Articles tagués : ronald reagan

Le Naour et Le Bihan, Le crétin qui a gagné la guerre froide

Le titre est provocateur, Ronald Reagan ne mérite pas autant d’acrimonie. D’autant que le scénario, qui retrace ses huit années à la Maison blanche, après réélection par un quasi grand chelem des États, montre combien il a su insuffler un projet, communiquer avec des idées simples, et assurer une volonté de contrer carrément une URSS en capilotade. Les parallèles avec aujourd’hui sautent aux yeux.

Reagan était un acteur, pas un bouffon de télé-réalité, c’est ce qui le différencie de Trompe, cet appendice droitissime du parti de l’Éléphant. Mais il était aussi ennuyé que lui par la masse d’informations qui lui étaient communiquées, par les notes qu’il « devait » lire, par la sophistication technocratique des idées. Pour Reagan, seulement des idées simples. Elles seules portent et définissent un cap. Évidemment, pour le Bouffon vaniteux à mèche blonde actuel, le cap n’est pas ce qui le caractérise… Il est adepte du coup de pied dans la porte des manuels de vente (chapitre 1, paragraphe 1 – il n’en a pas plus plus de deux lignes) : si votre interlocuteur avec qui vous tentez un « deal » n’est pas intéressé et commence à refermer sa porte, flanquez un grand coup dedans. Il sera tellement estomaqué (« sidéré » comme on bavasse aujourd’hui), qu’il vous laissera une minute au moins pour défiler votre argumentaire. Lequel pourra l’accrocher s’il est bien ficelé. Avec Poutine le Russe KGB, pas plus qu’avec Kim le Coréen, ça ne marche pas. Ils laissent venir et cause toujours.

Le bon coup de pied dans la porte avec le Russe, ce serait une bonne dose de missiles à longue portée offerts aux Ukrainiens, plus quelques sanctions sur le système bancaire et la traque des contournements d’embargo sur le pétrole. Rien que la menace, comme Reagan fit de la « guerre des étoiles » (qui est restée un mythe), amènerait probablement le Kremlin à mettre des glaçons dans sa vodka. Mais voilà, la Tête de linotte ignare de la Maison blanche ne croit que le dernier idéologue paranoïaque et borné de son entourage qui parle sur le moment. Rien à voir avec Reagan, le regretté Ronald Wilson.

A 16 ans, Ronald a sauvé 77 vies comme maître-nageur ; qu’a fait la jeune Trompe à cet âge, réputé « adolescent difficile » ? Reagan a fait son service militaire actif, pas Trompe, réformé. Comme Trompe, Reagan a fait face à une tentative d’assassinat, et il croyait que Dieu avait épargné sa vie pour qu’il puisse réaliser de grandes choses. Reagan avait cette idée de bon sens que trop de gouvernement est le problème, mais il n’a pas élagué à la tronçonneuse des pans entiers de l’État, ni surtout supprimé l’US Aid ni la radio libre Voice of America, instrument vital de soft power américain dans le monde. Même s’il a licencié les 11 345 contrôleurs aériens en grève illégale selon la loi fédérale. Adepte d’une économie de l’offre, favorisant les entreprises par la dérégulation et les baisses d’impôts pour les particuliers (de 70 % à 50 % pour la tranche la plus haute), il a préféré laisser faire le marché qu’imposer des règles et des normes contraignantes. Ce ne fut pas si mal, le chômage est passé de 7,4 % sous Carter à 5,4 % sous Reagan et l’inflation de 12,5 % à 4,4 % en moyenne sur ses mandats ; les recettes fédérales ont augmenté à une moyenne de 8,2 % par an. Même si l’on est passé ensuite d’un excès à l’autre, aboutissant au krach mondial de 2008.

