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Musée archéologique Paolo Orsi de Syracuse

Nous marchons sur les trottoirs de marbre des rues en damier pour trouver le musée archéologique, sis dans la villa Landolina.

De nombreuses salles sont consacrées à l’histoire de la ville et de la région, de l’époque néolithique jusqu’aux Grecs. Il y a pléthore de vitrines de tessons, quelques panneaux explicatifs pour agrémenter. Le site de Castelluccio, la culture de Thapsos avec ses grandes jarres funéraires, la culture de Pantalica fin de l’âge du bronze, la tombe du bronze de Madonna del Piano, les spirales de pectoraux de San Cataldo, puis la colonisation des cités grecques dès le VIIIe siècle avant. Syracuse est la ville grecque la plus importante de l’île, plus qu’Athènes elle-même à son apogée.

La céramique polychrome de Megara Hyblaea, importée puis produite localement, montre des chevaux, des frises de bouquetins, des oiseaux. Quelques statues de kouros du VIe siècle ionien, de très jeunes hommes pubertaires, et d’athlètes adultes, une déesse allaitant du VIe, peut-être une Mère sicule à laquelle on vouait un culte. Une stèle funéraire d’un jeune garçon nu près d’une figure féminine drapée, de la première moitié du IVe est émouvante.

Sont exposés encore des statuettes féminines en terre cuite de style Tanagra provenant de la cité grecque et sicule de Terravecchia (VIe et Ve siècle avant), des vases peints, des armes en bronze du VIIIe siècle de la cache d’Adrano, un petit éphèbe en bronze du Ve, une Méduse de Naxos en terre cuite de la première moitié du Ve. Des vases ossuaires après crémation sont ornés de scènes de guerriers ou de banquets. Une maquette du temple d’Apollon, bâti vers 560 avant, avec ses 6 et 17 colonnes monolithes est reconstituée.

Un dépôt votif aux nymphes a été découvert en 1934 à l’embouchure de la rivière Palma in Contrada Tumazzo. Il contenait des statuettes votives en bois, bien conservées par le milieu anaérobie, des figurines et des poteries de terre cuite. Les trois figures femelles en bois, dressées rigides, sont vêtues d’un péplum dorique et coiffées d’un polos. Elles sont datés de la fin du VIIe ou de la première partie du VIe siècle avant.

Nous ne verrons pas la Vénus Landolina, anadyomène, dont Maupassant a célébré au printemps 1885 les charmes avec un érotisme torride :« la fameuse femelle de marbre », comme il dit, « on la rêve couchée en la voyant debout ». La salle était fermée pour restauration.

Notre hôtel est la Villa Politi, via Maria Politi Laudien, naturellement quatre étoiles. Churchill y aurait séjourné et très bien dormi, selon le ragot colporté par le guide. Le dîner est à 19h30 dans l’hôtel et le menu est un risotto au fenouil, un filet de bar pané aux pommes de terre avec épinards acidulés, et une salade de fruits. Le vin nous est offert car notre horaire a été changé de même que la salle, réservée par un congrès médical.

J’apprends que Jim a passé son bac en 1967. Il est à la retraite depuis bien longtemps, d’autant qu’il avait le droit de partir à l’époque à 60 ans. Quant à Mirande, cela fait plus de dix ans qu’elle est à la retraite, avec deux enfants. Ce couple passe de belles années à voyager et à se gaver de loisirs, en n’ayant travaillé que 37 ans. Cela paraît privilégié aujourd’hui mais c’était la norme à l’époque – pas si lointaine – où les baby-boomers n’étaient pas arrivés encore en masse à l’âge de se retirer.

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Samarcande, mosquée Bibi Khanoum et nécropole de Chaki-Zinda

Le lendemain matin, nous nous dirigeons vers la mosquée Bibi Khanoum. En chemin, nous passons devant un grand hôtel nommé Afrosiyob, dont la vue s’étend sur une belle étendue gazonnée. C’était une ancienne usine de vodka qui a été rasée pour juguler la production pléthorique, nous dit Rios.

