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Salon d’Hélène Darroze à Paris

Situé au 4 de la rue d’Assas dans un environnement bourgeois proche du boulevard Raspail, le Salon d’Hélène Darroze, ouvert à la fin du précédent millénaire, ressemble à une entreprise de pompes funèbres. Tout est noir, la devanture, le décor. A l’étage le restaurant, au rez-de-chaussée le salon – moins cher – où règne le menu « tapas ».

Lorsque vous entrez dans la caverne, passez sous le catafalque, une délicieuse fraîcheur de caveau vous saisit par tout le corps. Elle contraste heureusement avec la chaleur d’enfer qui règne à l’extérieur, 37° centigrades au moins, réverbérés par les trottoirs et les murs !

Les tables en noir ne ravivent pas l’ambiance et le champagne glacé (19€ la flûte en plus du menu) réfrigèrent la gorge. L’endroit est trop calme, comme si les clients se sentaient morts-vivants, osant à peine élever la voix dans cette grotte climatisée, pensant peut-être même à leur fin. Il y a peu de monde en ce midi, deux tables seulement sont occupées, la saison touristique n’est pas vraiment commencée.

Le service est fait par un faux jeune homme (selon ses références d’enfance en dessins animés, il est de la génération des presque 40 ans) ; il est onctueux, tout en noir comme un croque-mort, mais nettement plus aimable. Il nous décline le choix du menu par des mots qui enjolivent. Toute sauce se voit haussée au nom d’émulsion, toute cuisson prolongée au nom de confit.

Les soi-disant « tapas » (mot qui fait bien à la mémoire courte des bobos ignares) sont des plats courts multipliés, et emplis de virtuosité ; ils n’ont pas grand-chose d’espagnol… Nous prenons ceux du jour, mais la carte offre d’autres choix. Le menu « du jour » change semble-t-il chaque semaine.

Nous commençons par des ravioles de homard dans un bol ; elles ne peuvent pas se battre en duel parce qu’elles sont trois. Elles sont accompagnées de petits pois justes raidis au bouillon et arrosées d’une « émulsion ». Le tout a un goût délicat, un peu fade selon certains, un ravissement selon d’autres.

Suit un gaspacho étonnant, qui renouvelle le genre de bonne façon : deux quartiers de tomates (épluchées), un huitième de citron (tout juste confit) décoré d’un brin ou deux de coriandre fraîche avec, à côté de l’assiette une fiole d’« émulsion » de poivron rouge, d’ail, de vinaigre et d’eau (avec un peu d’huile peut-être). J’ai beaucoup aimé, préférant déguster les légumes seuls avant le potage.

Arrive le (mini) pavé de cabillaud (60 g ?), juste passé au grill avec sa demi-mini-courgette poire, sa fleur de (mini) courgette,  son herbe (indéfinie) et son « émulsion » verte – probablement de courgette. A notre table, certains usent du piment (évidemment d’Espelette) et de sel (probablement de Guérande, comme il se doit). Pas pour ma part bien que l’« émulsion » ait peut-être mérité d’être un tantinet plus assaisonnée.

Enfin arrive le cochon de lait « confit » dans sa graisse, très tendre et goûteux, accompagné de sa fleur de mini-courgette farcie d’herbes aromatiques. La qualité des produits, leur cuisson au respect, leur goût au naturel, font tout le charme de la chef Darroze, il faut le reconnaître.

En dessert, je choisis le Paris-Brest, d’autres le riz au lait sur rhubarbe avec son coulis de framboise. Le Paris-Brest est rond comme le veut la tradition (qui vient de la course cycliste), mais la pâte à choux est pralinée et la crème fortement garnie de noisettes sur un cœur en chocolat. C’est assez léger et fort en goût d’enfance, juste de quoi désirer un bon café.

Il existe un menu 3 tapas du jour pour 30€, nous avions pris le menu 4 tapas du jour et 1 dessert pour 49€. L’originalité et la variété méritent ce prix, vite atteint dans n’importe quelle brasserie pour des banalités.

Restaurant Hélène Darroze à Paris, 4 rue d’Assas 75006 Paris, tél. 01 42 22 00 11 reservation@helenedarroze.com

  • Ouvert du Mardi au Samedi, service de voiturier (sauf en août).
  • Déjeuner : de 12h30 à 14h30 (sauf dimanche et lundi).
  • Dîner : de 19h30 à 23h30 (sauf dimanche et lundi)

Métros proches : Sèvres-Babylone (lignes 10 et 12) et Saint Sulpice (ligne 4)

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Montcuq à toutes les sauces

Vendredi 26 août 2005

Que je vous parle un peu des ventrées de Montcuq. Le pays est plaisant, comme vous l’avez compris, entre Garonne et Périgord, bordé de vignes de part et d’autres, en plantant sur son sol. Ses vallées ont le sol riche et les échanges ne cessent point entre les fleuves et les chemins. Quant aux recettes, elles se transmettent et s’enrichissent du savoir des pèlerins de saint Jacques, apportant là le piment, ailleurs le fromage ou ce goût d’huile d’olive, tous produits que la région ne connaît point, de tradition.

