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Cratère de Cova et village de Passagem

Réveil avec le soleil, au frais sous les arbres. Les chevreaux sont libérés de sous leur demi-tonneau et galopent vers leur mère qui les appelle pour téter. Petit-déjeuner aux rayons d’altitude. Mais nous allons grimper encore ! Nous prenons en effet un minibus pour le cratère de Cova qui s’élève à 1166 mètres au-dessus de la mer. La cuvette, large comme une arène de géant, est plantée de champs secs en damiers. Y bougent quelques vaches broutantes, quelques hommes piochant, fourmis dérisoires dans l’étendue. L’auto nous abandonne.

Nous nous mettons alors à grimper les pentes du cratère sous les clochetons wagnériens des pics embrumés dans le soleil. Sur la crête, nous avons une vue générale sur la cuvette d’un côté et sur une vallée couverte d’arbres et de plantations de l’autre. C’est vers elle que nous nous dirigeons en empruntant un chemin en lacets qui descend, interminablement, avec des méandres, vers une ribeira où coule l’eau. Comme à chaque fois que l’eau sourd de la terre, en ce climat, la végétation devient de suite luxuriante : bananiers, papayers, caféiers et même pommiers poussent allègrement, entourés des cannes à sucre omniprésentes. Sur des terrasses aménagées sont cultivés de petits lopins de choux et de carottes.

A un arrêt devant des plants de tabac, qu’entourent des caféiers, une minuscule Patricia de cinq ans nous salue. Elle est parée d’une robe blanche de poupée, mais déchirée ; elle a le visage grave, les traits doux.

Les lacets se poursuivent et le sentier descend toujours. Des femmes épierrent des terrasses. Elles récupèrent pour la construction et portent au village de Passagem dans de grands paniers sur leur tête. Deux vieilles fument la pipe. Un petit travailleur sans chaussures, ni chemise sous son gilet ouvert, brandit deux pics d’un air martial. Il montre les dents pour sourire et prend fièrement la pose. Que voilà un viril petit mâle d’à peine cinq ans ! Les filles du groupe se pâment.

Des écoliers jouent au foot dans la cour ouverte de leur école. Leur « ballon » est une boule de sacs plastiques entourés de ficelle. Ils jouent sans chaussures ni boutons à leur chemise, mais avec une conviction qui prouve leur santé. D’autres enfants ont préparé des chapeaux pour le carnaval qui démarre dans les îles la semaine prochaine. Un beau gaillard se prénomme Hercule et porte un tee-shirt à l’effigie d’un noir américain musclé. Ercoleo a le sourire des enfants bien dans leur peau et de l’énergie plein les membres. Sur invitation de sa maîtresse (oui je sais, il est si jeune, mais elle n’est pucelle que vous croyez) nous entrons dans une salle de classe. Filles et garçons de 6 à 8 ans sont mêlés, en chemisette ou blouse bleu ciel d’uniforme. Au mur sont accrochés des dessins d’objets et d’animaux de la vie courante avec leur nom en portugais : gato (le chat), pato (le canard), copa (le verre)… Les gosses sourient de toutes leurs dents blanches, traits doux, teint chaud, visage frais.

Nous descendons la piste parmi les fleurs et les plantes après le village. Se dressent des manguiers aux longues feuilles vert brillant, des dragonniers à la chevelure de cactus pointue, des bougainvillées fleuri pourpre profond, et un arbre sans feuilles où fleurissent des sommités mauves d’un bel effet. Un oranger en fleurs, subtilement odorant, nous attend au virage juste après un petit footballeur solitaire. Des gamines au sortir de l’école suivent le même chemin que nous et engagent la conversation à deux ou trois. Beautés en bouton. Nous entendons enfin des chants d’oiseaux et le gloussement du rio. A force de descendre et de descendre toujours, nous enfonçant dans cette vallée, nous avons bien fini par découvrir celui qui a creusé tout cela dans les siècles ! Le village de Passagem s’étend le long de ses rives, sur des centaines de mètres. Nous entrevoyons même une piscine – vide – entre les arbres. C’est un bassin de béton profond, peint en bleu ciel, avec des escaliers couleur sang de bœuf pour remonter et une échelle de métal noir. Très chic ! Le bassin est vide, mais on imagine le plaisir des enfants le jour où elle fut remplie.

Nous installons le pique-nique près d’une fontaine au robinet coupé. Le riz cuit hier soir se peuple de thon et de tomates vertes avant d’être englouti à pleins bols. Et les petites bananes qui suivent, poussées ici, sont parfumées. En revanche, les sardines portugaises « à l’huile de soja » n’ont aucun succès.

Les jeunes désœuvrés qui rôdent autour de nous durant la sieste près de la fontaine à sec se coiffent rasta et arborent des médaillons d’émail coloré sur la gorge. Ils sont entre deux mondes, celui des îles où ils sont nés mais où rien n’est possible pour eux, et le monde extérieur fascinant mais difficile à conquérir. Ils ressentent le malaise essentiel d’être d’ici mais de rêver d’ailleurs, sachant que lorsqu’ils y seront, ils auront la nostalgie du déraciné. Ni d’Afrique, ni d’Amérique, ni noir, ni blanc, ils sont toujours entre deux mondes. L’histoire de leur peuple est courte et dramatique : enlèvement, esclavage, famine, émigration. Ils aspirent à un monde nouveau puisque l’ancien ne leur apporte rien. Ils n’ont rien à hériter, ils doivent se faire eux-mêmes. Ils préfèrent le disco d’Amsterdam et ses rythmes de modernité aux vieilleries traditionnelles nées des plantations et de la dictature. Comment ne pas comprendre cet écartèlement culturel ? L’un d’eux s’appelle Tony. Il est coiffé rasta et arbore tous les accessoires de la réussite locale : vêture occidentale, quincaillerie, lunettes noires – et un pick up Toyota avec lequel il doit faire taxi. Rasta Tony fait nettoyer son véhicule par un gamin complaisant qui va pieds nus, chante et lui fait la conversation pendant qu’il passe un chiffon mouillé sur la carrosserie rutilante. Rasta Tony a des bouclettes nattées, une chemise hawaïenne ouverte sur un torse maigre, une médaille verte et rouge lacée au cou et un short de jean noir. Rasta Tony se paie le luxe d’aller boire une bière pendant que le gamin peaufine en battant pour quelques sous le tapis du chauffeur.

Au-dessus de nous le manguier fait de l’ombre et les cannes, un peu plus haut, balancent en rangs serrés leurs tiges souples et leurs feuilles dont le soleil souligne en filigrane les nervures. Une sieste morne en vallée moite. Soudain éclate un disco local, remixé dans les studios d’Amsterdam. C’est une radio-cassettes allumée par un rasta qui croit ainsi nous faire plaisir. Ce bruit en attire d’autres en débardeurs et lunettes noires. Un cabot (verdien) aux oreilles mitées sent la nourriture et vient quémander, œil triste et queue doucement battante. Je lui donne du pain qu’il mâche consciencieusement jusqu’à la dernière miette.