Bibi Khanoum était l’une des femmes de Tamerlan. La mosquée a été construite très vite dès 1399 et les années qui ont suivi ont dû éviter les briques qui tombaient des murs… comme à la roulette russe. Son portail est haut de 33 mètres, sa cour fait 130 m sur 102, elle pouvait accueillir 10 000 fidèles. Les gens qui entrent sous le porche, paraissent minuscules à quelque distance. A la géométrie carrée du porche et des murs répond la rondeur toute féminine de la coupole. Rigueur ici-bas, félicité au-delà. « Sa coupole serait unique si le ciel n’était pas sa réplique », écrivait d’elle l’historien de la cour Cherefeddin-Ali-Yiezdi. Mais elle était tellement énorme qu’elle a commencé à s’effriter dès son achèvement.

Son architecte, dit-on, était fou de la belle Khanoum. Celle-ci lui opposait que toutes les femmes se valent. Il lui dit que l’eau et le vin blanc se ressemblent beaucoup mais ne procurent pas la même ivresse. Elle lui accorda un baiser, pas parce qu’il avait raison mais parce qu’il menaçait de ne pas terminer l’édifice avant le retour de Tamerlan. Inopportunément le baiser traversa la main qu’elle avait interposée entre sa joue et les lèvres de l’obstiné. On dit qu’il se marqua dans sa chair. Persuadé de l’infidélité de son épouse, Tamerlan la fit jeter du haut de la mosquée mais ses jupes et falbalas lui sauvèrent la vie en la faisant atterrir sans dommage.

Coupoles acoustiques, galeries, estampages de papier mâché, la mosquée a été restaurée depuis 1964 mais l’ensemble est trop vaste, souvent décati par les tremblements de terre. Modulation d’oiseaux dans les mûriers. Ces arbres sont chaulés sur 1 m de hauteur, sans doute pour empêcher fourmis et insectes de venir les saccager.

Un lutrin pour poser le Coran trône à l’air libre au centre de la cour, il date du 7ème siècle. Le troisième calife est installé en pierre au milieu de la cour. Sa couverture en peau de gazelle a été volée par Tamerlan. Celui ou celle qui réussit à passer dessous sera fécond. Toutes les mères incitent leurs enfants à accomplir le rite et deux petits garçons en débardeurs orange jouent à cache-cache entre les ouvertures.

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Nous allons faire un tour dans le bazar proche. Il est moderne, tout de béton et d’étals. Un magasin dédié à la vodka paraît un bijoutier de loin, tant le cristal des flacons brille dans sa vitrine.

L’artisanat individuel côtoie le luxe industriel. En face, une autre boutique est dédiée à la saucisse. Ce ne sont que pendaison de chipolatas, merguez, saucissons, salamis, mortadelles, du rose clair au rouge sombre. Les cylindres renflés des préparations sont précieux comme des bijoux d’artisan.

Au pied d’un minaret, une fillette en robe vert fluo regarde en l’air, dans les bras de sa mère. Des garçonnets brandissent des pistolets jouets et sont coiffés de casquette en jean marqué N Y.

Un mariage sort d’une mosquée ; les deux mariés sont vêtus très classique, costume croisé à rayures, chemise blanche et cravate pour l’époux, robe de mousseline blanche à dentelle et traîne pour l’épouse.

Place à la nécropole de Chaki-Zinda, « le roi vivant », qui régnait spirituellement jusqu’en 675. Il s’agit d’un saint musulman, cousin de Mahomet, décapité par les adorateurs du feu zoroastriens. Un mausolée a été bâti sur sa tombe au 11ème siècle. Par la suite, les riches musulmans ont pris l’habitude de se faire enterrer autour du tombeau du saint.

