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Pashupatinath

La nuit est bonne, mais pas le petit-déjeuner. Il comprend une omelette grasse, des crispies au lait d’un goût douteux, un café transparent… Brume et froid. Que ce paysage est humide ! Nous prenons le bus jusqu’à Pashupatinath, un complexe de temples au bord de la rivière Bagmati. Le soleil se lève et fait des effets de gloire avec la brume. Le complexe est construit partout, sculpté de dieux et de déesses sur toutes les faces.

pasupaninath singe au nepal

Le culte a lieu dans la rue. On se salue, on fait tourner inlassablement les moulins à prières, on sonne la cloche pour appeler le dieu ou éloigner les démons, peut-être les deux successivement, d’ailleurs. On touche la statue en trois endroits avec de la poudre vermillon. Enfin on se plaque un point rouge au milieu du front avec l’index, le tika. Fin de la cérémonie.

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Ici, tout est mélangé, la prière, les ablutions, la restauration. On se lave rituellement dans la rivière aux eaux paresseuses, sales de limon et de détritus divers – mais sacrée. Un sâdhu crasseux médite au soleil ; des enfants jouent ; des vieilles vendent des légumes assises par terre.

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Sur le ghât crématoire, devant le temple réservé aux hindous, une famille fête un petit garçon de six mois. Il s’agit de la cérémonie du « premier riz », l’âge où il est sevré et quitte le sein pour commencer à se nourrir de bouillies. On lui a fardé les yeux comme Cléopâtre, on l’a enveloppé dans un châle safran aux paillettes brillantes. Il est tenu dans les bras. Le père réalise une photo de famille. Les touristes que nous sommes en profitent pour attraper quelques images touchantes aussi.

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Sur les toits des temples et des petits stupas, des singes bondissent en bandes jacassantes. Avides et sans mémoires, ils sont la parfaite illustration de ces « foules démocratiques » selon Rudyard Kipling dans Le livre de la jungle. Je comprends ici pourquoi. Certains temples sont peints. Une sorte de yéti poilu, tout noir, exhibe son sexe et sa langue, tous deux roses. Un squelette lui fait face, tracé à la peinture rouge, un symbole en point d’interrogation inversé sur le bas ventre, comme une énergie qui se relève. Ganesh, statue de pierre, un peu plus loin, reluit de sang frais ; il paraît gras et satisfait.

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Pashupatinath est serré, crasseux, grouillant. Je ressens peu de sacré en ce lieu.

pasupatinath stupas nepal

Nous reprenons le bus sur la route défoncée. La voirie est en si bon état que le véhicule passe à côté des ponts ! Ils ne doivent pas être assez solides pour supporter son poids. Dans les virages, de grands coups de klaxon préviennent de l’arrivée du monstre : femmes, vaches et gosses, rangez-vous ! On traverse des villages typiques dont la vie se passe dans les rues, même un 30 décembre, comme aujourd’hui, dans le froid et l’humidité. Tara nous parle de temples. Elle a des expressions fleuries en français, comme « elle avait trouvé tous les moyens de faire sa crise », avouant d’ailleurs « je parle de mal en mal ».

pasupatinath au matin nepal

Au temple de Bairajogini, elle nous montre une sculpture de « marin monstre ». Ce personnage fantastique qui a arpenté toutes les mers du monde s’avère un gros cétacé, un monstre marin bien traditionnel. Pour accéder au temple, il faut monter à pied un interminable escalier. Une bande de gamins s’est mise à danser autour du bus. Un jeune nous accompagne quand nous sortons. Il parle anglais et s’appelle Rassendrar. Il a 16 ans, me dit-il. Il est gentil, bien vêtu, les traits réguliers, l’air d’un gamin grandi trop vite, pas très mûr pour l’âge qu’il donne, et je ne sais pas trop ce qu’il fait dans la vie. Des singes sautent partout de murs en murs, nourris le samedi par les fidèles. Le temple est leur demeure.

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Nous essayons le « trou des péchés », un rocher percé d’une lucarne où, si l’on parvient à passer le corps, on est purifié. Annie manque de rester coincée, mais Lily passe. Seuls les gamins n’ont aucun problèmes, ils sont purs d’office ! Un moine nous ouvre un petit sanctuaire dédié à un sage récent qui a reçu la foudre. L’autel est garni de gadgets en vitrine, une photo, des lampes à huiles devant elle, des fleurs, un plateau à offrandes rempli de grains de riz flanqués de quelques billets. Les cercopithèques, copains de Christine qui en a disséqué d’autres, s’épouillent et se chamaillent parmi les sculptures en bois des toits. Un peu plus bas, des fidèles accomplissent encore des sacrifices d’animaux à Kali. La déesse aime le sang. On peut apercevoir son rocher d’offrande, rouge et nauséabond et des restes de plumes sanglantes par terre.

