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Sophie Chauveau, Diderot ou le génie débraillé

Né en 1713 et mort en 1784 à 71 ans, Denis Diderot, fils d’un coutelier prospère de Langres, est l’un de ceux qui ont marqué son siècle juste avant la Révolution. Il se débat dans l’Ancien régime finissant où le père garde son fils mineur jusqu’à 25 ans et peut le faire enfermer si son futur mariage lui déplait, où le roi use de lettres de cachet pour embastiller quiconque profère des propos séditieux, où l’Eglise tonne et censure en jouant sur l’angoisse de l’au-delà…

Sophie Chauveau cueille le personnage à l’âge de 15 ans lorsqu’il se prépare nuitamment à fuir pour Paris où l’attend le Savoir. Il est empli de cette curiosité insatiable et d’un appétit de la vie gargantuesque qui le façonne déjà grand et fort, brassant la vie à grands gestes. Il a avoué à sa sœur chérie Denise, de deux ans sa cadette, qu’il n’est plus garçon mais désormais homme, ayant convaincu une putain de son âge de le déniaiser pour aborder la capitale. Mais les adieux traînent et sœurette le retient ; Diderot sera toujours perdu par les femmes. La fille légère n’a pu s’empêcher de jaser sur ce joli éphèbe si naïf et confiant ; le père l’a su et attend son moment. Pourtant Denis part, après un conseil de famille où il a réussi à convaincre son monde de l’envoyer étudier à Paris ; Diderot saura toujours convaincre de la voix et du geste, tout entier à ce qu’il fait, corps et âme.

Il entre donc chez les jésuites où il apprend la raison, puis part en face chez les jansénistes leurs ennemis, après avoir été humilié du fouet cul nu pour avoir toisé un La Tour du Pin à particule, son condisciple. Il devient bachelier mais il n’est pas satisfait ; papa lui permet de poursuivre et il atteint le grade de docteur en théologie. Va-t-il prendre la cure que lui a réservé son parent l’évêque de Langres ? Que nenni, la religion le débecte, il renie ses dogmes absurdes et sa contrainte par la terreur sur les âmes, ses mots lénifiants et insignifiant lorsqu’un proche meurt – comme sa seconde sœur Catherine.

Il repart à Paris mais sa famille lui coupe les vivre, il devra se débrouiller de ses désirs selon ses possibilités. Il fréquente les cafés, les artistes, fait de petits boulots, jongle avec la dèche. Il est sans cesse amoureux, des femmes comme du savoir qui passe. Il est « trop » en tout, toujours excessif dans la bouffe, la baise, le discours. Il ne sait pas jouer au plus fin, enrober son discours, dissimuler ce qu’il croit. Il faut qu’il assène, qu’il fasse du tapage, qu’il choque au plus fort. Il s’entiche d’une potiche couturière et veut la marier ; son père le refuse et le fait enfermer. Il s’évade et épouse. Ses deux premiers enfants, une fille puis un garçon meurent très jeunes. Seule la troisième survit, Angélique, qui le fera grand-père d’une fille… qui meurt à 11 ans d’une mauvaise toux, et d’un petit-fils qu’il n’aimera guère. Il adore les femmes mais peu les hommes, sauf ceux qui, comme Rousseau, ont de la femelle en eux.

Rousseau, justement, dont il est devenu l’ami en 1741, comme si ce pleurard infantile genevois pouvait avoir des amis ! Paranoïaque et méchant, le Jean-Jacques distillera son fiel dans ses Confessions, alignant mensonges et demi-vérités sur tous ceux qui l’ont pris un jour en considération. C’est pourtant Diderot qui, enfermé au fort de Vincennes, inspirera ce Discours sur l’inégalité parmi les hommes qui rendra le Rousseau célèbre en 1755 ; Diderot qui l’introduira auprès de Louise d’Epinay, auteur d’un traité d’éducation où elle expose ce qu’elle a vécu avec ses propres enfants et que Rousseau pillera allègrement pour bâtir son Emile – lui qui a arraché un à un les cinq enfants qu’il a eu de Thérèse sa maîtresse pour les confier à l’assistance. L’infantile ne voulait pas de concurrence auprès de sa maman !

Denis Diderot est fidèle en amitié, il aime aimer, mais il est souvent trop envahissant. Ses amis le mettent parfois à distance, d’Alembert, Grimm ; d’autres le gardent éloignés, Voltaire, Catherine II impératrice de Russie ; de plus jeunes s’inspirent de ses principes de théâtre comme Beaumarchais, ou de sa philosophie comme l’abbé Raynal, mais font sans lui ou s’abandonnent à sa plume. Il n’y a pas de demi-mesure avec Diderot.

Il commence par des traductions de l’anglais, se lance dans le théâtre sur l’exemple italien pour moderniser la scène française, car il a appris les deux langues avec son obstination et sa boulimie habituelle. Il rédige des textes anonymes ou fait passer ses propres idées dans ses traductions. Ce qu’il publie sous son nom lui vaut les foudres de la censure et l’internement à Vincennes. Il se repend, se trouve élargi, et se lance dans le projet du siècle qu’est l’Encyclopédie, sur un exemple anglais de bien moindre envergure. Il en sera le directeur et devra jouer avec la censure et composer avec les auteurs, rédigeant lui-même nombre d’articles. Cet immense travail l’occupera des décennies et le mettra sous le feu des projecteurs, l’empêchant d’écrire une œuvre et surtout de livrer au public éclairé ce qu’il sent. Le judicieux conseil de Voltaire de publier à l’étranger, comme lui, n’atteint pas Diderot : dans son excès en tout, il manque grossièrement de bon sens. Il est resté ce gueux monté de Langres qui ne sait ni se retenir ni se tenir, habit râpé, chemise ouverte, braillant et gesticulant, gros mangeur, gros baiseur, sans aucun raffinement – pas même celui de l’esprit. Il est intelligent mais socialement limité. Ses Bijoux indiscrets sont une pochade d’étudiant, sa Religieuse un pamphlet vengeur pour la mort de sa sœur, ses autres œuvres des dialogues pétillants mais pas suffisamment approfondis.