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Descente vers Machu Picchu

Certains se lèvent avant l’aube pour aller voir le mont Salkantay dégagé (6272 m). C’est le deuxième apu de l’empire inca, presque toujours dans une gangue de nuages. Apu ? haute montagne, parole d’indien. Mais au petit-déjeuner au soleil on l’aperçoit sans problème entre deux brumes. Il est couvert de glace avec son aiguille recourbée caractéristique au sommet. Ce mont était sacré pour les Incas sans doute parce qu’il reflétait si bien le sourire d’Inti, le soleil.

Compte-rendu de la nuit des deux compères. Périclès : « Peter, quand il dort, c’est quelque chose ! Il s’enfile dans un duvet de plage, une crêpe vite pliée le matin, puis dans le sac de riz, enfin il met sa couverture de survie par-dessus. Ça crisse toute la nuit ! Et comme il dort en K-Way, au matin tout dégouline comme s’il sortait de la douche ! ». Nous répartissons les enveloppes entre les porteurs rassemblés. Troupeau de ponchos rouge vif et de bonnets colorés. Grands sourires heureux de ceux qui ont fini un bon travail. Nous ne les quittons pas sans un pincement d’émotion. Leur présence discrète et efficace, leurs sourires souvent, leur silhouette familière au milieu des autres sur le sentier, en avaient fait des compagnons.

Commence alors pour nous la descente des 2200 marches qui mènent à Machu. La forteresse de Puyupatamarqa se dresse juste sous le col, camouflée aux regards de ceux qui viendraient par là. Elle comprend surtout une plate-forme cérémonielle à son sommet et est entourée d’eau qui coule de fontaines captant les sources des montagnes. Sur la plupart des sites, l’eau fertilisante fait le tour des terrasses après avoir été chargées en énergie par les pierres sacrées qui captent la chaleur du soleil, père de toutes choses. La forteresse représente la terre, nous dit Juan, la Pachamama, par la forme ondulée de ses murs qui rappelle le serpent, animal qui vit dans les profondeurs de la Mère.

Les sites incas de la région sont positionnés comme les principales étoiles de la constellation d’Orion, très prisée des Incas. Cette constellation est représentée sur le huaca du site par cinq trous positionnés nord-est/sud-ouest. Peut-être servaient-ils à planter des piquets permettant de viser une constellation ? N’a-t-on pas fait le test ? Silence Juanital… Les terrasses attenantes au site sont trop petites pour avoir pu nourrir ses habitants. Elles servaient probablement aux cultures expérimentales des prêtres, gardiens des semences, hybridations comme conservation des espèces. Les paysans venaient de loin chercher dans ce site consacré des graines chargées en énergie solaire pour les planter dans leurs champs.

L’escalier descend vertigineusement, depuis les 3650 m du col aux 2700 m de Machu Picchu. Dans un seul bloc naturel du chemin sont taillées exactement 34 marches, ainsi que j’ai pu le compter. Plus bas, à flanc de montagne, une grosse pierre naturelle qui émerge du sol a été retaillée en forme de Machu Picchu. Vérification à la boussole : elle est orientée exactement sur l’axe nord/sud. C’est encore un signe. Ils se multiplient à mesure que l’on approche du lieu sacré.

Quelques centaines de mètres plus bas se dressent les restes d’un tambo. Les pierres taillées rajoutées en murets habillent la roche pour l’épouser, comme le travail de l’homme épouse les flancs de la terre-épouse. Un escalier dans les entrailles ; les marches comme des côtes. Les nuages montent, l’atmosphère se fait plus moite. Encore une pierre Machu sur le sentier qui descend.

Des ouvriers déblaient des terrasses de la végétation forestière. Nous sommes à Intipata. Les bâtiments les plus bas n’ont été découverts qu’en 1985. Les ruines ont été bien conservées par la forêt, les toits de chaume ont disparu mais les murs sont intacts avec leurs attaches de toit bien taillées et leurs angles vifs. Le chemin qui passe sur le site n’est ouvert que depuis deux semaines, nous apprend Juan. Des moustiques en essaim qui pullulent dans cette atmosphère moite où l’on remue de la paille sèche, nous chassent vers le « museo ». C’est un bâtiment qui vend des boissons (sa manifeste première destination) et tente de retenir le touriste de passage par quelques vitrines présentant la faune du coin. Il nous montre toutes les bêtes qui volent, qui mordent, qui pincent et qui rampent. Coca Cola, cervoise Cuzquenia, Fanta et Sprite apparaissent plus sympathiques que les mygales, les carabes et autres frelons empaillés sous verre !

Toujours pas de Machu Picchu, mais nous descendons encore. Une autre incasserie : Winay Wayna, « jeune pour toujours » ! On ne découvre ce site adolescent qu’au tout dernier moment, à un tournant de la descente tant il est caché dans un repli de la montagne. Il profite d’une orientation au soleil favorable pour utiliser une faille de la pente et étager ses bâtiments sur quelques centaines de mètres. C’est un site très pédagogique pour percevoir la conception inca de la cité. Il est simple et élégant. Le temple en demi-lune et l’autel du soleil sont érigés au sommet du site, tout en haut de la pente. Quatorze fontaines successives (dont quatre derrière le temple) conduisent par un escalier au village en contrebas, en passant par autant de terrasses de quelques mètres de large, en courbes de niveaux sur la montagne. Dix-huit maisons en cours de restauration à l’identique composent le quartier d’habitation. Les ouvriers contemporains utilisent des palans de bois et du mortier de boue. Machu Picchu n’est qu’à 4,8 km, selon Juan. Il s’agissait encore d’un poste de contrôle pour l’approche du site sacré. Dans les temples, le soleil allumait le nouveau feu de l’année au solstice d’hiver pour montrer qu’à sa plus extrême faiblesse il offrait encore ses faveurs aux vivants. En même temps que l’on sacrifiait des lamas : leur sang, couleur solaire (père), se répandait dans la terre (mère). Le cycle des renaissances était ainsi refondé.

Nous sacrifions pour notre part au repas, assis sur la terrasse la plus haute. Le ciel se couvre, le vent se lève. Où est Machu Picchu ?

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Site inca d’Ollantaytambo

Nuit agitée. L’atmosphère lourde de la chambre contraste avec celle de la tente en altitude, le poids des couvertures. Il y a queue le matin aux toilettes, deux pour 18 personnes, en comptant les trois touristes en plus de notre groupe. Queue également au petit-déjeuner où le pain est rationné. Le gros chien de Wendy s’est laissé tracer au crayon deux gros sourcils noirs au-dessus des yeux. Cela n’arrive pas à donner un air sévère à sa tête de labrador à bajoues. Le grand datura blanc laisse pendre ses clochettes odorantes qui ont à nos narines comme un parfum d’ange. Le bougainvillée couleur sang séché part toujours à l’assaut du mur. La montagne trop proche écrase un peu le panorama. Au débouché de la vallée, le massif de la Veronica est poudré de neige.

