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Des temples, monastères et pension du Népal

Nous partons au soleil, les nuages ont filé pendant la nuit. Le temps change très vite. Nous apercevons en rose la chaîne des Himalaya et les terrasses se drapent à nouveau d’écharpes de brume. Quelques photos sont tentées car nous avons envie de capturer dans nos boites un peu de la magie de cet instant, pour nous le remémorer sur nos murs ou dans nos albums, plus tard, des années plus tard (comme aujourd’hui), nostalgiques de la jeunesse et de la sensation.

nepal trek

Nous passons dans Cipangau, moins animé qu’hier soir. Lily et Christine ont avoué avoir fait des rêves mystiques. Est-ce la proximité du bois magique ? Le spectre effrayant ? La sensualité des danseurs ? Le froid pénétrant de cette nuit ? « La mer s’ouvrait jusqu’à une grotte » et Christine y a entendu « la voix de Dieu ». Hum ! La psychanalyste n’en dit rien…

ado nepal bairajogini

Les paysages sont plus riants sous le soleil. Les fermes et les villages, aux gosses innombrables, nous font signe. Les enfants nous examinent avec curiosité, cette attention qui flatte et donne envie de communiquer, par le geste ou le sourire. Ils restent en groupe autour de nous, trouvant assurance dans leur nombre et dans la chaleur des frères. J’opère une saisissante photo d’une petite bande sur la crête. Christine est fatiguée, Lily définitive, Michel calmé, Christophe pressé, et Elle émerveillée. Moi, ça va. Le pays est rempli de beauté, le soleil brille en ce début de matinée, rendant plus vaste le paysage, la lumière plus transparente à cette altitude, les corps plus déliés, les peaux des enfants plus rayonnantes, comme les sourires des femmes.

gamins nepal

Nous traversons la Bagmati deux fois sur des ponts suspendus, au grand dam des filles qui n’aiment pas que le chemin bouge sous leurs pieds. Pharphaing : c’est une ville sale où l’on déjeune sur le « terrain de foot » entre les merdes humaines ou canines et les gosses loqueteux qui se démènent pieds nus avec une boule de chiffon. Nous visitons ensuite le monastère Ninchapa aux couleurs vives tout frais repeintes. Des moines en robe bordeaux, assis derrière leurs bancs le long des murs, psalmodient les feuillets du rituel. Le ton monocorde des voix est très prenant mais finit par assoupir. Aussi, tous les deux feuillets environ, l’un d’eux saisit la clochette, un autre les cymbales, un troisième la trompe, et l’ensemble réveille brutalement l’assistance par un bruit discordant (c’est du moins l’impression que nous en avons). Puis la psalmodie reprend, rythmée par le tambour lancinant.

nepal pharpaing

Tara consulte près de là un vieux baba dans sa cage vermillon. Il porte cheveux longs et barbe blanche comme l’idée qu’on s’en fait. Puis nous visitons trois monastères et deux temples dans la foulée. Les moinillons sont rigolards et curieux. Au temple de Vishnou Seshnarayan sont dessinés les pieds de Vishnou et là s’élève la vache sacrée Dhinu. Le temple contient un bassin avec des statues du dieu soleil du 12ème siècle. Au temple de Shiva erre un sâdhu et s’élève une statue de Shiva tout nu, sexe apparent, contre lequel les femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant viennent se frotter selon la tradition. Les nôtres s’en gardent bien !

nepal temple pharpaing

La Royal Boarding Secondary School s’élève un peu plus loin. Elle est entourée d’un beau jardin où Tara négocie de pouvoir camper, au lieu du terrain vague et merdeux d’en face. Le directeur très posé, très british dans son intonation comme dans sa componction, nous accueille et parle en anglais. À notre surprise, il nous demande de traduire en anglais les cartes de vœux qu’il a reçu de François Mitterrand, alors Président de la République française, et nous montre sa photo dédicacée. Il nous laisse ensuite sa carte à chacun, Dhruba Bahadur Shrestha, « Head Master », Secondary Boarding School, Tribhuvan Adarsha M. Vidyalaya, Phurping, Kathmandu, Nepal.

