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Forêt pluviale du Costa Rica

Nous prenons le petit-déjeuner tôt à 6h40, la salle est remplie de jeunesse hollandaise. Les œufs sur le plat sont retournés, le jus de fruits est du pamplemousse, les bananes plantains frites, le pancake américain et le café local.

Nous n’effectuons qu’une demi-heure de bus jusqu’à une école puis nous mettons sac au dos pour la journée qui sera mouillée.

Nous verrons deux cascades par le chemin de la forêt et traverserons cinq fois la même rivière avec les chaussures de marche. Le cuir résiste bien au premier, mais est trempé dès le suivant.

Nous marchons en forêt pluviale, d’ailleurs il pleut. Il s’agit d’une forêt tropicale toujours humide où les arbres ne résisteraient ni à la sécheresse ni au froid.

En permanence arrosée, la végétation est luxuriante. Certains arbres sont tombés car leurs racines restent superficielles en raison du climat toujours humide et ne connaissant jamais de saisons. Coupés, les arbres ne présentent pas de stries de montée annuelle de sève comme en Europe et il est difficile de mesurer leur âge.

Des fougères arborescentes côtoient un gros arbre qui n’est pas un kapokier mais un genre de ficus où l’on peut tenir à l’aise entre deux plis des racines. Le groupe veut d’ailleurs faire une photo. Il pleut et les feuilles goûtent car elles ont une pointe faite pour cela en forêt pluviale.

Le sentier est raviné et caillouteux, refait à la machette pour nous car la végétation envahit vite le terrain. Les lianes faisant une suite de S sont appelées échelles de singes ; le réservoir à graines d’un arbre est appelé brosse à singe pour son aspect ébouriffé.

Les cascades forment le haut de la vallée. Le bruit des chutes est apaisant, la brumisation et les ions négatifs font du bien. Les éternelles « photos de groupe » à partager sur le gogol ou les fesses-book de ces dames sont très à la mode globish et le groupe de filles y sacrifie volontiers. C’est pour moi hautement déplaisant mais je constate que tout le monde a son gadget-phone et se précipite sur le code Wi-Fi dans chaque hôtel pour consulter ses innombrables messages et répondre chaque soir à tous ses amis jaloux du voyage. Voire les narguer en envoyant des photos. Décidément, ce nouveau monde n’est pas celui de ma génération – à 10 ou 15 ans près, mais des années qui font la différence.

Le guide local du parc prénommé Fauricio et le fermier qui nous accueille pour le pique-nique dans son hangar nous ont accompagnés dans la forêt. Nous avons vu un morpho, quelques oiseaux, mais moins qu’hier. La pluie était peu dense dans la forêt mais exige la cape dès l’arrivée sur le plateau et jusqu’après le pique-nique.

Au sortir de la forêt, nous marchons dans l’herbe haute trempée autour d’un étang où est plantée une fontaine incongrue et autour duquel poussent quelques arbres fruitiers. Nous voyons un gros rongeur qui n’est pas un coati détaler dans les herbes.

Le pique-nique de tortilla caoutchouc au fromage local juste pressuré, aux tomates pas mûres, est nettement à l’américaine, c’est-à-dire sans goût. Le concombre est trop vieux et une viande à chien en conserve est carrément au goût de chiotte yankee.

Le fermier nous offre pour nous réchauffer son café local et une gnôle qu’il a fabriqué lui-même avec des cerises Nancy. L’alcool a bon goût et sa saveur un peu raide est masquée par le sucre. Le dé à coudre suppé paraît peu fort mais échauffe vite après une deux minutes. L’alcool titre bien 25°.

Le soleil n’apparaît aujourd’hui que sur les derniers cent mètres de marche durant le retour vers le bus, dans une atmosphère plus moite encore. Ce qui pousse un jeune local à enfourcher sa moto torse nu dans un village traversé et à foncer devant nous sur la route pour se rafraîchir la peau.

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De cols péruviens en forteresses incas

Bruits du jour levant : Périclès qui s’ébroue après avoir avalé la moitié de sa gourde en pleine nuit avec un Aspégic ; les Allemandes d’à-côté qui froissent leurs sacs, tirent les fermetures éclair, font tinter gourdes et gobelets – et qui rient. Au petit-déjeuner, rien n’est prêt. La famille belge, un peu plus loin, est déjà à table, le père entre ses deux plus jeunes fils. Ils regardent la montagne au loin, déjà sous le regard chaleureux d’Inti – le soleil. Le père passe le bras autour des épaules de son adolescent en pleine mue, attendri par sa fragilité et son enthousiasme de jeune poulain. Ils partent sur le sentier bien avant que les derniers de notre groupe ne se lèvent.

Aujourd’hui, il nous faut partir plus tard « pour éviter les groupes ». Nous prenons alors tout notre temps pour attendre que le soleil vienne caresser le fond de la vallée, puis pour grimper jusqu’à la forteresse aperçue hier soir. Kunturagay, tel est son nom, offre une vue imprenable sur les deux cols. Elle est arrondie en forme d’œuf, construite de grosses pierres, augmentée d’avancées. L’entrée est vers l’amont ; elle est étroite pour être mieux défendue et débouche sur une place centrale serrée qui donne sur les redoutes. Cette forteresse est un tambo, un relais pour les chasquis, ces coursiers de l’inca. Chaque tambo devait avoir un contact visuel avec le prochain pour communiquer. En deux jours – nous dit Juan – on pouvait faire porter par ses coursiers un poisson depuis la mer jusqu’à Machu Picchu. Un autre chemin se tient au-dessus du principal : c’est un sentier de surveillance militaire. Des patrouilles régulières, des postes de garde de loin en loin, c’est tout un système d’alarme qui était mis en place aux abords des grands centres incas. Machu Picchu semble se rapprocher de plus en plus.

