la cité de Vilcabamba puis exécuté en place publique à Cuzco.

Hiram Bingham est envoûté par les régions qu’il explore en plusieurs expéditions. Il en a laissé une relation en 1930, republiée en français (La Cité perdus des Incas, Pygmalion 2008) pachacutec

1475

où il laisse percer son émerveillement, le même qui nous a touché ces derniers jours : « d’étroites et profondes vallées s’ouvraient à droite et à gauche surplombées par d’imposants nevados scintillant dans l’azur. »

Chaleur, serpents, végétation touffue, roche escarpée, ne l’empêchent nullement d’accompagner l’unique habitant du lieu, un aubergiste appelé Melchor Arteaga, qui lui propose d’aller voir des ruines « exceptionnelles » sur le pic d’en face. Après avoir traversé le pont d’Aguas Calientes (il n’y avait aucun village à cette époque), puis grimpé « une pente très escarpée pendant près d’une heure et demie » dans « l’air saturé d’humidité », il atteint « une petite hutte couverte de paille, à 600 m au-dessus de la rivière ».

Des Indiens désireux d’échapper à la conscription se sont réfugiés dans cet endroit peu accessible et cultivent d’anciennes terrasses fertiles. Etonnés de sa venue, ils lui offrent, ainsi qu’à son guide et au sergent qui l’accompagnait, « une calebasse d’eau fraîche » et des patates douces. Puis ils le confient à « un jeune garçon » pour le guider parmi les terrasses. « A peine dépassé le promontoire s’offrit à nos yeux un spectacle tout à fait inattendu – une grande volée de terrasses en pierres d’un très bel appareillage » que les Indiens venaient de libérer des grands arbres centenaires qui les recouvraient. « Il n’y avait toutefois pas de quoi s’enflammer ».

Il suit son jeune guide. « Nous venions de pénétrer à nouveau dans la forêt encore vierge lorsque soudain des vestiges de murs de la plus belle facture surgirent devant moi. » Tout à coup « le jeune garçon me montra, sous une énorme corniche en surplomb, un renfoncement revêtu de pierres taillées de la manière la plus exquise. Il s’agissait de toute évidence d’un mausolée royal. » Il a découvert un édifice semi-circulaire en fin granit blanc, le temple du Soleil. Cette fois il en « a le souffle coupé ».

Machu Picchu est née une seconde fois – Bingham croit avoir trouvé Vilcabamba. Cette dernière – on le sait aujourd’hui – est située à 150 km au nord-ouest. Machu Picchu est l’extrémité d’une longue chaîne de cités-forteresses qui jalonnent le cours de l’Urubamba depuis Ollantaytambo.

La cité fut édifiée tardivement par Pachacutec vers 1475. Il s’agit d’un ensemble administratif et militaire contre les incursions des tribus guerrières de la forêt. Machu Picchu n’avait rien d’un site ésotérique voué aux vierges du Soleil, ni d’un sanctuaire pour initiés.

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