Sophie Chauveau a une particulière tendresse pour Le neveu de Rameau, dont elle fait une clé de la psychologie de Diderot. Ce neveu décati du grand musicien serait la part d’ombre de Diderot, son mauvais génie, sa vérité au fond. Il n’aura de cesse de reprendre et de peaufiner ce livre qui représente ce qu’il est, une personnalité partagée, trop à l’étroit dans un seul esprit et dans une seule vie. Il est pourtant casanier et n’a pas vu la mer avant l’âge de 60 ans, il répugne à aller remercier à Saint-Pétersbourg Catherine la Grande qui lui a acheté sa bibliothèque et lui sert une rente pour l’entretenir, ce qui lui offre pleine liberté. Lorsqu’il s’y rend enfin, il s’entend bien avec la souveraine mais ne veut pas comprendre qu’entre les idées et la réalité existe tout un monde, que la philosophie ne fait pas la politique et qu’il faut du temps pour que la volonté oriente un peuple. Il est contre les despotes, même éclairés, mais ne voit pas la transition possible ; il est contre les religions et les infâmes mais son matérialisme athée ne peut passer si vite en son siècle. S’il a déclaré un jour qu’il fallait pendre les rois avec les boyaux des curés, c’était lors d’une facétie de fêtard dite en vers et plus subtilement.

Les babouvistes et les marxistes en ont fait l’un des leurs, à tort parce que la Terreur et la dictature sont despotiques et que Diderot est avant tout contre les despotes. Mais le mal était fait et Voltaire l’esprit comme Rousseau le cœur l’ont emporté dans les inspirations révolutionnaires des Français. Diderot prisait fort la Déclaration d’indépendance américaine, il n’aurait pas suivi Robespierre. Il a eu le mauvais goût de disparaître cinq ans avant 1789, usé de bouffe, de vin et de baise, n’ayant jamais su se modérer pour durer. Ni publié l’essentiel de son vivant.

Malgré un style parfois à la limite du parlé et dont certaines phrases sont bancales, cette copieuse biographie se lit avec passion. Car l’auteur sait communiquer son plaisir pour cet homme excessif, enthousiaste de la vie, emporté de curiosité. Nul ne lira plus les œuvres de Diderot de la même façon après avoir galopé avec lui dans ce livre.

Sophie Chauveau, Diderot ou le génie débraillé, 2010, Folio 2011, 567 pages, €8.90

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Cartes de vœux

Nous avons changé d’époque, en voici encore un indice : les cartes de vœux.

Au début des années 2000, j’en envoyais à chaque fin d’année une vingtaine. Il n’y avait que très peu de téléphones mobiles et encore moins d’Internet.

Huit ans plus tard, c’était fini : les courriels et les textos avaient remplacé près de neuf envois sur dix. Il était même très snob d’envoyer des bons vœux dès le 1er janvier à zéro heure une minute de n’importe où – jusqu’à cet embouteillage qui a mis fin à la mode.

Aujourd’hui, huit autres années plus tard, c’en est quasiment fini des souhaits de bonne année : si vous n’en envoyez pas, vous n’en recevez aucun. J’ai fait le test.

Les Anglo-saxons, Américains, Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais et Anglais, en envoient toujours : mais la niaiserie française est de n’adopter jamais le meilleur des modes anglo-saxonnes mais le pire (les cadenas d’amour « pour la vie » qui dure jusqu’au divorce imminent, la fête des citrouilles en guise de halle au vin – prononcer allo ouine – la fête des mères, des pères, des maîtresses, des anniversaires, des happy ci ou ça).

Nous pouvons constater, banalisation et habitude aidant, une moindre utilisation des nouveaux jouets technologiques avec les années. Ils deviennent des outils et moins des jouets, des usages courants et moins des exceptions de branché. Ils remplacent sans espoir de retour la succession de tâches fastidieuses qui consistait à trouver de bonnes cartes de vœux, à acheter le bon format d’enveloppe, à acquérir des timbres au bon tarif (les augmentations s’effectuant justement au 1er janvier), à mettre à jour le carnet pour avoir les bonnes adresses, à écrire un mot personnalisé voire un bon mot, à prendre le temps d’aller à la poste – et enfin de prier pour qu’il y ait ni grève, ni je-m’en-foutisme administratif et que « le contrat » de faire parvenir le courrier partout en France en 48 heures soit bien respecté.

Plus rien de tout cela : il suffit d’allumer l’ordinateur.

Je ne suis pas un nostalgique du passé mais je réfléchis au changement qui intervient.

Hier, la cérémonie des vœux était un moment de silence dans une soirée. Comme un recueillement. On pensait aux amis en choisissant la carte et en préparant les mots dans le silence de la plume et le soin de l’écriture à l’encre.