Nous montons au col par une série de marches aussi épuisantes qu’hier en raison de leur hauteur. Le grand soleil offre une vue dégagée sur les montagnes au loin. Quelques nuages flottent sur le glacier du Puna. Nous effectuons au col une pause grenadille, ce fruit rond qui contient une centaine de graines au goût acidulé de groseilles à maquereau. On n’avale pas les graines mais on se contente de sucer la pulpe qui les entoure ; comme le citron, elle désaltère. Le chemin sent la merde depuis un moment. « Ce ne sont pas les trekkeurs », nous affirme Choisik, mais une plante grasse aux longues feuilles épaisses et brillantes, couleur bordeaux à leurs extrémités, avec une fleur en grappe au bout d’une tige droite. Personne ne sait son nom. Pour Juan c’est de la « mierda » – mais ce n’est qu’un surnom. Au-delà du col commencent à pousser les premières essences amazoniennes. Un « mariposa » volette – c’est un papillon. Un « picaflor » butine – c’est un colibri aux ailes bleu électrique. L’espagnol est une langue aux sons harmonieux sur les bêtes et les fleurs.

Nous atteignons la forteresse suivante de Sayakmarqa, construite sur une roche naturelle. Ce site contrôle la route entre le col précédent et le col suivant (comme d’habitude, mais Juan aime se répéter). L’eau qui l’alimentait était canalisée depuis la montagne. Une tour ovale représente le soleil, la construction est en balcons successifs pour épouser les reliefs de la pente. La ruine en face s’appelle Conchamarqa – la conque. Sur l’esplanade de la forteresse une pierre orientée est-ouest indique la course du soleil.

Le sentier retombe dans la forêt déjà tropicale avec ses diverses sortes de bambous, ses mousses, lichens et autres saprophytes. Restauré par endroits, le chemin largement pavé serpente sous la sylve humide. Surgissent à l’esprit des réminiscences de Tintin dans le Temple du soleil.

Nous pique-niquons avant la remontée vers un autre col. Les deux Américains rencontrés hier matin dans la montée, arrivés bien après tout le monde au camp du soir, nous dépassent lors de la sieste. L’homme et la femme, la quarantaine avancée (au sens camembert), font partie d’un groupe plus jeune. Ils marchent en sandales avec un bâton, pour cause d’ampoules, haletant comme s’ils étaient cardiaques, avec la constance masochiste de pèlerins ayant à expier quelque crime abominable : celui d’exister ?

Trouvant le soleil trop chaud pour rester allongé sur les herbes dures à dormir, j’aborde avant le groupe la montée vers le col. Plaisir de la marche solitaire sur ce chemin antique pavé de blocs de granit, face au panorama si vaste de la montagne. Solitude romantique de la nature et des ruines, alors que le corps et l’esprit se mettent au diapason des alentours. Les sens se font plus aiguisés au chant des oiseaux, au bruissement des insectes, à la caresse d’un coulis d’air, au rayonnement chaleureux du soleil. Le silence est lourd, hors quelques pépiements ailés dans le lointain. De plantureuses plantes se gorgent d’humidité et de lumière ; elles osent quelques fleurs, jaunes ou mauves. De délicats bambous dressent leurs feuilles lancéolées en bouquets droits. Et ces barbes des arbres, ces vieux lichens qui pendouillent depuis des années, composent des silhouettes qui excitent l’imagination. Le sentier ondule au flanc de la montagne, il paresse dans la forêt. Soudain, un tunnel plonge dans la roche qui barre la voie. C’est une grande plaque de schiste inclinée sous laquelle les hommes ont aménagé des marches sur seize mètres de long. On suit à tâtons le chemin qui fait un coude avant de revoir la lumière. Peu de monde passe encore sur le sentier ; nous sommes partis ce matin après les autres. Quelques couples circulent, attardés, copains ensemble ou homme et femme.

Après le tunnel, Choisik nous a promis une « surprise ». J’attends là que le groupe me rattrape. La surprise est un peu plus loin. Un autre chemin inca a été dégagé l’an dernier seulement, après avoir dormi sous la végétation durant des siècles. Il vient rejoindre le chemin principal. En le suivant, nous remontons le temps pour tomber sur une construction camouflée dans la roche, un abri aménagé sous une avancée de la falaise. Deux murs de pierres grossièrement appareillées sont creusés de niches trapézoïdales. Il s’agit d’un poste de garde surveillant le chemin du col de Phuyupatamarqa, juste au-dessus de l’endroit où nous sommes. Le site est tintinesque à souhait, moussu, humide, caché. Une végétation avide s’accroche sur toute cette construction. De là on pouvait surveiller sans se faire voir le chemin principal en contrebas, et le rejoindre par des sentiers détournés.

