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Marianne Vourch, Le journal intime de Leonard Bernstein

Leonard B, né en 1918, est un Juif ukrainien né de parent immigrés aux Etats-Unis vers 1908. Asthmatique, souffrant des disputes du couple, le jeune Leonard est fou de musique. Il est émerveillé par les chants hébreux à la synagogue, écoute la radio en continu, reproduit les chansons quil a entendues au piano offert par sa tante qui ne pouvait le garder. Il commence le piano malgré son père, qui considérait les musiciens comme des baladins, à 10 ans. Bon élève, il entre à 17 ans à Harvard et en est diplômé en 1939 après des études de philosophie, littérature anglaise – et musique. Il suivra ensuite les cours du Curtis Music Institute à Philadelphie.

Tourmenté, enthousiaste, facilement amoureux, il est bi. Plutôt homosexuel en sa jeunesse, marié à 33 ans en 1951 avec une belle Felicia Montealegre qui lui donnera trois enfants, Jamie, Alexander et Nina, il retournera vers les hommes à l’âge mûr. Il est beau, séduisant, bouillonnant. Il jouera du piano, dirigera Mahler et Chostakovicth au Philharmonique de New York, à l’Orchestre philharmonique d’Israël, à l’Orchestre philharmonique de Vienne, à l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, à l’Orchestre symphonique de la radio bavaroise, à l’Orchestre national de France. Il composera de la musique de film, des comédies musicales (Peter Pan 1950, West Side Story 1957, 1600 Pennsylvania Avenue 1976, entre autres), deux opéras (Trouble in Tahiti 1952, Candide 1956). Il crée en 1961 les concerts de Young Performers, où des jeunes solistes peuvent se produire avec orchestre, sous sa direction. Il remplace au pied levé en 1942 le chef d’orchestre Bruno Walter à New York. En 1948, il dirige l’ochestre des survivants des camps de concentration près de Munich. En 1967, il dirige l’Orchestre philarmonique d’Israël sur le mont Scopus après la guerre des Six jours. En 1963 et 1968, ill dirige l’Orchestre philarmonique de New York à l’occasion des funérailles des Kennedy, John puis Robert. En décembre 1989, il dirige au Konzerthaus de Berlin la Symphonie n° 9 de Beethoven avec des musiciens du monde entier pour fêter la chute du mur.

Eclectique, prolifique, boulimique de sons, Leonard Bernstein vivait pour la musique. « Partout où je vais, je veux montrer au public et aux journalistes une nouvelle image du chef d’orchestre. Je suis jeune, j’aime le jazz, les blagues, le boogie-woogie, l’autodérision et, believe it or not, je ne porte pas de chapeau » p.45. Ni la religion, ni la politique ne l’intéressaient, bien qu’il ait été proche de John Kennedy, jeune comme lui, et qu’il ait milité de façon « radicale chic » contre la guerre du Vietnam, pour le désarmement nucléaire, contre le Sida et pour la promotion d’artistes de couleur dans les orchestres. Car Bernstein aimait la jeunesse, le mouvement, la vie. Il a passé au-delà en 1990 à 72 ans d’un cancer du poumon. Entre Mars et Jupiter, la ceinture centrale d’astéroïdes en comprend un qui porte son nom. Il a inspiré le film de Bradley Cooper, Maestro, sorti en 2023 – pas (encore?) de Dvd.

Ce livre rend hommage à sa vie riche et à son tempérament enthousiaste. Richement illustré et joliment édité, il est couché sur le papier d’après un podcast de France Musique lu par Charles Berling.

Marianne Vourch, Le journal intime de Leonard Bernstein, 2024, éditions Villanelle, 99 pages, €24,00

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Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Les Journaux intimes de… par Mariane Vourch déjà chroniqués sur ce blog

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Modèle Mélenchon : de Lénine à Gorbatchev

Pour Zinoviev, l’utopie communiste s’enracine dans les pulsions élémentaires de la nature humaine : esprit grégaire, besoin de sécurité, paresse.

Mélenchon en fait un argument d’autorité par la promotion du citoyen mobilisé dès le plus jeune âge.

George Orwell, dans sa société imaginaire de l’an 1984 décrivait l’itinéraire d’un militant : « à trois ans, le camarade Oguilvy refusait tous les jouets. Il n’acceptait qu’un tambour, une mitraillette et un hélicoptère en miniature. A six ans, une année à l’avance, par une dispense toute spéciale, il rejoignait les Espions (les pionniers). A neuf, il était chef de groupe. A onze, il dénonçait son oncle à la police de la Pensée. Il avait entendu une conversation dont les tendances lui avaient paru criminelles. A dix-sept ans, il était moniteur d’une section de la ligue Anti-sexe des Juniors. A dix-neuf ans, il inventait une grenade à main qui était adoptée par le Ministère de la Paix (…) A vingt-trois ans, il était tué en service commandé. »

Le communisme n’a pas instauré ce comportement par en-haut, il est venu à la rencontre du sentiment populaire qui ignore le pluralisme, en conteste la légitimité, et pratique spontanément la violence : d’un côté les nôtres, en face les autres.