Aujourd’hui, tout est standardisé et raccourci : pas de longs discours en courriels, quelques phrases seulement, encore plus bref en tweet ou en texto – d’où le besoin du téléphone pour appuyer le message parfois auprès des proches. Mais tout cela avec des phrases moins longues et des idées plus courtes, une expression moins réfléchie et plus spontanée. Un immédiat peut-être plus sympathique mais plus superficiel. Hier, on gardait les cartes de vœux, elles donnaient des nouvelles ; aujourd’hui, on jette à la poubelle numérique les tweets, textos et courriels, ils ne disent que des banalités.

C’est ainsi que la vie va et il est vain d’en regretter le cours. Je n’ai envoyé qu’une seule carte cette année, à des plus vieux que moi qui, jamais, ne se mettront à Internet. Pour le reste, la préséance de l’âge traditionnelle m’a fait attendre des plus jeunes que moi un geste : il n’en a rien été. A l’exception des plus proches pour cause d’affection, d’amis chers soucieux de prendre des nouvelles, de rencontres fortuites dans la rue et de deux courriels intéressés à demander quelque chose, tout en souhaitant accessoirement une bonne année.

L’usage est donc de balancer l’envoi des vœux comme non pertinent de nos jours dans les relations sociales « mélangées » de nos cultures « métisses » d’un monde « globalisé ». Puisque cela ne se fait pas partout sur la planète, il serait dominateur de le faire, au risque de choquer les musulmans, les juifs, les hindous, les chinois, les bantous, les inuits et « nos amies les bêtes » – dont aucun n’envoie de vœux. Il est donc politiquement correct de s’abstenir. Une fois de plus. Quand le climat se réchauffe, les relations humaines se refroidissent.

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Décrypter l’information

Véhiculer telles quelles les images et les arguments des autres, ce n’est pas de l’information. C’est soit de la naïveté de foule, soit de la désinformation.

L’information est une suite de faits établis, issus de sources fiables, vérifiés par recoupements et analysés dans leur contexte.

L’information est un travail de professionnel – un métier. Il est pratiqué par les bons journalistes, mais pas seulement. Il est pratiqué aussi tous les jours par les chercheurs, les professeurs d’université, les diplomates, les services de renseignement et les gouvernements, les économistes spécialisés en intelligence économique, les stratèges boursiers, les décideurs des grandes entreprises, comme par tous ceux qui, non professionnels, s’intéressent à un sujet sans a priori – en bref par tous ceux pour qui une information précise, vérifiée et rapide est vitale.

La naïveté de foule est, pour l’individu, de suivre sans réflexion « ce qui se dit ». Il s’agit de véhiculer l’opinion commune, juste pour paraître comme tout le monde, dans le vent. Cette naïveté est très proche de « la bêtise », si bien analysée par Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues, comme par Nathalie Sarraute dans Disent les imbéciles.

La désinformation est le contraire de l’information.

Elle est donc de présenter pour « vrais » des faits hypothétiques ou déformés, issus de sources obscures, non vérifiés et sortis absolument de leur contexte. La désinformation s’apparente à la rumeur.

Or la rumeur est un mode de pensée magique qui reflète un climat social et projette sur un bouc émissaire une angoisse collective. Une pensée magique est une pensée sortie absolument de l’histoire, un fixisme des « essences » à la manière de Platon dans le mythe de la caverne. Les faits ne se produisent pas ici et maintenant mais sont l’archétype de faits éternels qui se reproduisent mécaniquement, quel que soit le contexte. Ainsi le Traître, l’Ogre, le Cheval de Troie, le Complot…

Nul besoin alors d’analyser avec précision ce qui s’est produit le 11 septembre 2001 à 9h03, ni d’enquêter pour vérifier et recouper – il suffit de partir à l’envers. Évoquer le Mythe lui-même, comme certains invoquent le Diable, fait apparaître une structure logique, immédiatement compréhensible, à laquelle tous les petits faits viennent, comme miraculeusement, s’agréger. Hélas ! Il ne suffit pas d’être « logique » pour être « vrai »… Une logique peut être délirante lorsqu’elle part de prémisses fausses ou déformées. Elle est alors proprement « paranoïaque ».

Croyance intime ou volonté de vendre et se faire mousser, nombreux sont les « événementistes », qui mettent en scène leur propre personne pour se faire ainsi reconnaître via le net. Car Internet a amplifié ce phénomène : il suffit de peu de moyens et d’un peu de temps libre pour créer l’illusion d’une vraie « presse en ligne ». Mais les artifices de mise en page ne remplacent nullement le professionnalisme, ni l’unique rédacteur le garde-fou d’une véritable équipe de rédaction.

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Comment analyse-t-on une désinformation ?

Il faut procéder comme l’ont fait Marx, Nietzsche, Freud ou Foucault : en faire la généalogie. Pour remonter à la racine de la mise en scène de théâtre, présentée comme « information », il faut se poser les questions habituelles à tout enquêteur :

  • à qui profite le crime ? Ledit crime étant la désinformation présentée comme « vraie »
  • qu’est-ce qui a poussé le criminel ?
  • quels sont les ressorts dont il a joué pour réussir son crime ?