Nous revenons sur le chemin pour gagner le col au nom qui signifie « la ville au-dessus des nuages ». De fait, sur l’arête qui le constitue, nous apercevons un vaste panorama de montagnes en ombres dégradées et un effilochement de nuages gris perle sur les vallées en-dessous.

Notre camp a déjà fleuri. Les tentes sont installées un peu partout sur les terrasses minuscules des pentes, au niveau même du col que nous venons de passer. Notre tente est si précairement plantée au bord du vide, sur une marche où l’on ne peut tenir qu’avec précautions, que Périclès décide Peter à l’accepter dans son home, situé un peu plus haut. Je peux ainsi dormir seul, en travers.

Au-dessus de moi deux porteurs sont assis en poncho à l’extrémité d’un rocher surplombant la pente. Ils méditent, face à la mer nuageuse et à l’immensité de l’horizon. Un autre grimpe sur une grosse roche du sommet derrière le col et s’y allonge à plat ventre. Jambes et bras plaqués contre la pierre, il boit de son corps la chaleur du soleil, mais tente aussi d’assimiler l’énergie formidable de la montagne, de s’en recharger comme une pile. Point n’est besoin de savoir pour être poète.

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Foot andin

L’après-midi est de descente, au soleil, parmi près d’herbe ichu et champs pentus de patates. Nous rencontrons des fermes aux toits de chaume et enclos de pierres. La lumière vive donne du relief aux formes, habitations et animaux. Vision de Carène échevelée d’or comme une lionne parmi les herbes jaunes. De beaux lamas nous font les yeux doux, les oreilles dressées. Ils demeurent un peu inquiets. Lorsque nous bougeons trop, ils ne tardent pas à nous présenter leur arrière train fourré où se niche la touffe d’une petite queue. Nous rencontrons encore quelques enfants en ponchos rouges.

Pour l’arrivée, nous plongeons dans la vallée par une vive descente. En bas coule la rivière et les falaises sont si hautes que le soleil a déjà quitté le fond de la vallée. Le marché qui s’y tenait remballe déjà et nous voyons passer quelques mules sur la piste en contrebas, accompagnées de femmes aux habits de couleurs vives et de gamins en ponchos qui retournent à leurs hameaux de la montagne. Nous sommes dans la vallée de Patacancha où parvient la route goudronnée qui relie la région au reste du monde. L’endroit est tout de suite moins pauvre. Le terrain de foot où nous devons monter les tentes est encore occupé par une partie acharnée entre villages. Nous nous installons en hauteur pour profiter des derniers rayons du soleil. Nous imaginons qu’en bas, avec le vent qui souffle des hauteurs, il ne doit pas vraiment faire chaud. Nous n’avons pas tort et, une fois descendu, nous nous réfugions dans la tente mess pour y ingurgiter du thé chaud. Les matchs se poursuivent entre les jeunes mâles du coin qui tapent le cuir avec les pieds nus dans leurs sandales. Peu ont des chaussures de foot, l’un n’a même qu’une seule chaussette. Le terrain est de terre avec nombre de cailloux et quelques trous. Le jeu est folklorique, sans règle, un tout petit enfant se promène même parmi les joueurs en pleine action. Parfois l’un des membres d’une équipe – pléthorique – le porte sur le bord du terrain et l’engage à y rester, sans grand succès. Nul ne lui fera du mal, même par inadvertance : ces paysans ne sont pas des immatures occidentaux, ils savent où s’arrêter. Un coq se pavane sur le bord, comme s’il arbitrait la coupe de France, et des chiens traversent le terrain, à leurs affaires. On joue en casquette américaine ou en bonnet péruvien. Le vent fait voler la poussière en nuage à chaque coup de pied.

Nous sommes ce soir à l’exacte moitié du séjour, à 3800 m.

Après le foot, nous montons les tentes dans la poussière retombée. Les cuisiniers préparent « le mouton enterré » – traduction libre de Juan. Ils creusent un trou dans le sol caillouteux, construisent un cercle de pierres autour, recouvrent le tout de pierres pour faire un four. Ils allument alors des branches qu’ils fourrent dans le trou pour faire des braises. Longtemps après, une fois la couche de braises suffisante, on verse dessus directement les patates, puis on ouvre le dessus du four en écartant les pierres. Les morceaux de mouton frottés aux épices sont alors placés directement sur les patates, puis on fait s’écrouler les pierres dessus. Le dôme est recouvert de paille, pour laisser l’air pénétrer puis on le recouvre traditionnellement de boue. Ici, on se contente de placer une feuille de plastique, puis de pelleter de la terre et des cailloux, dans un grand nuage de poussière. Une fois la « tombe » du mouton fermée, une croix de paille et de bois propitiatoire est plantée dessus. La bête est enterrée pour une heure.

