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Musée des pêcheurs norvégiens de Å i Lofoten

Le groupe part faire un sommet tandis que je reste pour aller au musée des pêcheurs et du poisson à Å. Seul, on marche le nez au vent, on remarque bien plus de choses qu’en bande où une conversation vient toujours perturber l’attention. Je photographie les boites aux lettres, le port au soleil, les effets de lumière sur la mer, les têtes de morue séchées accrochées au panneau d’entrée de ville de Sørvågan.

musee du poisson a i Lofoten

Le village-musée des pêcheurs norvégiens est une suite de bâtiments où sont conservées de vieilles choses en rapport avec le poisson et la vie de pêcheur ces deux cents dernières années. Le village de Å est déserté d’habitants et seuls des rorbus loués l’été et les maisons de conservation donnent un air de vie à ce village muséeifié Pour 60 NOK (8€), on s’orne la poitrine d’un badge vert qui permet l’accès à la bakeriet (boulangerie) où l’on fait encore le pain au four à bois l’été, vendus aux touristes.

interieur de pecheur Lofoten

Une maisonnette présente l’activité toute intérieure des femmes de pêcheurs en attente du retour des navires, dans leur coin cuisine, leur coin couture et leur coin lecture et papotages autour d’une tasse de tisane.

barque traditionnelle Lofoten

Le hangar à bateaux recèle plusieurs barques effilées de facture traditionnelle, des filets, des flotteurs, des harpons à baleine, de vieilles photos noir et blanc d’Å au temps de sa splendeur, avec toute sa flottille.

vertebre baleine et harpon Lofoten

Ce n’est qu’en 1905 que les premiers bateaux à moteur pontés sont arrivés dans la région. Auparavant, tout se faisait à la voile et à la rame, et directement au grand air.

caboteur Lofoten

Plus loin, une autre cabane abrite une forge, une autre une scierie. En face, au bout d’un ponton pour l’odeur, un atelier de presse d’huile de foie de morue. Les foies stagnent encore dans un fond de marmite tandis que des fioles d’huile prête à déguster attendent celui qui veut goûter. Rien n’a changé de l’épouvantable amertume huileuse des souvenirs d’enfance. Les foies étaient mis à bouillir dans d’énormes chaudrons de fer pour en extraire l’huile. Elle servait surtout à s’éclairer… On s’en servait aussi pour tanner les peaux ou en faire du savon. Le poisson cuit ensemble avec son foie et ses œufs était appelé mølje ; le plat contenait de la vitamine D et des Omega 3 qui donnaient une bonne santé à ces gens privés de soleil six mois de l’année. Ce n’est qu’en 1854 que le pharmacien Peter Møller a vanté les vertus médicinales de l’huile de foie de morue. Il l’extrayait à la vapeur pour mieux conserver les vitamines. Un petit chalutier échoué, le Glimt, peut être visité (pas d’enfant sans un adulte).

huile de foie de morue Lofoten

Un panneau rappelle l’existence du kraken, créature de légende médiévale scandinave. Ces calmars géants existent, mais restent dans les grandes profondeurs. Il est peut-être arrivé qu’ils émergent en surface, mais de là à engloutir un navire… Même le tourbillon produit par leur plongée ne suffirait pas à couler une barcasse. Le genre Architeuthis fut établi en 1857 avec la première description scientifique de calmar géant, celle du Danois Johan Japetus Steenstrup. Des spécimens de 18 m, dont plus de 11 m de tentacules, ont été étudiés. En juillet 2002, un calmar géant de 250 kg (avec un corps de 7,5 m et des tentacules évalués à 15 m de long) a été trouvé en Tasmanie. On peut en voir un depuis 2008, naturalisé dans la Grande galerie de l’évolution à Paris, une femelle de l’espèce Architeuthis sanctipauli qui mesurait 9 mètres de long et pesait 84 kg. Elle fut pêchée le 27 janvier 2000 à 615 mètres de profondeur au large de la Nouvelle-Zélande et surnommée Wheke d’après une légende Maori.