La désinformation, en présentant comme paradoxale l’information officielle, attire l’attention. Quoi de plus efficace dans une société tout entière remuée par les médias ? Exister, c’est apparaître au public, donc produire un choc. Soyez serial killer, terroriste de masse, chanteur mignon, footeux gagnant ou politicien béni par les sondages – vous paraîtrez à la télé. Et comme disait le bon Dr Goebbels – expert en la matière – « plus c’est gros, plus ça passe ». Tel est le ressort profond de la propagande. A qui profite le crime ? – Mais à celui qui le commet, bien sûr, lorsqu’il s’agit de désinformation.

Le mauvais journaliste qui veut se faire reconnaître par la société a donc intérêt à choquer l’opinion pour émerger. A fortiori celui qui n’est même pas journaliste, ni historien. L’auteur de la vraie-fausse info agit tout comme le psychopathe qui joue avec la police. Qu’est-ce qui a poussé le criminel ? – Mais le désir d’être reconnu, d’avoir son « petit quart d’heure de célébrité » dans la lucarne du village global, comme le prédisait McLuhan.

Une opinion, quelle qu’elle soit, trouve toujours des relais dans le public, notamment via ses fantasmes.

Le ‘Canard Enchaîné’ du 3 avril 2002 écrivait avec son ironie habituelle : « Futurs auteurs de best-sellers, voici donc la recette imparable : identifiez un événement qui a frappé l’imagination des foules, décortiquez les mensonges officiels (car il y a toujours, évidemment, dans les vérités officielles, des lacunes, des arrangements, des paradoxes, des dissimulations), et remplacez-les par un gros bobard que vous aurez trouvé sur Internet. C’est facile, il n’y a qu’à se baisser ! » Ensuite, il suffit de raisonner juste… sur la base d’informations fausses. C’est bien le propre de la logique paranoïaque. Tout est bon à la propagande, même le mensonge, s’il paraît « logique ». Quels sont les ressorts dont il a joué pour réussir son crime ? – Mais la structure de la société de l’information elle-même, et la fierté nationale ou sectaire, toutes deux amplifiées par Internet !

Ce pourquoi méfiez-vous des rumeurs sur Facebook, des fausses informations du Réseau Voltaire et de tous gens qui écrivent sur les sites non professionnels comme Agoravox qui n’énonce pas que des faits vérifiés. Méfiez-vous des fantasmes de Complot mondial (évidemment juif), fomenté par (évidemment) la CIA, financée (évidemment) par le complexe militaro-industriel de la Trilatérale. Et pourquoi pas le Diable, tant que vous y êtes ? Trop « d’évidences » ne signifient pas vérité mais, au contraire, sophisme !

Jean-Noël Kapferer, Rumeurs
Pour décrypter la désinformation, le site Hoaxbuster
En français Conspiracy Watch
Prevensectes
Pour lire les sophismes

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Jusqu’où faut-il accepter la différence ?

Le voile intégral, étendard islamique affirmé (à l’inverse du voile de mode islamique), est interdit par la loi dans l’espace public en France depuis 2011 : environ 1600 verbalisations ont eu lieu en 5 ans selon Metronews… mais 78% de moins en 2015, année pourtant où des attentats inouïs ont eu lieu ! Non seulement le terrorisme musulman frappe, mais la loi est ouvertement bafouée comme si la société se couchait devant la menace. Le militantisme religieux, dans un entourage agressif, décourage les policiers et inhibe la hiérarchie. Le Mouvement pour la jeunesse et le changement de l’Algérien Rachid Nekkaz se vante de faire payer les amendes par son parti : ce qui a été pénalisé pour Dieudonné serait-il permis à Nekkaz ? cette « ingérence intérieure dans les affaires d’un pays souverain » serait-elle autorisée à l’Algérie en France et pas à la France en Algérie ? La publication par Le Monde de la corruption Bouteflika a engendré une réaction unilatérale des autorités qui n’a pas sa réciproque avec l’activisme Nekkaz.

Pendant ce temps, l’islam de France se tait, ou parle à bas bruit. Les intellos grimpent au rideau de l’islamophobie ou évitent le sujet (comme les études) de peur de se faire mal voir du politiquement correct qui règne à l’université. « Beaucoup de Musulmans ont du mal à dire ‘je’ », à s’affirmer comme individu en-dehors de la communauté, explique Soufiane Zitouni, auteur des Confessions d’un fils de Marianne et de Mahomet sur Europe 1 (Club de la presse 7/4/2016). Pour lui, l’UOIF, émanation des Frères musulmans égyptiens, crée écoles et lycées où l’antisémitisme est enseigné par des barbus, où certains profs font la ségrégation des filles et des garçons dans leurs classes et où Averroès n’est même pas dans la bibliothèque du lycée qui en porte le nom. Même si le programme de l’Éducation nationale est « globalement » enseigné, les valeurs républicaines et les mœurs françaises sont bafouées ouvertement – sans que personne (notamment « à gauche » s’en émeuve).

coeur de chair

La « diversité » signifierait-elle qu’il existe de « plus égaux que les autres » au regard de la loi ? Ou que la loi est imbécile, élaborée par des ignorants qui ne savent pas ce qu’ils préparent ? Le multiculturalisme va bien quand il s’agit de la marge : on s’enrichit de la culture des autres. A condition que la nôtre n’en soit pas déboulonnée par une discrimination positive qui dévalorise tout ce qui est occidental pour survaloriser tout ce qui est musulman. Au nom de quoi ? de la repentance ? Faut-il ignorer l’esclavage islamique dans l’histoire pour ne parler que de la traite atlantique ? Faut-il ignorer les razzias d’enfants sur les rives nord de la Méditerranée pour fournir les harems des sultans, le corps des Janissaires et les esclaves des Barbaresques ?

