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Musée égyptien de Turin 1

Après l’Égypte, je désirais voir le premier musée européen d’égyptologie qui se trouve à Turin.

Le musée Egizio a été constitué en 1824 dans le Collège des nobles construit en 1679 par Michelangelo Garove par le roi Charles-Félix de Sardaigne. Il a acquis les collections de Bernardino Drovetti, consul général de France en Egypte de 1803 à 1839, que le Louvre a refusé d’acheter, les trouvant trop chères et sans intérêt. Le fond a été enrichi par Schiaparelli au début du XXe siècle et par Farina dans les années trente. Il ne comprend que des collections égyptiennes sur trois étages, plus le rez-de-chaussée. Il a été rénové entièrement en 2015 et présente une surface double d’auparavant. Il n’ouvre qu’à neuf heures et nous entrons les premiers. Nous y sommes avant les ragazzi des classes accompagnées, des 9 à 15 ans qui jacassent.

Le dernier étage destiné aux expositions temporaires étant fermé, nous commençons par le second, suivant la chronologie du haut en bas avec le prédynastique vers -3900 jusqu’à l’époque romaine dans notre ère. Il y a des milliers d’objets, près de 30 000 dit-on.

Les momies sont présentées dans les premiers stades, recroquevillées et desséchées au désert, avant d’être enfermées de bandelettes, amulettes, et jusqu’à trois sarcophages en poupées russes. C’est le cas évidemment des pharaons. Celui de Ramsès II est noir couleur de mort ; il contient un autre cercueil noir et doré décoré, symbolisant la transition entre la vie et la mort ; lequel contient enfin un dernier sarcophage tout d’or revêtu, symbole de renaissance à la lumière de Râ. Sa favorite, la reine Néfertari, n’a droit qu’à deux sarcophages emboîtés. Diverses momies de chats, mais aussi d’autres animaux comme des canards ou des crocodiles, sont présentées aussi.

Ramsès II apparaît en statue de pierre imposante, vêtu d’une tunique de lin plissé ou torse nu. La statuaire est particulièrement importante au musée de Turin. On y trouve des pharaons tels que Thoutmôsis III, Amenhotep II, Horemheb avec Amon, Thoutmôsis 1er, Ramsès II et Séthi II. La déesse lionne Sekhmet, fille de Râ et forme dangereuse du soleil, se reproduit en de multiples représentations, emplissant toute une galerie où les ados se prennent en selfie par trois, avec l’ami de cœur et la copine de sexe (ou l’inverse), pendant que leur prof pérore.

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Philae

Le soleil est déjà là, ce matin, quand l’un de nous soulève un pan de la bâche. Nous rangeons tous les sacs et passons sur le bateau-restaurant. Adj paraît tout fringant au petit-déjeuner, la nuit a du être bonne. Royal de jeunesse, il est l’Enak de Dji, en référence à ce jeune compagnon de toutes les aventures d’Alix, héros romain de bande dessinée. Dji ne semble pas connaître Alix.

Une fois le fromage pris, avec de la confiture de figue et de la galette sans levain, nous découvrons qu’une corde s’est enroulée dans l’hélice. Nous sommes enfin obligés de partir à la voile sur une felouque ! Adieu, bruit honni du moteur. Les coussins de la barque sont assez larges pour nous contenir tous. Le felouquier qui a plongé pour tenter de dégager l’hélice grelotte de froid et Adj se met à la barre, grosse comme un tronc. L’atterrissage est à la braque, tout cogne et frotte ; heureusement que la coque est en métal !

philae temples

Nous débarquons à Assouan où un minibus nous conduira à l’embarcadère pour Philae. C’est à Assouan que François Mitterrand fit son dernier voyage, du 24 au 29 décembre 1995, avec Anne et Mazarine Pingeot plus quelques amis. « Comme chaque année, ou presque, il passe les fêtes de Noël en Égypte », selon son biographe, Jean Lacouture. Il s’est installé dans le vieil hôtel Old Cataract, ainsi qu’à son habitude. Jean Lacouture de préciser : « mais en ce séjour ultime à Assouan, il ne faut point trop chercher le déchiffrement du Livre des Morts. La recherche d’une beauté, oui, d’une lumière chaude, d’une envoûtante fête de ce monde qu’il va falloir laisser. » Qui sait ? Le biographe ne fait que reconstituer, il n’était pas dans son âme ces cinq jours-là.