La nécropole, au versant sud-est de la ville, comprend 11 mausolées, dont ceux de la famille proche de Tamerlan. Le mausolée de sa mère s’appelle Shadimulk Aka. Il date de 1372. Celui de la sœur de Tamerlan Shirinbeka Aka, du 14ème siècle aussi. Terre cuite ciselée, carreaux de céramique brillante aux couleurs fraîches, brique, l’endroit est pur comme une salle de bain et monumental comme une église romane. Les carreaux de majolique bleu vert et l’ocre blanc de la brique brute rafraîchissent.

Les reliefs et les brillances font descendre sur les monuments de terre l’ombre impalpable du ciel. Délicatesse de dentelle des décors géométriques ou littéraires cuits sur les carreaux glacés. Passent deux filles à l’aspect mongol accentué, peut-être ouzbek.

Par contraste, un crâne rasé blond russe de dix ans, en débardeur bleu mosaïque, a la robustesse rude du colon plus récent en la contrée.

Un escalier de 36 marches est à refaire à genoux si, en comptant les marches, on ne tombe pas sur le bon chiffre. Même chose à la redescente. Toute religion a ses superstitions. Le petit cimetière qui suit le mausolée, sur la colline, est d’un calme reposant. Les tombes représentent les portraits en photo des défunts, gravés au burin sur la stèle. Une autre est faite de deux plaques de marbre noir séparées audacieusement en forme de trait et de croissant – à mi-chemin entre le symbole lunaire de l’islam et la faucille soviétique !

Nombre de petits combis blancs qui sillonnent les rues sont de marque Daewoo et s’appellent ici les « Damas ». Ils servent de taxis privés qui suivent un itinéraire préétabli, mais qui s’arrêtent à la demande. Ce qui est pratique pour les femmes seules ou quand vous transportez des paquets.

Nous déjeunons au restaurant Tumos, cadre russe, cuisine classique locale, dont des brochettes de lapin marinées à la vodka. Phénomène de groupe, Christian s’exprime. Maintenant que Nicolas n’est plus là pour accaparer l’attention avec ses mimiques de Funès, Christian se révèle. Hier son expérience africaine, aujourd’hui son expérience lycéenne. Célibataire, il aime son métier de prof. Il voit approcher la rentrée avec plaisir. Bien sûr, il n’aime pas « ces petit connards » qui jouent les caïds, mais ils ne sont que deux ou trois dans chaque classe. Les autres aiment apprendre et lui aime enseigner. La pédagogie est son plaisir. Le respect du prof commence, pour lui, par la correction impeccable et détaillée des devoirs. C’est le signe que l’on aime ce qu’on enseigne, que l’on fait bien son boulot et qu’on respecte les élèves individuellement. Quelques colères savamment calculées pour des causes justes, établissent la relation d’autorité complémentaire au savoir. Avoir de la répartie pour réagir aux provocations aide, mais lui avoue n’en avoir guère. Il faut plutôt intervenir très tôt, avant que la discussion s’échauffe et que les têtes se montent. A Meaux, il a affaire le plus souvent à des élèves imbibés de fondamentalisme musulman (nous sommes en 2007 !).

Leurs parents croient aveuglément, selon les prêches wahhabites ou salafistes, que la terre est plate parce que c’est dit dans le Coran, que le créationnisme est la Vérité révélée. Remettre les pendules à l’heure, malgré le programme à remplir, est ce que Christian aime le plus. Il gère les discussions et répond aux questions, surtout hors mathématiques.  Pour lui, un cours se prépare « comme une émission de télévision ». Il lui faut une accroche, un thème et des effets audiovisuels.  Françoise, documentaliste dans un collège, n’apprécie pas les élèves « bourgeois » parce qu’ils sont méprisants. Enseigner deux matières ? Christian n’y voit aucun inconvénient, il enseignerait la physique en plus des maths. Il a eu une formation d’ingénieur avant de bifurquer vers l’enseignement. Françoise est plus dans la doxa prof : elle est forcément contre si ça ne vient pas de la gauche. « Et puis, documentaliste, ça ne s’improvise pas, ça ne s’apprend même pas en formation ». De même, « on ne devient pas prof comme ça » quand on est documentaliste. Hum ! Et comment font donc les profs débutants ? Sont-ils « formés » à la pédagogie avant d’enseigner ? On se permettra d’en douter. C’est bien ce sempiternel esprit négatif qui touche cette génération. Cet écart entre examen et résistance : « la crainte d’une dérive » bloque tout accueil d’une quelconque réforme et inhibe toute velléité de revoir quoi que ce soit dans les Zabitudes !