Dans la ville, sur la place d’armes, ce matin il y a distribution de livrets pour les écoliers d’Ollantaytambo. Une pile de cartons financés par le candidat aux prochaines élections attend les élèves qui arrivent en files dans leur uniforme gris et blanc. J’ai aperçu de loin le petit batailleur d’hier. Ayant eu son album à son tour, il s’est assis sur une marche avec des copains et a entouré de son bras le cou du plus proche pour regarder les pages avec lui.

Le site inca nous attend. Je prends en note ce que nous raconte Juan. 1536 est l’année où commence la rébellion de Manco Inca contre les colonisateurs espagnols. Ollantaytambo est la principale défense de la vallée sacrée. On la renforce à l’époque espagnole. Nous visitons le temple du soleil, qui s’élève haut au-dessus de la ville. La construction, ici, est hiérarchique : plus on s’élève, plus on s’approche du lieu sacré, et plus les blocs sont gros et minutieusement appareillés. Il faut monter plusieurs centaines de marches pour accéder au temple. Au cinquième replat se dresse la paroi à grosses niches trapézoïdales. Le temple est construit de grandes pierres et n’est pas terminé à l’arrivée des espagnols dans la cité. Il ne le sera jamais ; lorsque les espagnols sont annoncés, la dynastie inca en fuite se réfugie à Machu Picchu, puis à Vilcabamba. De la terrasse du temple on aperçoit la ville. Elle est divisée entre ville basse (en plaine) et ville haute (sur les pentes). Les deux villes se rejoignent sur la place de cérémonie, en bas du temple, au pied de la montagne. Les greniers sont construits en hauteur, sur les terrasses, au milieu des pentes. Le vent, souvent fort, séchera les grains.

Les tétons sculptés sur les grosses pierres des murs ne sont pas des décors, mais des aides techniques pour le transport des blocs. Les plus grosses pierres pèsent des tonnes ; elles étaient soulevées par des leviers et transportées sur des rouleaux de bois, retenues par des cordes, dont les tétons servaient de support. Les gros blocs sont arrivés ici par des terrasses reliées entre elles par des déclivités. Ces pierres sont assemblées par des tenons en queue d’hirondelle dans lesquels on pouvait couler du bronze pour tenir l’ensemble. Entre les grosses pierres, on rencontre ici aussi de petits blocages antisismiques. Les petits blocs s’écrasent et peuvent être remplacés si nécessaire sans avoir à rebâtir tout le mur. Les pierres qui restent de la construction inachevée ont été appelées « pierres fatiguées » par les autochtones. Les monolithes géométriques soigneusement polis brillent comme du sucre industriel.

Nous descendons une terrasse, passons un court tunnel à flanc de montagne, pour descendre par un sentier. Juan nous montre de loin le bâtiment de l’entrée : « C’est reconstitué en adobe, c’est une fontaine inca. » Plus loin, avisant une ruine d’adobe au milieu d’une terrasse, probablement un dépôt de céréales : « Ça c’est un rrrenié ! » Diamantin : « un renié ? je ne le vois pas ; j’aime bien les reniés. » Il confondait exprès avec un arbre africain…

Plus bas, quatre mamelons dans une pierre huaca se dressent vers le ciel. Juan nous apprend que leur ombre annonçait le début de chaque saison et « déclenchait » les plantations des céréales dans la vallée sacrée. Les quatre tétons sont « intihuatan », attachant le soleil. A l’est du site s’élèvent les ruines du temple du condor. Pourquoi ce nom ? Il suffit de lever la tête : ciel ! un condor ! En effet, la pierre de la montagne dessine dans l’air bleu la silhouette d’un condor les épaules rentrées, le cou tendu, le bec orienté en direction du temple du soleil.

Naturellement, ce temple a été détruit par les chrétiens. A l’ouest, près de la place des cérémonies, se dresse la fontaine « de l’inca ». Un bassin carré dans lequel on descend par les trois marches symboliques des mondes, apporte directement les eaux sacrées de l’Urubamba. Elle coule par une bouche taillée dans un bloc. Mais la sculpture est telle qu’il suffit de passer une fois sa main sur l’eau pour qu’elle coule en jet, une autre fois pour qu’elle prenne la forme d’une cascade. Ingénieux !

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Pissac inca

Le site inca de Pissac a été construit vers 1450 dans le style « inca provincial ». Nous nous y rendons en bus, par la route, pour éviter de grimper longuement. Il est établi entre 3400 et 3800 m d’altitude. Poussent encore les fleurs rouges appelées cantutas. On en trouve près de la fontaine aux trois bouches qui s’élève près de l’entrée du site. Devant elle, la falaise est creusée de centaines de tombes incas. Elles ont été presque toutes été pillées, dont une grande partie par un ancien conservateur du site qui revendait les poteries et les statuettes trouvées aux touristes ! Les morts étaient momifiés en position fœtale, symbole de la continuation de la vie : ainsi ils étaient entrés dans le monde par le ventre de leur mère, ainsi ils en sortaient dans le ventre de la terre.

Le quartier important est Intihuatan. Le sentier qui y mène, à flanc de falaise, est gardé par des tours. On l’atteint par le haut. Au centre s’élèvent les restes d’un bâtiment rond, construit autour d’une grosse pierre naturelle. A son sommet sont sculptées deux bites « pour amarrer le soleil » ; c’est le centre du temple consacré à l’astre du jour. La maison du prêtre du soleil est construite en style religieux, « inca impérial ». Au sommet du piton qui surplombe le site s’élève encore une construction en forme de tourbillon. Juan nous explique l’usage de la fontaine établie ici. L’eau, captée depuis la source et apportée par des rigoles de pierre, coule par une bouche qui servait aux visiteurs à se purifier. Deux pierres creusées de part et d’autre de la bouche sur le muret à hauteur d’homme, permettent de se tenir tandis que l’on place la tête et le torse nu sous la fontaine. L’eau, recueillie dans une vasque, coule ensuite dans les canalisations de pierre au bord des ruelles pour alimenter les terrasses cultivées à l’extérieur des murs, en contrebas. Cette eau, sortie de la terre mère, coulant au travers du temple solaire, est ainsi chargée du double sacré nécessaire à la fécondité ; elle va faire germer la terre pour que les récoltes poussent bien.

Juan nous explique un symbole inca courant, gravé ici, ce qu’il appelle « la croix carrée ». Chaque point cardinal reproduit les trois marches qui représentent les trois mondes (ciel, terre, souterrain).

A flanc de montagne sont installés quelques greniers en adobe. Ils sont gardés par deux tours rondes. Les terrasses sont toujours cultivées de nos jours, ce qui explique leur étonnant état de conservation. De l’autre côté de la vallée, sur la paroi d’en face, les terrasses sont différentes. Installées plus récemment, elles montrent que les techniques ancestrales ont été abandonnées. Pablito, organisateur par métier, s’en étonne avec une insistance qui me laisse dubitatif.

