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Cefalu 1

Nous prenons le petit-déjeuner tôt dans la lumière dorée du matin. Nous partons en effet à 7h45 pour le bateau à 8h30 en direction de Milazzo où le bus nous attend. Les bagages sont emmenés en camionnette et nous allons à pied jusqu’au port. L’hôtel est une vaste villa méditerranéenne étirée sur deux niveaux dans son parc tout en longueur, au milieu d’un jardin fleuri de bougainvillées, de grenadiers, de manguiers, d’oliviers, de lantanas. de lauriers roses, de palmiers, avec une piscine près de l’accueil.

Cefalu montre une ville basse grecque et une ville perchée byzantine. Vue au loin de la citadelle avec son campanile en restauration, les maisons blanches et basses sont accroupies au pied comme un troupeau auprès de son berger. Des seigneurs au Seigneur.

Il y a la queue pour le bateau, mais trois partent avant le nôtre, vers les autres îles. Tous sont à peu près pleins de travailleurs du matin. Les bateaux ici sont une sorte de métro ou les touristes sont minoritaires.

Une heure d’hydrofoil et deux heures en bus sur l’autoroute Messine-Palerme, tout en ponts, tunnels et échangeurs.

Les Normands de Sicile ne sont pas seulement venus de Normandie mais on ramassé aussi sur leur passage des Francs et des Lombards. La famille de Hauteville a conquis la Sicile à peu près au moment où le duc Guillaume effectuait la conquête de l’Angleterre.

Cefalu doit son nom à la tête, surnom du rocher calcaire qui domine la ville. La ville est célèbre parmi les Français à cause de son Club med le guide nous le montre, un peu à l’écart de la ville, en bord de mer. C’est une grande villa XVIIIe aux murs jaunes. Désormais, finie l’ambiance Bronzés, le tutoiement est terminé en 2001, les cases ouvertes à tous vents disparaissent dans la foulée, les « gentils » machins sont devenus employés. C’est du luxe et le Club va à la pêche aux riches : 2200 € pour sept jours au « Resort Club Med Exclusive Collection » selon les termes anglo-saxonisés et désormais consacrés. Bobos exclusivement, entre-soi, cuisine, amour intime et bains de mer, yoga à la mode, escapades en scooters, toute culture évacuée. Club med est devenu une entreprise chinoise en 2015 et coté en bourse de Hongkong en 2018. Fin du rêve français.

Nous visitons la cathédrale Unesco bâtie sur ordre de Roger II, roi de Sicile en 1132 après une tempête où il avait failli y rester. Deux tours romanes carrées, de pierre blonde et le dôme – en réfection, tout emmailloté d’échafaudages. A l’intérieur, la mosaïque du Christ Pantocrator de 1148 et de la Vierge orante nous sont invisibles. La nef est composée de colonnes de basalte aux chapiteaux grecs retaillés, surmontés d’arcs arabes. Un baptistère, des statues en stuc autour de l’autel, un ange de l’Annonciation. L’église ferme juste quand nous partons. De même que le lavoir médiéval, juste le temps de le voir dans une impasse de la via Vittorio Emmanuele.

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Lipari, île éolienne

Un hydrofoil des Liberty Lines, nous emporte en une heure pour l’île de Lipari avec escale à l’île de Vulcano. le guide nous égrène plusieurs fois, comme si nous devions les apprendre par cœur, les noms du chapelet des Sept îles, les Éoliennes : Lipari, Vulcano, Salina, Panarea, Stromboli, Filicudi, Alicudi… À 15h30, il n’y a pas trop de monde dans le bateau. L’hydrofoil est rapide, les paysages insignifiants derrière les vitres salies d’embruns. Derrière moi, deux adolescentes de 14 et 16 ans et un pré-ado de 12 ans, leur petit frère, le teint caramel tous les trois, la peau fine, tous blond vénitien. Un membre de la famille les attend sur le quai de Lipari et ce sont de grandes embrassades. En me levant de mon siège, je ne vois du gamin qu’un enchevêtrement poulpeux de jambes et de bras nus.

