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La Dernière Légion de Doug Lefler

Fin d’empire… Celle du romain qui a duré mille ans fait fantasmer celle de l’américain qui a duré cent ans, pas plus que celle de l’anglais un siècle avant lui.

Le vrai Romulus Augustule, né vers 461 de notre ère et mort on ne sait quand, peut-être après 511, a régné dix mois du 31 octobre 475 au 4 septembre 476. Placé sur le trône de César Auguste par son père le patrice Oreste, originaire d’Europe centrale, il a été déposé par le patrice Odoacre, lui aussi immigré barbare « assimilé » à Rome – dont l’empire est réduit à la péninsule italienne, l’empire d’orient vivant une existence séparée. Oreste a été commandant d’armée avant de faire un coup d’État pour déposer Julius Nepos, lui aussi général proclamé empereur. Odoacre ne fait que poursuivre la lignée de généraux félons, tout comme en Afrique ces derniers temps. A 15 ans, César Romulus Auguste est épargné, les sources déclarent qu’Odoacre aurait été sensible à son lignage, à sa beauté et à sa jeunesse (les mœurs du temps…). Il est relégué en exil au Castellum Lucullanum, en Campanie – et disparaît des sources.

Tout autre est l’être de fiction imaginé par Valerio Manfredi dans son roman La Dernière Légion, dont Doug Lefler a fait un film à la gloire de Britannia. Tout comme Énée quittant Troie en flammes, le jeune Romulus quitte Rome en ruines pour fonder un nouvel empire, celui de la Table ronde… Les Américains nous avaient habitués à rafler les gloires à leur profit, moins les Anglais. Voilà qui est fait. Au détriment de la vérité historique, bien entendu : que serait l’Angleterre sans les vikings, puis les Normands ?

Mais le mythe est puissant et joue l’image et l’émotion pour souder une nation. La date des événements est modifiée, il s’agit de 460 dans le film (pour raccorder avec la naissance du roi Arthur, son fils, que l’on voit à la fin du film). Il ne s’agit pas de la date historique de 476 (même si les wikifaux-savants l’affirment avec légèreté sur la fiche du film). Le jeune Romulus (Thomas Brodie-Sangster, 14 ans au tournage mais très juvénile) est aidé d’un valeureux général romain Aurélius (Colin Firth) flanqué d’une mercenaire orientale Mira (Aishwarya Rai) et du prêtre druide Ambrosinus (Ben Kingsley) pour retrouver « l’épée de César » censée donner le pouvoir. Une inscription mentionne : « Un côté pour défendre, l’autre pour vaincre, en Bretagne je fus forgée pour servir celui qui est destiné à gouverner. »

Emprisonné par Odoacre (Peter Mullan) dans l’île de Capri, au palais forteresse de Tibère qui domine la mer, il parvient à trouver l’arme et, aidé des autres, à fuir en Grande-Bretagne après avoir déjoué la traîtrise du sénateur ami d’Aurélius, inféodé à Odoacre. Ils vont rejoindre en marchant à travers les Alpes « la IXe légion ». Mais celle-ci, sise le long du mur d’Hadrien, s’est débandée et assimilée ; elle élève du bétail. Le tyran Vortgyn réside en un « château » de type médiéval anachronique et met à sac la contrée ; il cherche l’épée de légende pour son compte. Ambrosinius le connaît, c’est lui qui a gravé sur sa poitrine le « pentacle » de sa médaille.

C’est un film gentillet avec quelques scènes de grosses bagarres divertissantes et pas trop d’hémoglobine. Quelques instants d’émotion un peu surannée, notamment lorsque Romulus adolescent se prend vraiment pour César, tandis que l’Augustule enfantin reparaît lorsqu’il étreint Aurélius. L’honneur est-il encore une valeur qui parle aux adolescents d’aujourd’hui ?

Quant au politiquement correct, il fallait une femme des minorités de l’empire britannique, ici indienne et experte en arts martiaux, et un Noir, ici un géant bienveillant. Pour la « la foi », le précepteur-prêtre l’évoque plusieurs fois, mais sans aucune référence chrétienne alors que l’empire romain était converti depuis Constantin en 306 de notre ère. Le vrai Romulus était d’ailleurs chrétien et l’on suppose qu’il aurait fondé avec sa mère un monastère, une fois relégué. Mais le mythe veut que le druidisme se soit transmis et ait donné ses « pouvoirs» au futur empire de Grande-Bretagne. Romulus est devenu Pendragon et Ambrosinus Merlin.

A voir surtout pour Thomas Brodie-Sangster, il est émouvant de fragilité et de détermination.

