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Poissonnerie

L’observation des gens, en attendant dans la queue, est source de bonheur humain. Chacun son originalité, sa drôlerie. La poissonnerie où je me fournis une fois la semaine est un étal monté sur un parking de petit supermarché. Il est convivial, la clientèle reste à peu près la même le samedi vers la fin de la matinée. Chacun finit par se connaître et savoir ce qu’il aime, voire comment il le cuisine.

Il y a le gros notable qui a garé sa Porsche Cayenne noire et qui porte des chaussures de ville très cirées ; il paye toujours en liquide, avec de gros billets de 50 euros et fait sans cesse la conversation à une connaissance. Dans le couple, c’est lui qui fait les courses, peut-être pour se montrer. Il raffole du poisson, surtout des bouquets frais pêchés dont les antennes frétillent encore dans le bac, et des tourteaux. Les huîtres ne lui font pas peur si elles sont grasses. Et il ajoute quelques quenelles pour faire bon poids.

Un certain Marco d’un certain âge est tout seul mais prend deux tranches de terrine de saumon, des crevettes bouquet pour deux, un demi tourteau, et une grosse sole à détailler en filets. Peut-être va-t-il inviter une belle ?

Un jeune, célibataire à l’aise semble-t-il, prend une fois un gros poisson pour la famille. Il ouvre son coffre de Renault Talisman immatriculée en Seine-Maritime (mais peut-être est-ce une voiture d’occasion ?) et met le turbot dans le coffre, façon inconsciente de booster sa voiture.

Un couple à maturité prend du cabillaud en pavés puis des moules. « Pas de bouchot, il faut les gratter ». Mais les autres sont en fin de stock. « Combien en voulez-vous ? Quatre litres ? pour le dernier, ce sera juste, vous avez des enfants ? – Oui. – Alors ça ira. – Je ne crois pas, ils sont grands… »

Un pilier de poissonnerie velu qui habite le coin vient chercher chaque semaine sa ration de poulpes, calamars et autres seiches. Il les cuisine à la tomate, grillés, ou pochés selon les saisons. Le débat porte sur la façon de les préparer : lui les tape sur une planche pour les assouplir, la poissonnière, plus moderne, lui conseille de les laisser une nuit au congélateur pour briser les fibres. Il évoque le sandre, qu’il a fait récemment aux cèpes avec une réduction de vin rouge au sirop d’érable. Il choisit pour cette semaine du saint-pierre et de la daurade, qu’il va servir en carpaccio. Ce pourquoi il ne veut pas que l’on vide les poissons, il le fera au dernier moment pour les garder plus frais.

Un bon mangeur, selon son ventre rebondi et son teint fleuri, fait emplette de dix sardines, à laisser entières sauf les entrailles. Il hésite sur le reste et laisse passer un autre client, mais prendra encore un autre poisson, puis des bouquets, puis des palourdes.

Certains ne savent pas trop quoi acheter. Ils hésitent entre toutes les espèces et tous les prix, craignant l’un les arêtes, l’autre la façon de les cuire, le troisième la quantité. Une fois dépouillé de la tête, de la queue et des arêtes, le volume mangeable a diminué de près de la moitié. En général, les hésitants finissent par prendre une valeur sûre, déjà toute prête : un filet de cabillaud, une (petite) tranche de cœur de saumon. L’un vient seulement renifler et se repaître des yeux, me disant en passant, sans rien acheter : « ça a l’air bien frais, hein ? »

Ce qui m’étonne est de voir chaque semaine sur l’étal des poissons que ne n’ai jamais vu acheter : une daurade de 3 kg, un gros bar, d’énormes saint-pierre, un rouget de taille… Même un poisson perroquet à l’échine arc-en-ciel !

