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La Sirena et « le » tapir

Nous devons nous lever à cinq heures du matin pour la marée. Eff a mis son téléphone en mode réveil à 4h45 et, lorsqu’il saute sur le plancher en même temps que gronde le tonnerre, je crois dans mon sommeil à un tremblement de terre. L’orage a commencé le soir précédent avec la pluie ; il a grondé plus ou moins toute la nuit. Au matin, après le petit déjeuner, il pleut et c’est en cape de pluie que nous nous dirigeons vers six heures sur la plage d’embarquement, les pieds dans l’eau. Nous aurons environ 1h30 de navigation avant la station de la Sirena, dans le parc national du Corcovado.

Le bateau est le même qu’hier mais armé par un autre capitaine, plus jeune avec une double chaîne au cou et des clous dans l’oreille. La barcasse à fond plat muni d’un tau fixe est mue par un moteur Suzuki de 200 CV. La mer est cette fois formée en raison de l’orage et du vent, et la coque tape en retombant à la lame. Ces mouvements, les vibrations et l’odeur d’essence finissent par me donner le mal de mer. Je suis content de me jeter sur la plage pour me vider par les deux bouts.

D’autres bateaux apportent leur lot de touristes dont une maman et ses deux enfants, un garçon et une fille de 7 et 9 ans environ, qui parlent en français. Je ne sais pas où est le papa, peut-être travaille-t-il dans le pays ou aux Etats-Unis tout proche en avion ? Ils sont tous les trois vêtus de la même chemise blanche légère à manches longues, translucide ; c’est plutôt mignon. Je note encore une fois combien les mères traitent différemment leur garçon de leur fille. La crème solaire est plaquée sur les joues du gamin comme une gifle et étalée vigoureusement jusque sur la nuque, alors qu’elle est plutôt caressée sur les joues de la fille. Les cols sont fermés, les manches allongées et les pantalons de rigueur contre la phobie des piqûres d’insectes. C’est une application du principe de précaution.

Un guide du parc cherche les animaux à observer. La trace d’un tapir sur le sable conduit à une grosse bête qui se repose dans les fourrés denses. Nous nous approchons doucement, il nous voit mais semble habitué et joue l’indifférent.

Un peu plus loin, un autre tapir sort nonchalamment pour aller jusqu’aux premières flaques de la marée qui descend et en aspirer un peu d’eau délicatement salée.

Il revient au milieu des touristes qui le mitraillent en photo, sans leur marquer aucun intérêt. Il en a vu d’autres. « Tapir bitte ? » – nous laissons la place à des Allemands.

Une trace de coati mène jusqu’à un terrier de sable remué ; des restes de crabes montrent que l’animal en a fait son repas.

Les traces continuent jusqu’à un nid de tortue sur la grève, dont la longue empreinte double montre qu’elle vient de pondre depuis la mer. Le coati a dévoré les œufs que les faucons noirs des mangroves achèvent.

La pluie s’est arrêtée durant toute la promenade et ne reprend qu’à la fin, et ce pour toute l’après-midi. Elle est accompagnée de tonnerre. Des singes attelle sautent de branche en branche. Comme les autres animaux du parc habitués aux touristes, ils ne sont pas très sauvages.

Après la plage, la découverte se poursuit par la forêt. Il y fait moite et boueux. Des singes hurleurs se disputent un seul arbre dans un concert de glapissements qui évoquent les monstres de Jurassic Park, film tourné en partie au Costa Rica. Nous pouvons les voir sauter de branche en branche au sommet du même kapokier et les téléobjectifs se déchaînent. Moi, réduit à mon petit appareil de poche Sony, je ne prends que des points minuscules sur l’ensemble. Une fois rentrés, les autres me montreront le vrai visage des singes.