Les bagages sont emmenés directement à l’hôtel par une voiture. Pour nous, c’est une promenade d’une heure dans le Corso Victor Emmanuel II. L’endroit est calme, quasiment plus aucun touriste, cela se change d’hier à Taormina. Les boutiques sont ouvertes, offrant les bijoux en obsidienne, spécialité de Lipari, des caprons confits au sel dans les épiceries, des terres cuites de dieux antiques et des scènes imitées de la sculpture grecque d’un artiste mort il y a deux ans. Ma mère m’avait rapporté il y a trente ans une tête de Neptune en terre cuite achetée ici. L’artisanat n’a pas changé, sauf les prix : le Soleil est à 35€, la Trinacria à 40€ et Éole à 130€. Cette trinacria ou triskèle, est le symbole de la Sicile, une tête de femme en Méduse entourée de trois jambes courbées vers la droite. Outre les trois caps, elle symbolise la synthèse des trois cultures : grecque, normande, arabe.

Nous voyons des tombes grecques, des tombes romaines, de petits thermes romains dans la ville.

L’hôtel de Bougainville, quatre étoiles, via Balestrieri, est assez loin du centre balnéaire, de l’autre côté du port et à l’écart du front de mer. Il est calme, tout en longueur,au milieu d’un jardin fleuri. Ma chambre donne sur un terrain de foot où s’entraînent de jeunes adultes. Il n’y a quasiment pas un brin d’herbe sur le terrain, seules quelques plaques vertes sur les bords. Il fait toujours aussi chaud, même en mer. La déshydratation nous fatigue.

Le dîner est collectif à l’hôtel, à 19h30. Des pâtes sauce tomate, olive et câpres, du filet pané de maquereau avec une salade de tomates, des morceaux de melon d’eau et de pastèque en dessert. Le vin du pays est un peu décevant, un rouge de 2021 fade, ou un blanc un peu plus typé.

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Au-dessus de Pigra

A deux heures du matin débarque, dans les couloirs de l’hôtel, un troupeau d’éléphants en rut : barrissements, piétinements, coups dans les portes et les murs. C’est une horde d’Allemands venus directement de Bavière en moto. Cette tribu est vulgaire, balourde, bruyante, avide de bière, elle porte des anneaux dans le nez. Nous les avions croisés avant le dîner, déjà au bar à se pré-saouler. Un bambin de cinq ans est avec eux, kinder attendrissant coiffé long sur le cou et rasé sur les tempes, à la mode qui date, un joli démon pas encore façonné en tonneau par les litres de mousse.

A 8h14 précises nous prenons l’hydrofoil. Devant l’embarcadère, une camionnette attend les enfants du primaire de Bellagio pour l’école, tous ces petits vêtus de chaudes chasubles à capuches mais en polo à col ouvert ou tee-shirts bayant. Le temps reste mitigé, nuageux, mais il ne pleut plus. Des fonctionnaires en chemise blanche et costume gris débarquent de l’hydrofoil à son arrivée à Bellagio pour effectuer leur journée, comme nous-mêmes sortirions du métro à Paris.

Le téléphérique nous monte haut, d’Argegno (où nous faisons les courses dans une ruelle pittoresque) à Pigra déjà en altitude, presque mille mètres au-dessus. La piazza Fontana nous offre son eau miraculeuse, surveillée par saint Roch, san Rocco ici. Son compagnon est un chien qui porte un pain dans la gueule, seul être vivant qui ait accepté de nourrir le saint infecté par la peste. Dans la chapelle attenante est une fresque datant de 1662 montrant saint Dominique et saint Etienne, saint Jean-Baptiste et saint Sébastien, ce dernier en éphèbe langoureusement torturé de multiples flèches ensanglantées. Le tout est signé Pozzi.

Au sortir du village, nous prenons un chemin dans les bois. Il pleut à nouveau. La marche se poursuit à flanc de pente, sous les branches dégoulinantes, sur les feuilles pourrissantes et les pierres glissantes. Quelques ruisseaux cascadent en travers du chemin qu’ils ravinent largement et doivent être passés à gué. Les sentiers se croisent et le guide se perd, comme de bien entendu. Sa carte est peu précise et il a oublié le chemin qu’il a pris à l’automne dernier. Demi-tour, tours et détours, nous ne nous retrouvons pas plus. Alors nous y allons au jugé et ce n’est pas plus mal. Deux heures après, nous en avons assez, mais la forêt s’éclaircit. Nous débouchons enfin sur un chemin empierré qui mène quelque part. Il nous conduit à des maisons perdues, fermées en semaine. A plus de huit cents mètres au-dessus du lac, qui émerge soudain d’un coude du chemin, le point de vue est grand. Le soleil daigne faire son apparition entre deux nuages, chauffant les prés humides et chassant les toiles de brumes arachnides au-dessus du lac gris acier en contrebas. Mais ce n’est pas fini, nous montons encore, trois cents mètres plus haut, jusqu’au bistrot tant vanté par le guide depuis près d’une heure. Il est fermé, ce n’est pas encore la saison…