L’islam a à voir avec la violence et le terrorisme, dans la mesure où cette religion exige la théocratie et qu’elle s’appuie sur un corpus de textes sacrés qui ne sont pas critiqués. Il suffit de lire le Coran pour voir appeler au meurtre de tous les mécréants, ce qui n’existe dans aucune autre grande religion. La férocité religieuse en terre d’islam n’est pas exceptionnelle, loin de là. Il est même fait obligation du djihad, et si certaines interprétations cantonnent ce combat au spirituel, elles sont loin d’être majoritaires. L’islam appliqué par des pays tels l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Pakistan, l’Iran montrent combien les femmes sont des choses, les mineurs présumés « gais » pendus en Iran, les fillettes mariées et consommées dès 9 ans, la main des voleurs coupée…

Résister à ces manifestations étrangères à nos mœurs, à notre culture et à notre histoire est une décence élémentaire. Va-t-on s’exhiber seins nus sur les plages d’Alger ? Boire de l’alcool en public à Djeddah ? S’embrasser dans la rue à Islamabad ? Pourquoi ce qui est légitimement interdit ailleurs pour ne pas choquer les mœurs et la culture locale serait-il permis ici par les gens qui se revendiquent d’ailleurs ? D’autant qu’ils le font par provocation, pour manifester leur rejet, leur haine de l’Occident des « perversions et des abominations », comme il est dit dans les messages des plus intégristes. Absolument pas par « universalisme », comme ce fut le cas lors de l’affaire Dreyfus. « Lutter contre le racisme, c’est défendre l’universalité de nos valeurs, l’unité du genre humain. A l’exact opposé de l’offensive antirépublicaine actuellement à l’œuvre », rappelle Alain Jakubowicz, Président de la Licra dans Libération.

La question de qui nous sommes et de qui nous acceptons, selon quelles conditions universalisables, est la prise de conscience – bien tardive – qu’une société n’est pas un contrat de pure forme mais une existence en commun.

couple haine Mad Season

Quand le commun s’efface au profit de communautés qui se ferment, nous avons le droit de ne pas l’admettre et de l’exprimer haut et fort, y compris dans les urnes si les élites ne le comprennent pas. L’ouverture à l’autre dépend de l’autre – et de sa réciprocité : nulle ouverture ne dure bien longtemps si elle reste à sens unique ! Il faut vouloir vivre ensemble, y avoir un intérêt mutuel – ou être rejeté légitimement si l’on manifeste son refus. L’immigration massive, les ghettos des quartiers, les trafics qui font régner l’omerta, transforment les individus en blocs identitaires. Pourquoi persister à le nier ?

Les musulmans ne sont pas « par essence » différents et fermés, ceux qui se revendiquent salafistes (intégristes des textes d’origine) choisissent de le devenir, souvent à la deuxième ou troisième génération ; les convertis garçons et filles s’enferment dans la bande et la croyance, c’est leur choix. Toutes les cultures sont d’égale dignité. Mais nous vivons dans un pays où nous devons demeurer ensemble. Chacun doit donc y mettre du sien, même si l’économie va mal, le chômage touche plus les jeunes et encore plus les minorités visibles, que l’Éducation nationale a démissionné dans les « quartiers ». Bien sûr qu’il faut du social et de l’investissement. Mais si la croyance compense dans l’au-delà les frustrations par le martyre, elle ne saurait s’imposer à tous, ni par la provocation, ni par les armes. La loi est la règle commune, elle sépare les églises et l’État, et assure l’égale condition des hommes et des femmes, tout en protégeant l’enfant jusqu’à sa majorité. Pourquoi devrions-nous admettre la revendication théocratique, le rejet des lois non admises par la religion, la ségrégation des sexes et la consommation sexuelle dès 9 ans ?

L’idéologie libertaire où chaque désir doit être comblé et chaque caprice assouvi n’est plus acceptée (si d’ailleurs elle l’a jamais été) – surtout si elle va à l’encontre des désirs des autres. Les lois et les mœurs ne sont pas intangibles, elles évoluent, mais pas de force. L’exhibitionnisme identitaire n’est pas plus tolérable à l’extrême-droite qu’à l’extrême-islam. Ces jusqu’au-boutismes rejettent tous deux les Droits de l’homme et les Lumières. A trop tolérer les frasques salafistes, on risque de se retrouver avec une réaction fasciste – ce ne serait pas la première fois que les élites auraient failli.

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Déchéance de nationalité ou déchéance de la politique ?

« François Hollande m’a beaucoup déchu » est ce qu’aurait pu dire la Madame Michu socialiste depuis 1936 – si ce n’est que la profession populaire de concierge a disparue du parti depuis longtemps. Le think-tank socialiste Terra Nova proposait en 2011 de changer de peuple, puisque les ouvriers et employés délaissaient le PS (on se demande pourquoi…) pour de se recentrer sur les bobos (en général fonctionnaires surtout parisiens) et les minorités ethniques, sexuelles ou du « genre » (qui n’existe pas chez les anthropologues mais qui existe dans les têtes). Cet électorat particulier tient aux particularismes des « droits » – mais compense en surenchérissant sur la Morâââle universelle pour jouer au collectif.