krachen Lofoten

Peu de monde aujourd’hui lundi, que des étrangers comme moi. Les Norvégiens travaillent ou passent leurs vacances à Mykonos ou dans un autre sud. Certains, pourtant, chargent des sacs de morue séchée dans le haut de Å. D’autres déchargent des meubles pour une entreprise en finition à Størvågan. Un couple répare le toit de son rorbu, l’homme torse nu au soleil. Des retraités récents prennent la lumière en terrasse. Une vieille passe sur sa patinette-déambulateur, curieux engin qui charge les courses et aide à se déplacer. Deux petits garçons jouent sur l’herbe derrière un panneau garderie. Un ado passe en vélo. Peu de vie hors des voitures qui vont au bout de la route, extrémité du monde connu.

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Vikings réincarnés l’espace d’un été

En allant vers les animations, nous avons une belle vue de la grande halle, profilée contre le vent dominant, avec sa coque en bois gracieusement incurvée devenue grise comme le ciel avec les années. Les poutres faîtières supportent des têtes de dragon.

teinture viking Lofoten

Plus loin, au-delà de l’église venue christianiser les lieux en 1335, au bord du lac en contrebas, se tiennent les animations d’été. Le « festival » viking consiste en ateliers tenus par des locaux déguisés. Ils font des démonstrations de tir à l’arc, de lancer de hache ou de fer à cheval, de chants vikings, de simulations de combat. Ils brassent de la bière selon la tradition, forgent des fers, tournent la poterie, teignent la laine des moutons avec des décoctions de plantes, préparent des herbes sèches pour les tisanes, décoction et onguents de l’ancienne médecine. A certaines heures, les visiteurs peuvent ramer sur le snekkar amarré au ponton. Le Lofotr est une copie du navire-tombe de Gokstad de 23.3 m de long et 5 m de large, à 16 paires de rames, datant de l’an 900 et trouvé en 1880 dans la province de Vestfold. En hiver, le navire est démâté et remisé dans le hangar à bateau de bonne longueur en face du ponton.

bateau viking Lofoten

Nous assistons à la forge d’une pointe de flèche en fer, selon un fourneau utilisé en Scandinavie dès 600 de notre ère et  inspiré des fouilles de Rødsmoen dans l’Østerdalen. Le fer était fabriqué à partir de minerai extrait des marais, puis calciné en oxyde de fer dans un feu ouvert avant d’être transformé en fer pur dans le fourneau à 800°. Le métal était enfin travaillé dans la forge.

forge viking Lofoten

Le brassage de la bière d’orge aromatisée aux branches de genièvre en guise de houblon retient ensuite notre attention. Une Mexicaine parlant norvégien, anglais et français nous explique que c’est « le chef » qui fait la bière. Il s’agit d’un berger des environs dont la fille de douze ans passe en tunique, blonde comme une walkyrie, les pieds nus dans l’herbe mouillée. Un vrai désir sensuel. Le père se présente, robuste, barbu, en tunique bleue et marteau de Thor pendu au cou. C’est un paysan tradi, fier de sa lignée et de sa débrouille sur les terres.

viking Lofoten

Un autre berger vend du fromage de chèvre maison aux orties et du saucisson de bique très sec, longuement pendu au-dessus des feux d’hiver. Une femme très avenante nous propose de goûter de la « crêpe au sang ». Oui, elle a bien dit blood en anglais, malgré son accent norvégien. Nous lui faisons répéter, un peu effarés. « Du sang de mauvais voisin », précise-t-elle, malicieuse. Tête d’une fille, vaguement dégoûtée, devenue d’un coup végétarienne acharnée ! C’est en fait de la crêpe de boudin, où le lait de la pâte est remplacé par du sang de porc. La femme l’assaisonne au beurre et à la confiture d’airelles et nous l’offre à goûter. Ce n’est, ma foi, pas dégoûtant. Ils sont bons, les mauvais voisins ! Ont été ajoutés à la pâte clou de girofle, gingembre et poivre pour donner ce goût de pain d’épices.

