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Grandville

En ce dernier matin du dernier jour, nous visitons la ville. Dès 9h30, nous partons pour longer la mer et passer devant les cabines de bain alignées sagement sur la jetée parfois fortement battue par les embruns. Des sauveteurs en mer, dont le bureau se trouve là, sont déjà en slip et testent la fraîcheur de l’eau comme entraînement.

Nous montons les marches vers la villa rose aux entourages bordeaux de Christian Dior Les Rhumbs (secteurs de la rose des vents) et son jardin, rachetés par la Mairie et devenus publics. La pergola offre une belle vue sur le large du haut de la falaise, la roseraie embaume.

Un buste de Christian Dior (1905-1957) donne un air lunaire à la tête de l’artiste, reflétant probablement l’essentiel de son caractère. Elevé ici, fils d’industriel chimiste à la production puante, l’enfant a pu observer les mille nuances de gris du ciel et de la mer avant de les reproduire sur les robes, et sentir les mille parfums des roses et autres fleurs avant de renverser le préjugé sur son nom. Auparavant en effet, les engrais du père faisaient dire « ça pue le Dior » ; avec les parfums que Christian a créés, nul ne le peut plus.

Deux photos affichées dans les jardins montrent l’enfant à 9 ans pour la première communion en 1914, l’air ahuri, et à 7 ans en 1911, nettement plus tendre et mignon.

Nous poursuivons par les rues intérieures, le stade et un petit parc zoologique, avant d’aborder le marché couvert. Il est plein et bruyant, les paysans locaux viennent y proposer leurs produits comme au bon vieux temps, mais aussi des artisans.

Nous passons ensuite à la ville haute – et il faut encore monter, ce qui éprouve les genoux. Nous prenons les escaliers près du casino pour atteindre le blockhaus dont les canons commandaient les deux directions du nord et du sud. S’ouvre le musée d’art moderne Richard Anacréon, collectionneur de Granville et libraire à Paris qui a légué ses peintures et ses livres rares à la ville. Nous ne le visitons pas, faute de temps et parce qu’il est souvent vrai qu’un musée du lard moderne est empli de cochonneries.

Les rues bourgeoises sont serrées et austères, comprenant de vieilles maisons de pierre grise dont une date de 1621 avec Adam et Eve sculptés. L’église Notre-Dame domine depuis le XVe siècle tout en granit. L’intérieur est sombre bien que des vitraux des années 1950 par Jacques Le Chevalier tentent d’égayer le chœur.

Les anges de l’autel, roses et dorés, se pâment la main sur le sein ou le téton pointant vers le fidèle en guise de délice pâtissier promis dans l’au-delà. Leur attitude langoureuse, leur longue chevelure, leur costume doré qui découvre la moitié de la poitrine, sont destinés plus à la sensualité des prêtres qu’à l’édification des fidèles. La chair est trop présente pour évoquer les purs esprits célestes…

Une plaque sur une maison de la haute ville rappelle que le prince de Monaco est descendant des Matignon, gouverneurs de Grandville de 1578 à 1790. Il a été reçu ici le 15 juin 2015. La rue Lecarpentier, qui domine le port et la rue des Juifs, donne une vue étendue sur les toits qui rappelle Paris, si ce n’est la mer.

Les adieux sont rapides, chacun est mal garé, doit retrouver sa voiture et quitter la ville avant les restrictions de circulation de la parade du Débarquement. Je mets six heures pour revenir, devant faire un détour pour route barrée avant Argentan.

FIN du voyage en Normandie

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Roscoff

Article repris par Medium4You.

A la pointe nord de Morlaix, de l’autre côté de la Penzé et face à Carantec, protégée par l’île de Batz, Roscoff est une cité qui eut une histoire d’amour avec l’Angleterre. Amour et haine, comme ces lettres sur chaque phalange du pasteur (Robert Mitchum), dans ‘La Nuit du Chasseur’, fameux film d’angoisse américain. Durant la guerre de Cent ans la ville est détruite par la razzia du ‘rosbif’ Arundel.