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Des temples, monastères et pension du Népal

Nous partons au soleil, les nuages ont filé pendant la nuit. Le temps change très vite. Nous apercevons en rose la chaîne des Himalaya et les terrasses se drapent à nouveau d’écharpes de brume. Quelques photos sont tentées car nous avons envie de capturer dans nos boites un peu de la magie de cet instant, pour nous le remémorer sur nos murs ou dans nos albums, plus tard, des années plus tard (comme aujourd’hui), nostalgiques de la jeunesse et de la sensation.

nepal trek

Nous passons dans Cipangau, moins animé qu’hier soir. Lily et Christine ont avoué avoir fait des rêves mystiques. Est-ce la proximité du bois magique ? Le spectre effrayant ? La sensualité des danseurs ? Le froid pénétrant de cette nuit ? « La mer s’ouvrait jusqu’à une grotte » et Christine y a entendu « la voix de Dieu ». Hum ! La psychanalyste n’en dit rien…

ado nepal bairajogini

Les paysages sont plus riants sous le soleil. Les fermes et les villages, aux gosses innombrables, nous font signe. Les enfants nous examinent avec curiosité, cette attention qui flatte et donne envie de communiquer, par le geste ou le sourire. Ils restent en groupe autour de nous, trouvant assurance dans leur nombre et dans la chaleur des frères. J’opère une saisissante photo d’une petite bande sur la crête. Christine est fatiguée, Lily définitive, Michel calmé, Christophe pressé, et Elle émerveillée. Moi, ça va. Le pays est rempli de beauté, le soleil brille en ce début de matinée, rendant plus vaste le paysage, la lumière plus transparente à cette altitude, les corps plus déliés, les peaux des enfants plus rayonnantes, comme les sourires des femmes.

gamins nepal

Nous traversons la Bagmati deux fois sur des ponts suspendus, au grand dam des filles qui n’aiment pas que le chemin bouge sous leurs pieds. Pharphaing : c’est une ville sale où l’on déjeune sur le « terrain de foot » entre les merdes humaines ou canines et les gosses loqueteux qui se démènent pieds nus avec une boule de chiffon. Nous visitons ensuite le monastère Ninchapa aux couleurs vives tout frais repeintes. Des moines en robe bordeaux, assis derrière leurs bancs le long des murs, psalmodient les feuillets du rituel. Le ton monocorde des voix est très prenant mais finit par assoupir. Aussi, tous les deux feuillets environ, l’un d’eux saisit la clochette, un autre les cymbales, un troisième la trompe, et l’ensemble réveille brutalement l’assistance par un bruit discordant (c’est du moins l’impression que nous en avons). Puis la psalmodie reprend, rythmée par le tambour lancinant.

nepal pharpaing

Tara consulte près de là un vieux baba dans sa cage vermillon. Il porte cheveux longs et barbe blanche comme l’idée qu’on s’en fait. Puis nous visitons trois monastères et deux temples dans la foulée. Les moinillons sont rigolards et curieux. Au temple de Vishnou Seshnarayan sont dessinés les pieds de Vishnou et là s’élève la vache sacrée Dhinu. Le temple contient un bassin avec des statues du dieu soleil du 12ème siècle. Au temple de Shiva erre un sâdhu et s’élève une statue de Shiva tout nu, sexe apparent, contre lequel les femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant viennent se frotter selon la tradition. Les nôtres s’en gardent bien !

nepal temple pharpaing

La Royal Boarding Secondary School s’élève un peu plus loin. Elle est entourée d’un beau jardin où Tara négocie de pouvoir camper, au lieu du terrain vague et merdeux d’en face. Le directeur très posé, très british dans son intonation comme dans sa componction, nous accueille et parle en anglais. À notre surprise, il nous demande de traduire en anglais les cartes de vœux qu’il a reçu de François Mitterrand, alors Président de la République française, et nous montre sa photo dédicacée. Il nous laisse ensuite sa carte à chacun, Dhruba Bahadur Shrestha, « Head Master », Secondary Boarding School, Tribhuvan Adarsha M. Vidyalaya, Phurping, Kathmandu, Nepal.

carte school headmaster nepal

À l’heure de la prière nous entendons les monastères bouddhistes tibétains : bom ! bom ! bom !bom ! poing ! poing ! tooooon ! Et reprend la psalmodie automatique. « Cela » prie. Puis la grotte de Gurakhnat : Padmasambhava – le moine qui a introduit le bouddhisme au Tibet – y aurait médité. Puis le temple de Bajrajogini avec un nœud en poils de yack sur la tête de Bouddha, et « l’astamandal », le nœud des huit déesses mères qui ressemble à une suite de neutrons entourés d’électrons. Puis un temple aux 21 Tara, 21 poupées dorées en vitrine. La religion y est naïve, populaire, les rites répétitifs et simples, les objets de culte criards. Tout le précieux est sous vitrine. On ne touche pas avec ses pattes sales ! Certes, la philosophie bouddhiste est autre chose, une grande pensée humaine. Mais il faut de tout pour faire une religion, de la superstition pour gens simples aux plus hauts concepts philosophiques. Chacun doit y trouver à croire, selon ses capacités et selon ses besoins. Le rite simpliste va au paysan, la réflexion aux sages. Ainsi peut-on interpréter ce que nous voyons, qui est un peu décevant pour les idées que l’on s’en faisait. Leçon du pays : ne jamais se faire d’illusions mais vivre ce qui vient. Je soumets ce raisonnement à « Dominique », mais il me regarde d’un air bovin.

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En promenade au Népal

Le petit-déjeuner se compose d’omelette et de toasts, arrosé de jus d’ananas. C’est très anglais – à la réflexion, plutôt américain. Le départ est très lent, à pied, parmi les terrasses. Une école agronomique dresse ses arbres fruitiers et ses serres. Puis le sentier suit la colline. L’Himalaya étale son panorama. Pendant la marche, j’échange quelques impressions avec Christine, chercheur au CNRS en anthropologie. Elle me parle de ses fouilles en Mauritanie et des australopithèques dont elle étudie les os.

trek au nepal

Nous pique-niquons sur le plateau d’Ahale Dara. Le soleil a consenti à se lever et chauffe vite l’atmosphère. Contraste des ombres sur les terrasses. Vert tendre de ce qui y pousse. Un garçon aux cheveux courts porte un vieux pull couleur de terre, à col en V, à même la peau. Sa maison est perchée sur une hauteur et domine la vallée. Il a toute l’année le spectacle des montagnes glacées au loin qui étincellent sous le ciel bleu. Des enfants qui habitent une terrasse plus bas viennent nous observer. Ils sont de petite taille. À l’un on donnerait deux ans – il en a six ; à l’autre six ans – il en a huit. Un treize ans va pieds et jambes nues. Les filles qui viennent peu après font plus leur âge, dix ans. Le jeu est de questionner Tara qui traduit et nous fournit les réponses des enfants. Nous leur donnons des raisins secs et des barres Granny.

