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Maxime Chattam, Maléfices

Ce troisième volet de la série Joshua Brolin, ex-profileur du FBI, ex-inspecteur de police devenu détective privé, se passe à nouveau à Portland, Oregon, un pays que Maxime connaît bien depuis l’enfance. La ville, qui abrite quelques industries et centres de recherches, est bordée par la grande forêt primaire. Les promeneurs et les amoureux s’aventurent rarement hors des sentiers aménagés, ils risquent de se perdre. Ou de faire de mauvaises rencontres.

C’est ainsi que débute le thriller : par un cadavre, les traits figés par une terreur sans nom, décédé du venin d’une araignée monstre. Il n’est que le premier des accidentés de Portland. Un tueur en série prend un malin plaisir à neutraliser les maris dans les chambres avant d’enlever les épouses jeunes et amoureuses pour leur faire subir divers sévices punitifs. Nous n’en dirons pas plus, sinon qu’il s’agit d’un renouvellement original du thème habituel des meurtres en série. Les déviances psychologiques sont infinies et Chattam explore ici une voie neuve.

Le détective, toujours solitaire depuis que son grand amour est mort égorgé par le tueur de Portland (dans L’âme du mal), incline à retrouver Annabelle, enquêtrice de New York qui le complète. Son ancien inspecteur acolyte de Portland, Larry, invite Annabelle pour quelques vacances et Joshua est heureux de la retrouver. D’autant que l’enquête commence après les enlèvements et les morsures de plusieurs habitants par des araignées mortelles.

Que se cache-t-il donc de redoutable et d’ancestral dans la forêt primaire ? Quelle est cette base secrète de l’armée, aujourd’hui désaffectée, où errent d’étranges individus à la nuit tombée ? Pourquoi les araignées envahissent-elles les bois, les maisons, les supermarchés ? Comment se fait-il qu’un cadavre se mette à bouger durant une autopsie ? Qui sont ces chercheurs en fils résistants, sous contrat militaires, qui élèvent des tisseuses arachnides en vivarium ? La personnalité perverse qui est peut-être derrière tout cela a plus d’un tour dans sa toile et les fausses pistes, aménagées à dessein, ne manquent pas !

Un peu plus littéraire que les précédents, ouvrant sur le fantastique, étayé par une documentation fouillée qui conduit de l’Égypte antique à Madagascar, ce roman est le plus abouti de la trilogie. Vous y apprendrez même ce qu’est un véritable zombie de Haïti ! L’histoire se passe à la fin du printemps et en été, cet été continental étouffant de Portland qui augmente l’agressivité des araignées, la perversion des tueurs et exacerbe les passions des humains normaux. Joshua Brolin sort peu à peu de sa dépression amoureuse, aidé par Annabelle et Larry. L’épilogue l’abandonne à ce moment d’existence où il peut reconstruire. L’auteur en a pressuré les ressorts et passe à autre chose.

Maléfices, découpé en courtes séquences alternées, tisse un thriller efficace qui vous prend dans ses rets et finit par vous étonner. Vous n’en ressortirez pas comme vous y entrerez.

Maxime Chattam, Maléfices, 2004, Pocket 2009, 640 pages, €8.60

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Maxime Chattam, L’âme du mal

L’auteur s’est fait connaître à 24 ans par ce thriller. De double culture franco-américaine, ayant beaucoup vécu à Portland dans l’Oregon (où il situe la scène), il maîtrise parfaitement les règles du roman de frissons. Il le déclinera en trois tomes successifs avec le même héros, un Josh qui lui ressemble, avant de passer à autre chose. C’est très réussi, long, bondissant, sadique, torride – efficace.

Les États-Unis, pays jeune, ont renouvelé l’art du roman. Notamment via le thriller, ce livre-cinéma où le thème est dramatique et l’écriture aussi nette et basique que celle du Code civil (comme le voulait Stendhal). Le découpage des séquences en courts chapitres, le style direct et percutant, les images chocs figées comme des photos, la fin en forme de suspense – tout concours à faire du genre une animation sous forme de livre. Maxime Chattam s’est documenté, Maxime Chattam s’est exercé, Maxime Chattam nous tient en haleine.

Contrairement au style jeu vidéo qu’il explorera (sans grand succès) dans Prédateurs, ses personnages ici ont de la consistance et les principaux ici sont attachants. Ses tueurs psychopathes sont réalistes et ses professionnels de la police et de la médecine légale compétents. On y croit.

Le rythme qu’il attache à son récit ne faiblit pas, les scènes sont denses, le sujet fouillé. Non sans exagérations « gothiques » telle cette scène de baise dans une bibliothèque satanique, ce poulet noir au cou tranché à la hache par un vieux forestier interrogé par… un poulet PD (Police Department), ou cette lueur rouge dans les yeux du détenu.

Le style qu’il prend pour raconter est presque abrupt mais ne néglige pas, dans les moments de détente, les mots choisis. Lui qui écrira en basic french par la suite, énonce ici des termes tels que rubigineux, nitescence, céruléen, fuligineux, gibbeuse, lactescente, écale, gabelle… probablement listés bruts dans le dictionnaire. Mais, après tout, un peu de poésie dans un monde de brutes ne nuit pas.

Car les tueurs se déchaînent en boucheries et mises en scène. Détruits dans l’enfance par les maux de l’Amérique (la rigidité protestante, la répression sexuelle, le mépris social, les errances parentales égoïstes), les pervers choisissent leurs victimes. Elles incarnent en général le rêve américain, elles sont belles et studieuses. Elles sont étouffées, étranglées, poignardées, lacérées, amputées. Le jeune inspecteur Josh Brolin (prononcez broline) formé au profilage FBI avant d’exercer dans la police, aura fort à faire pour arrêter le massacre. Fort à imaginer surtout pour se mettre dans la peau du tueur, voir qui il peut être et anticiper ainsi ce qu’il projette. Non sans échecs…

Le Bourreau de Portland (ville du nord-ouest, au nord de la Californie et à quelques 400 km au sud de Seattle) est bel et bien mort. Josh l’a tué. Mais qui reprend le flambeau et l’imite, jusqu’aux traits soigneusement gardés secrets par la police ? Un gamin de 12 ans qui se cache de ses copains dans la cabane abandonnée d’un parc hurle de terreur lorsqu’il découvre la première victime, nue, écartelée, sanglante, un couteau fiché dans le vagin – fantasme d’ado sadique. Nous ne sommes encore qu’au premier des neufs cercles de l’Enfer. A l’équipe policière de comprendre et d’agir, au lecteur de haleter et supputer.

C’est bien fait pour lui. Mais très bien fait aussi pour son plaisir.

Maxime Chattam, L’âme du mal, 2002, Pocket 2009, 521 pages, €7.50

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