Il en est ainsi de la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour faits graves de terrorisme.

L’inscrire « dans la Constitution », reprendre « une proposition de l’extrême-droite », s’appuyer en populiste sur les sondages d’opinion post-attentats particulièrement remontés contre la guerre de l’islam djihadiste contre la civilisation occidentale, se poser en Président au-dessus de TOUS les partis (dont le sien) – tout cela peut heurter le socialiste moyen ; tout cela sent la magouille électorale à la Mitterrand à un an et quelque des élections présidentielles, dont François-le-Petit (Patrick Rambaud) aime à suivre les traces florentines – « la bibliothèque en moins »…

Mais sur le fond, sur le long terme, sur l’intérêt national – en quoi cette mesure devrait-elle « choquer » le bon sens ?

consequences decheance de nationalite

Les terroristes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. Les gauchistes qui voulaient renverser le Système n’étaient pas en guerre contre leurs compatriotes, ils voulaient changer la vie et les rendre plus libres. Cela ne les excuse en rien, mais il étaient différents des islamistes qui veulent étendre la charia au monde entier ET font du djihad une obligation coranique. La voix même d’Allah exigerait – selon eux – la guerre de l’Oumma contre Dar al islam,  ne s’arrêtant que lorsque le dernier mécréant aura été égorgé par le dernier croyant.

Il ne s’agit donc pas d’options politiques mais de guerre de civilisation.

Je le reconnais, tous les Musulmans ne se sentent pas concernés, beaucoup interprètent le Coran moins comme un Commandement à suivre à la lettre que comme un Code de conduite pour guider les hommes vers la lumière (et laisser les femmes dans leur obscurité native). Mais « les terroristes » qui massacrent au couteau, au hachoir, à la kalachnikov, aux explosifs sont des djihadistes au sens littéral prôné par le Coran – parole d’Allah et obligation du croyant. S’il s’agit d’une dérive de l’islam vers une interprétation sectaire, le support en reste le texte qui est le même pour tout le monde. Aux musulmans, donc, de faire comme les chrétiens et les autres religions : relativiser le texte dans son contexte. C’est leur responsabilité. La stratégie de l’État islamique est bel et bien d’instaurer la guerre civile dans ce ventre mou du monde mécréant qu’est l’Europe, empêtrée dans son humanisme bêlant démocrate et chrétien, dont la tolérance confine parfois à la bêtise (pour les agressions sexuelles en Suède, à Cologne, en Finlande – il est vrai cantonnées aux femmes, cela pourrait-il « expliquer » cette indulgence ?).

Contre cette paranoïa islamique chaque société a le droit de se défendre, chaque État le devoir de protéger sa nation, chaque peuple le droit de demander des comptes à ceux qu’il a élus.

Pourquoi la déchéance de nationalité ferait-elle problème, dans l’arsenal multiple qui est mis en place ?

Decheance de nationalite carte du monde AFP

Les arguments des gens de gauche et des moralistes de droite sont souvent de mauvaise foi, « combat d’idées, où s’affrontent les principes, et dont les faits sont soigneusement tenus à l’écart« , suppute un analyste. Malgré cette « polémique à la française » aussi excessive que futile, il est bon que le débat existe – cela s’appelle la démocratie. Les plus habiles passent de la morale au juridique, étayant leur refus intuitif par des arguties qui ne tiennent pas, puis reviennent à la morale quand cela les arrange. Le Conseil constitutionnel a tranché en 1996 : « que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ».

Je voudrais d’ailleurs que l’on m’explique en quoi le fait d’être binational serait une condition « plus précaire », voire « inférieure » à la nationalité simple. Y aurait-il pour la gauche de « plus égaux que les autres » ? On peut avoir la double nationalité par défaut, sans l’avoir demandé, comme les Marocains nés en France. On peut choisir la nationalité de la France où l’on a été élevé ou bien lorsqu’on y a résidé plus de dix ans, ou encore par mariage – tout en conservant sa nationalité de naissance. On peut demander une nationalité supplémentaire (israélienne, allemande, etc.) bien que né français, si l’on y a quelque droit. Comme on le voit, la double nationalité est une liberté supplémentaire, la plupart du temps choisie volontairement.

Ce choix volontaire d’adhérer à une société (droit du sol) plutôt que d’y être contraint par les déterminismes biologiques (droit du sang) est une valeur de la République. Elle a été chantée par Ernest Renan en des termes sans équivoque. Mais c’est justement parce que l’adhésion est volontaire qu’elle peut être réversible. Le Contrat social est un contrat : qui le rompt unilatéralement doit en supporter les conséquences qui sont – comme dans tout contrat – la perte de tous les avantages consentis.

Allons-nous pleurer – avec ces bobos parisiens nantis bien au chaud dans leurs quartiers protégés des « aliens » – sur la perte de tous les « droits » (RMI, CMU, allocations familiales, aide au logement…) qui reviennent aux terroristes comme à tous citoyens ? Qui tue ses propres compatriotes doit s’attendre à être exclu de la communauté.

Malgré les bobos médiatiques dans la surenchère inepte : Hollande = Pétain (Edwy Plenel), Hollande = Hitler (Henri Leclerc). Les révolutionnaires en 1791 n’ont-ils pas déchu de la nationalité les émigrés aristos ? Les républicains de 1848 n’ont-ils pas déchu de la nationalité ceux qui persistaient à poursuivre l’esclavage ? Le Front populaire n’a-t-il pas déchu de nationalité les convaincus de haute trahison ? Le gouvernement issu de la Résistance sous de Gaulle en 1945 n’a-t-il pas déchu les collabos ? Mais, sauf pendant la Révolution, après débat judiciaire, condamnation par un tribunal et épuisement des voies de recours individuels – comme en toute démocratie.