Une partie de tarots et un pisco plus tard, nous goûtons la chair déterrée, dure mais parfumée. La bête est sans graisse et a beaucoup couru ; elle n’a pas ce goût fort de suint que certains ne supportent pas, comme Lorrain le belge, qui en mange ce soir et trouve cela bon. Les chiens qui rôdent autour de la tente sont rendus fous par l’odeur alléchante de la viande et poussent l’audace à venir passer le museau dans l’entrée. L’un d’eux, plus déluré que les autres, passe subrepticement sous la table pour mendier quelques morceaux, avant de s’effrayer de sa propre audace. Je leur jette un os, à l’extérieur, et l’on entend grognements et bruits de lutte. Les patates sont blanches et farineuses, d’une race que l’on ne connaît pas en Europe. C’est une variété spéciale des Andes, acclimatée aux conditions extrêmes de l’altitude. Il y en a comme cela plusieurs centaines d’espèces, sélectionnées par les Andiens, Incas inclus. L’apéritif, la viande, le vin, il ne faut que cela pour rendre le groupe joyeux, sauf Salomé qui a coincé une lentille souple sous une paupière et qui porte désormais des lunettes noires même la nuit. Mais, bien sûr, elle « avait raison » de ne pas les enlever chaque soir comme moi, n’est-ce pas ? Elle a toujours raison, chacun peut voir ce que cela donne. Périclès se déchaîne, oserai-je dire comme d’habitude ? C’est un vrai boute en train. Juan, qui a joué au foot (pour montrer aux gens d’ici qu’il était fort, bien qu’ayant quitté la terre), puis qui a bu pas mal, a l’air vaseux. La soupe qui vient après la viande est boycottée : trop riche de pâtes et autres consistances. En dessert, les oreillons de pêche en conserve conviennent parfaitement.

Avec le vent, le ciel est clair et semé d’étoiles. Dans cet hémisphère qui n’est pas le nôtre, nous ne reconnaissons pas grand-chose, sauf le cerf-volant de la Croix du sud, si net, et le Scorpion autour de la Voie lactée.

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Col de Tiliruay au Pérou à 4300 m

Nous grimpons à flanc de montagne, puis plus rudement, parmi les alpacages (pacages à alpagas). Une lagune noire s’étend devant nous ; il s’agit de Ianacocha, « le lac noir », son eau est glacée – j’y trempe la main pour voir. Le col de Tiliruay est passé à 4300 m. La montée est très dure. Cette année, c’est le souffle qui me manque un peu, pas le cœur, ni les jambes ; je ne m’entraîne plus assez. Au cairn du col, chacun pose sa petite pierre. Les porteurs passent en même temps que nous ; ils sont d’habitude devant, ou derrière. Le lac que l’on aperçoit de l’autre côté, en contrebas du col, s’appelle Pokacocha, « le lac blanc ». Eau claire, mais glacée aussi. Le sol est parsemé de touffes d’herbe ichu, vivace et raide comme les épis sur la tête des gamins. S’accroche aussi à ras de terre une végétation d’altitude parmi les rochers gris qui affleurent comme les os d’un vieux dragon.

Nous nous adossons à un gros rocher de la moraine glaciaire, devant le lac blanc à nos pieds. Il nous protège du vent qui monte de la vallée et souffle fort au col. Notre repas est chaud ! Ce qui est bienvenu. Le réchaud à pétrole fait merveille pour le poulet sauce au vin. Les nuages vont au col, au-dessus de nous. Effet de la lune pleine ? il ne pleut pas, ce qui arrive pourtant à chaque passage ici selon Juan. Les groupes mangent presque toujours sous les capes de pluie ; pas le nôtre.

La descente qui suit est assez longue ; elle s’effectue lentement parmi les pierres et les ruisselets qui rejoignent le rio. Nous croisons des troupeaux mêlés de lamas, alpacas, moutons, chevaux, chiens, et même des gosses. Un petit chien laineux fait craquer Choisik qui joue un moment avec lui avant de lui donner des restes de cochon d’hier soir qu’elle avait pris pour la route !

Nous nous arrêtons dans un enclos de pierres prévu pour les animaux. Dans la maison d’à côté, une vieille est accroupie sur le pas de sa porte, trois tout-petits autour d’elle. Elle ne parle que le quechua. Choisik lui donne une bougie, une boite d’allumettes et un savon d’hôtel. Elle explique par geste que ça sent bon mais que cela ne se mange pas : c’est pour se laver. Une fois précédente, elle avait donné une savonnette ainsi et elle avait vu un gamin la bouche pleine de bulles quelques instants après ! Plus loin, les hommes retournent la terre à grands coups de la curieuse bêche des Andes, faite pour pénétrer les terrains les plus difficiles : un long manche recourbé, plus grand qu’un homme, un fer plat et long au bout, et un appui sur le manche pour pousser avec le pied. Deux hommes manient chacun une bêche tandis que le troisième retourne les mottes ainsi faites à la main. Le sillon creusé est profond d’une vingtaine de centimètres et la terre bien retournée. C’est artisanal, mais efficace.

Le brouillard monte de la vallée et nous envahit peu à peu. Nous rencontrons encore deux femmes qui filent la laine en gardant sous une couverture un paquet de patates cuites à vendre. La plus jeune est jolie, elle a les yeux bridés, le teint coloré et un chapeau plein d’épingles-à-attirer-l’attention. Mais elle a à peine 14 ans. Choisik discute avec elles, mi-espagnol, mi-quechua (c’est Juan qui traduit), elle leur donne des savons d’hôtel, aussitôt enfilés sous la robe au-dessus du sein, avec les objets précieux à ne pas laisser dans les maisons ouvertes à tous les vents. Choisik demande si nous pouvons les prendre en photo. Elles sont ravies, elles sont là pour cela.