gamins nepal

Nos sacs lourds sont portés à dos de sherpas. Certains font très jeunes mais, vu la confusion dans laquelle nous sommes sur les âges réels des enfants, le plus juvénile a au moins dix-huit ans. C’est un Gurung au squelette fin, aux traits presque chinois, qui porte le sac de Christine entre autres. Tous marchent en tongs ou en baskets et portent trois sacs polochon à la fois, retenus par une corde sur le front.

porteur nepal

L’étape du jour est courte. Nous campons à 2700 mètres d’altitude, face aux Himalaya, à flanc de colline. Le village en bas étale ses terrasses où des paysannes et leurs filles très jeunes coupent des herbes en robes très colorées. Elles n’ont pas l’habitude de voir ici des étrangers, nous dit Tara, et elles en sont très curieuses.

travail aux champs nepal

Dès le coucher du soleil, rose sur les dents himalayennes, il fait froid. Très froid même. Les népalais allument un feu, bien que le bois soit rare et qu’il soit interdit d’en couper pour éviter le déboisement. Celui que nous utilisons a été bien été coupé quelque part, mais notre « morale » est sauve car il a été acheté au village.

himalaya nepal akani

La conversation ce soir roule sur les histoires de fantômes. Tara en a vu un dans sa maison de Katmandou. Et elle connaît un sherpa qui a vu le yéti ! Tara est la femme népalaise de l’un des fondateurs de Terre d’Aventures. Apparentée à la famille royale, elle a 33 ans et un petit garçon de trois ans qu’elle a prénommé Raoul. Comme nous nous étonnons de ce prénom peu usité en occident, elle nous précise qu’il s’agit de l’unique prénom qui existe en français comme en népali ! Rahula était le prénom du fils du Bouddha Sakyamouni lui-même. Tara est vive et joyeuse, porte attention à chacun ; elle est toujours prête à nous satisfaire pour nous faire aimer son pays ; elle a toujours le sourire, même si elle reste sensible à nos humeurs. Un maître japonais ami de son père lui a enseigné un art martial. Elle nous raconte des légendes religieuses et des anecdotes personnelles dans un français approximatif et imagé. C’est tout à fait charmant, d’autant qu’elle zézaie, à notre grande joie quand elle s’exclame « c’est zénial ! » – ce qui est son expression favorite.

Nous commençons timidement à nous exprimer en népalais. Nous retenons quelques expressions comme « tato pani », l’eau chaude ; « didi », la grande sœur, terme par lequel on s’adresse aux filles ; « taï », grand frère pour les garçons ; khoum », la carapace en bambou contre la pluie, que nous avons observé hier sur le dos d’une fillette ; « doko », la hotte à porter des paysannes cueillant les herbes de ce soir ; « babou », le bébé très petit garçon comme hier soir.

nepal reveil sous la tente

Nous dormons sous la tente. C’est humide, mais chaud au bout de quelques instants de présence.

Au deuxième matin du monde, nous sommes réveillés par les népalais avec une tasse de thé. Un peu plus tard, arrive à la porte de la tente une bassine d’eau chaude pour chacun des deux occupants. C’est le grand luxe avant même le petit-déjeuner ! Le soleil brille superbement aujourd’hui. Il fait déjà chaud à neuf heures du matin. Le porridge anglais, préparé avec le thé du matin est farineux, gluant et tremblotant à souhait. Mais le goût anglais n’est pas le mien en ce domaine.

nepal himalaya

La marche débute à flanc de pente pendant un long moment. Puis nous grimpons de terrasse en terrasse. Il y pousse du blé, encore en herbe. En haut de cette succession de terrasses cultivées s’élève une maison où vivent deux familles : ce sont deux frères mariés, et dix enfants s’agglutinent autour de nous et nous sourient. Ils vont pieds et jambes nus, comme d’habitude. Ils ont les yeux noirs, le visage un peu mongol. Nous leur donnons des friandises. Tara nous apprend que le gouvernement va racheter leurs terres pour en reboiser les pentes. La famille a d’autres terres plus bas. Nous effectuons une pause photos. Les enfants sourient mais restent timides et réservés devant ces grands diables au long nez qui émettent des mots bizarres dans une langue inconnue.

La randonnée se poursuit dans la forêt, par une sente à peine tracée que la pluie des jours derniers à rendue glissante. La mousse pend des arbres en lianes. On se croirait dans la jungle des bandes dessinées. Odeur de fermentation, de pourriture parfois. Des essences inconnues en nos pays se dressent ici naturellement : des rhododendrons et de grands arbres aux larges feuilles brillantes qui servent d’assiettes aux indigènes.

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Trek en vallée de Katmandou, premier jour

Le premier jour d’un trek, le rangement des sacs est toujours une opération délicate. Il faut prévoir léger celui que l’on porte la journée, bien emballer le fragile du sac lourd que l’on confie aux porteurs. Ne connaissant ni le pays ni le climat, on ne sait trop quoi prendre ni quoi laisser pour le soir.

La pluie tombe toujours : la cape et le surpantalon sont bienvenus. Mais il fait bon à Katmandou, « il ne neige jamais » nous dit Tara : huit cents mètres plus haut et quelques heures plus tard, nous regrettons le pull supplémentaire jugé trop lourd, comme le bonnet et les gants, extravagants ! Oubli vital. La veste en tissu aluminisé, que j’ai achetée récemment pour son faible encombrement, trouve ici sa pleine justification.

nepal minibus embourbe

Nous commençons par un bus, puis nous allons à pieds, parce que le minicar japonais Hiace dérape sur la boue du chemin. Nous visitons le temple d’Icangu dans la brume et sous la pluie persistante. Les toits religieux dégoulinent, les arbres pleurent de toutes leurs branches et les enfants rieurs vont emmitouflés jusqu’au cou dans leurs hardes superposées. Nous croisons une petite fille sous une hutte portative, un grand plastique pris dans une armature d’osier tressé.

nepal fillette armature contre la pluie

Les grands arbres de la forêt se perdent dans la mousseline. N’était le froid humide, je verrais bien ici glisser quelques jeunes filles hamiltoniennes… mais elles seraient trop peu vêtues pour le climat.

nepal arbres

Après un village en terrasses, nous marchons dans la forêt parmi des eucalyptus, des rhododendrons et de hautes fougères. Nombres d’arbres me sont inconnus. C’est une belle forêt où rôdent – paraît-il – des « tigres » et des perroquets. Cette traduction approximative ne doit pas nous laisser penser que le fauve du Bengale de six mètres de long des moustaches à l’extrémité de la queue rôde par ici. Il s’agit plutôt de chats-léopards, de civettes ou de divers chats sauvages. Tara nous raconte que ces « tigres » sont protégés et que l’un d’eux, endormi dans un poulailler de Katmandou, repus de volailles bien grasses, a dû être réveillé à coups de fusil. Rassurez-vous : il n’a pas été transformé en passoire, mais chassé dans une cage et emmené au loin.

nepal terrasses vers kakani

Nous pique-niquons au temple très coloré de Jamacok, en hauteur. Assis dans le brouillard, la pluie et le froid, nous mangeons humide et froid. Nous reprenons le camion pour descendre car le temps n’incite pas à la marche. Le moteur grimpe les routes à flanc de vallée. Les champs sont cultivés en terrasses, minuscules, et ce patchwork décore joliment le paysage, le civilise. Nous avons l’impression de contempler de haut une maquette toute en courbes de niveaux. Poussent là le riz, la pomme de terre, l’orge, sur quelques mètres carrés à la fois. La subsistance d’une famille.

nepal stupa jamakok

Pluie, pluie, pluie toujours. Depuis l’hôtel Taragon, dans Kakani, Tara nous avait promis un superbe panorama sur les montagnes : rien à faire, la brume s’épaissit et l’eau du ciel se déverse encore et toujours. À cause de la pluie, l’électricité a été coupée dans le village tamang où les constructions traditionnelles sont en briques et tuiles. Mais la tradition se perd et l’on construit désormais en parpaings et ciment.