philae souk

Pierre Loti, en 1907, trouvait la ville agréable, non sans humour ni understatement ! « Le soir, après la nuit tombée, les voyageurs de véritable « respectability » ne quittent pas les brillants « dining saloons » des hôtels, et le quai se retrouve plus solitaire sous les étoiles. C’est à ce moment que l’on peut apprécier combien sont devenus hospitaliers certains indigènes : si, dans un moment de mélancolie, on se promène seul au bord du Nil en fumant sa cigarette, on est toujours accosté par quelques-uns d’entre eux qui, se méprenant sur la cause de ce vague à l’âme, s’empressent à vous offrir avec une touchante ingénuité, de vous présenter aux jeunes personnes les plus gaies du pays. »

philae temple

Philae. Elle est l’île de la frontière, entre Égypte et Nubie. Là commence l’Afrique noire. Le temple d’Isis se dresse au-dessus de l’eau. Mis en chantier par les derniers pharaons de la XXXème dynastie, il a été terminé par les Romains !

philae colonnes du temple

Il a été déplacé avec l’aide de l’UNESCO en raison du second barrage, entre 1972 et 1980. Le premier barrage, construit du temps des Anglais en 1913 l’avait à demi noyé sous les eaux six mois par ans et on le visitait alors en barque. Le passé, à cette époque, ne valait que grec et romain. Et l’on ne considérait que « l’art » – prononcer l’Hhââârr, comme Flaubert se moquant du snobisme bourgeois. L’art, c’est-à-dire exclusivement les statues. Les monuments eux-mêmes pouvaient bien servir de carrière. Mais le temple a retrouvé, sinon sa place originelle, du moins sa situation antique au-dessus des eaux. Pour les Égyptiens, toute vie est sortie de l’eau.

philae architraves

Chaque matin les prêtres étaient chargés de réveiller Isis dans son sanctuaire ; à midi ils faisaient banquet ; et le soir, ils réenroulaient Isis dans ses bandelettes. Elle mourait pour renaître le lendemain. Le guide que nous avons est cette fois intéressant et, dans la foule qui se presse plus ici qu’ailleurs, il est bon de l’écouter de temps à autre. Toutes les langues se parlent autour de nous. Les gens sont fascinés par la mort et la résurrection en ce temple enseveli sous les eaux et resurgi pour être remonté. Ici, tout meurt et tout revient, comme Osiris, grâce à la puissance de l’amour et des larmes. Pierre blonde, ciel, bleu, grand soleil – le site m’apparaît plus mystique que les temples grecs. Le mythe de la résurrection suscite plus d’émotion que de raison. Il est mieux adapté aux foules sentimentales d’aujourd’hui. Vu du lac, avec ce beau temps, le temple est un joyau.

philae colonnes

Nous revenons en ville pour aller au souk. Ce marché local est pittoresque mais sans grand intérêt commercial pour ceux qui veulent investir dans un tee-shirt ou un cadeau à rapporter. Le choix est bien plus grand sur les sites touristiques, devant l’embarcadère du temple ce matin, par exemple. Seuls les grands châles, peut-être. Mais on trouve des galabiehs brodées « Egypt » en globish, des robes en lamé aussi transparentes que des cottes de maille, aux rondelles dorées brinquebalantes.

assouan souk

Les jeunes vendeurs vous abordent, vous sollicitent, vous interpellent, mais ils sont moins collants qu’ailleurs. Des femmes tout en noir font leurs courses, foulard sur la tête (je vous dis qu’il est pour se protéger de la poussière !). Elles rapportent de pleins sacs plastiques emplis de tomates bien rouges, de pommes de terre ou de courgettes.

assouan souk legumes

Un petit gavroche à casquette de jean me prend le poignet pour me traîner amicalement vers sa boutique de narguilés, mais je résiste en riant. Ces enfants sont gentils et l’on s’en sort par l’humour. Nous sommes dans le sud et la chaleur monte malgré le vent qui, aujourd’hui, s’est levé. Trois jeunes garçons montés dans une charrette à vélo manquent de heurter Dji et commentent le forfait avec un grand sourire. Ils sont si beaux avec leurs dents blanches dans leurs frais visages basanés qu’il leur pardonne immédiatement.