La décision est déjà dans la loi – mais la loi en France est-elle appliquée ? Ne faudrait-il pas s’en préoccuper avant même de le coller dans la Constitution, comme si cela devenait intouchable ? Où est la volonté ? Où sont les moyens ? Ce choix présidentiel fait cuisine électorale, reprendre les arguments phares de ses adversaires politiques permet de leur couper l’herbe sous le pied – mais ni le droit ni la morale ne doivent être appelés en incantation ni déformés pour cela. Il s’agit d’une mesure symbolique pour conforter la patrie et le « vivre ensemble » – puisque la peine de mort n’existe plus.

2015 2013 creation d emplois en europe

Il cache en revanche tous les échecs politiques de François Hollande depuis son élection : sur la croissance, sur le chômage, sur le déficit, sur la réorganisation de l’État, sur les moyens de la justice, sur l’impréparation de la DGSI à gérer ce que faisaient hier assez bien les RG, sur la surveillance généralisée, sur l’application indigente de Schengen, sur la participation politique des citoyens, sur l’école… Ceux qui traquent frénétiquement les inégalités devraient plutôt se pencher sur ces questions cruciales et durables, plutôt que de gloser à longueur de prêches enflammés sur une proposition qui devra de toute façon être votée dans les mêmes termes par chacune des chambres du Parlement, puis obtenir la majorité des 3/5ème au Congrès !

Sont-ils vraiment « tous Charlie », ces indignés de circonstance ? Veulent-ils vraiment « faire barrage » au Front national – ou simplement faire du vent parce qu’ils n’ont rien à dire sur l’économie, l’État, l’éducation, la société, la guerre ?…

Gilles Kepel à propos de son dernier livre évoque « la nullité de nos élites politiques, des partis qui sont devenus des coquilles vides », « la faillite des élites françaises, qui méprisent totalement le travail universitaire et la connaissance des orientalistes » et « ces élites politiques françaises [qui] se montrent incapables de comprendre ce qui se passe dans la société, d’avoir la modestie d’aller chercher le savoir en dehors d’elles-mêmes. » Il semble avoir malheureusement raison  : le prétexte de la déchéance de nationalité ne cache-t-il pas une véritable déchéance politique ?

« Déchéance de nationalité » sur Google : Environ 1 290 000 résultats !
Ce que dit actuellement la Loi
Sur Public-Sénat – très pédagogique
Sur nationalité.net la France et les autres pays
Sur Wikipedia (trop elliptique et un peu biaisé)

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Daniel Devos, Coup de chaud à Rennes-le-Château

Un truculent roman empli d’histoire, de bonne bouffe, de sexe et d’aventures dans une région propice aux mystères. Nous sommes en effet en Corbières, autour de Rennes-le-Château, célèbre pour son abbé Saunière, devenu riche on ne sait comment. Du trésor des Templiers au saint Graal, nombreux sont les archéologues, les historiens locaux et les illuminés à avoir cherché, interprété, gratté… sans rien trouver que leurs fantasmes. La région est d’autant mieux connue que le sanctuaire contre « la fin du monde » (maya) s’érige à quelques pas, dans le village de Bugarach. Le 21 décembre 2012, on saura si cette 184ème fin du monde est la bonne ou encore une invention.

Daniel Devos, pseudo d’un prof qui a écrit aussi des ouvrages « sérieux » sur la fortification médiévale dans le midi de la France (dit-il en dossier de presse), se lâche dans ce roman picaresque et facétieux. Il engage toute une fine équipe régionaliste autour d’un prof qu’il nomme Christian Castel, double symbole du Christ (autour duquel tourne toute cette histoire) et des châteaux (dont la région cathare est fort pourvue). Vous avez Charles et Claude, Pépé et Gneu, le beau Alex (un bon Aryen), sans parler du Vieux, du Grand et de Kiki. Et les filles : Louise et Marion, fort « chaudes » en décolletés affriolants, quand ce n’est pas seins nus à se baigner dans les sources ferrugineuses – ou absorbées à leur besogne sous la table à « l’heure du biberon ». John et Penny, Anglais bios, assurent l’intendance au Presbytère, un gîte rural où l’on y mange très bien.

Les plaisirs de la chère ne cèdent en rien à ceux de la chair. Ce ne sont que pâté de Limoux, saucisse sèche de Foix, petits boudins blancs de Carcassonne, jambon cru d’Ariège, le tout agrémenté des mongettes de rigueur. Et bien sûr très arrosé, depuis l’apéritif jusqu’au digestif, en passant par les vins de tables. Vous saurez tout sur les Rivesaltes, muscats, Maury, Fitou, Corbières, Château Giscours, Rauzan Ségla, Saint-Julien… et sur la Blanquette (de Limoux).