Nous prenons le thé, avant de nous installer dans les chambres humides. Comme l’eau noie le paysage et inonde la rue, nous jouons en société jusqu’au repas. Le temps de lier connaissance avec le groupe. Nous dînons de légumes tandoori, de curry de poulet, de riz dal (sauce aux lentilles). Le gamin de l’hôtel qui peut avoir six ans va pieds nus malgré le froid. Il ne porte d’ailleurs qu’un tee-shirt, un short, et un tablier qui lui laisse le cou très découvert. Il s’est juché sur les genoux de son père et rit sous ses caresses. La scène est tendre et gentille.

La nuit est glaciale. Pas d’électricité : pas de chauffage. Seule l’énergie interne nous réchauffe, ou la chaleur animale de l’autre. A la nuit, la pluie s’est arrêtée. Le vent s’est levé qui a chassé les nuages. Les étoiles brillent comme des clous dans le ciel. Je retrouve avec plaisir mon duvet cloisonné de thinsulate double à capuche, avec son drap de coton et son sur-duvet coupe-vent. Je rajoute la combinaison Damart et des chaussettes !

Nous sommes réveillés à six heures le lendemain matin parce que le jour se lève et que l’aurore sur les montagnes est magnifique. Une demi-heure plus tard l’œil se réjouit. C’est la fête sur les sommets. L’Himalaya rosit, immense, dressant ses dents pointues sur le ciel bleu soutenu. Les neiges éternelles, éclatantes de blancheur, accrochent quelques nuages. La lumière est transparente, épurée par le vent de la nuit. Ampleur de l’aube, aube du monde. La glace au loin, sur les pics, est aux yeux d’une acidité de cristal.

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Longsheng et Kunming

Yangshuo est une ville légendaire de Chine, agréable, dans un cadre enchanteur et spectaculaire. Deux artères principales commerciales et, dans les autres rues, une myriade de cafés sympathiques. Le touriste (femme) est comblé par des échoppes qui vendent de la soie, des souvenirs, des calligraphies, des fruits. Certains pêcheurs proposent de prendre la pose avec leurs cormorans moyennant finances. Les cormorans demeurent les employés des pêcheurs, indispensables pour attraper les poissons attirés par la lumière à la surface de l’eau.

Départ en bus pour Longsheng que l’on atteindra après 4 heures de route, au nord-ouest de Guilin, afin de visiter les rizières en terrasses. Les ethnies Zhuang, Dong, Yao et Miao habitent ces lieux. Il faudra troquer le grand bus confortable pour un plus petit car la route devient escarpée, étroite et la conduite de ces petits bus revient de droit aux ethnies des villages que nous allons visiter.

Arrivés à l’entrée des rizières en terrasses, il faut mettre de l’huile dans les articulations des genoux car la montée est longue et rude et il faut mériter le spectacle des rizières en terrasses. La possibilité de louer les services de porteurs est offerte moyennant le tarif syndical. C’est tentant et cela contribue à faire vivre les villageois. Les escaliers succèdent aux escaliers, étroits et encombrés. Les porteurs s’annoncent et les excursionnistes se collent à la paroi afin de laisser l’espace aux chaises à porteurs en bambou et à leurs occupants. Le spectacle offert est magnifique et nous ne sommes qu’à un quart du trajet. Les maisons en bois sont pimpantes, les paysannes en costume de leur ethnie, les objets à vendre étalés devant les portes tout comme le maïs ou les piments qui sèchent au soleil sont « mis en boîte ».

miao

C’est enfin l’arrivée au point culminant du village. Sur 360° des rizières en terrasses, le vert tendre, le ciel bleu, les montagnes nimbées de brume – tout confère à donner une note irréaliste à ce paysage. Le déjeuner local est délicieux. La descente est plus rapide et permet de fouiner sur les étals. Le petit bus nous ramène sains et saufs à notre grand bus. Retour à Guilin. La rivière Li traverse la ville. Les arbres osmanthus aux fleurs rouges, blanches, jaunes, illuminent la ville à la floraison. Nous n’aurons pas la chance de les admirer. Les avenues sont bordées de fucus ou banians, à petites ou grandes fleurs. Les Chinois aiment ces arbres car ils sont symbole de longue vie. Une journée bien remplie !

Les « pro-Tibet » nous ont quitté tôt ce matin, nous restons 12, confiés aux mains des guides locaux, le guide national ayant choisi d’accompagner les « Tibétains ». Toujours à Guilin, nous escaladons le Mont Yaoshan (par télésiège) afin d’embrasser la vue des collines de Guilin. Ensuite, nous visiterons une plantation de thé, nous dégusterons les différents crus. Les conseils nous rendent très savants et allègent notre porte-monnaie.

Un p’tit tour en avion et nous débarquons à Kunming, capitale de la province du Yunnan (le pays au sud des nuages), située à 1900 m d’altitude. Notre guide locale s’appelle Yan. Autant Yvonne, notre guide de Guilin était mince, élégante, autant Yan est petite, boulotte, mais s’exprime aussi bien en français. Le Yunnan a pour capitale Kunming, surnommée la « cité de l’éternel printemps ». La province touche le Tibet au nord avec ses hauts plateaux enneigés, le Myanmar à l’ouest avec ses forêts tropicales, le Laos et le Vietnam au sud. Le Yunnan est situé à un carrefour d’influences entre les bouddhismes chinois, tibétain et d’Asie du sud-est. Les Han sont majoritaires, une vingtaine d’ethnies vivent dans le Yunnan, dont les Naxi de Lijiang, les Dai, les Yi, les Bai, les Hani et les Yao. Les infrastructures touristiques sont bien développées, dans les « villages ethniques » également mais si elles donnent des minorités une image folklorique, cela me paraît toutefois peu authentique.

KUNMING VIEILLE VILLE

Kunming connaît un développement économique intense. Pour faire place à des immeubles modernes on détruit un grand nombre de sites historiques, quitte à le regretter plus tard, mais c’est fait ! La présence occidentale s’était faite par le biais de la Birmanie, colonisée par les Britanniques et de l’Indochine colonisée par les Français. Pendant la seconde guerre mondiale, la « route de la Birmanie » permit aux Anglo-américains de ravitailler la résistance antijaponaise de Tchang Kaï-chek, replié au Sichuan. Petite surprise, c’est ici que nous avons goûté le fromage de chèvre chinois qu’ils mangent avec herbes et épices. C’est du vrai fromage (nailiao) fort apprécié dans cette région.