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Île aux iguanes

La nuit a été difficile en raison des moustiques, nombreux dans la chambre. Il faisait trop chaud sous le dessus de lit et les moustiques piquaient à travers du seul drap. L’anti-moustique ne semble pas leur faire d’effet. Nous voici partis dans le bus. Il longe la mer où les hôtels neufs commencent à pousser. Il nous conduit pas très loin, dans un port où nous ne prenons pas l’un de ces voiliers racés amarrés au ponton, mais un vieux rafiot à moteur affrété par l’agence. La journée sera consacrée à aller sur un cayo – un îlot corallien – et en revenir. Pour les touristes on l’appelle cayo iguana, l’îlot des iguanes. Mais de son vrai nom il se nomme Macho Aguera. Ce sera une belle journée.

La mer est d’huile. Le lent balancement du roulis fait lentement remonter à ma mémoire des souvenirs marins. En vue du cayo, le bateau s’arrête un moment, ce qui interrompt nos réflexions et le crémage solaire incessant des filles sur leurs peaux trop blanches. Il n’y a pas beaucoup de fond et l’on se demande pourquoi cet arrêt. La réponse ne tarde pas à venir. Elle est au fond de la mer, dans les nasses qu’il faut connaître, et qui piègent les langoustes, ces fameuses langoustes de Cuba grosses comme ça (tendre l’avant-bras en gonflant le biceps). Ce ne sont pas des nasses publiques – la révolution n’aime pas les grandes nasses populaires – mais celles d’une coopérative en cheville avec l’agence de tourisme (donc l’armée) qui permet au tour-opérateur d’en prélever quelques-unes pour ses touristes. Les langoustes sont aussi grosses que des homards. Nous les mangerons à midi.

langoustes de cuba

Mais, une fois fait le plein d’animaux, nous ne repartons que pour nous arrêter à nouveau, toujours au large de l’îlot. Nous sommes près d’un banc de corail et masques comme palmes sont à notre disposition pour aller l’explorer à loisir. Nous nous jetons à l’eau. C’est un plaisir ; elle est tiède, salée, amniotique. Bercé par le léger ressac de la barrière de corail qui brise la faible houle, je contemple la forêt des coraux. Ils poussent en troncs, en éventails, en ruines de cités englouties. S’y faufilent nombre de petits poissons colorés qui les broutent. J’observe un petit bleu fluo – c’est un poisson chirurgien – dont la curiosité est attirée par l’ombre immense que je projette au-dessus de lui. Il penche son corps d’un mouvement de nageoires pour me regarder de son œil gauche, puis se penche de l’autre côté pour m’observer du droit, en nageant sur la tranche. Il alterne ainsi un moment tout en avançant, droite, gauche, droite – puis se réfugie d’un battement de queue sous une arche de corail dont il ne veut plus sortir avant que mon ombre ne disparaisse. On se croirait dans « La Petite Sirène », selon les références ciné des filles. D’autres poissons sont jaune fluorescents avec une unique tache noire comme un œil, près de la queue. Certains sont des ovales parfaits, mauves bordés de multicolore, avec de minuscules nageoires qui rament à toute vitesse. Je vois soudain filer, gueule ouverte, le trait gris métallique d’un barracuda. Ce redoutable prédateur est profilé pour la vitesse, tout en longueur, et il a le museau en avant d’un vieux croiseur russe. Il nage paresseusement en larges cercles, cherchant une proie. Ce spectacle des poissons est passionnant, comme à chaque fois que nous changeons d’univers, mais il nous faut l’interrompre pour débarquer sur l’île.

ile aux iguanes cuba

Elle nous attend avec son débarcadère en bois où les empreintes de pieds nus mouillés sèchent aussi vite que dans cette vieille publicité des années 80 que j’ai toujours aimée, pour un substitut sans alcool du pastis. De longues plages de sable blanc corallien éblouissent les yeux. Tiens, qu’est-ce qui bouge ainsi sur le sable ? Mais oui, c’est un iguane, d’où le surnom donné à cet îlot ! Laid, serpentiforme, préhistorique, il avance sur ses petites pattes griffues comme les dinosaures de Jurassik Park. C’est sans doute cela qui fige de terreur Françoise qui « ne veut pas les voir approcher ».