Pour ma part, j’essaie de varier, même si mes convives ont plutôt leurs habitudes et détestent – a priori – certains mets : les coquillages, tout ce qui est poulpe, les poissons entiers à arêtes. Ils sont vieux et n’ont plus la curiosité des expériences, ni sans doute le goût frais sur les papilles. Je fais avec : un turbot entier qui se cuit vite au four et se détaille aisément, un carrelet en filets à griller à la poêle, du cœur de saumon à cuire à peine au micro-ondes sur un lit d’échalotes au vinaigre de cidre avec aneth, poivre et crème, des soles portion, des pavés de cabillaud, des filets de rouget, des moules pour une tarte, des crevettes pour accompagner l’avocat ou la salade de tomates au vinaigre balsamique, des gambas crues à griller à l’huile d’olive et à l’ail, comme en Espagne, des huîtres à cuisiner chaudes, gratinées à la béchamel citron. Malgré les restrictions gustatives et les phobies, la mer offre un large choix !

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Spaghettis aux moules

J’ai eu cette interrogation bizarre et non sexuelle, pour une une fois sur ce blog, juste avant les vacances. Je crois savoir d’où elle vient, aussi je m’empresse de vous livrer ma « recette secrète » de spaghettis aux moules.

Tout a commencé lorsque j’ai voulu varier le sempiternel plat de spaghettis à la tomates et aux olives pour faire plaisir à un mien gamin. Les pâtes aux fruits de mer étaient délicieuses. Las ! Je n’avais point de coques ni de praires. Comment faire avec les moyens du bord ?

Inventer.

spaghetti

Donc les spaghettis. Je préfère les petits diamètres (Capellini n°1), mais vous pouvez varier. Vous les faites cuire dans beaucoup d’eau bouillante salée, le temps indiqué sur le paquet, avec la quantité prévue pour 2 (ados) ou 4 (adultes). N’étant pas italien, je rajoute une minute pour qu’elles soient moins al dente et qu’elles prennent mieux la sauce.

Pendant ce temps, mettez deux cuillerées d’huile d’olive dans une poêle, faites-y revenir deux échalotes hachées et deux gousses moyennes d’ail écrasées à la lame d’un couteau (ou au poignet si vous le craignez pas l’odeur persistante).

Ajoutez le jus d’une boite de moules (250 g) ou d’un bocal apéritif, à conditions qu’elles soient nature. Mais surtout pas les moules !

Faites réduire le jus d’une bonne moitié avant d’ajouter le contenu entier d’une boite de tomates pelées (400 g). Laissez réduire au moins 5 mn, il faut que la sauce devienne sirupeuse.

Hors du feu, ajoutez alors les moules (déjà cuites) de la boite – juste pour les réchauffer. Si vous les mettez avant, elles prendront la consistance infecte du caoutchouc.

Une fois les pâtes cuites, versez-les sur la sauce, mélangez et laissez s’imprégner quelques minutes. Vous pouvez ajouter du parmesan si vous voulez, ou quelques herbes comme persil ou thym.

spaghetti aux moules

Reste à déguster. C’est tout simple, et c’est bon. A portée de tout célibataire pressé, ou d’un couple qui rentre de voyage. Tous les ingrédients se conservent des mois dans un placard.

Évidemment, vous pouvez faire la recette avec de vraies tomates fraîches mûries sur la branche et cueillies au jardin, et ajouter de vraies moules encore vivantes avant que vous ne leur fassiez subir le sort de Jeanne d’Arc dans le faitout – mais l’intérêt de ma recette est qu’elle reste facile à faire.

Et fort aimée des ados.

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Bien manger en Bretagne

La Bretagne a ses cochonneries, qui font les algues vertes. Mais aussi de bons produits, développés au fil du développement.

Pays pauvre longtemps voué au pain noir et à la bouillie d’avoine pour agrémenter la cueillette de coquillages et le fretin retour de pêche, la fin 19ème a vu se développer l’élevage et le tourisme, d’où le beurre, les galettes et les biscuits. Volailles, fruits et légumes sont venus compléter céréales et crustacés. Il suffit d’aller y voir pour goûter.

Sur la table bretonne, une soupière attend. Elle recèle un consommé de moules de la baie du Mont Saint-Michel tout simplement fait. Prenez moitié eau, moitié vin blanc de Muscadet. Faites-y cuire 20 mn les blancs de quatre poireaux très finement émincés, salez peu, poivrez bien. Faites par ailleurs ouvrir les moules à sec dans un faitout chauffé. Décoquillez, filtrez le jus rendu, ajoutez-le aux poireaux. Au dernier moment, pour ne pas les cuire élastiques, assemblez moules et soupe pour servir avec deux cuillers de crème. C’est court, facile et excellent !