Un troupeau de lamas passe dans le nuage qui nous couvre, le regard vif, les oreilles dressées, la lippe frémissante. Ils sont dans leur élément. Un peu plus loin, il commence à pleuvoir. La lumière devient celle d’un aquarium, le paysage celui de Norvège en hiver : gris, humide, glacé. La pluie persistante noie tout dans une poudre d’eau fine : la silhouette d’une maison basse, le muret pierreux d’un enclos, un gamin qui passe, boursouflé d’épaisseurs, empaqueté de ponchos, un chien mouillé, plusieurs alpacas gonflés de laine… Nous nous mettons en marche automatique, sans rien voir, sans plus dire un mot. Le camp est toujours un peu plus loin. Heureusement, le terrain descend et le vent glacé est tombé avec la pluie. Il fait moins froid. Pluie, « c’est ainsi que t’a créé le Créateur du monde, Pachacamac Viracocha », chantaient les vieux incas, fatalistes.

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Col Gohitan au Tadjikistan, 2660 m

Nous partons sur la route qui débouche à la porte de la base, puis droit dans la montagne. Depuis 2200 m où nous avons dormi, il nous faut descendre jusque vers 1700 m, avant de remonter au col à 2600 m ! Flottent des odeurs de sauge, de résineux, de menthe. S’élèvent le crâcrâ des pics et des stridulations d’insectes. Sur le chemin, pour éradiquer les problèmes de constipation persistants de certains, notre cuisinière Liouba, qui connaît un peu les plantes, cueille de la chicorée sauvage et de la grande camomille. La chicorée est commune, même au bord de nos chemins. Elle se reconnaît par ses fleurs bleu-mauve. La plante entière est utilisée en dépuratif et laxatif ; elle se prend en décoction. Elle fleurit en Europe plutôt en automne et est plus précoce ici ; peut-être est-ce l’altitude ? La grande camomille est stomachique.

Un arrêt pain-yaourt-thé est effectué dans la montée, au camp de bergères d’altitude. Une mère, sa fille et un mastiff qui aboie en bout de laisse. Il faut le calmer pour lui faire comprendre qu’il ne doit pas nous bouffer. Sa maîtresse reste près de lui, un bâton à la main, pour qu’il nous laisse au moins passer. Le bâton, c’est la loi. Un chien, ce n’est pas une peluche mais un animal hiérarchique : n’en déplaise aux belles âmes, ça se dresse.

La grimpée est dure en première partie et plus douce ensuite jusqu’au col. Un champ de grands chardons s’élève près du sommet, c’est la première fois que je vois un tel spectacle. Les faces piquantes de ces plantes sont larges comme des tournesols, d’un beau violet fleur d’ail. Des papillons orange volettent tout autour.

Au col, à l’ombre d’un genévrier, nous regardons au bas de la vallée la tache verte du village de Gohitan où nous pique-niquerons. Nous ne sommes pas arrivés. Très loin, le plus haut sommet des Fan’s, le Chimtanga, 5494 m.

La descente est longue, pas trop pentue en raison des lacets du sentier aux ânes. Mais ceux qui prennent « la piste rouge » en ont pour leurs genoux. Car Lufti les emmène « à la russe », c’est-à-dire tout droit dans la pente. Si le premier îlot de verdure est vite atteint, si la culture se manifeste déjà par un champ en pente près d’une source, le village est encore loin. Notre maître ânier salue des connaissances.

Des femmes en robes bariolées se relèvent des champs où elles coupaient le blé à la faucille. Des gamins empilent des gerbes sur des ânes, d’autre montent à cru. Nous sommes en pleine campagne immémoriale ; on vivait pareil il y a mille ans.

La piste s’élargit, cagnardeuse et poussiéreuse, foulée par des centaines de pattes. Elle serpente le long de la vallée en direction de maisons de terre aux toits plats du village. Les ruelles sont de terre, étroites contre le soleil. Une grappe de gamins est perchée sur des murets ou debout, comme une brochette d’hirondelles prêtes à la migration. Le mystérieux « téléphone » des communautés traditionnelles vient de fonctionner. Ils sont tous là pour nous voir passer.

Nous traversons le village dans le silence feutré des observateurs. Ils ne sont pas collants ni ne nous interpellent, aucune langue commune n’existe et ils sont intimidés. Nos pas guidés nous font descendre vers la rivière, sa rangée de peupliers alignés et sa terre riche en alluvions où poussent concombres et pommes de terre.

Nous rejoignons une vaste demeure à étage. Elle nous sert d’abri frais contre la chaleur du jour, de lieu de pique-nique et de sieste. Ses murs de pisé et ses étroites fenêtres maintiennent quelques degrés d’écart avec l’extérieur. Tandis que le rez-de-jardin sert de remise à outils et à foin, un escalier mène à l’étage d’habitation. Une terrasse ouvre sur les pièces utiles d’un côté et, de l’autre, sur les pièces d’apparat. Le salon de réception, précédé d’une antichambre, est recouvert au sol et aux murs de grands tapis de laine. Le plafond est en bois, à caissons, sans sculpture. De lui émane une bonne odeur de résine, prouvant que l’aménagement, sinon la maison tout entière, n’est pas si vieille. Un rideau de tulle brodée de fleurs dorées, dans le fond de la pièce, cache des coffres en métal repoussé et peint et des coussins d’apparat. Pour seul mobilier, la pièce comprend une armoire, placée près de la seule fenêtre.

