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Stefan Zweig, Grandes heures de l’humanité

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Les Sterstunde – moments décisifs – sont traduites sous plusieurs noms en français, Grandes heures de l’humanité en Pléiade, Les très riches heures de l’humanité au Livre de poche, en référence aux miniatures du manuscrit appartenant au duc de Berry. Ce sont des heures astrales comme ces signes du destin qui changent l’humanité en son histoire, des moments où l’univers bascule. Enrichis jusqu’en 1943, ces textes sont désormais 14.

L’auteur concentre sa lumière sur les événements et les caractères des hommes. Certains sont à la hauteur, comme Balboa le conquistador de l’océan Pacifique, d’autre non comme le maréchal fonctionnaire Grouchy, obstiné à poursuivre les ordres sans jamais s’adapter aux circonstances.

A chaque fois, Stefan Zweig cherche à saisir ce « produit d’un état extrêmement passionné » dans lequel l’individu exceptionnel rencontre le destin historique. Ainsi Cicéron, redoutable orateur, quitte la vie publique pour composer ses meilleures œuvres de sagesse avant d’être tué par les sbires du vulgaire prévaricateur Antoine ; Byzance est prise par la volonté d’un sultan intrépide et fanatique ; Georg Friedrich Haendel surmonte par sa volonté la paralysie d’une attaque pour produire ses meilleures œuvres ; le besogneux capitaine Rouget rencontre le génie une nuit en composant ce Chant pour l’Armée du Rhin qui allait revenir avec les volontaires du sud la Marseillaise ; Goethe, vénérable vieillard, se retrouve pris par le démon de midi, amoureux comme un adolescent d’une fille de 16 ans, mettant en ordre et complétant son œuvre universelle ; le suisse Suter, fondateur autour de la bourgade pauvre de San Francisco d’une Nouvelle Helvétie agricole très prospère, est brutalement ruiné par les pillards de la ruée vers l’or ; Dostoïevski voit se révéler son œuvre future au moment d’être fusillé pour opposition au tsar – et miraculeusement gracié au tout dernier instant ; l’obstination optimiste de Cyrus W. Field a créé cette performance de faire traverser un câble de communication par tout l’Atlantique, pour relier par télégraphe instantané l’Europe et l’Amérique ; le comte Tolstoï découvre sa pusillanimité de chrétien scrupuleux et naïf à la veille de sa mort, à 83 ans, dans les yeux d’étudiants venus lui demander d’aider la révolution, en 1910 ; le capitaine anglais Scott lutte pour conquérir le pôle Sud mais se fait coiffer au poteau par le Norvégien Amundsen, léguant cependant des lettres extraordinaires, écrites avant de crever de froid avec ses trois compagnons dans le blizzard du pôle ; enfin Wilson, président des États-Unis en 1918, tente-t-il de changer un vieux monde qui ne veut pas en créant la Société des nations et 14 Points de règlement universel des conflits.

Ces récits d’histoire, écrite avec passion comme Michelet écrivit sur la Révolution française, restent très lisibles aujourd’hui, étonnamment vivants. Avec cette leçon qu’il faut savoir parfois violer sa conscience pour faire un enfant à l’Histoire : « Précisément l’intellectuel, parce qu’au fond de lui il est handicapé par un sens profond de la responsabilité, soit rarement capable, dans un moment décisif, de devenir un homme d’action » (Cicéron). Écrit en 1940, cette méditation sur la sagesse romaine reste de tous temps applicable. Hitler comme Staline étaient des rustres incultes, Mao n’était qu’un instituteur promu et nos présidents sous la Ve République arrivent au pouvoir depuis les années 1980 moins par leur culture et leur sagesse que par leur capacité à passer sur le corps des autres.

Stefan Zweig, Grandes heures de l’humanité (Sternstunde), 1927, Gallimard Pléiade tome 1, 2013, 1552 pages, €61.75

Stefan Zweig, Les très riches heures de l’humanité, Livre de poche 2004, 318 pages, €6.27

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Pêcher à Tahiti

Il est des pêcheurs polynésiens passionnés comme I. Certain sont nés pêcheurs déjà dans le ventre de leur mère. I. pêche toutes de sortes de poissons en respectant la nature, pas de surconsommation, il pêche ce dont il a besoin. Il chasse au fusil à harpon sur les patates, à la canne, au filet, au trident, à la traîne, il pêche aussi la langouste dans les périodes autorisées. Il pratique le rama komaga qui consiste à ramener le poisson en eau peu profonde puis à l’assommer avec un bois ou un couteau.