En 1548 au mois d’août, la petite Marie Stuart y débarque pour se fiancer au dauphin de France, futur François II. Elle n’a que 6 ans et le peuple venu en foule l’appelle la « Reinette d’Écosse », sans doute à cause de l’émotion qui rougit ses pommettes.

C’est sur ses quais encore qu’en 1746 le prétendant Charles-Édouard, le dernier des Stuart, débarque afin de trouver asile. ‘Bonnie Prince Charlie’ sera vaincu, comme l’évoque Robert-Louis Stevenson dans l’une de ses premières œuvres, ‘Enlevé !’ A l’inverse, nombre de prêtres réfractaires ont embarqué ici pour l’outre-manche, durant les années révolutionnaires. De même que sur cette côte, dans les anses désertes mal surveillées des Allemands, la Résistance a embarqué et débarqué nombre de clandestins, et pas des moins connus – un certain François Morland entre autre, d’identité officielle ‘Mitterrand’.

De ce port qui commerçait volontiers avec les Flandres et le Portugal, sont parties aussi les échalotes tressées pour l’Angleterre. Les ‘Johnnies’, petits marchands encore adolescents, prennent la suite d’Henri Ollivier, Roscovite qui inventa ce commerce en 1828 à l’âge de 20 ans. C’est que l’oignon rose de Roscoff est plein de vitamine C et l’on connaît la hantise du scorbut pour les marins partant en longues traversées. La confrérie des Johnnies existe toujours et vous pouvez rencontrer l’un de ses membres, coiffé de son béret, au hasard des marchés. Celui de Carantec – un Johnny dont l’épouse s’appelle Laetitia… – nous donne même l’adresse de la Maison des Johnnies à Roscoff : 48 rue Brizeux.

La chapelle Sainte-Barbe, patronne de Roscoff, veille dès 1619 sur le port et sur la ville depuis le roc en promontoire où elle est érigée. Les grands viviers se tiennent à ses pieds, réservés aux professionnels et défendus par une barrière. Les particuliers n’y ont accès que par intermédiaires et doivent prendre le poisson ou crustacé qu’on leur vend à la porte, sans voir ni toucher la marchandise. Ils achètent « un chat dans un sac », comme disent volontiers les Anglais. Cela c’est pour le marché de gros.

Une criée est aménagée chaque jour sur les quais du vieux port à chaque rentrée de pêche : là on peut voir et toucher, en discutant avec le marin ou sa femme, ou son adolescent de fils. Les bêtes sont fraîches et pincent vigoureusement ; les poissons ont encore l’œil vif, rempli des spectacles de l’univers liquide.

Le port de pêche à marée basse a beau ressembler à un cimetière, de gros ferries parviennent à aborder ou à quitter Roscoff par des bassins en eau profonde qu’il faut parfois atteindre au bout d’interminables estacades – un exploit si le vent souffle. C’est que la mer est toujours une aventure et Roscoff le rappelle à qui veut. Malgré son nom anglais, la Brittany Ferries a été créée en 1972 par des Bretons.

C’est contre le vent que les rues sont étroites et font des coudes. La rue Albert de Mun recèle encore des maisons du 16ème siècle, d’autres du 19ème. Elles sont solides, flanquées parfois de tourelles ou de gargouilles. Celles face au quai comportent des caves ouvrant directement pour entrer marchandises et barriques.

L’église Notre-Dame est gothique flamboyant avec un clocher Renaissance. Elle a conquis de haute lutte son existence, face à Saint-Pol de Léon, trop proche, qui avait les faveurs de l’évêque-comte.

La voûte intérieure est un ciel bleu nuit en forme de carène où brillent des étoiles peintes. Des retables en bois sculpté et doré, des bas-reliefs d’albâtre, des colonnes torses, montrent la prospérité et le goût de l’ailleurs.

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