Il avait une conception simpliste, mais réaliste de « la paix par la force », tirée de l’adage antique si vis pacem, para bellum – si tu veux la paix, prépare la guerre. Pour donner un coup d’arrêt à l’expansion soviétique sur le continent américain, Reagan n’a pas hésité à envahir la Grenade, et à renverser le président pro-soviétique. Il a quitté les négociations « de détente » après l’invasion de l’URSS en Afghanistan, au contraire de Trompe qui n’a de cesse que de mendier la langue pendante pour « dealer ». Reagan : « Il n’est plus question de discuter avec les soviétiques qui, depuis l’invasion de l’Afghanistan, ont montré qu’il ne respectaient pas les règles. La seule morale qui vaille à leurs yeux, c’est celle qui sert leur cause. Ils s’arrogent donc le droit de commettre n’importe quel crime, de mentir et de tricher. Nous ne pouvons le tolérer » p.15. Remplacez Afghanistan par Ukraine et vous aurez la situation actuelle. Mais Trompe n’agit pas comme Reagan au contraire. « America is back » était le slogan de Reagan ; fondé sur la puissance. La resucée de Trompe la laisse en berne, ce sont juste des mots, on attend toujours les actes

Pour contrer les missiles SS20 qui menaçaient l’Europe, Reagan a fait déployer les missiles Pershing, contrairement à Trompe qui veut se désengager d’une Europe qu’il méprise (pour d’obscures raisons d’héritage familial, peut-être). Le vol de la Korean Airlines, avion civil descendu sans sommation par les Russes en 1983, qui fit des morts américains, a poussé Reagan à qualifier les Soviétiques de massacreurs et qu’ils « s’étaient tournés contre le monde et les principes moraux qui guident les relations humaines ». Pas Trompe après les massacres de civils en Ukraine…

Il a surtout communiqué sur le bouclier anti-missiles, qui rendraient les têtes nucléaires soviétiques inutiles, au grand dam de l’URSS, pays économiquement exsangue, pourri de l’intérieur – comme aujourd’hui. La course aux armements a conduit à la fin du soviétisme, de son idéologie morte et de son empire craquelé. Une grande victoire américaine, et pour la liberté. Que fait Trompe ? Tout l’inverse. Il conforte le moribond mafieux au lieu de l’endiguer, et encourage les dictatures à s’emparer de leur étranger proche.

Malgré un dessin peu porteur, des cases trop petites et trop carrées, aucune audace dans le traitement de l’image, cet album remet en selle le président cow-boy qui a rendu sa grandeur à l’Amérique après le désastre du Vietnam en soldant la guerre froide. Son conservatisme n’était pas crispé et paranoïaque comme celui du vice JD Vance, mais plutôt pragmatique, équilibrant idéologie et contraintes politiques. Il a redonné foi au pouvoir de faire de la présidence et rendu aux Américains le respect d’eux-mêmes. Ce n’est pas le cas de Trompe le trompeur, qui agite du vent et se met à dos ses plus proches alliés dans le monde, et délaisse tous les peuples, au nom d’un égoïsme sacré de nanti vaniteux.

Un album utile pour réviser son histoire de façon plus ludique qu’un manuel.

Jean-Yves Le Naour et Cédrick Le Bihan, Le crétin qui a gagné la guerre froide, 2025, Grand Angle Bamboo éditions, 63 pages, €15,90

(Mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés par amazon.fr)

Catégories : Bande dessinée, Géopolitique | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , ,

L’Année du dragon de Michael Cimino

New York 1981, le capitaine Stanley White (Mickey Rourke) est muté sur la demande de son ami Bukovski (Raymond J. Barry) dans le quartier de Chinatown pour qu’il se rapproche de lui. Le mariage de Stanley avec Connie (Caroline Kava) bat en effet de l’aile et Bukovski les aime tous les deux. White est rentré de la guerre du Vietnam décoré mais aigri, la victoire ayant échappé à l’Amérique à cause de la ruse des Bridés. Bukovski, un peu plus âgé et plus posé, a fait la guerre de Corée et comprend son ami.

