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Colique en randonnée berbère

Nous campons près du village d’Ighir n’Ighrazène. Les tentes sont installées au bord du torrent dont le bruit continu aide à s’endormir. Deux gamins poussiéreux mais amicaux nous observent. Nous leur donnons du chewing-gum et des stylos, ce qui devait être le but de leur présence après la curiosité. Même s’il fait chaud, nous dormons sous la tente. Mais la nuit a été dure, j’ai du me lever trois fois en catastrophe, à cause de la colique. Chier nu sous la lune, le nez dans la menthe, est de fait assez drôle. La température est heureusement douce, même à cette altitude. Hier midi, en effet, nous mettions soigneusement nos pastilles de purification dans l’eau des gourdes. Mais les cuisiniers berbères, s’ils se sont bien lavés les mains selon les instructions, ont pris de l’eau directement dans la rivière pour y nettoyer la salade et les tomates, que nous avons mangées cru.

Je me réveille déshydraté, ayant peu dormi, il paraît que je suis pâle et mou. Mais nous marchons doucement. Pascal, en blaguant, dit : « Alan, c’est une belle mécanique, mais il suffit d’un grain de sable. » Lorsque cela lui arrivera, un peu plus tard et pour plusieurs jours, il sera en pire état que moi. A un coude du torrent, près d’une source, Bernard arrive à ramasser dans une boite de conserve des paillettes argentées qui stagnent sur la rive. Elles brillent comme de l’argent, mais il s’agit peut-être seulement de plomb argentifère.

La montée est progressive. De petites filles d’une douzaine d’années avancent, courbées en deux sous d’énormes bottes de foin frais coupé. Elles se rendent au souk local d’Abachou. Elles ont le costume traditionnel de la région, une sorte de boubou très coloré, et portent un foulard sur la tête.

Les hommes et les garçons sont habillés le plus souvent à l’européenne, de pantalons de survêtements et de vieux tee-shirts. Certains portent, par-dessus, la djellaba ou la gandoura de laine. Il ne fait pas chaud ici, le soir venu.

A la pause de midi, au bord du torrent, au Vieux-Abachou, les Berbères installent le pique-nique, débâtent les mules, et préparent le repas. Tomates et concombres sont encore lavés directement dans l’eau du torrent ; la vaisselle y sera faite aussi. On peut toujours mettre des pastilles dans l’eau à boire ! Mais cette fois je suis prudent et j’évite les crudités. Réhydraté par le thé depuis ce matin, je revis.

Les villages succèdent aux champs en terrasse qui paraissent, de loin, des rubans accrochés aux flancs de la montagne. Le jeu des couleurs est fascinant en cette saison, du jeune au vert tendre, du gris à l’ocre rouge, tout cela sous le bleu pur du ciel. La Berbérie est un beau pays. Des gamins nous suivent toujours un moment lorsqu’ils nous voient ; ils nous sortent les seuls mots de français qu’ils aient aussitôt appris : « bonjour », « donne-moi un stylo », « un bonbon ». Au premier village après la halte de midi, un petit d’environ 7 ans au beau visage avait le vrai type berbère aux cheveux bruns, aux grands yeux. Ses dents de lait commençaient à tomber et son tee-shirt était déchiré sur la poitrine. Je lui ai donné mes derniers chewing-gums. Sa petite main était ridée par la terre.

Nous montons encore en altitude. Des troupeaux sont disséminés sur la montagne. Du haut, des gamins crient pour se faire remarquer. Nous atteignons 2200 m au col Tizi n’Tighist et faisons la pause vespérale sur un versant herbu, garni aussi de coussins épineux. De l’eau coule encore dans le coin. Il y en a partout.

Le soir, je suis fatigué mais moins qu’hier. Je commence à trouver le rythme. Pastis, puis Poire Williams apportés de France par les uns et les autres pour les fraîcheurs vespérales ; le repas ne peut ensuite qu’être joyeux. Nous faisons plus ample connaissance avec les Berbères qui nous accompagnent. Il y a deux Mohammed, le chef des muletiers et le cuistot ; il y a un Ahmet, et le benjamin, Mimoun qui déclare avoir 19 ans. Il en paraît 16 avec sa face ronde et son corps fluet. Le coucher du soleil envahit les montagnes de rose et de violet, en dégradé. La nuit est très étoilée, immense. Il ne fait pas si froid, bien que nous dormions à 2400 m.

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