duel gamins vikings Lofoten

D’autres vendent de l’artisanat, épées de bois, boucliers de cuir, saucisses de chèvre, fromage aux herbes, crêpes de sarrasin. Le folklore est bon enfant, d’autant que les jeunes adolescents et les gamins participent aussi, en tunique et pieds nus. Il fait 12°C et le ciel est couvert. Deux petits blonds qui miment un duel à la lourde épée franque (en bois) sont craquants en tunique échancrée au col et bijoux d’époque. D’autres se mesurent au sac de chiffon, posés en équilibre sur un tronc d’arbre. Un barde en longue tunique noire souffle dans une trompe pour appeler au récitatif d’une saga. Mais c’est en norvégien et nous n’y comprendrons rien. Passent et repassent garçonnets et fillettes aux cheveux blonds, portant arc et épée, courant d’un endroit à l’autre pour se battre ou s’exercer.

gamins blonds vikings Lofoten

Une fille a choisi le lancer de hache, pour lequel les gamins de dix ans sont bien meilleurs qu’elle, mais ils sont vikings, élevés tout petits à s’entraîner. Je réussis mieux au tir à l’arc, bien que ma première flèche passe au-dessus de la cible. Ce n’est pas le cas des suivantes et les ados initiateurs apprécient ma tension de l’arc. Le 13 ans en tunique bleue nous répète les consignes : « empennage rouge vers soi, talon de la flèche dans l’encoche de la corde, index au-dessus, majeur et annulaire en-dessous, viser rapidement en tendant, surtout ne pas retenir la flèche pour ne pas trembler… » C’est en anglais et une fille ne comprend pas tout malgré son usage assidu du « aïe »Phone.

Nous allons ensuite dans la grange face au lac, qui doit servir l’hiver à remiser les bateaux. Un groupe de jeunes hommes prépare un récital de chants vikings, bien virils et guerriers. Les voix mâles subjuguent garçons prépubères et filles de tous âges, le silence religieux en témoigne.

fillette viking Lofoten

Ce sont ensuite des démonstrations de combat viking devant le snekkar, face au lac où le vent empêche de tester les rames. Un bon vente de force 7 qui fait se cacher les cochons et rentrer les vaches. Il enlève bien 2° à la température. Duel à la hache et au bouclier, à la lance, deux contre deux.

bagarre viking Lofoten

Je suis heureux de cette parenthèse culturelle dans un séjour plutôt bourrin où marcher semble l’alpha et l’oméga du guide et la polarisation du groupe. J’aime voir les gens du pays vivre et s’amuser, en plus de la nature sauvage. C’est mieux épicé que les ail-phones.

Le bus, aux Lofoten, est manifestement voué au service des gens. Rien de cette conduite administrative de la station obligatoire, de l’horaire à la minute, du j’veux pas l’savoir qu’on peut connaître en France. Le bus va lentement, s’arrête longuement, conduit une petite vieille à cabas sur 200 m, lâche un petit de 8 ou 9 ans près de chez lui… Quelques touristes complètent le public d’été : une femme allée en courses et revenant avec deux sacs pleins, quatre gamins allés chez un copain, deux ados montés en ville traîner.

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Au pays Dogon

Il s’étend à l’ouest sur un plateau rocheux et à l’est sur une plaine sablonneuse aride. Une falaise sur 200 km tel est le pays dogon. Le peuple dogon, 260 000 personnes environ, possède sa propre langue, une religion traditionnelle faite de croyances animistes, une conception du monde égocentrique très élaborée, un culte de la parole associé à celui de l’eau.

Le dieu créateur est Amma. Deux paires de jumeaux hermaphrodites et un placenta originel. La première paire fut Nommo (Harmonie céleste). La seconde paire Ogo et Nommo, symbole de la discorde. Il devint synonyme d’eau, de fertilité et de bienfaisance tandis qu’Ogo, dit « renard pâle » est le symbole de toutes les difficultés de l’humanité de l’humanité et des discordes.

Enfin, nos premiers greniers. Ils sont tels que nous les avions rêvés. Voici Sangha, Ogol du Bas et Ogol du Haut (l’administration). La falaise de Bandiagara. Banani, un site de haut éboulis. Il subsiste là les restes de l’habitat Tellem, exclusivement troglodyte cantonné aux activités naturelles situées à flanc de paroi.