Mais ce dernier est impossible, tout en excès pour résoudre ses fêlures intimes. Pour gagner, il s’affranchit de toutes règles, comme le Vietminh. Et, comme lui, il étudie son ennemi sans le caricaturer, compatissant aux coolies chinois venus construire le chemin de fer transpacifique à la fin du XIXe. Il obtient des résultats, mais au prix de la caricature, d’une Amérique de la prise en main qui n’est peut-être pas celle dont rêve le pays. En tout cas pas celle de sa hiérarchie, contente du statu quo qui échange la paix sociale dans les quartiers contre fermer les yeux sur les trafics les plus juteux – nous connaissons cela aujourd’hui dans nos banlieues, avec nos politiciens. Fils d’immigrés polonais, White (Blanc) veut bâtir les Etats-Unis du Melting pot et éradiquer les communautarismes au nom de la loi. Ce shérif du New York PD fait du redressement des gangs chinois une guerre personnelle. Perdue à Saïgon en 1975, la guerre sera gagnée à New York en 1981. L’histoire est en phase avec l’ex acteur devenu président conservateur Ronald Reagan qui prend ses fonctions en janvier 1981 après l’humiliation des otages américains à Téhéran. Nul doute que le film de Cimino violent, macho et raciste en apparence, a à voir avec son époque et une Amérique dont le moral était au plus bas. Cela résonne étrangement avec le mandat Trump où la Chine est redevenue le principal ennemi.

Adapté du roman de Robert Daley portant le même titre et sorti en 1981, le film est cependant plus subtil que le divertissement à destination du public primaire qui rejoue sans cesse le mythe du cow-boy solitaire au pays des pionniers. Stanley White le Blanc, investi de la mission de faire respecter la loi, s’oppose à Joey Tai le Jaune (John Lone) qui veut arriver au pays des arrivistes. Lequel convainc ses « oncles » de le laisser régner sur leurs triades issues de Hongkong qui rackettent les commerçants et importent de l’héroïne. L’un brandit le droit, l’autre le fric, mais tous deux ont la rage qui fait les entreprises. La dernière réplique de Stanley White dans le film sera, en guise de portrait : « Tu sais, t’avais raison et j’avais tort, désolé. J’aimerais bien être un type sympa ; j’aimerais, mais je sais pas comment m’y prendre ». Ni la guerre, ni les affaires ne sont « sympas ». Pour qui veut arriver, tous les moyens sont bons et ni les sentiments personnels ni la morale sociale ne sont efficaces.

Joey est un solitaire qui s’entoure de jeunes Chinois mercenaires excités en débardeur et dont les affaires sont le seul ressort ; Stanley délaisse sa femme qui voudrait bien faire un enfant alors qu’elle atteint déjà 35 ans alors que son mari lui préfère sa croisade personnelle. L’opposition machiste de caricature entre les deux hommes n’est cependant que vue superficielle du film, d’un côté le jeune Chinois beau et fin au naturel soupçonné d’être un brin pédé – et le vétéran mûr Polono-Américain qui porte beau, chapeau, cravate avec épingle de régiment et cheveux teints qui prend par utilité comme maitresse une journaliste demi-chinoise, Tracy Tzu (Ariane Koizumi) qu’il baise dans son superbe loft au-dessus du River Bridge avec vue sur Manhattan. Plus profondément, chacun veut faire bouger les lignes et redonner vie à leur vision d’Amérique. Le compromis entre les triades et la police n’est plus supportable, ni dans les affaires qu’il bride, ni dans la morale qu’il bafoue. Les deux iront jusqu’au bout de leur combat, jusqu’au duel de style western sur un pont de chemin de fer des docks portuaires.

Le film apparaît comme un portrait d’une Amérique qui en avait marre de reculer un peu partout dans le monde, en Corée et au Vietnam contre les Chinois, en Afghanistan contre les Soviétiques, en Iran contre les islamistes. A l’orée de la réaction Reagan, le film de Cimino réaffirme les valeurs viriles et macho des pionniers blancs qui veulent bâtir « leur » pays selon « leurs » valeurs. Certes, il est politiquement incorrect aujourd’hui où voudraient bien s’imposer le féminisme, le multiculturalisme, la loi du genre et l’exaltation des minorités « victimes ». Mais il explique avec quarante ans d’avance le Trump et les trumpistes. Qui n’ont pas fini de faire parler d’eux…

DVD L’Année du dragon (The Year of the Dragon), Michael Cimino, 1985, avec Mickey Rourke, John Lone, Ariane Koizumi, Leonard Termo, Raymond J. Barry, Caroline Kava, Eddie Jones, Joey Chin, Victor Wong, MGM United Artists 2003, 2h09, €12.00 blu-ray €9.65

Catégories : Cinéma | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,