carte school headmaster nepal

À l’heure de la prière nous entendons les monastères bouddhistes tibétains : bom ! bom ! bom !bom ! poing ! poing ! tooooon ! Et reprend la psalmodie automatique. « Cela » prie. Puis la grotte de Gurakhnat : Padmasambhava – le moine qui a introduit le bouddhisme au Tibet – y aurait médité. Puis le temple de Bajrajogini avec un nœud en poils de yack sur la tête de Bouddha, et « l’astamandal », le nœud des huit déesses mères qui ressemble à une suite de neutrons entourés d’électrons. Puis un temple aux 21 Tara, 21 poupées dorées en vitrine. La religion y est naïve, populaire, les rites répétitifs et simples, les objets de culte criards. Tout le précieux est sous vitrine. On ne touche pas avec ses pattes sales ! Certes, la philosophie bouddhiste est autre chose, une grande pensée humaine. Mais il faut de tout pour faire une religion, de la superstition pour gens simples aux plus hauts concepts philosophiques. Chacun doit y trouver à croire, selon ses capacités et selon ses besoins. Le rite simpliste va au paysan, la réflexion aux sages. Ainsi peut-on interpréter ce que nous voyons, qui est un peu décevant pour les idées que l’on s’en faisait. Leçon du pays : ne jamais se faire d’illusions mais vivre ce qui vient. Je soumets ce raisonnement à « Dominique », mais il me regarde d’un air bovin.

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Christine, Michel et l’Inde

Ce soir, Christine nous raconte sa période hippie. Elle ne l’a jamais été « à fond », nous dit-elle (qu’entend-t-elle par-là ?), mais elle « en » a côtoyé pas mal. Chacun venait dormir chez celui ou celle qui avait une chambre, prenait le petit-déjeuner tout nu avec les autres, mangeait assis par terre avec les doigts. On faisait un pool de vêtement et chacun prenait n’importe quoi pour s’habiller ensuite, ce qui lui tombait sous la main, en général trop grand ou étriqué. Les garçons « ne portaient pas de slip » ni les filles de « soutifs » (cela « faisait bourgeois »), tous se lavaient rarement. Pour chasser les odeurs, on brûlait de l’encens. Les hippies allaient rituellement aux Indes et en rapportaient des robes safran, avant de « tout quitter » pour aller confectionner des marionnettes dans les MJC de banlieue ou élever des chèvres en Ardèche – tout un programme ! Christine nous dit qu’elle portait des robes indiennes, des parfums « pas possibles », et marchait toute l’année pieds nus dans des tongs, même en plein janvier.

nepal ciel

Mais sa période tongs s’est arrêtée le jour où elle a mis le pied dans une belle et grasse merde de chien, élément du décor très courant à l’époque sur un trottoir de Paris ! Elle a trouvé cela « tellement horrible », l’aspect pâteux et l’odeur, qu’elle a arrêté d’aller les pieds à l’air aussi sec. Ineffable Christine ! Vingt ans plus tard, nous en sommes déjà aux souvenir d’anciens combattants. En 1968, et dans les années qui ont suivi, j’étais trop jeune pour avoir connu cela, et tout s’était bien affadi à la fin des années soixante-dix. Quant à Elle, qui a passé le bac en 1968, elle est restée ensuite bien trop occupée par ses études de médecine pour se laisser aller à de telles rencontres.

nepal effets de brume

Lily me conseille à nouveau vivement de lire Le Banquet de Platon, « le plus beau livre sur l’amour, il y a tout, », selon elle. Y compris les prémisses de la psychanalyse (ah ?). Je ne vois pas pourquoi elle insiste tant sur ce point. Les soirées deviennent de plus en plus intéressantes et de plus en plus intellos.