DVD La Dernière Légion (The Last Legion), Doug Lefler, 2007, avec Colin Firth, Thomas Brodie-Sangster, Ben Kingsley, Aishwarya Rai, Peter Mullan, Kevin McKidd, StudioCanal 2016, 1h41, €9,99 Blu-ray €12,00

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Prince Vaillant de Henry Hathaway

Un roi viking de Scandie (Donald Crisp) s’est fait déposséder de son trône parce que devenu chrétien. Il s’est exilé en Grande-Bretagne et a bâti un superbe château sur une île de la côte dont seul le roi Arthur (Brian Aherne), qui l’a accueilli, sait l’emplacement. Le roi félon Sligon (Primo Carnera) n’a de cesse que de le rechercher pour consolider son pouvoir par sa mort grandiose avec son fils dans un bûcher sur une croix. Un fidèle de cet ancien roi (Victor McLagen), vient le prévenir qu’il vaut mieux fuir. Le personnage est une « gueule » : large carrure et poitrine nue sous une casaque de cuir, barbe broussailleuse, hache à la main et casque cornu sur la tête, il joue le viking de caricature.

Mais l’ex-roi se contente d’envoyer son unique fils, le prince Vaillant (Robert Wagner, 23 ans au tournage), à la cour du roi Arthur afin de le protéger mais surtout pour qu’il devienne chevalier de la Table ronde. Le jeune homme, coiffé en page, est un peu envolé mais très physique, s’élançant à la traction des bras plutôt que de monter un escalier, dévalant la tour de guet à la corde plutôt que d’emprunter le colimaçon. Il n’hésite pas à ôter sa tunique ouverte jusqu’au sternum pour plonger torse nu dans les eaux glacées de la mer du Nord et joindre le bateau viking du fidèle qui vient les prévenir.

Le voilà donc parti chercher l’aventure dans ce moyen-âge où le merveilleux côtoie le sordide, dans un paysage campagnard vide d’hommes où des hardes de biches paissent en toute liberté. Sa barcasse minuscule dissimulée dans les roseaux de la rive, le jeune homme se cache en entendant du bruit. C’est un chevalier noir qui passe à cheval, heaume fermé et lance en main, accompagné d’un écuyer. Il est mystérieux et inquiétant. Un peu plus loin sur la côte, Vaillant aperçoit le chevalier en grande discussion avec un ban de vikings dont les esnèques (on ne dit pas « drakkar », invention du XIXe) sont mouillés sur le bord. Il entend que le roi félon promet mille mercenaires pour aider à combattre Arthur.

Mais le léger jeune homme qui espionne fait céder sous lui le pan de falaise et s’écroule au pied du chevalier noir. Les chevaux s’affolent et l’écuyer est désarçonné ; Vaillant aussitôt enfourche la monture et s’élance, poursuivi par le noir. Il ruse en se suspendant à un arbre mais un archer surgi de nulle part lui envoie des flèches bien ajustées. Vaillant se résout à plonger dans un lac et il reste sur le fond, respirant par un roseau de la rive qu’il a coupé. Le chevalier noir le cherche un moment mais ne le découvre pas.

Ruisselant, le prince repart à pied et sans armes vers la cour d’Arthur. Rencontrant un autre chevalier caparaçonné comme le précédent mais en vert et or, il le descend d’un coup de pierre – ruse de viking – puis découvre qu’il s’agit de sire Gauvain (Sterling Hayden), un homme en qui son père a toute confiance. Mené à la cour au château de Camelot par le chevalier indulgent, il devient son écuyer malgré la demande pressante de sire Brack (James Mason), un bâtard de la même lignée qu’Arthur et chevalier de sa table, qui aurait bien voulu s’attacher le jeune viking. Celui-ci, pour devenir chevalier, devra d’abord s’entraîner et prouver par ses exploits qu’il en est digne.

Le film, inspiré (assez librement) d’une bande dessinée de Harold Foster célèbre dans les années quarante, est l’aventure initiatique qui permet au jeune homme de devenir adulte : la quête, les épreuves, le triomphe, la reconnaissance. Il s’entraîne au tournoi, dénonce le traître de la Table ronde, tue le roi félon, délivre son royaume, est armé chevalier par le roi Arthur lui-même, et épouse la belle blonde (Janet Leigh) qui l’a recueilli et soigné lorsqu’il a pris une flèche dans l’épaule droite. Quant à sire Gauvain, il épouse la sœur (Debra Paget).

Le film est joyeux, enlevé, dynamique, tout empli de jeunesse et d’action, dans un esprit d’honneur chevaleresque qui rend nostalgique d’un autre temps. Il se regarde avec un grand plaisir. Certes, le cinémascope et le technicolor en rajoutent dans le grandiose, l’incendie du château viking et le duel aux épées trop brillantes devant le trône d’Arthur sont un brin clinquant, le carton-pâte résonne parfois drôlement dans les bonds des acteurs, mais la fougue et l’agilité, l’initiative et l’intelligence du jeune premier, emportent l’adhésion. Le cinéma renoue avec le livre d’images médiéval ; nous sommes dans la geste plus que dans le western.

DVD Prince Vaillant (Prince Valiant), Henry Hathaway, 1954, avec James Mason, Janet Leigh, Robert Wagner, Sterling Hayden, Debra Paget, Movinside (Twentieth Century Fox) 2018, 1h36, standard €16.99 blu-ray €19.99

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