L’obsession de TM, la Chinoise avec laquelle je partage la chambre, demeure la forêt de pierres de Shilin, distante de 80 km de Kunming. Un lieu de pierres karstiques aux formes bizarres qui évoquent pour les Chinois des animaux fantastiques, des personnages de légendes, etc. Les sentiers tracés dans cette « forêt » font pénétrer dans l’univers des chinoiseries. Les Chinois aiment se faire photographier, ils endossent des vêtements des ethnies de la région (Sani) pour se faire tirer le portait (payant, il va de soi !). L’imagination chinoise n’a pas de bornes : essayons de retrouver le rhinocéros contemplant la lune, l’aile du phénix, l’hirondelle qui danse. Pour le moment ce sont des groupes de danses qui occupent la scène. Musique et costumes garantis.

FORÊT DE PIERRE

Ce soir nous prendrons le train en couchettes molles ! Quel périple ! Bondé malgré les places retenues, les 12 n’auront pas tous leur couchette, toute la nuit à être balancés, stoppés, on ne voit pas les précipices tant mieux et enfin à 6h30 nous débarquons à Lijiang, vannés, rompus, mais heureux. Malgré l’heure matinale, nos chambres sont prêtes à l’hôtel, et nous attendent. Merci Seigneur.

Hiata de Tahiti

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Temple du Ciel

Nous nous rendons l’après-midi au Temple du Ciel. Il date de 1420 à l’apogée des Ming. Il est entouré de murs et coiffé de tuiles vernissées d’un bleu sombre – couleur de ciel d’orage – qui lui donnent un aspect superbe. Deux fois par an l’empereur venait y faire sacrifice : au printemps pour assurer une récolte propice ; au solstice d’hiver, pour se charger des fautes de son peuple.

temple du ciel Tertre circulaire 1530

Il neige toujours et les terrasses de marbre brillent. L’autel de la Voûte Céleste a son extérieur carré (terre) et son intérieur rond (ciel) ; l’autel s’élève sur trois terrasses de marbre circulaires, conçues par des mathématiciens et des astronomes.

temple du ciel

Les trois terrasses symbolisent l’homme, la terre et le ciel. L’architecture du temple exprime la hiérarchie cosmique. J’admire sans réserve la beauté des pavillons de bois décoré, les plafonds à caissons de couleur vert et or, les perspectives des temples et des jardins. Les balustrades portent 360 piliers, autant que de jours en une année chinoise (lunaire).

temple du ciel voute celeste imperiale 1530

Tout est multiple de neuf, nombre céleste : les marches des escaliers, les cercles de dalles, les balustrades… Le neuf représente la puissance du yang à son maximum, ce principe de dissipation énergétique. Le yin n’est pas son contraire, il est sa part obscure, sa polarité opposée. Trois volées de marches montent au temple dont le corps est composé de trois cercles qui se superposent en millefeuille. Le dernier, surmonté d’une boule, fait couvercle de théière. Les tuiles vernies, bleu sombre, brillent d’un éclat énigmatique sous le ciel neigeux.

temple du ceil galerie

Je constate l’affection pour une symétrie « à la française » de cette civilisation impériale chinoise qui, comme la nôtre, aimait à tout codifier, à tout aménager suivant des « normes ». Elle avait ainsi l’illusion de contrôler la nature et les hommes, voire les lois du monde. Nos jacobins ne conservent-ils pas cette illusion, qui nous paraît désormais si naïve ?

temple du ciel pont des marches vermillon

Le retour voit un arrêt rituel – et interminable – dans une boutique de soieries et autres « souvenirs » qui n’ont pour moi aucun intérêt. Nous rentrons à l’hôtel où je prends me requinque avec un whisky, suivi d’un thé et d’un peu de lecture, avant le rendez-vous de la soirée : « l’opéra » de Pékin.

pere et fils pekin 1993

Rien à voir avec notre opéra. Il s’agit plutôt d’un spectacle de cabaret qui dure une heure et demi. Les spectateurs sont assis à des tables où sont servis thé et petits gâteaux. Sur la scène, des acteurs miment beaucoup et chantent peu, si bien que même des étrangers peuvent s’amuser. Trois scènes se succèdent : un acteur seul ; puis une jeune fille et un vieux pêcheur ; enfin le roi des neiges combattant dix guerriers. Les costumes sont chatoyants, les maquillages soignés, le réglage des scènes très professionnel. Nous ne nous y ennuyons pas.

temple du ciel mandarin

Nous dînons de raviolis chinois dans le restaurant Setchuan de l’hôtel. Ce n’est pas se mêler à la population mais, comme disait Trucmuche, « en Chine, plus on est d’fous, moins y’a d’riz ! ».

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Imelghas vallée des Ait Bouguemez

Après un épisode difficile, un camion enlisé bouchant à lui tout seul la piste que nous devons prendre, nous finissons par arriver au village d’Imelghas, dans la vallée des Ait Bouguemez. Traditionnelles habitations de torchis aux murs couleur de terre. A l’écart du village, un Français a construit en dur une maison d’accueil pour les voyageurs. Elle est en pierres et comprend des aménagements supplémentaires : un hammam au sous-sol, un étage avec des chambres. Nous y logeons.

Après le thé à la menthe, le hammam nous attend, chauffé pour nous tout l’après-midi, car il doit monter en température un moment avant d’être à point. A Imelghas, on n’y met pas le gaz mais on brûle du bois. Nous nous y débarrassons deux par deux de toute la poussière de la piste. C’est une salle nue cimentée, très chaude car la chaleur du foyer, installé à l’extérieur, passe sous le sol et dans les murs, à la romaine. On jette quelques seaux d’eau froide et la vapeur fuse. On y reste un moment nus à suer, puis l’on se lave à l’eau chaude du chaudron et à l’eau froide que nous puisons dans un grand baquet. Chacun fait son mélange. Le plancher est brûlant, monté sur piles de briques comme les thermes romains. Lorsque l’on sort, nettoyés, on a l’impression qu’il fait froid au-dehors. Le refuge est la seule maison du village à posséder un tel hammam, habitude plutôt arabe que berbère. Or, nous sommes ici en plein territoire berbère. Et déjà en altitude, à 1800 m.

Nous partons nous promener dans le village avec des yeux neufs. Des gamins terreux nous suivent. Bernard leur fait regarder dans ses jumelles, ce qui les ravit. Ils appellent leurs copains. Nous rencontrons un couple de Français et leurs deux garçons. Même à l’étranger, dans un pays chaleureux, les enfants de France restent très réservés. Même s’ils ne veulent pas jouer avec les petits paysans, ils devraient être contents de voir des compatriotes. Quelle est cette culture d’Europe qui rend les être aussi coincés ?