nepal terrasses godawari

Le matin suivant connaît un froid humide. Tout le monde se lève tôt. Nous nous sommes couchés tôt le soir, en raison du froid déjà pénétrant et de la fumée du feu dans les yeux. Et Michel nous a saoulés par un monologue sur les pays qu’il a visité. Il nous a déjà tout dit plusieurs fois, mais il reprend et en rajoute. Et les Indes, et les États-Unis, et Java, et l’Allemagne, et encore les Indes… La vox populi m’avait dit que « les profs, en groupe, c’est l’horreur parce qu’ils parlent tout le temps ». Eh bien c’est vrai : Michel est gentil et intéressant, mais à petites doses. Il ne peut pas voir quelque chose de nouveau au Népal sans aussitôt nous sortir : « mais en Inde… » Cela finit par être agaçant. Nous sommes ici au Népal, dans un pays nouveau, et il faut le regarder tel qu’il est et non pas selon les images préconçues des scènes d’ailleurs.

ferme nepal

Montée de la vallée jusqu’au col, d’où l’on prend la descente vers Godawari. Le sentier est rendu très glissant par l’humidité qui persiste de la pluie d’hier. Le ciel est encore couvert, tout gris. Au programme, la visite des « botanical gardens » dont les serres sont garnies de divers fuchsias, impatiences, cactus et autres orchidées. Rien n’est très fleuri en cette saison et le tout fait un peu vrac, mais cet endroit est « célèbre » au Népal selon Tara la bleue (elle porte aujourd’hui une robe bleue).

Et la pluie commence à tomber. Heureusement, un kiosque du « botanical garden » nous protège à cet instant. Nos cuisiniers, qui officient dehors sur un pré, sont mouillés, mais ils n’ont pas l’air de s’en soucier. Le temps, pour eux, est simplement « vivifiant ». Nous commençons à trouver que les livres mentent. La « saison sèche », avec son seul « jour de pluie moyen » en décembre et un autre en janvier, est cette année hors norme !

Godawari nous offre son temple de Shiva, orné de cinq fontaines d’eau sacrée. La pluie cesse, mais le ciel reste chargé. Deux femmes passent avec chacune une lourde charge de feuilles, pour nourrir les bêtes je suppose.

Godawari nepal femmes portant charge

Michel s’empresse de nous donner des conseils pratiques sur l’Inde, au cas où il nous aurait donné envie d’y aller. Il ne peut pas se taire cinq minutes d’affilée. Pour lui, il faut aller en Inde en juillet, en zone sèche. Prendre deux nuits d’hôtel à l’arrivée pour se remettre du décalage horaire et de la moiteur du climat, qui saisit tout occidental à l’arrivée. Le mieux est de se faire confectionner (en quelques heures et pour quelques dizaines de roupies) un « costume indien », pantalon large et tunique dégagée au col, en coton léger ; c’est confortable à porter et aéré. Et l’on se fond mieux dans la population. Visiter Delhi, Agra, Simla éventuellement, Pushkar, célèbre pour sa foire aux chameaux en octobre ; aller aussi à Ajmer, Bikaner éventuellement, passer quatre jours à Jaisalmer, avec au moins une journée dans le désert, Jodhpur et le désert du Rajasthan, prendre un train couchettes pour Jaipur, puis Udaipur, Ahmadhabad, et finir à Bombay (où les hôtels sont chers). Prévoir deux jours de battement pour le retour en raison des retards possibles. Les transports locaux ne sont pas rapides, il faut compter de n’effectuer que trente kilomètres par jour. Réserver les billets d’avion bien à l’avance et arriver largement avant l’heure. Louer des vélos pour voir les villages. Essayer les trains couchettes. Tenter un bus pour l’expérience, mais ne pas insister, ils sont pleins, sales, et éprouvants ! Emporter une moustiquaire et son drap housse, ceux des hôtels étant crasseux. Ne mettre aucun objet précieux dans le bagage de soute. Prendre avec soi des cartes postales de l’endroit où l’on habite, éventuellement des photos de soi avec ses enfants ou ses parents (la famille est très appréciée). Si un jour nous y allons tout seul, nous serons ainsi parés. Toujours pédagogique, le prof.

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