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Hypothèse Macron

Emmanuel Macron a démissionné. A 38 ans, il veut un projet pour la France et se positionne pour l’avenir. A court terme ? A long terme ? Nul ne sait, pas plus lui-même que les « commentateurs ». Pour être candidat, il faut être en situation, or la situation pour 2017 n’est pas établie. Chaque camp en est encore à envisager ses primaires et les candidats putatifs à songer se déclarer. Rien n’est fait, rien n’est encore sur les rails.

Mais je formule ici une hypothèse : et si François Hollande avait choisi Emmanuel Macron comme successeur à la tête de la gauche ?

emmanuel macron

Les frondeurs socialistes, tout entier dans les logiques d’appareil et regardant l’avenir avec la programmation du passé, parlent volontiers de « trahison ». Macron aurait fauté envers le président selon eux – qui honnissent François Hollande. Ces ringards de la politique n’arrivent peut-être pas à la cheville du petit Mitterrand machiavélien qui a su si bien les manipuler depuis de longues années. Je n’encense pas François Hollande, je crois qu’il est un mauvais président ; mais je ne sous-estime pas le personnage, ni son intelligence, ni sa capacité politique. Il est apte à tous les rouler dans la farine.

Il est possible que le président sortant se représente, si la situation lui offre un créneau pour ce faire. Si, en décembre, les sondages, la conjoncture et les attentats (possibles) ne le lui offrent pas, il est bel et bien possible qu’il se retire… au profit de son poulain Macron.

C’est en effet lui qui l’a fait sortir de l’obscurité et l’a promu. Sa démission n’est pas pour divergence politique, ni pour divergence personnelle, mais pour « reprendre sa liberté ». Ce qui laisse ouvertes toutes les portes, y compris un « coup » hollandais contre ceux qui l’enterrent bien trop vite. Macron n’est pas déloyal, au contraire : il ouvre un possible.

J’avais écrit dans une précédente note d’avril que « s’il a nommé Macron, le plus populaire (et le plus jeune) de ses ministres, c’est comme ‘bouffon du roy’, trublion apte à dire tout haut ce qu’on pense tout bas sans oser le dire, aussitôt démenti, aussitôt ‘tempéré’. Emmanuel Macron et son ‘franc-parler’ soigneusement mesuré sert à la dialectique de la com’ présidentielle : il crée de la divergence pour mieux faire converger. Le président a beau jeu alors de dire « mais non, je ne propose pas d’aller aussi loin » – mais le message est passé. »

Hollande président s’est trouvé vite trop à l’étroit dans sa majorité sectaire ; il était trop tard pour l’ouvrir, après ses déclarations gauchisantes de campagne. Monsieur Normal, qui est devenu Monsieur Pas d’bol avec son dernier pensum, aspire désormais à « rester dans l’histoire ». Or faire « la synthèse » entre socialisme et libéralisme est un grand projet de gauche, qu’on le veuille ou non. Il a le mérite, malgré les acariâtres et les archaïques, de redonner du souffle à la politique.

Le parti Socialiste est devenu inaudible avec ses divisions (habituelles), ses crises d’ego (immatures) et ses leçons de morale à la terre entière (alors que nombre de fraudeurs et de condamnés en justice viennent de ses rangs). Les électeurs en ont marre de ceux qui se posent en vertueux qui jamais ne font de compromis (en façade) pour se coucher (en réalité) devant la force, qu’elle vienne d’Allemagne, de la finance, des États-Unis, des clients du Golfe pour les armements ou de la pression braillarde des « associations » et autres ligues de vertu. François Hollande serait plutôt du genre pragmatique, évoluant pour composer avec le réel lorsqu’il ne peut pas l’annuler. Sauf qu’il n’a pas été hardi pour imposer son profil, comme Mitterrand avait su le faire.

Ce qu’il n’a pas osé, empêtré dans ses liens de parti et d’anciennes fidélités, Macron l’a pu. Le parler-vrai sur les entreprises, sur le mérite du travail, sur la récompense de la richesse, sont peut-être des épouvantails dans la vieille gauche, mais cette gauche-là est condamnée : Macron est populaire. Il a eu certes des dérapages de langage qui ont été plus loin que sa pensée, des irrespects pour des syndicalistes d’autant plus chatouilleux qu’ils ne représentent pas grand-chose à l’échelle nationale, des erreurs du fait qu’il n’a jamais été élu et qu’il a peu côtoyé les gens du peuple. Mais ce qu’il dit plaît, sa démission est plébiscitée par 83% des interrogés. Il fait passer un souffle nouveau sur les vieilleries. Même si seulement 47% souhaitent le voir se présenter aux Présidentielles… pour le moment. Mais si François Hollande lui passait volontairement la main et le soutenait – comme Gérard Collomb – sans réserve ?

francois hollande

En politique il est nécessaire de voir loin, donc de peser les conséquences des décisions que l’on prend. Quiconque agit non selon ce qu’il peut faire mais selon sa Bible du moment n’est pas un politicien mais un théocrate. Hollande songe à se représenter… s’il a une chance. Sinon, il peut fort bien adouber Emmanuel Macron, coupant ainsi l’herbe sous le pied de tous ses ex-ministres devenus rivaux qui se contente de fonctionner en bons fonctionnaires du parti formatés fonction publique.

Minoritaire à gauche, il peut récupérer ceux de droite que la dérive sécuritaire et autoritaire effraie : face à Macron, Juppé ou Bayrou feraient-il le poids ? Ne les a-t-on pas assez vus ? Proposent-ils quelque chose de neuf ?

Il ne faut pas sous-estimer le profond désir de changement du système monarchique de la Ve République, ni l’exaspération des blocages idéologiques et procéduraux des partis, aussi bien chez LR qui milite haut et fort pour réélire Sarkozy qu’au PS qui rêve de revenir au mitterrandisme et que chez EELV qui va radouber Duflot, sans même évoquer l’histrion Mélenchon. Ne seraient neufs en mai prochain que l’angelot Macron et l’aragne Marine… Qui gagnerait ?

Ni l’économie, ni la participation politique, ne sauraient être liées aux ordres impulsés d’en haut. C’est au contraire « la base », dans le peuple, les petites entreprises, chez les gens qui se trouvent assez adultes et responsables pour se prendre en main, que l’avenir se bâtira. C’est par exemple ce que réclament les agriculteurs : construire le prix des produits ensemble avec les industriels et la distribution. Il est très possible qu’avec la génération de retard habituelle à la France, Emmanuel Macron réussisse ce qu’a réussi Tony Blair en 1997. Après tout, 2017, ce n’est que 20 ans plus tard !

Il y aurait toujours une gauche et une droite mais Emmanuel Macron, en se plaçant au-dessus des blocages partisans sous la forme d’une troisième voie – et s’il sait s’entourer pour tout ce qu’il ne sait pas faire – pourrait bien incarner un renouveau de la gauche, enfin adaptée au nouveau siècle.

François Hollande serait alors crédité d’avoir fait bouger l’histoire, d’avoir permis l’ajustement du pays à la modernisation du monde global sans rien perdre de l’idéal de justice et de partage, d’avoir apaisé la société en évitant à la droite de se fourvoyer dans l’extrême. Il ne serait plus président mais il serait un sage.

Vaste ambition dont il n’est pas sûr qu’il ait les épaules pour la porter – mais qui le sait ?

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