Le plan du village dogon est symbolique de la cosmogonie dogon. A l’entrée, la forge, puis sur la place le premier édifice construit lors de la fondation d’un village, l’abri du Conseil ou Toguna (la tête) joue un rôle capital dans la société dogon. Le plus souvent de forme carrée ou rectangulaire le toguna est constitué d’un toit composé d’une charpente grossière de deux lits croisés de troncs non équarris sur laquelle repose une meule carrée. Faite de plusieurs couches contrariées, de tiges de mil batelées, son épaisseur peut aller de un à six mètres. Ce toit s’appuie sur des piliers fermés, de blocs de grès recouverts ou non d’argile. La hauteur intérieure du Toguna varie d’un mètre à un mètre 20. « La vraie parole », celle qui est juste et sensée, est toujours prononcée assise, position qui permet l’équilibre de toutes les facultés. Les vieillards y tiennent conseil et y prennent les décisions qui intéressent la vie des villageois.

Les greniers dogons, ronds ou carrés, coiffés d’un toit conique en paille sont construits sur pilotis et exempts de porte Ils mettent à l’abri les récoltes. On y accède à l’aide d’une échelle, bilu, taillée dans un tronc d’arbre massif et terminé par une fourche. Les maisons simples, ordinaires, où vivent les familles dogon. Les ginna sont les maisons de famille (la poitrine), façade à logettes, dix trous d’hirondelles ornent le fronton, représentant le lignage des ancêtres. Les maisons Rondes (comme des matrices représentant les mains) placées à l’est et à l’ouest hors du village, sont les endroits où les femmes doivent se retirer lors de leurs menstruations.

La pierre à huile (sexe féminin) et l’autel du village (sexe masculin) précèdent les autres constructions. A la fin du village les autels, eux, représentent les pieds. Le sanctuaire est élevé en l’honneur d’un ancêtre. Sa façade est recouverte de dessins totémiques : bâton fourchu, crochets, crosse de voleur rituel, houes, épis de mil, poulet, tortue, couverture noire et blanc du mort, masques. Sur un vaste espace découvert, sans arbre, en plein soleil, se tient tous les cinq jours (durée de la semaine dogon) le marché.

L’année dogon commence avec la récolte du mil à la mi-octobre, alors pas facile de savoir quand aura lieu le marché ! A partir de midi, les villageois des alentours s’y pressent. Se protégeant de la chaleur sous de frêles abris, ils proposent les produits de leurs jardins. Les femmes viennent y vendre la bière de mil qu’elles ont elles-mêmes préparée. Dans les deux villages Ogol, on peut voir de grandes maisons de famille (ou ginna), un sanctuaire totémique, de magnifiques portes et serrures dogon.

Un matin, nous avons croisé des vieux qui venaient lire si la récolte serait bonne ou s’il était temps de semer. Nous nous approchons, après les salutations d’usage qui durent un siècle ici : comment va ta santé, tes récoltes, tes enfants, tes parents, tes oncles… cela n’en finit pas. Nous sommes quatre femmes, deux hommes et notre guide qui nous avait fait acheter des noix de cola. Il distribue les noix de cola aux vieux, comme l’exige la coutume. Nous sommes par ce geste autorisés à nous rapprocher. La veille ils avaient disposé sur le sol sablonneux, balayé de leurs mains, des pierres, des petits bâtonnets de bois, des graines pour interroger les Ancêtres. Ce matin ils étudient les réponses, les signes. Nous demeurons perplexes, M. (pharmacien) me dit : – c’est le renard qui les a bouffé, pas les Ancêtres ! – Tu romps le charme. Laisse-les croire à ces signes même si les oiseaux, les rongeurs ou autres se sont régalés des cacahuètes…

« Sur le conseil de Cissé, le vieux Dogon apporta du sable fin et le répandit sur le sol. Celui qui, ignorant cette méthode, surprendrait un homme traçant des lignes et des points sur le sable en articulant des paroles croirait avoir affaire à un géomancien ou à un dément. » A.H. Bâ

Hiata de Tahiti

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