Nous déjeunons là, assis par terre, le plat de bienvenue – sucres et bonbons – arrivant en premier, avec le thé. Le reste du menu est ce que nous transportons, il ne varie pas d’un jour à l’autre : fromage, saucisson, poissons en conserve, tomates… Six sur dix dorment déjà après déjeuner, tandis que j’écris ces lignes. Ils sont épuisés alors que cette matinée fut, somme toute, plus « normale » que les précédentes.

Nous avons la réponse à l’histoire des boules. Chacun des trois condamnés ne reçoit qu’une seule boule (hier, ce n’était pas clair, pour obscurcir la recherche) ; chacun voit celles reçues par les autres (les mains liées dans le dos étaient un leurre) ; en revanche, nul ne voit les deux boules qui restent. La solution est question de logique. Si le premier voit deux boules noires, il a forcément une blanche (rappelons qu’il y avait au départ trois blanches et deux noires). S’il ne voit qu’une noire, il a une chance sur deux d’avoir une blanche, donc « il ne sait pas ». Ce que voyant, le second est dans le cas soit de voir lui aussi deux noires, soit une seule, il « ne sait pas ». Mais il sait, par contre, qu’entre lui et le troisième, il y a forcément une blanche. Si le second voit une noire chez le troisième, il est sûr d’avoir une blanche. Puisqu’il déclare qu’il « ne sait pas », le troisième seul peut avoir une blanche. Bien sûr, tout cela est fort théorique, les deux premiers peuvent être trop nuls pour suivre tous ces raisonnements et jouer à pile ou face. Mais enfin, c’est un « jeu ».

L’après-midi est moins intéressante question marche et paysage, mais sans montée. Faire aller ses pieds sur des cailloux, en terrain aride qui réverbère, n’est jamais une partie de plaisir. Une bande de gamins accourt depuis un village en hauteur. Ils nous réclament dans l’ordre « a pencil », mais se rabattent sans problème sur « aski ». Peut-être cela signifie-t-il ASCII, ou « photo numérique » ? Ils miment d’ailleurs leur demande avec les mains portées en carré autour des yeux. Ils adorent être pris en photo, pour exister peut-être, mais aussi pour se voir sur les petits écrans comme s’ils passaient à la télé. Cette forme naïve du désir d’immortalité est assez touchante. Pourquoi ne pas leur faire ce plaisir ? En voilà qu’être sur Internet ravit, au contraire de certains !

Un bus est arrêté dans un virage, au bout de notre piste. Les guides n’ont quand même pas commandé un bus pour nos mal-en-point, quand même ? Nous ne sommes pas au Japon ! Effectivement, il s’agit d’un bus en détresse. Son rayon de braquage l’envoyait dans le décor s’il n’avait pas stoppé. A moins que son train avant ne soit plus en état, ce qui est fort probable. Il n’a pas les roues parallèles et le chauffeur force l’une d’elle à la barre à mine. Nous sommes encore à l’ère soviétique… D’ailleurs Lufti, toujours ‘kollectiv’, s’entremet et nous embauche pour « aider ». Mais que peuvent une dizaine de bras contre un bus de deux tonnes ? Nous ne parvenons pas à faire remonter l’engin, évidemment, et le chauffeur réussit à tourner d’une autre façon.

La suite est caillouteuse, sous le cagnard, et interminable. Une rivière impétueuse, grise de minéraux schisteux arrachés aux berges, roule dans le fond de vallée. La piste descend progressivement pour la rejoindre, mais Lufti nous invite à prendre l’un de ses fameux raccourcis « à la russe » – tout droit, directement, pas à réfléchir. Nous passons le torrent sur un pont, regardons un moment trois femmes qui coupent de l’herbe dans les champs du bord des rives, avant d’entamer l’ultime heure et demie de piste. La dernière montée est courte, mais elle est la plus dure.

Le village où nous allons dormir est « à dix minutes » selon Lufti et… pour une fois c’est vrai. Nous sommes accueillis dans une ferme où une cour grassement herbue, ombrée de pommiers, pêchers, abricotiers, mûrier et d’autres arbres, offre le confort d’une terrasse en bois à ciel ouvert. Nous nous y affalons pour prendre le thé avant tout autre chose. Ledit thé se fait largement attendre – au-delà du délai raisonnable pour faire bouillir de l’eau – mais l’ombre sur le lit de repos est si agréable que nous réfrénons notre soif et répugnons à bouger. Seul point noir sur notre félicité : pas de bière à la boutique du village, l’ânier adulte est allé voir. Nous sommes en pays musulman et les campagnes sont tolérantes mais plutôt traditionnelles – et tout se sait. Le village s’appelle Gaza, inexplicablement.

La douche est réduite au tuyau qui recueille l’eau du canal dérivé du ruisseau arrosant l’herbe. La douche se prend donc en plein vent, devant tout le monde, entre poulets hauts sur pattes et canards à l’ovale oscillant sur leurs palmes. Deux dortoirs, avec matelas à installer à terre, seront notre gîte. Nous sommes à 1700 m.

Demain ? « C’est plat ! » Mais nous devrons quand même camper à… 3000 m sous le col. Donc ce n’est pas vraiment plat. « Oui, mais ça ne monte qu’à la fin ». Ce qui veut dire très dur et brutalement.