Certains poussent jusqu’à la croix qui marque le sommet ultime vers 1300 m, mais je n’en suis pas. La vue n’est même pas belle, pas aussi belle que celle du pré un peu plus bas (à ce que l’on me dit). Nous nous installons sur la terrasse vide du bistrot, tirons une table de plastique renversée là, et commençons notre pique-nique du jour : jambon, mortadelle, tomate, fromage, pomme – et une part de pizza froide pour ceux qui aiment le pâteux vulgairement épicé.

Pour redescendre, nous suivons cette fois la route jusqu’au village de Pigra où nous attend le téléphérique. Trois enfants du primaire en débarquent, remontant de l’école située à Argegno, 881 mètres plus bas. Ils jaillissent de la cabine enfin arrêtée comme des diables de leur boite, dans un feu d’artifice de jeunesse joyeuse. Ils sont pressés de rentrer chez eux dans leur forteresse d’altitude, goûter, ôter des vêtements et aller jouer.

Nous reprenons la cabine pour une descente vertigineuse qui nous bouche les oreilles, suspendus au-dessus du vide en glissant sur un fil jusqu’au niveau du lac. Nous passons le torrent Telo sur un pont de pierres à ogives. La première fournée du groupe est déjà affalée en terrasse d’un café-glacier, devant l’embarcadère des motoscafi, à siroter une bière ou à savourer des gelati à petits coups de cuillère. Les filles se gavent de glace au melon et aux marrons, André de glace à la « crème de lait » et au yaourt. Je prends une bière contre la soif. Le soleil daigne se montrer depuis quelques heures, souvent enlaidi de nuages d’un gris triste qui n’hésitent pas à lâcher quelques larmes.

Au retour, nous devons prendre le bus jusqu’à l’embarcadère le plus proche de Bellagio, à Tremezzo. Je ne comprends pas pourquoi nous ne reprenons pas un bateau comme ce matin. Le bus est plein de vieilles locales qui rentrent d’on ne sait quelle course et qui commentent les ragots du coin. Quelques ados du lycée voisin montent à un arrêt, laids et percés comme de vulgaires Bavarois des banlieues industrielles. Ils portent des barbes naissantes comme des acteurs de cinéma sur le retour et une boucle d’or à chaque oreille.

Le ferry nous conduit à Bellagio et nous voici de retour à l’hôtel pour la dernière douche du dernier jour. Nous ne sommes pas sitôt dans nos chambres qu’il commence à tomber une nouvelle et violente averse. Décidément, quel temps de chien !

La pluie ne s’arrête que peu de temps avant que nous n’allions au restaurant. Il est loin cette fois, à Pescallo, sur l’autre rive du promontoire, donnant sur l’autre lac, celui de Lecco. L’hôtel-restaurant La Pergola, très chic, nous attend piazza del Porto, une Ferrari devant la porte (« pas une bien », me dit Jean). Nous ne pouvons dîner sur la terrasse ouverte sur le lac, en raison du temps. Dans une salle antique rarement ouverte, meublée d’ancien, on nous sert « la » spécialité du restaurant, un risotto sauce curry (au riz souvent mal cuit), avec des goujonnettes de poisson du lac appelé ici pesce persico, puis un tiramisu plutôt classique. A la table du dîner, deux ou trois conversations ont lieu en même temps, rançon d’un groupe de désormais quatorze sans les Lapinot. De mon côté, cela parle voyages : « et où iras-tu prochainement ? ».

Nous rentrons vers 22 h par les ruelles pavées de galets, quasi désertes. Qui irait se hasarder dehors par un temps pareil, même s’il ne pleut plus pour le moment ? Même la jeunesse locale ne sort pas en ce vendredi soir – où est allée ailleurs, dans les petites villes alentour. Le bourg de Bellagio ne comporte que des familles, des hôteliers et des touristes d’un âge certain.

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