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Pinacothèque Agnelli à Turin

Le car nous conduit vers le Lingoto, dans la ville. Il s’agit d’un ancien atelier de Fiat construit par Giovanni Agnelli en 1915. Il a été reconverti en centre d’art en 1982 sous la direction de Renzo Piano pour abriter la collection de peintures des Agnelli.

Il s’agit d’une volonté de l’ancêtre pour présenter au public les œuvres acquises durant des années. Ce sont des Canaletto, des Matisse, un Picasso, des statues de Canova.

J’aime bien la Baigneuse de Renoir, de 1882, aux formes rondes et plantureuses dans un décor impressionniste.

J’aime moins le Nu couché de Modigliani, 1917, qui était une commande alimentaire.

En revanche, les Matisse me séduisent, comme toujours : Méditation, Michaella, Intérieur au phonographe, Branche de prunier… C’est à la fois décoratif, sensuel et optimiste. Des couleurs, des formes, des femmes.

Les Lanciers italiens au galop de Gino Severini en 1915 est peut-être une œuvre qui marque une date dans la peinture italienne, mais je n’apprécie guère le thème, la guerre, ni son futurisme enflé avec ces anonymes qui s’effacent devant leur fonction de brutes.

Quant au Picasso « période bleue », Homme appuyé sur une table, je ne l’aurais jamais acheté. Les formes y sont trop éclatées en carrés.

Un jeune gardien musclé en T-shirt noir moulant se prend très au sérieux, surtout lorsque que sonnent les détecteurs qui prouvent que vous avez approché à moins de 20 cm des œuvres. Il faut dire que la signalisation n’est pas évidente, malgré les espèces de parcs en métal qui tentent de vous en dissuader.

La piste 500, qui subsiste, servait à tester les petites Fiat, dont la fameuse Fiat 500. Une matrice en bois est exposée dans le hall.

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Matisse

Un vieil ami aujourd’hui décédé, une exposition, des livres m’ont fait redécouvrir l’œuvre peinte. Matisse est un peintre que j’aime parce qu’il peint le bonheur. Bonheur de vivre : luxe, musique, danse, harmonie – tous ces titres d’œuvres qui font état du bouillonnement vital et de la joie de peindre. Bonheur de créer, de remuer le fond sensuel des hommes, de réconcilier l’humain avec la nature dont il est issu, par le biais du regard. La couleur n’est qu’une sensation et c’est dans la lumière que la sensation est la plus forte. D’où l’attirance de Matisse pour le sud : la Corse, le Maroc, Tahiti, Nice. Le sud où l’on sait vivre, nu ou presque sans contraintes et baigné de lumière.

Bonheur de l’urgence, comme un élan vital qui court dans sa peinture. Le « dépêche-toi » d’un tard-venu à l’art de peindre, la puissance virile d’un vieux sensuel qui aime les femmes et les couleurs. Urgence qui se ressent par le regard qui glisse et papillonne d’un coin à l’autre de ses toiles colorées au relief écrasé comme sur les tapisseries. Urgence des couleurs vives qui se choquent et se changent sans cesse. « On n’a jamais fini » : ni d’aimer, ni de créer, ni de survivre. La vie, comme la lumière du jour, éternellement se recommence. C’est ce que doit traduire la peinture.

Matisse a eu une très vive perception du Maroc, de cette lumière bleue du ciel qui envahit tout. Tanger : Paysage vu d’une fenêtre. Ce qui est vivant est jaune et rouge : le vase, les fleurs, les gens sur la place où se réverbère le soleil. Le vivant baigne dans la lumière qui est bleue ou verte selon qu’elle est du ciel ou du végétal. Zohra, le Rifain, présentent le même contraste. Les poissons qui sont vivants sont rouges et roses, de même que les parures humaines : les broderies, les babouches. Les vêtements prennent la couleur du bain lumineux par osmose. Les êtres sont intégrés dans leur environnement, ils font corps avec lui, ils y sont heureux comme des poissons dans l’eau.

Une atmosphère déjà ressentie en Europe l’année d’avant, avant cette Grande guerre qui annihilera pour longtemps le bonheur, le sentiment que l’on peut s’épanouir dans un monde en paix, créé pour l’homme. Matisse est un peintre « d’avant » la guerre, d’un âge d’or qui nous paraît, aujourd’hui désirable et lointain. La conversation nage dans le bleu, l’homme debout, rigide et prêt à l’action (n’importe laquelle) parle à la femme assise qui attend (et laisse peut-être mûrir en elle un bébé). Par la fenêtre s’étend le jardin du monde, décors et terrain de jeu pour Adam et Eve 1911.

Le monde est un paradis. Matisse l’avait peint ces mêmes années : la Danse, la Musique, les Joueurs de boules. Des humains nus et lumineux s’ébattent dans un décor éthéré, simple figuration colorée comme une atmosphère ou un bain. Poissons rouges ou roses dans un bocal vert et bleu, les humains sont tels que la nature les fait, ils nagent et jouent, ils sont heureux.

Les intérieurs sont traités comme des tapisseries où tous les détails sont sur le même plan, les humains dans leur aquarium intérieur. Les poissons rouges ressemblent à La famille du peintre et à La desserte rouge. Les personnages baignent dans leur bain coloré, ils y nagent.

Matisse veut « donner à une surface très limitée l’idée d’immensité. » Sa pensée sait capter librement les formes, sans imiter, libéré de tout académisme. Il a l’intelligence de son exaltation, la maîtrise de son euphorie. Il travaille sa toile comme une femme, longuement, patiemment, brassant et grattant en rythme pour faire monter peu à peu la grande jouissance de la création. Orgasme des couleurs dans un tourbillon de formes. L’amour est communion ; il participe au mouvement de la nature et de la vie.

Xavier Girard, Matisse une splendeur inouïe, Découvertes Gallimard 2008, 176 pages, €6.54

Volkmar Essers, BA Matisse, Tashen Basic Art 2016, 95 pages, €10

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