Nous dînons sous l’auvent d’un autre bâtiment, assis par terre. Le menu se compose de salade de chou mayonnaise avec un peu d’anis, d’un bortsch aux vermicelles chinois beaucoup trop gros pour qu’ils soient appétissants (je ne les ai pas mangés), enfin du plat national que Rios est tout fier de nous présenter et qu’il appelle « le plof ». Il s’agit de riz baignant généreusement dans la graisse de mouton, la viande étant revenue dans de l’oignon et de l’ail en chemise. Sans le gras, plaide-t-il, point de ce « bon goût » d’enfance dont il se souvient avec la nostalgie nécessaire. Sans l’excès de graisse, contraire à nos goûts modernes tout comme à nos principes diététiques de citadins peu exposés aux intempéries, ledit « plof » apparaît comme la version locale du « riz pilaf » !

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Steppe uniforme

Lever tard, ce matin – nous avons tout le temps de revenir du pays des songes. Il fait beau et le lac resplendit dans son écrin de montagnes sous la neige. Seul devant la tente, je pourrais être quelque part au Canada. Le petit-déjeuner attend ceux qui le veulent au soleil, sur un tapis. Café, biscuits, fromage Kiri venu de France et jus de szobi. C’est ce qui est écrit sur la briquette. En tout petit, on peut lire qu’il a été produit en Hongrie et que sa traduction signifie « orange » (freudiens s’abstenir !). L’un d’entre nous est le dernier levé et quelqu’un déclare : « il prendra le yak de 11 h ».

Tserendorj – 14  ans – est joyeux et déchaîné, ce matin. En pleine enfance encore, il lutte avec Gawa comme hier midi avec l’une des cuisinières de 18 ans. Celle-ci a bien failli le faire tomber et il n’a eu le dessus que tout juste, le tee-shirt à moitié défait dans la bataille. Aujourd’hui, il laisse voir ses reins brunis et son ventre à la musculature de sumo, épaisse et peu dessinée mais très dense. Il suffit de lui toucher l’épaule pour reconnaître qu’il n’y a rien de mou dans cette fin d’enfance nourrie de viande sauvage.

Les autres, levés plus tôt en communauté (ils ont tous mis leur tente au même endroit humide), sont partis gravir la pente sous la forêt. Grégaires comme une harde de chevaux, ils se sont tous levés et promenés en même temps. On compte les individualistes, dont je suis. A une vingtaine de minutes de là ils pourront voir le lac dans toute son étendue. Il est en croissant de lune et nous avons campé près de l’une de ses cornes, sur la rive dont le gravier est en pouzzolane rouge et noire. Je n’y suis pas allé car j’étais confortablement couché dans mon duvet, ne me levant que lorsqu’il y a fait trop chaud, le soleil commençant à arder fortement vers les 11 h.

Sans surprise, nous reprenons la vallée d’hier. Vu à l’envers, le paysage semble ne pas être le même, c’est toute la différence avec le ciel majoritairement bleu et non plus uniformément gris. Les chevaux broutent les herbes sur le chemin, pas plus pressés que nous le sommes. Ils le savent, ils sont déjà venus plusieurs fois cette saison. Le mien aime à brouter puis à trotter pour rattraper son retard, pilant net sur une nouvelle touffe qui lui plaît. La première fois c’est une surprise, mais l’habitude vient vite. Je lui apprends à se remettre au pas lorsqu’une touffe délicieuse surgit, pour lui laisser les rênes afin qu’il puisse la brouter. Nous nous comprenons. Parfois, il marche droit puis tourne la tête vers une herbe à quelque distance qui lui fait envie. Mais il n’ose pas y aller de lui-même, attendant ma réaction. Si je lui dis « tchou ! » d’un ton sans réplique, il oublie ; sinon, d’un infime mouvement des rênes, je le dirige vers la friandise qu’il va dès lors croquer avec délice.

Le ciel au-dessus de nos têtes est hanté de nuages qui font comme un autre paysage. De petits cumulus blancs et gris se pressent en bancs comme un troupeau moutonnier, allant calmement ou se précipitant suivant la distance à laquelle ils se trouvent du sol. Parfois, lorsque l’horizon terrestre est plat, on dirait que le ciel et le sol sont inversés. L’uniformité de la steppe attire le regard vers les formes dans le ciel. Il s’y passe plus de choses qu’en bas. Le fait d’être à cheval, à trois mètres de l’herbe, sans avoir besoin de regarder où nous mettons les pieds, change de la randonnée habituelle et libère le regard qui peut ainsi errer à sa guise. Dans les vallonnements où nous évoluons, le paysage est plus varié.

Les roches volcaniques d’un gris de pachyderme ou rouge éteint, les conifères et les saules d’un vert sombre, l’herbe jaunie, chantent dans le soleil, contrastant avec le ciel d’un turquoise limpide. Les lacs reflètent cette teinte d’azur liquide. Lorsque le soleil est libre de nuages, il fait chaud à se mettre en tee-shirt ; lorsque les nuages prennent le dessus et que souffle le vent des steppes, il fait froid à endosser l’anorak. Depuis hier, j’ai quand même ôté une couche, mon bonnet et les chaussettes qui me servaient de gants.