Nous dînons, tard pour nous. Le tajine de poulet aux légumes est un délice. La vapeur a confit les saveurs de la viande et des tubercules avec les épices. Tout cela se fond harmonieusement et donne de la chaleur au palais. La discussion à table porte sur le ski, Marie-Pierre étant de Briançon.

Ce matin, la vallée baigne dans la transparence. Une lumière douce fait chanter les couleurs. Nous partons à pieds avec un petit sac à dos, nos grands sacs étant portés par six mules. Elles portent aussi la nourriture et les tentes pour les jours à venir, guidés par quatre muletiers berbères. Nous traversons des champs riches où la terre, largement arrosée et fumée, laisse pousser à profusion légumes et céréales. A 1800 m d’altitude, on retrouve des plantes de chez nous : des boutons d’or, des renoncules, des aubépines, des saules mêlés aux figuiers.

Nous traversons plusieurs hameaux faits de quelques maisons seulement. Leurs habitants sont aux champs. Les gosses, en vacances, travaillent avec les adultes ou jouent en petites bandes. Sourires, bonjours, regards de curiosité. Quelques-uns demandent – en français s’il vous plait ! – « un stylo » ou « un bonbon ». La vallée est entièrement agricole. On n’y entend s’exprimer que les brebis et les chèvres, les oiseaux, et le vent dans les feuilles des noyers. Ce sont les Alpes marocaines.

Sous le noyer du pique-nique, au lieu-dit Agouti, l’ombre est si forte qu’il y fait froid. De là vient sans doute le dicton paysan affirmant que celui qui s’endort sous un noyer attrape la mort. Un autre groupe de mules vient s’installer. Ce sont des berbères du même village que les nôtres, qui conduisent un couple de Français et leurs deux garçons, ceux que nous avons rencontrés hier soir au village. Ils sont de Briançon comme Marie-Pierre et ont connu l’Atlas en lisant un article dans une revue de montagne. Il y était dit que de jeunes Marocains venaient se former au métier de guide pour exploiter les pistes vierges de l’Atlas central. Ils sont donc venus seuls, en voiture, par l’Espagne, puis en bus de Marrakech à Azizal, et en taxi pour la fin de la route, enfin en camion, pour le bout de piste conduisant à Imelghas. Ils sont arrivés samedi dernier ici, et il pleuvait ! Leurs deux garçons de 7 et 9 ans manquent l’école ? Eh bien, oui ! Ils sont « en voyage d’étude ». Selon leur père, ils aiment courir, jeter des pierres dans l’eau, grimper aux arbres. S’ils marchent trop longtemps, s’ils s’ennuient, ils montent alors sur une mule, ajoute la mère. Ils sont un peu surpris par la nourriture marocaine, par le froid, la nuit, et par les nuées de gamins qui les entourent dans les villages. Ils ne peuvent leur parler, alors ils sont timides. De plus, les jeux sont restreints : en-dessous de 7 ans, les petits garçons berbères restent avec leur mère, au-dessus, ils travaillent la plupart du temps. Cette famille est au début de son séjour, elle va faire comme itinéraire le même que nous, mais à l’envers. Je trouve sympathique de partir ainsi à l’aventure avec ses enfants, au lieu de rester moutonnièrement sur des plages bondées. L’esprit des petits s’éveille mieux, la vie familiale est plus intense en pays étranger et dans les conditions plus difficiles de la randonnée. L’expérience sera plus forte. Mais il vaut sans doute mieux partir avec une autre famille que l’on connaît bien, les tâches de surveillance et d’amusement des enfants sont mieux réparties, et les petits peuvent jouer entre eux.

Le reste du jour se passe à changer de vallée et à longer les pentes de la nouvelle. Nous quittons la vallée des Ait Bouguemez pour la vallée des Ait Boulli. Les cultures restent morcelées, les habitants exploitent la moindre terrasse de terre alluvionnaire. Les hameaux de quelques maisons constituent un habitat dispersé propice à l’exploitation de ces bouts de champs. La construction reste en pisé sur une armature de poutres de bois. Les toits sont plats. La couleur ocre, qui est celle de la terre, est belle dans le paysage verdoyant. L’hiver, il y fait froid ; en cas de grosse pluie l’eau pénètre à l’intérieur ; en tout temps il y fait sombre, même en plein jour – mais ces bâtisses sont faciles à construire et à réparer. Certaines sont en forme de tours. Les meurtrières sont ouvertes en décalant les plaques de terre mêlée de paille qui servent à la construction. Autrefois faites pour se défendre, elles servent aujourd’hui de greniers.

Plus haut, la végétation change. On trouve des pins, des genévriers, des chênes kermès aux feuilles comme le houx, et des palmiers nains. Il fait chaud dans la journée, très chaud. Sur le chemin, on croise une mule : le père est sur la selle, la petite fille suite derrière. Ainsi sont les femmes ici.

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Dans la vallée sacrée

La vallée sacrée est celle du fleuve Urubamba. En la suivant, on y découvre de magnifiques paysages, des fêtes villageoises, des restes archéologiques. En particulier le village arc-en-ciel de Chincheros, village d’une grande homogénéité, puis les salines pré-incas de Maras.

Ollantaytambo est un petit village indien installé au milieu de ruines précolombiennes. La forteresse  qui domine le village  a été bâtie à l’apogée de l’Empire Inca ; elle  est installée au sommet d’un escarpement surveillant l’entrée nord-ouest de la vallée sacrée. C’était un grand temple où les derniers souverains incas venaient peut-être de temps à autre avec la cour et les dignitaires. Un centre thermal ou un lieu sacré ? Les « magasins », accrochés au roc et adossés les uns aux autres étaient des constructions allongées et quadrangulaires, dotées de nombreuses fenêtres et devaient être coiffées d’un toit. Probablement des réserves pour denrées alimentaires.

A Pisac, c’est dimanche, jour de marché ! Après Machu Picchu, Pisac est le site archéologique inca le plus complet. On y voit plusieurs séries de terrasses agricoles, des habitations, des entrepôts défendus par des tours et forteresses. Le groupe monolithique qui domine l’ensemble serait un intihuatana (endroit où l’on attache le soleil). Ce quartier sacré aurait servi d’observatoire astronomique. Les constructions sont protégées par une enceinte et disposées sur trois terrasses. Les plus remarquables sont le temple du Soleil qui renferme un calendrier solaire et le temple de la Lune aux grandes portes en forme de trapèze. La vue depuis l’Intihuatana est splendide.

Les terrasses cultivées sont une des caractéristiques du monde inca dont l’économie reposait essentiellement sur l’agriculture. C’est probablement aux Huaris et à d’autres cultures plus ancienne que les Incas ont emprunté les techniques d’irrigation et de drainage des terrasses cultivées qui leur ont permis d’asseoir leur puissance économique sur les produits  de la terre. Parmi les quelques 40 plantes cultivées par les Incas dans leurs champs, citons : la pomme de terre, le maïs, les haricots, le manioc, l’arachide, le poivron, la tomate, le cacao, le riz de montagne, la courge, produits consommés régulièrement !

Hiata de Tahiti

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