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Edfou

Le temple égyptien symbolise pour Dji (qui aime à être iconoclaste) un homme couché : les colosses d’entrée en sont les pieds, la première cour péristyle avec ses deux rangées parallèles de colonnes sont les jambes, les deux salles hypostyles le torse. Entre la cour et les salles, une pierre de granit représente le sexe. Dans le sanctuaire, l’autel est la bouche et, sur le mur du fond, la représentation d’un scarabée figure les deux parties d’un crâne vu de dessus. Pourquoi pas ? Les Égyptiens ont dû ressentir le temple comme un corps physique où le Ba psychique du dieu pouvait s’unir à la terre et s’y ancrer.

temple Edfou

Mais je me méfie toujours du systématisme comme de la recherche constante du sens « caché » des choses ; les archéologues sont des scientifiques, malgré l’aspect littéraire de leur objet d’étude et, en dépit des paranoïas et des querelles de personnes, ils ont le sens du raisonnable et du respect pour les faits. Ils peuvent errer un moment, se fourvoyer dans quelque hypothèse, mais le débat intellectuel et les tâtonnements de la recherche dans le temps font que la vérité « probable » se fait inévitablement jour. Nous sommes loin du XIXème  siècle où seuls quelques pontes gardaient la haute main sur l’égyptologie !

2001 02 Egypte ticket temple Edfou

L’actuel temple d’Edfou, dédié à Horus le faucon solaire protecteur des pharaons, a été construit par les Grecs. Il fut entrepris sous Ptolémée III vers 237 et achevé 120 ans plus tard sous Ptolémée XII. Mais il a été bâti sur l’emplacement d’un sanctuaire plus ancien. Il est le second plus grand temple de l’Égypte après celui de Karnak. Deux faucons de granit noir précèdent le pylône d’entrée, cette vaste surface, plane comme un mur de forteresse. Sur ce dernier, très grand et presque massif, le roi sacrifie des captifs qu’il tient en grappe par les cheveux. Cette image de la victoire sur les ennemis est destinée à éloigner le mal. Un mur d’enceinte sépare la partie religieuse de la partie profane.

colonnes temple Edfou

Le guide n’est pas Dji, qui a notamment à gérer les déplacements de ses innombrables felouques  – mais un guide local parlant français, assez mauvais et trop bavard. Il se croit obligé de remonter à Cléopâtre, la grande pute de luxe, pour nous expliquer le temple que l’on a sous nos yeux ! Je l’écoute cinq minutes avant de le laisser tomber et de m’avancer seul entre les colonnes et dans les pièces successives. Je ne crois pas avoir manqué grand chose des explications, à écouter les autres ultérieurement. D’ailleurs, qu’importe : plus on Edfou, plus on lit !

temple edfou colonnes

Les colonnes des salles n’ont pas pour fonction de porter un toit, elles sont trop serrées pour cela. Elles figurent des papyrus pétrifiés et symbolisent un marécage qui conduit vers le tertre primitif (le saint des saints) qui s’est soulevé des eaux. On dit que, lorsque le Nil était dans ses plus fortes crues, il inondait la salle hypostyle de nombreux temples et donnait ainsi l’illusion du marais primordial. Depuis l’entrée, les salles se font de plus en plus petites et de plus en plus sombres ; c’est voulu.

frise temple Edfou

L’apothéose devait être le sanctuaire qui abritait la statue sacrée. Aujourd’hui il est vide : les dieux meurent lorsque l’on ne leur fait plus offrande et que l’on ne prononce plus leurs noms. Dans une salle s’ouvre le « laboratoire », appelé ainsi parce que, sur les murs, sont gravées en hiéroglyphes ce que l’on peut prendre pour les formules des parfums employés lors des cérémonies. La construction du temple est symétrique, le long d’un axe ; mais on constate une déviation, comme un refus du systématique et du rigide. Est-ce voulu ? Les temples sont le cosmos reflété, la résidence locale de la divinité, le complexe qui capte l’énergie divine. Construire un temple, c’est répéter la création. L’eau atteinte en creusant les fondations rejoint l’eau primordiale.

plafond grave edfou

On nous fait visiter le « nilomètre » où la nappe phréatique issue du fleuve vient lécher les bas-fonds. Cet endroit ne servait pas seulement au symbole, ou à mesurer la hauteur des crues du Nil, il servait aussi de puits qui fournissait l’eau au culte.

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