Articles tagués : circoncis

Richard Sartène, Une enfance entre guerre et paix

richard sartene une enfance entre guerre et paix
Né en France juif d’origine polonaise en 1938, l’auteur nous conte à 76 ans son enfance à la campagne et son adolescence à Paris. Dans la tragédie de la guerre, amplifiée par ses déportations ethniques, comme dans le Paris resté archaïque d’après-guerre, l’auteur reste souriant, sociable et bon élève. C’est avec une certaine nostalgie qu’il ravive ses souvenirs, Juif par hasard, marqué par destin, mais dont il n’a pas particulièrement eu à pâtir. C’est surtout son nom aux dix consonnes, qui lui a occasionné moqueries et gêne ! Comment prononcer en effet Szwarcsztejn lorsqu’on ne connaît pas le polonais ?

« La naturalisation de mon père fut acquise par décret le 19 juillet 1948, et il fut autorisé à porter dorénavant le nom de Sartène. Bien entendu, ses enfants aussi » p.103. Richard avait dix ans, et sa vie d’écolier avait été bien longue sous le nom imprononçable. Son frère aîné André avait trois ans de plus et son frère cadet Daniel quatre ans de moins.

Ses parents, plus avisés que d’autres Juifs, avaient pris leurs précautions et, par relations, confié les deux aînés en nourrice à Conquereuil en Bretagne sud, à 58 km de Nantes. La mère enceinte se cache en Touraine et le père part pour Sète, puis pour l’Espagne, avant de s’engager dans l’armée du général Leclerc. Tout le monde se retrouve après guerre, mais les parents divorcent, trop différents de caractère.

L’auteur passe une moitié du livre à évoquer des scènes de son enfance à la campagne, dans la joie sensuelle de la terre et des foins, l’attente de la Noël et les pompes catholiques (son frère et lui sont baptisés sur place par précaution), le premier jour d’école avec l’encrier de porcelaine contenant l’encre violette, la veillée des morts et la personnalité des villageois.

L’autre moitié est consacrée à Paris, le quartier de la Gaîté qu’il nomme « la rue de la joie » ou « le Broadway parisien ». Il habite au-dessus du théâtre de la Gaîté-Montparnasse, il a un ciné à sa porte, va au lycée à pied, et encense comme les autres gamins les idoles du foot (le Racing club), de la boxe (Marcel Cerdan) et du Tour de France.

Il habitait non loin de Monsieur Lustiger qui vendait des vêtements, père de Jean-Marie, archevêque de Paris, converti confirmé au catholicisme au grand dam de sa famille. Qu’est-ce donc qu’être Juif avant qu’existe un État d’Israël ? « Nos parents (…) n’étaient ni pratiquants, ni croyants mais respectueux de leurs racines et de leur passé dans le shtetl » p.109. Par tradition, la mère parle yiddish et cuisine la carpe farcie à la juive. Richard, baptisé, avait appris le catéchisme en quelques jours d’angine et même servi la messe catholique en aube blanche. « J’étais tenté par Dieu et le cérémonial s’y attachant » p.110. C’est une cousine Annette, violoniste primée de Varsovie et rescapée des camps, qui lui apprend que la judéité est une marque ineffaçable : « On t’aurait demandé de baisser ta culotte et de montrer ta quéquette, et là, on aurait bien vu que tu étais juif ! » p.111.

L’enfant prend cette preuve comme un trait génétique – alors qu’il s’agit d’une coutume que rien n’empêche de changer : un Juif non circoncis est-il juif ? Il y a une curieuse façon de faire du « respect des racines » une race à part, comme si l’ablation du prépuce était un trait transmis par les chromosomes juif. Ne s’agit-il pas plutôt d’un trait culturel, modifiable si on le veut ? La judéité est un choix, pas une obligation.

Écrire est-il une psychanalyse sans le charlatanisme des gourous ? Ni Proust ni Pagnol, cette enfance campagnarde et cette prime adolescence citadine font un texte heureux, agréable à lire, que l’auteur destine à ses petits-enfants pour qu’ils gardent la mémoire.

Richard Sartène, Une enfance entre guerre et paix, 2014, Les éditions du Net, 173 pages, €13.00

Attachée de presse Guilaine Depis http://www.guilaine-depis.com/richard-sartene/

Catégories : Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

S’habituer aux coutumes locales jusqu’à Mopti

De temps à autre, une mosquée se détache sur la rive. Nous débarquons à Kotara, village bozo. Visite du village, de ses ruelles, de la mosquée. Sur les six touristes blancs de la pirogue, aucun musulman mais nous avons droit à tous les égards, nous avons le droit de visiter la petite mosquée, de monter sur le toit pour jouir d’un étonnant panorama, et avec grand plaisir nous nous acquittons d’un droit de visite très honorable. Tout le monde est satisfait les toubab (Blancs) et les Maliens.