Vous aurez pris au préalable un apéritif à votre goût. Le nôtre a consisté de cidre de Dol, mais vous pouvez aussi goûter au muscadet nantais, aux lisières de la Bretagne.

Suivra un poisson, dont la côte rocheuse regorge. Nous avons testé le bar de ligne de Roscoff grillé au four à peine paré d’huile et de Johnnies (les oignons roses, de Roscoff) mais bourré de fenouil sauvage récolté au bord du chemin (mettez les pluches verts du fenouil de supermarché si vous n’en trouvez pas). Pas plus de 15 mn par livre s’il est frais, à 180°. Vous pouvez aussi le passer au gros sel avec la main, sans en faire une croûte, il sera plus iodé.

Aliment de base des marins depuis le 17ème siècle, car bourré de vitamine C et se conservant bien, l’oignon rosé a été développé sur la côte, et Roscoff s’en est fait une spécialité. Les Johnnies sont ces jeunes garçons qui partaient en Angleterre vendre à pied leurs tresses rosées dès le début 19ème.

Nous avons cuisiné un autre jour du maquereau pêchés en baie de Morlaix aux échalotes, à la poêle, dans un peu de beurre. La cuisson est rapide et se voit à l’œil. Ajoutez-y quelques pommes fruits en dés, qui vont bien avec le fenouil en pluches et la chair du maquereau. Si les gosses sont routiniers (ils le sont souvent), n’hésitez pas à servir avec des pommes de terre sautées, elles vont bien aussi aux échalotes.

La volaille label rouge est élevée partout, mais celle de Redon est renommée. Des cuisses de poulet poêlées à la tomate de Plougastel et à l’ail rose sont un délice simple dont il ne faut pas se priver. Dorez les cuisses dans un peu de beurre avant d’ajouter les tomates en tranches avec l’ail et de laisser mijoter jusqu’à parfaite cuisson.

Vous pouvez agrémenter de légumes variés, carottes et pommes de terre de l’île de Batz cuites à l’eau et délicieuses avec du beurre salé, chou-fleur de Bretagne bien pommé ou artichauts du Léon qu’il vaut mieux cuire en cocotte minute 25 mn tant ils sont gros.

Salade locale, melon nantais et pâté de porc Hénaff vous permettront un en-cas rapide avant la plage.

Un repas crustacé sera parfois le bienvenu, mais il faut avoir le temps et aimer décortiquer les pattes des araignées de mer et des tourteaux. Ceux de Roscoff sont bien gras et réputés.

Les gamins adorent toucher les bêtes vivantes aux étals, mais sont réticents à les travailler de la pique et de la pince une fois dans l’assiette ! Le homard de Saint-Pol de Léon, plus cher, fera un repas pour deux.

Terminez par des fraises de Plougastel – où il existe un musée qui leur est consacré. La variété Mara des bois est singulièrement parfumée et n’exige pas de sucrer. Surtout à ne pas conserver au frigo ni à laisser tremper pour les laver ! Mangez-les avant l’orage, fréquent l’été quand il est chaud. Laissez les queues avant de les passer à l’eau et égouttez.

Innombrables sont les biscuits au beurre, sablé ou dentelle, qui vous donneront la touche sucrée finale avant le café (ou l’infusion de tisane sauvage pour les randonneurs).

Un soir, après le bain en eau à 16°, ou de retour d’une longue promenade dans la lande avec le vent, ou encore glacé de grains qui se succèdent, vous pourrez goûter le fameux kouign-amann. Attention : forte teneur en calories ! La recette se compose en effet de moitié pâte à pain et pour le reste, moitié sucre et moitié beurre salé. Quand la pâte est bien levée et le pâtissier expert, le dessert sortant du four fleure bon la tablée de chaumière. Mais toute variété industrielle est à bannir car le kouign-amann, signe d’aristocratie, ne supporte absolument pas la médiocrité.

Réjouissez-vous et mangez, vous vous en porterez bien.

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