Dès le premier soir à quelques-uns des blogueurs, la veille du jour J de ce 18 août premier anniversaire, ne sachant que faire et surtout pas nous séparer, nous qui venions de nous rejoindre, nous battîmes des mains à l’invitation fort chevaleresque de Jean-Louis Hussonnois d’aller voir en son gîte. Ils n’eurent été que deux à une tablée de Belges et nous vînmes en renfort pour la plus grande joie de tous. A la nuit bien tombée, sans que la lune fut levée, difficile aux gastropèlerins que nous fûmes de trouver l’étroite entrée du Moulin de Tauran. Après une pointe au-delà des limites autorisées puis avisé par les rougeurs d’arrière que la sente se trouvait fort près, je garais mon destrier couleur d’armure auprès d’autres montures, alors au picotin. Nous pénétrâmes en ligue sous le vaste hangar éclairé de quelques torches à incandescence. Dehors eût mieux convenu aux pèlerins qui les suivent mais les étoiles s’étaient faites rares, cachées de lourdes tentures nébuleuses qui n’attendaient que notre défi pour pleurer leur dépit.

gite du moulin de tauran

Gloire à la cuisinière ! Les recettes étaient aux fruits, de saison et du pays, mitonnées avec amour du créatif et du désir de plaire. Malgré nos heures de route et nos pensées ailleurs, les papilles ont connu la joie.

Apéritif maison, le vin de pêche est composé de vin du pays dans lequel ont macérées des feuilles de pêcher, le tout filtré et additionné de sucre, peut-être d’un trait d’eau de vie pour corser. Les enfants avaient du jus de pomme. L’entrée de melon en billes était parsemée de menthe fraîche poussant à la roue du moulin et, discrète originalité gustative, de billes de terrine de saumon pour un léger sucré-salé. N’oubliez pas que le saumon est élevé en Gironde, région fort proche. Pour compléter, un pâté de lapin du pays était accompagné d’un confit de poivrons verts aux agrumes doux-acide dont le contraste allait merveilleusement au palais.

montcuq peches cul

Ont suivi des aiguillettes de canards élevés dans le Lot, cuites simplement aux pêches de Montcuq. Et là, comme par un fait exprès, ces pêches plates avaient la forme requise. Imaginez une paire de fesses bien galbées dont le pédoncule vous regarde : telle est bien la pêche de Montcuq ! Cuite doucement avec un peu de graisse de canard, elle conserve la viande tendre et agrémente la saveur de gibier d’un peu d’acide tendresse. Un délice ! Le dessert était plus simple, une semoule au lait agrémenté de chocolat, mais se devait d’être léger pour terminer l’abondance. Le vin des Coteaux du Quercy se laissait boire.

vin des coteaux du quercy

Encore un grand merci à Jean-Louis (qui signe jlhuss) de cette délicate invitation ! Son blog A©tu bien pris tes comprimés [désormais fermé] est d’ailleurs un mélange d’intérêts et de styles qui s’apparente à la bonne cuisine. Qu’on se le dise.

Cette région agricole fait pousser le melon du Quercy, Identification Géographique Protégée (IGP, comme disent les fonctionnaires). Elle produit aussi la truffe noire et le safran label rouge. L’on y chasse le sanglier nourri de glands de chênes (quercynus en latin) depuis la préhistoire mais aujourd’hui oies et canards y sont à la fête, élevés et engraissés pour leur chair à confits, magrets et gésiers, et leur foie à faire gras. L’agneau fermier est aussi IGP que le melon, même si le mélange des deux n’est sans doute pas très heureux en cuisine. Le veau sous la mère est d’invention plus récente, labellisé rouge pour faire politiquement à la mode. Le chasselas de Moissac, AOC, se laisse manger tout comme la prune dont Agen a fait sa spécialité IGP. Proches, la noix et le cèpe du Périgord se mêlent harmonieusement dans ce pays sans huile d’olive. Manquent les fromages, hors le Rocamadour, précédente étape pèlerine qui l’a ici importé dans les usages.

En revanche, l’on y découvre une débauche de vins divers, depuis le Cahors AOC au cépage Malbec, au Coteaux du Quercy simple VDQS et les vins du Lot de toutes couleurs, à consommer plutôt dans l’année. Bergerac, comme Bordeaux, ne sont pas loin. Le Cahors, florissant au moyen âge, a été éradiqué par le phylloxéra en 1868. La République triomphante n’avait rien vu et n’a rien fait, suivant une tradition française désormais établie de mépris tout religieux puis étatique pour tout ce qui est réputé « économique ». Le vin s’est délocalisé à Bordeaux. Il a fallu attendre la renaissance politique de l’après Seconde Guerre mondiale et l’enthousiasme d’anciens Résistants, pour voir renaître le cépage, dont l’essor date des « années Larzac » du retour aux traditions et aux terroirs. Pour la bonne cause anti-nivellement des cultures et standardisation des goûts. Le « je suis le représentant de la France à moi tout seul » et le « je ne veux voir qu’une tête » sont les plaies du modèle politique jacobin français.

Les fraises des vallées du Lot et de la Dordogne permettent une recette où le radicalisme du melon s’allie au rose de Fraise pour un programme fédératif goûteux, au moins aux papilles sollicitées.

salade de gesiers

Le menu officiel au Café de France, lors de la journée du 18, était plus classique, à 13 euros seulement, 15 avec le vin. Salade de gésiers confits (lardons pour les derniers), confit de canard (il y avait d’autres choix mais pas en nombre suffisant), croustade aux fraises (en hommage à notre Premier ?). Le dîner a été plus ouvert – et plus cher. Je me suis contenté d’un seul plat de lotte à la tomate confite et au piment d’Espelette, pas très régional mais fort bien cuisiné.

verres et vin

En notre pays si critiquable, la convivialité passe par le partage des viandes et du vin, le tout rendant propice l’accueil des idées et le plaisir de la conversation. Conservons au moins cela que les austères Anglo-saxons des tables voisines (ce n’étaient point des Belges) nous ont envié !

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