Les enfants nous tirent par la main, demandent des bonbons, des stylos. Un gosse nous entraîne vers la concession : installation plus que modeste. Au bout d’une ruelle, l’évasement d’une cour qui est à tout le monde. Une porte étroite, très basse, taillée dans un mur de torchis, donne sur une autre cour beaucoup plus petite, sur laquelle s’ouvrent trois ou quatre cases. Une cour comme 100 000 autres en Afrique.

Notre périple se poursuit. C’est l’heure du déjeuner, servi dans la pirogue pour ne pas perdre un temps précieux, aujourd’hui au menu poulet-bicyclette (poulet local) et papaye. Rien à voir avec un poulet de batterie, il a couru, le coquin ! Ni ses mollets ni ses cuisses ne sont tendres ou fondants. Au contraire, tout est bien nerveux, bio en diable ! Avec l’aide de la fourchette du Père Adam, de nos poignets et des dents qu’il nous reste, entamons donc le poulet-bicyclette. Nous attaquons la bête. Les pilotes du bateau nous regardent manger avec intérêt. Pourtant ils avaient eu aussi du poulet. Oh surprise ! ils se saisissent des os que nous avons délaissés. Avec joie ils les croquent, les aspirent, les pauvres chiens qui guettaient n’auront rien.

Le soleil décline et pare les rives du Niger d’une couleur jaune et chaude. Nous accostons. Nous serons logés à l’hôtel « Rives du Niger » dans la maison du chef de village. Notre chambre à coucher se situe, à l’étage, sur le toit de l’habitation, en plein air. Les ânes braient. Le ciel est pur et magnifique. Tout le village vient au pied de nos couches, quelle distraction pour eux ! Nous sommes le film à ne pas rater. Tout le village vient inspecter les six toubabs.

Le lendemain nous nous enquerrons des toilettes. On nous indique une construction bizarre sur laquelle il faut monter par quelques marches. Un petit dôme avec plusieurs trous, 15 cm de diamètre environ. L’usage est compliqué sans mode d’emploi surtout pour les dames toubab ! Si une autre personne veut visiter les lieux, il faut tousser pour manifester son désir, l’occupante toussera à son tour pour indiquer que la place est déjà occupée…

Nous reprenons place dans notre pirogue, destination le lac Débo. Nous croisons toujours ces gigantesques pinasses surchargées qui foncent vers Mopti et Tombouctou. Nous voilà au Lac Débo et sommes accueillis par une fumée âcre. Le lac a la forme d’une étoile à trois branches, long d’une trentaine de kilomètres et large d’une dizaine. Les jeunes femmes Bozo sont très belles, leur peau est d’un noir intense, elles se prêtent volontiers à la séance photos. Merci Mesdames, merci Mesdemoiselles. Les hommes sont à la pêche et la gent féminine trie, sèche et boucane les poissons. Il y en aurait 180 espèces différentes surtout des capitaines, des silures, des tilapias, des poissons-chien, des alestes et des hétérosis.

Mopti, la « Venise du Mali » est construite au confluent du Niger et du Baní, au milieu des eaux. Auparavant Mopti s’appelait Sagan. C’était une modeste bourgade Marka peuplée des gens du clan Konaké auxquels étaient venus se joindre des pêcheurs Bozo. Les maisons soudanaises, délavées et usées par les intempéries semblent très vieilles, s’élèvent autour de leurs cours intérieures jusqu’aux terrasses qui les couronnent. Leurs formes cubiques s’interpénètrent et se superposent, à peine irriguées par un réseau de rues défoncées et poussiéreuses, pleines de monde, sillonnées de troupeaux de moutons.

La mosquée de banco aux 21 piliers, construite en 1935 évoque tout à fait la mosquée de Djenné. Un bruit de sistres ? Ce sont de jeunes circoncis. Le Sistre est fait d’une baguette mâle dans laquelle sont enfilées des rondelles de calebasse, symbole de la féminité, mais dont les bords sont dentelés. Les circoncis les agitent pour éloigner les mauvais esprits et… les femmes. Malgré tout, ils nous approcheront pour recevoir billets et pièces !

Un Peul passe à proximité. Le berger peul est vêtu d’un long manteau marron et coiffé d’un chapeau conique dont le sommet est surmonté d’un petit cône en cuivre. C’est le pasteur chargé des troupeaux. Il possède ses propres bêtes mais transhume les troupeaux d’autres personnes. On le dit riche. La femme Peul sert de coffre-fort. Elle porte la fortune familiale en bijoux en or aux oreilles, autour du cou, autour des poignets. En Afrique les tailleurs sont des hommes. « B.P. était également un excellent tailleur-brodeur. En Afrique traditionnelle, c’était là non « un métier » au sens moderne du terme, mais un art qu’il était permis à un noble d’exercer. » Amadou Hampaté Bâ

Hiata de Tahiti

Catégories : Mali, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,