pasupatinath nepal

Nous reprenons le bus, puis marchons un peu à pied, vers le village de Sakhu. Les boutiques sont ouvertes sur la rue, des enfants grouillent partout, des légumes sèchent à terre, des temples s’élèvent dans tous les coins. Ici, il y a des couleurs. Christine a une théorie sur notre déception à propos des couleurs du Népal, qui ne sont plus ce qu’elles étaient. Muriel Cerf a écrit son livre dans les années soixante-dix, au moment où l’occident ne s’habillait que de couleurs ternes, bien austères et bien bourgeoises (qui sont revenues dès le milieu des années 1990, d’ailleurs). D’où son étonnement de se trouver plonger dans cet appendice de l’Inde où les vêtements sont vifs et bigarrés. Aujourd’hui (1988), la mode d’Occident a adopté les mauves et les roses vifs rapportés par les ex-routards reconvertis dans la pub. Le contraste apparaît donc moins grand. Et les gens importent des jeans et des tee-shirts de l’Inde au lieu de s’habiller de tissus traditionnels, ce qui renforce la fadeur que nous percevons. Le raisonnement est séduisant.

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Nous montons au temple de Cangunarayan et pique-niquons juste avant de l’aborder, dans la montée. Le temple est superbe, en carré avec un sanctuaire central très sculpté. Des adolescents font de ce temple un but de promenade. Le site est beau, on y rencontre les autres. Nous descendons ensuite vers Jhankel, parmi les rues non pavées où s’affairent les locaux. En stop, nous empruntons la benne d’un camion qui passe, puis le bus nous rejoint et nous conduit à Bhaktapur.

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Daniel Devos, Coup de chaud à Rennes-le-Château

Un truculent roman empli d’histoire, de bonne bouffe, de sexe et d’aventures dans une région propice aux mystères. Nous sommes en effet en Corbières, autour de Rennes-le-Château, célèbre pour son abbé Saunière, devenu riche on ne sait comment. Du trésor des Templiers au saint Graal, nombreux sont les archéologues, les historiens locaux et les illuminés à avoir cherché, interprété, gratté… sans rien trouver que leurs fantasmes. La région est d’autant mieux connue que le sanctuaire contre « la fin du monde » (maya) s’érige à quelques pas, dans le village de Bugarach. Le 21 décembre 2012, on saura si cette 184ème fin du monde est la bonne ou encore une invention.

Daniel Devos, pseudo d’un prof qui a écrit aussi des ouvrages « sérieux » sur la fortification médiévale dans le midi de la France (dit-il en dossier de presse), se lâche dans ce roman picaresque et facétieux. Il engage toute une fine équipe régionaliste autour d’un prof qu’il nomme Christian Castel, double symbole du Christ (autour duquel tourne toute cette histoire) et des châteaux (dont la région cathare est fort pourvue). Vous avez Charles et Claude, Pépé et Gneu, le beau Alex (un bon Aryen), sans parler du Vieux, du Grand et de Kiki. Et les filles : Louise et Marion, fort « chaudes » en décolletés affriolants, quand ce n’est pas seins nus à se baigner dans les sources ferrugineuses – ou absorbées à leur besogne sous la table à « l’heure du biberon ». John et Penny, Anglais bios, assurent l’intendance au Presbytère, un gîte rural où l’on y mange très bien.

Les plaisirs de la chère ne cèdent en rien à ceux de la chair. Ce ne sont que pâté de Limoux, saucisse sèche de Foix, petits boudins blancs de Carcassonne, jambon cru d’Ariège, le tout agrémenté des mongettes de rigueur. Et bien sûr très arrosé, depuis l’apéritif jusqu’au digestif, en passant par les vins de tables. Vous saurez tout sur les Rivesaltes, muscats, Maury, Fitou, Corbières, Château Giscours, Rauzan Ségla, Saint-Julien… et sur la Blanquette (de Limoux).

L’histoire est habilement troussée et contée comme Rabelais. Vous avez un pays, une histoire, des traditions. Les chercheurs de trésor ne sont pas à la hauteur, entre bouseux avides, notables affriolés de tourisme, hippies vibrant aux énergies, pseudo-historiens du dimanche et illuminés ésotériques. Ajoutez une pincée de cailleras des villes et un complot arriviste interne à la télé. L’auteur n’a pas son pareil pour allécher le lecteur qui ne sait rien, ni du mystère ni de la région. Lui a tout lu sur le sujet, même l’écart du géopoliticien Alexandre Adler appelé Société secrètes – De Léonard de Vinci à Rennes-le-Château, comme en témoigne une allusion au « train qui peut en cacher un autre », signature radio du Je-sais-tout-sur-tout.