Mélenchon accuse de complot tous ceux qui ne pensent pas comme lui.

La gauche française a voulu expliquer la tyrannie par les origines historiques du régime : menacé, il se défendrait. La théorie des circonstances exceptionnelles, du « complot », justifie toujours les épurations – jusqu’à Chavez et Maduro. Pour les historiens anglo-saxons, il faut chercher dans les profondeurs du régime tsariste un mélange de passivité et de sentiment du « collectif ». Avec cela, le poids des circonstances : la dissolution de la société traditionnelle en 1917, une volonté farouche du parti bolchevik de contrôler l’ensemble du pouvoir, la personnalité de Lénine et ses trois décisions immédiates en 1918 : 1/ la création d’un appareil policier hors contrôle populaire confié à Dzerjinski, 2/ le refus de constituer un gouvernement socialiste de coalition, 3/ la dissolution de l’Assemblée Constituante, les élections n’ayant désigné qu’une minorité de Bolcheviks. Lénine écrivait : « la notion scientifique de dictature s’applique à un pouvoir que rien ne limite, qu’aucune loi, aucune règle absolument ne bride et qui se fonde directement sur la violence. » La tyrannie naît donc dans les faits avec Lénine et est issue de sa certitude dogmatique d’avoir raison. Au-dessus du suffrage populaire, il place sa propre vision de l’intérêt général. Staline ne fera que poursuivre.

Le 14 mars 1990, le député au Parlement fédéral soviétique Youri Afanassiev, déclara à la tribune, retransmis par la télévision : « nous avons appris de toute notre histoire ce que c’est que la force. Toute notre histoire, c’est justement la force, la violence. Si notre chef et fondateur a réellement jeté les fondements de quelque chose, c’est de l’élévation de la violence, de la terreur de masse, en principe d’Etat. Il a élevé l’illégalité en principe politique de l’Etat. » Il désignait officiellement Lénine.

Mélenchon, comme tous les tribuns sûrs que « le peuple » a raison, raisonne (résonne ?) de la même façon.

Après Lénine, le pouvoir glissera dans les mains de la fraction dirigeante du Parti qui flagornera Staline, destituera Khrouchtchev, encensera Brejnev, et opposera son inertie aux réformes de Gorbatchev. Ce dernier reste dans la lignée des dirigeants soviétiques, il est le « chef d’orchestre » – tout comme Mélenchon se veut le porte-parole de la base en mouvement.

La volonté de Gorbatchev est de conduire le changement d’un régime socialiste autoritaire à un régime adapté aux aspirations nouvelles d’une société plus éduquée. A ses débuts, Gorbatchev (comme Mélenchon) prenait pour modèle Lénine. Avec le temps et les bouleversements irréversibles concédés d’en haut puis conquis par la base en une dialectique sociale difficilement maîtrisable, la référence à Lénine n’est plus que de méthode : il s’agit d’être aussi souple que lui dans la direction du pays, d’accompagner les masses dans leur révolution. Le régime se créera de lui-même par la dynamique des réformes et les poussées de la société (c’est ce que dit Mélenchon). Dans un premier temps, le régime soviétique se coulera dans les formes – anciennes, faute de références – du nationalisme ou des clivages politiques de l’avant-1917 (libéralisme, slavisme, nationalisme, etc.).

Peut-être ne sera-ce pas de la démocratie, au sens où l’entend Emmanuel Lévinas : « en se reconnaissant imparfaite, en ménageant un recours à la personne jugée, la justice en est déjà à la question de l’Etat. Voilà pourquoi la démocratie est le prolongement nécessaire de l’Etat. Elle n’est pas un régime possible parmi d’autres, mais le seul qui convienne. Puisqu’elle sauvegarde la capacité d’améliorer ou de changer la loi en changeant – triste logique ! – de tyran, ce personnage malgré tout indispensable à l’Etat » (entretien à l’Express du 6 juillet 1990).

L’exemple historique – vécu – du modèle soviétique et de son inefficacité tyrannique devrait nous mettre en garde contre les tentations du retour du même. Via Mélenchon entre autres Chavez et Maduro. C’est à cela que doit servir la remémoration d’octobre 1917.

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