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Lima

Nous arrivons dans la capitale du Pérou, ville fondée en 1535 par la conquérant espagnol Francisco Pizarro sur l’une des oasis fluviales de la zone aride côtière péruvienne. Elle est arrosée par le Rimac et habitée depuis des temps très reculés. On dit de Lima qu’elle est la plus belle d’Amérique du Sud.

L’occasion de visiter la cathédrale, la Plazza de Armas, le couvent San Francisco. La place San Francisco est l’ensemble architectural le plus important et le plus beau de l’époque coloniale. L’exposition didactique et chronologique de la culture péruvienne au Musée de la Nation est un détour indispensable.

La Plazza de Armas est de belle proportions, au centre une fontaine de bronze du 17e siècle, c’est le centre historique de la cité. Côté nord, la maison de Pizaro devint le Palais du Gouvernement après reconstruction, achevée en 1938 dans le plus pur baroque français.

Côté est, la cathédrale a été reconstruite plusieurs fois après des tremblements de terre. L’intérieur est vaste et austère. Puis le Palais de l’Archevêché orné d’un impressionnant balcon de bois ajouré, l’Hôtel de Ville, le Club de la Union, la Poste Centrale. Plus loin encore le Monastère de San Francisco, le joyau du Lima colonial.

C’est au musée de la Nation que j’ai salué comme il se doit « le Seigneur de Sipan ». Vous savez que la culture mochica s’est épanouie entre le 1er et le 7e siècle de notre ère. La découverte fortuite d’une plate-forme funéraire dans la vallée de Lambayeque, au village de Sipan, a permis de consigner une quantité impressionnante d’informations sur la culture mochica. Les archéologues qui ont fouillé la tombe ont eu la chance de découvrir les restes d’un « gardien » aux pieds amputés afin qu’il ne quitte pas son poste. Ensuite les restes du Seigneur de Sipan, enterré avec de magnifiques parures en or, en argent, en cuivre doré ornées de pierres semi-précieuses.

La symbolique est complexe. On a relevé plusieurs niveaux de parure déposés sur son corps. Il avait été inhumé avec divers ornements d’oreilles, son visage était recouvert de fines feuilles d’or, le menton et les joues étaient protégés par un « couvre-menton » en or, la coiffe était ornée d’un cimier en or. Le corps était paré de pectoraux et bracelets faits de perles en coquillages. Il portait un collier composé de 10 cacahuètes en or à droite et de 10 cacahuètes en argent à gauche. Sa taille était entourée de sonnailles en demi-lune. Ses hanches étaient protégées par deux éléments en forme de tumi (couteau andin dont la lame est en demi-lune), l’un en or, l’autre en argent. Dans sa main droite un sceptre en or. Ses pieds étaient chaussés de sandales en cuivre.

Le seigneur était accompagné par un certain nombre de serviteurs sacrifiés lors des rites de l’inhumation : à droite un guerrier (35-40 ans), à gauche un homme (même âge) avec un chien étendu sur ses jambes, à la tête du Seigneur une femme (16-20 ans), au-dessous une autre femme, un enfant de 10 ans, une autre jeune femme, deux lamas et des offrandes de céramique. Pour le moment, la symbolique des deux métaux précieux, or et argent, demeure inconnue. La position particulière des corps dans la chambre funéraire, autre symbolique, reste à décrypter elle aussi.

Hiata de Tahiti

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