iguanes cuba

Mais les bêtes n’ont pas vu le film et elles s’approchent : elles veulent bouffer et nous regardent de leurs gros yeux vides pour savoir comment nous allons sortir cette nourriture que nous avons sûrement. En nous voyant débarquer, ils sont bientôt deux, puis trois, puis cinq, huit… Ils accourent de partout à toutes pattes, comme quoi ils sont dotés d’une certaine intelligence du ventre et de reconnaissance des formes. La bande est de diverses tailles, du vieux mâle portant jabot au jeunot à peine mué. Ils sont méfiants mais pas sauvages, encore moins sous la paillote installée pour les repas touristiques où la distribution de nourriture leur paraît encore plus certaine, par une longue habitude.

gros iguane cuba

L’un passe sous la table, entre les jambes, sa queue rêche frottant les mollets, un autre saute carrément sur le banc puis, de là, sur la table ! Il est presque élégant dans sa cabriole. Ils sont maintenant une quinzaine, bien gras, qui viennent happer la nourriture jusque dans la main. Il vaut mieux lâcher très vite le morceau car ils n’y voient pas très bien et leur avidité conduit à pincer très fort les doigts qui les nourrissent. Un ragondin poilu comme un ours vient se mêler à eux. Il lange les galettes de pain avec ses pattes de devant, comme un homme. Et son museau grignote alors à toute vitesse. Il est mignon comme une peluche avec ses petits yeux brillants.

iguane portrait cuba

La salade de concombres et tomates voisine bien vite avec celle d’oranges et pamplemousses. À Cuba, on mange souvent les fruits en entrée. La langouste arrive, cuite sous deux formes : l’une en morceaux, bouillis en sauce ; l’autre mêlée de riz cuit dans le bouillon, agrémenté de safran et poivron. Le sel marin nous a mis en appétit et nous trouvons ces plats délicieux. Les iguanes se partagent les restes des assiettes, riz comme orange ou pain, tandis que nous profitons de sa plage.

Des étoiles de mer grosses comme des assiettes sont posées sur le sable, se nourrissant d’on ne sait quoi. De grosses conques, dont les enfants se servent pour souffler dans les villes, ont été poussées entre les algues du bord de plage. Certaines bêtes sont encore dedans et il vaut mieux éviter de les ramasser pour ne pas empester les bagages par une odeur tenace de cadavre. Nous reprenons les masques pour explorer sous la mer. De petits poissons transparents avec quelques taches noires filent sous nos palmes.

Les pêcheurs ont besoin de rentrer tôt et nous devons quitter la plage, reprendre le bateau et refaire le trajet vers Trinidad. Des cormorans plongent. Un pélican au long bec atterrit lourdement.

vin de cuba province Pinar del rio

Nous revenons à quai, reprenons le bus et rentrons à l’hôtel. Une douche, un peu de lecture et il est l’heure du rendez-vous apéritif vespéral. Nous reprenons tous de la piñacolada, sauf Anne-Marie qui prend un Ron Coli (rhum, citron et glace). Martine tente l’un des dix cocktails cubains « qu’il faut avoir goûté » selon son guide Lonely Planet. Elle essaye un presidente, assez compliqué, dont elle est obligé de citer les ingrédients au barman qui n’a pas l’air de le connaître : rhum, vermouth, grenadine et glace. Nous avons goûté ce soir l’un des vins rouges produits à Cuba, un pinard bien nommé Pinar del Rio « tempranilla » (qui signifie de l’année). Il a été conservé et était servi trop chaud. Il avait un arrière-goût de Vermouth tendant vers la madérisation. Malgré ses 12°, ce n’est pas un succès.

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