Pour le rama (pêche au flambeau), une pêche de nuit récifale, il utilise aujourd’hui le morigaz (lampe tempête) ou le moripata (lampe torche). Autrefois, on attachait des feuilles de cocotiers séchées (niau) pour servir de torche et éclairer le pêcheur. A chacun sa technique.

S’il veut attraper des rougets ou des carangues, il utilise des mouches ; si ce sont des mérous alors ce sera une queue de bernard-l’ermite ; pareil pour les bonites ou les veve (mérous de récif) ; avec le nylon, il attrapera thons, thasards, ruhi (carangues noires), mahi mahi (dorades coryphènes).

Avec le moulinet, c’est une pêche plus sportive et physique qui permet d’attraper de grosses prises plus au large comme les espadons. Il pêche au paru ce qui lui permet d’atteindre les poissons des profondeurs supérieures à 200 m. Avec son potoru (harpon à 3 dents) ou son pumaha (harpon à 4 dents) il tire sur ce qui se présente depuis le récif à marée basse. Il appâte les balistes avec des bénitiers (coquillages, pas récipients d’église). Avec son bateau, il pratique la pêche rodéo qui consiste à suivre les balistes en zigzaguant entre les patates de corail. Il pourrait parler de ses pêches pendant des jours et des jours. C’est un être passionné, qui respecte les traditions, sa culture tout suivant le mode de vie contemporain.

Le cycle de reproduction de l’anguille est encore mal connu. Les jeunes anguilles vivent dans les rivières des vallées. Au moment de la reproduction, elles commencent une migration qui durera de cinq à dix ans pour les mâles et entre douze et vingt ans pour les femelles. Elles vont rejoindre le site de reproduction dont le lieu reste encore peu précis dans le Pacifique. Après la reproduction, les individus décèdent. Les larves à tête plate qui naissent en mer seront ramenées vers les côtes par les courants marins. Il leur faudra environ 6 mois pour parcourir cette distance, elles se métamorphoseront en civelles près des côtes. Elles colonisent les embouchures des cours d’eau entre octobre et avril, avec un pic à la nouvelle lune de décembre. Une civelle mesure 50 mm de long pour un poids de 100 mg. Dix-neuf espèces d’anguilles connues dans le monde sont menacées d’extinction. Il y a une surpêche en Europe. Un marché économique important 230 000 tonnes de poissons vendues par an dont 70% aux consommateurs japonais. Un kilo de civelles a atteint 2 millions de FCP ! A vos porte-monnaie…

A Fidji, un chef traditionnel affirme que les Chinois vident la côte de ses ressources. Les hommes d’affaires chinois paieraient les villageois pour obtenir le droit de pêcher comme bon leur semble, poissons, crustacés, bêches de mer. Ils pilleraient le thon également, au grand dam des locaux. Ils ont pillé le Pacifique Nord, ils poursuivent dans le Sud. Aux Salomon, au Vanuatu, les gouvernements accordent trop de licences, à Fidji également. Les bateaux chinois sont partout à Fidji, aux Salamon, au Vanuatu, à Kiribati. Et après ?

Les 2600 océanographes réunis en Australie ont prévenu que les récifs coralliens dans le monde étaient en train de décliner rapidement et ont appelé à agir de manière urgente sur le changement climatique pour sauver ce qu’il en reste. La grande barrière de corail en Australie, qui est pourtant un des écosystèmes marins les mieux protégés au monde, a enregistré un déclin de 50% de ses coraux en un demi-siècle. Plus de 85% des récifs dans le triangle asiatique des coraux sont menacés directement par des activités humaines, telles que le développement des régions côtières, la pollution et la surpêche. (Le triangle asiatique = Indonésie, Papouasie-Nouvelle guinée, Philippines, Salomon, Timor oriental. Il couvre près de 30% des récifs coralliens du monde et abrite plus de 3000 espèces de poissons).

Hiata de Tahiti

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