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Les mines du roi Salomon

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Le roman d’aventures de Henry Rider Haggard publié en 1885 a inspiré plusieurs cinéastes au fil des décennies. Allan Quatermain est l’ancêtre anglais du très américain Indiana Jones, notamment au cinéma où le mystère et la virilité rivalisent avec la tentation du sexe et de la fortune.

Nous sommes en 1897 en Afrique, vers le nord du Kenya. Un gigantesque territoire inexploré s’étend vers les actuels Ouganda et Soudan, un désert entre savane et prairies des hauts plateaux empêchant les hommes de s’y rendre, des légendes sur une tribu belliqueuse et cannibale dissuadant les plus tentés. On dit qu’une tribu venue d’Egypte s’y est implantée et garde jalousement sa vertu indépendante.

Allan Quatermain (Stewart Granger) est guide de chasse aux grands animaux, mais il est écœuré de voir tirer des éléphants et des lions par de gros bourgeois couards qui ne pensent qu’à leur gloire au retour. Il a décidé d’arrêter. Ce qui le retient est son fils de 7 ans, en pension en Angleterre après la mort de sa mère : comment le fera-t-il vivre s’il ne fait plus le seul métier dont il est reconnu spécialiste ?

C’est alors que survient une offre d’un Anglais, un certain John (Richard Carlson), qui veut l’engager pour une expédition. Pas question, se dit Allan, puis il rencontre la sœur de John, Elisabeth Curtis (Deborah Kerr) qui l’émeut malgré ses airs de délicate, offusquée de la crudité africaine. Le frère et la sœur recherchent le mari d’Elisabeth, parti en quête des mines du roi Salomon. « C’est une légende ! » s’exclame Allan ; « mais il nous a laissé une carte ! » rétorque John. Manuscrite, elle commence au dernier village pointé sur la carte officielle pour s’étendre dans la contrée inexplorée. Quatermain n’est pas convaincu de risquer sa vie, celle de ses compagnons blancs et celle des porteurs africains avec qui il travaille depuis une décennie et demi et qu’il aime.

C’est alors qu’Elisabeth, qui le revoit un soir chez lui, sort un argument massue : un chèque de 5 millions de livres. Les prestations du guide se montent habituellement autour de 200 000 £ et c’est 25 fois plus ! De quoi assurer l’éducation de son gamin jusqu’à sa majorité, même si son père disparaît…

Les mines du roi Salomon

L’expédition risquée a donc bien lieu. Allan y va à contrecœur mais par devoir puisqu’il est pauvre ; Elisabeth est riche, elle y va par devoir mais redoute au fond de retrouver ce mari qu’elle n’aime pas vraiment, ce pourquoi il l’a fuie au fin fond de l’Afrique. C’est elle qui a la fortune, pas lui, et il a voulu l’éblouir en découvrant les diamants mythiques. Des deux personnages du mâle guide aventurier Allan et de la mijaurée riche Elisabeth, les intentions sont inverses… mais ils vont se trouver. Allan veuf et brut va tomber amoureux du bibelot précieux mais courageux Elisabeth et tout finit bien qui finit le dernier.

Je vous passe les poncifs des années cinquante sur les araignées grosses comme des assiettes, les serpents monstrueux et cauteleux, les zèbres en folies galopant en horde à cause du feu en écrasant tout sur leur passage, les panthères griffues avides de chair humaine, les crocodiles mangeurs d’homme – et les nègres presque nus aussi peureux en bande que belliqueux chez eux. Tout le film se déroule sur les faux-pas de l’inadaptée Elisabeth rattrapés par le spécialiste Allan. Elle trébuche, hurle, ne sait pas grimper aux arbres ni courir sans s’essouffler, ni s’habiller pour la jungle, ni marcher sans être rapidement fatiguée, elle a soif dans le désert et tombe inanimée…

Sans dévoiler le sel de l’aventure, disons que le trio de Blancs, flanqué de deux Noirs fidèles (les porteurs ont fui), parviennent au-delà du désert dans le blanc des cartes ; qu’un compagnon élancé se révèle être un roi écarté qui vient défier son oncle pour reprendre le trône ; que la tribu jalouse des mines de diamants bruts est hostile, puis convertie ; qu’Elisabeth va enfin savoir ce que son mari est devenu.

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L’argent ne fait pas tout mais il est bien présent dans l’histoire. Argent hérité dont on fait bon ou mauvais usage selon sa morale ; argent désiré par devoir pour aider un fils ou retrouver un mari ; argent rêvé pour de mauvaises raisons, voire volé dans les mines du roi Salomon ; argent nécessaire à toute expédition pour engager des porteurs, acheter des provisions et des munitions, faire vivre les villages noirs, prolifiques en enfants.

En 1950, à la sortie du film, le devoir l’emporte encore sur l’avidité, même si la raison ne domine qu’avec peine les passions. Au fond, c’est l’instinct qui apparaît le plus fort : la pulsion de savoir, l’amour viscéral pour les êtres aimés, l’élan de vie qui vous pousse même lorsque tout paraît désespéré.

Les acteurs incarnent solidement ces désirs, ces sentiments et cette intelligence humaine – apanage supérieur des Blancs, mais pas seulement. Les Noirs sont souvent avisés à titre personnels, même s’ils agissent moutonnièrement en bande par la danse, la trouille ou l’excitation guerrière. Même les bêtes sont pourvues de ces vertus, comme ces éléphants qui protègent l’un d’eux blessé, ces lions qui ne chassent que lorsqu’ils ont faim, ou ce petit singe apprivoisé aussi affectueux qu’un gosse.

Stewart Granger est le grand mâle alpha aux épaules larges et au visage aigu qui a expérience et savoir-faire (le seigneur pirate des Contrebandiers de Moonfleet), ; il prévoit plus loin que l’immédiat et s’adapte aux réactions des autres. Deborah Kerr est la femelle qui en veut, cachant sous son attitude poseuse un vrai courage pour sa volonté. Les deux vont s’affronter, se choquer mutuellement, se défier, se jauger – et s’apprécier à la fin car ils apparaissent complémentaires.

Pour cela un bon film, malgré le charme suranné d’une Afrique de carte postale qui existait encore dans les décors naturels filmés en 1950.

DVD Les mines du roi Salomon de Compton Bennett et Andrew Marton, 1950, avec Deborah Kerr, Stewart Granger, Richard Carlson, Hugo Haas, Lowell Gilmore, Warner Bros 2016, €9.99

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