L’histoire est habilement troussée et contée comme Rabelais. Vous avez un pays, une histoire, des traditions. Les chercheurs de trésor ne sont pas à la hauteur, entre bouseux avides, notables affriolés de tourisme, hippies vibrant aux énergies, pseudo-historiens du dimanche et illuminés ésotériques. Ajoutez une pincée de cailleras des villes et un complot arriviste interne à la télé. L’auteur n’a pas son pareil pour allécher le lecteur qui ne sait rien, ni du mystère ni de la région. Lui a tout lu sur le sujet, même l’écart du géopoliticien Alexandre Adler appelé Société secrètes – De Léonard de Vinci à Rennes-le-Château, comme en témoigne une allusion au « train qui peut en cacher un autre », signature radio du Je-sais-tout-sur-tout.

Mais c’est le livre ancien de l’abbé Henri Boudet, Sur la piste du trésor de Rennes-le-Château – La vraie langue celtique, qui fonde l’intrigue bâtie par l’auteur. Elle est fort bien écrite et rondement menée, jusqu’à la découverte finale… dont vous ne saurez rien. Le fil est une émission télé pour le prime-time, bien plus palpitante que Des racines et des ailes. Louise, diplômée supérieure de com, engage Marion la « monteuse » pour actionner caméra et membres de l’équipe masculine. Engins bien en mains, la quête se fait en live et débouche sur quelques moments chauds du spectacle.

C’est écrit avec raillerie plutôt qu’humour. On reste dans la blague émoustillée, un peu sud-ouest, plutôt macho – bobotes parigotes et féministes écolotes s’abstenir, l’auteur est redoutable aux faiseurs. Mais plus de gueule que d’actes, « Je suppose que c’est la vie en société. Une grande dose de refoulement, un peu d’hypocrisie et le reste en fantasmes. C’est comme ça qu’on peut tenir… » p.376. C’est ce que l’auteur fait dire à son double Castel, « le prof ». Alors ne pas « se choquer » pour si peu, avec cette affectation politiquement correcte tellement tendance sur les blogs et les réseaux… Nous sommes dans la vraie vie régionale, aux particularités ancrées : le vin, la chasse, la fête, les filles (dans cet ordre). Avec son humanité de partage, d’amitié entre hommes, de tendresse envers les femmes et d’érotisme campagnard pour tous. Un roman qui vous laisse un bon goût de terroir, de chatte et de mystère, une grande envie d’aller visiter cette région attachante et ceux qui la peuplent.

Avec en prime cette description du sanctuaire censé échapper à la fin du monde : « A la sortie d’un long virage, le val de Bugarach apparaissait dans toute sa splendeur. Qui l’a vu peut mourir heureux ! La vaste dépression est encadrée de montagnes couvertes de forêts. Des lames verticales de rochers calcaires brillent au soleil. Dans un concert de verts, de jaunes et de rouges, des colliers de rouleaux de foin sont abandonné dans les prés. Le village de Bugarach occupe le fond de la cuvette. En point de fuite, la rivière Blanque creuse ses gorges vers les lointains de Rennes-le-Château et de Rennes-les-Bains » p.37.

Si m’en croyez, lisez ce livre, l’un des plus heureux de l’éditeur lyonnais loin des afféteries germanopratines !

Daniel Devos, Coup de chaud à Rennes-le-Château, 2012, éditions Baudelaire, 449 pages, €23.75

Le lecteur tant soit peu lettré s’effrayera de la quantité de fautes de français du livre. Abandons et lâchetés de l’Éducation nationale, l’auteur sait écrire « connard » sans oublier les deux n et le d, mais bute sans cesse sur les expressions classiques. Inventaire non exhaustif (mais qui est déjà trop) – à corriger dans une édition ultérieure :

  • p.12 « C’est un garçon délicieux. Tellement intentionné » – attentionné serait tellement plus juste !
  • p.39 « une pose à Bugarach » – une pause ferait nettement plus vrai
  • p.46, p.219, p.441 « nous avions convenu » – nous étions convenus est la seule façon correcte
  • p.50 « une émotion bien compréhensive » – (pauvre bête…) plus compréhensible serait plus compréhensible au lecteur
  • p.94 « nous gouttâmes quelques minutes de repos » – comme une vulgaire flotte ? ou du verbe goûter, donc « goûtâmes » ?
  • p.124 « cargollade » – pourquoi deux l à la cargolade ? Surtout en catalan, les ‘ll’ se prononcent non le mais lieu… Or il s’agit justement du plat d’escargots régional grillés aux sarments de vigne
  • p.124 « habeam papam » – nous avons un Pape se dit habemus papam en vrai latin
  • p.158 « faire pâte de velours » – pour enfourner la tarte ? la patte de velours est en référence au chat…
  • p.180 « chemin de piste » – les scouts disent jeu de piste, c’est plus réaliste
  • p.241, p.259 « le grés » – pour le grès (roche siliceuse)
  • p.264 « Pépé était prés à leur rentrer » – comme une vache rêvant à l’étable ? prêt, comme le scout toujours prêt, serait mieux venu
  • p.274 « en signe de bienvenu » – comme il s’agit de la ‘bien venue’, le mot prend un e à la fin
  • p.276 « source d’eau ferrugineuse acidule connue » – acidulée ?
  • p.320 « entre de bonnes mains » – en de bonnes mains est plus cohérent car « entre », on ne voit pas comment saisir…
  • p.331 « permettait le déclanchement » – déclenchement avec un e
  • p.416 « chinter » – shunter ?
  • Sans parler, un peu partout de l‘inévitable „ballade“ avec deux l, qui ne marche pas mais se braille… Se balader avec un baladeur lors d’une balade – tout cela ne prend qu’un seul l !
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