Mais c’est le livre ancien de l’abbé Henri Boudet, Sur la piste du trésor de Rennes-le-Château – La vraie langue celtique, qui fonde l’intrigue bâtie par l’auteur. Elle est fort bien écrite et rondement menée, jusqu’à la découverte finale… dont vous ne saurez rien. Le fil est une émission télé pour le prime-time, bien plus palpitante que Des racines et des ailes. Louise, diplômée supérieure de com, engage Marion la « monteuse » pour actionner caméra et membres de l’équipe masculine. Engins bien en mains, la quête se fait en live et débouche sur quelques moments chauds du spectacle.

C’est écrit avec raillerie plutôt qu’humour. On reste dans la blague émoustillée, un peu sud-ouest, plutôt macho – bobotes parigotes et féministes écolotes s’abstenir, l’auteur est redoutable aux faiseurs. Mais plus de gueule que d’actes, « Je suppose que c’est la vie en société. Une grande dose de refoulement, un peu d’hypocrisie et le reste en fantasmes. C’est comme ça qu’on peut tenir… » p.376. C’est ce que l’auteur fait dire à son double Castel, « le prof ». Alors ne pas « se choquer » pour si peu, avec cette affectation politiquement correcte tellement tendance sur les blogs et les réseaux… Nous sommes dans la vraie vie régionale, aux particularités ancrées : le vin, la chasse, la fête, les filles (dans cet ordre). Avec son humanité de partage, d’amitié entre hommes, de tendresse envers les femmes et d’érotisme campagnard pour tous. Un roman qui vous laisse un bon goût de terroir, de chatte et de mystère, une grande envie d’aller visiter cette région attachante et ceux qui la peuplent.

Avec en prime cette description du sanctuaire censé échapper à la fin du monde : « A la sortie d’un long virage, le val de Bugarach apparaissait dans toute sa splendeur. Qui l’a vu peut mourir heureux ! La vaste dépression est encadrée de montagnes couvertes de forêts. Des lames verticales de rochers calcaires brillent au soleil. Dans un concert de verts, de jaunes et de rouges, des colliers de rouleaux de foin sont abandonné dans les prés. Le village de Bugarach occupe le fond de la cuvette. En point de fuite, la rivière Blanque creuse ses gorges vers les lointains de Rennes-le-Château et de Rennes-les-Bains » p.37.

Si m’en croyez, lisez ce livre, l’un des plus heureux de l’éditeur lyonnais loin des afféteries germanopratines !

Daniel Devos, Coup de chaud à Rennes-le-Château, 2012, éditions Baudelaire, 449 pages, €23.75

Le lecteur tant soit peu lettré s’effrayera de la quantité de fautes de français du livre. Abandons et lâchetés de l’Éducation nationale, l’auteur sait écrire « connard » sans oublier les deux n et le d, mais bute sans cesse sur les expressions classiques. Inventaire non exhaustif (mais qui est déjà trop) – à corriger dans une édition ultérieure :

  • p.12 « C’est un garçon délicieux. Tellement intentionné » – attentionné serait tellement plus juste !
  • p.39 « une pose à Bugarach » – une pause ferait nettement plus vrai
  • p.46, p.219, p.441 « nous avions convenu » – nous étions convenus est la seule façon correcte
  • p.50 « une émotion bien compréhensive » – (pauvre bête…) plus compréhensible serait plus compréhensible au lecteur
  • p.94 « nous gouttâmes quelques minutes de repos » – comme une vulgaire flotte ? ou du verbe goûter, donc « goûtâmes » ?
  • p.124 « cargollade » – pourquoi deux l à la cargolade ? Surtout en catalan, les ‘ll’ se prononcent non le mais lieu… Or il s’agit justement du plat d’escargots régional grillés aux sarments de vigne
  • p.124 « habeam papam » – nous avons un Pape se dit habemus papam en vrai latin
  • p.158 « faire pâte de velours » – pour enfourner la tarte ? la patte de velours est en référence au chat…
  • p.180 « chemin de piste » – les scouts disent jeu de piste, c’est plus réaliste
  • p.241, p.259 « le grés » – pour le grès (roche siliceuse)
  • p.264 « Pépé était prés à leur rentrer » – comme une vache rêvant à l’étable ? prêt, comme le scout toujours prêt, serait mieux venu
  • p.274 « en signe de bienvenu » – comme il s’agit de la ‘bien venue’, le mot prend un e à la fin
  • p.276 « source d’eau ferrugineuse acidule connue » – acidulée ?
  • p.320 « entre de bonnes mains » – en de bonnes mains est plus cohérent car « entre », on ne voit pas comment saisir…
  • p.331 « permettait le déclanchement » – déclenchement avec un e
  • p.416 « chinter » – shunter ?
  • Sans parler, un peu partout de l‘inévitable „ballade“ avec deux l, qui ne marche pas mais se braille… Se balader avec un baladeur lors d’une balade – tout cela ne prend qu’un seul l !
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