Nous pique-niquons au bord du « lac du nombril », plus proche du camp du matin que l’endroit où nous avons pique-niqué hier. Il y a huit lacs différents dans la région. Le soleil fait enlever les vestes mais se lever quelques mouches. Les yaks sont laissés bâtés mais libres, sauf les deux qui emportent le matériel de cuisine et qui sont attachés par les naseaux sensibles. Ils ne bougent pas. Les autres entreprennent un grand tour du lac sans que leurs maîtres, des rustres un tantinet flemmards, ne s’en inquiètent. Nous craignons que les poilus n’aient envie de se baigner avec toutes nos affaires sur le dos, mais cette idée ne semble pas les effleurer aujourd’hui. Les éleveurs iront remettre les bêtes sur le droit chemin bien après que nous ayons levé le camp, mais c’est leur affaire.

Val puis un autre d’entre nous s’essaient à la lutte mongole avec Gawa. La lutte révèle toutes les qualités du chasseur-cavalier : il faut découvrir les points faibles de l’adversaire, savoir attendre le moment propice, puis attaquer par surprise mais avec décision. Pas de coups en force, seulement une adresse musclée. Il faut être très stable sur ses jambes, le centre de gravité le plus bas possible, le poids comptant beaucoup dans la décision. Le déséquilibre s’enclenche mieux quand on pèse quelque peu – ce pourquoi les sumos sont gros. C’est ainsi que Bo, qui s’y essaie aussi, réussit à faire toucher terre à Gawa. Peut-être celui-ci a-t-il laissé gagner le touriste ? L’autre d’entre nous ruse et, en attrapant une jambe, parvient lui aussi à déséquilibrer Gawa. Cette fois, le doute n’est pas permis. L’épais Gawa n’est pas invincible.

L’atmosphère est au beau fixe. Le vin bulgare aide à apprécier le pâté au sanglier, le pâté végétarien et la Vache-qui-Rit qui font partie des réserves venues de France. Le saucisson et terminé depuis longtemps. Pourquoi faut-il donc que le côté maléfique de la Caractérielle en chef reprenne le dessus ? Elle nous entreprend agressivement sur les « cadeaux » que nous devons reconstituer pour les invitations dans les yourtes. Les briquets, stylos, ballons, shampoings et autres accessoires, déjà libéralement donnés ne suffisent pas, il « faut » aussi donner des vêtements, des gourdes et autre matériel. Outre le « pourboire » obligatoire, prélevé le second jour, la contribution volontaire à « l’apéritif » pour tous et les gadgets, n’y a-t-il jamais de fin à donner ? Pourquoi pas, si cela est expliqué et laissé à l’initiative de chacun. Mieux encore, pourquoi ne pas l’inscrire sur la fiche technique que nous recevons pour préparer le voyage, comme cela se fait couramment au Népal ? Mais ce caporalisme culpabilisateur de soûlarde aigrie est insupportable. Au vu de la tête que tirent les autres c’est à ce moment qu’elle se rend compte qu’elle est allée trop loin. Elle se calme, mais le mal est fait. L’ambiance en est gâchée pour le début d’après-midi.

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Jardin botanique de Peradeniya

Nous commençons la journée par la visite du célèbre jardin botanique tropical de Peradeniya, fondé dès 1371 par le roi Wikkramabahu III, mais établi en ce lieu en 1821 par Alexander Moon qui transfera des plantes depuis le jardin Kalutara. Moon fut l’auteur du Catalogue des plantes de Ceylan, publié en 1824, qui en recense 1127. Baigné par la rivière de Mahavéli, établi à 456 mètres d’altitude, il est à 7 km de Kandy.

pluie Jardin botanique de Peradeniya sri lanka

Nous ne parcourons qu’une partie des 60 hectares. Dommage que nous l’ayons vu sous la pluie, une fois de plus – il ne pleuvait pas durant notre petit déjeuner mais, dès notre sortie de l’hôtel, la pluie a commencé à tomber. Piétiner dans les flaques pendant que tombe l’eau à torrent sur le parapluie, à écouter déblatérer Inoj dans son français hésitant, n’est pas très intéressant.

racines Jardin botanique de Peradeniya sri lanka

Mais les arbres sont magnifiques, la végétation luxuriante, la collection de bambous impressionnante, les racines du ficus elastica serpentines, l’allée des palmiers une perspective unique, les 4000 plantes conservées une performance, les plantations de chaque VIP une anecdote – mais toujours la pluie.

allee des palmiers Jardin botanique de Peradeniya sri lanka

Chaque chef d’État ou de gouvernement, chaque artiste célèbre, a été convié à planter un arbre dans une partie du jardin. Je vois celui de la reine Elisabeth II, de Chou Enlai, mais pas celui de Che Guevara qui est venu aussi, dit-on.

fleur Jardin botanique de Peradeniya sri lanka

Un pont suspendu sur la plus longue rivière du pays ne s’arpente que jusqu’au milieu, et encore pas à plus de six, juste de quoi prendre la sensation de roulis et pouvoir contempler les eaux jaunes chargées de limon par la mousson. Une serre aux orchidées offre ses fleurs colorées et découpées magnifiques, étonnantes de variété.

orchidee Jardin botanique de Peradeniya sri lanka

Le soleil ne revient que lorsque nous allons échouer dans une autre boutique, la « jewellery », bijouterie en français, dont je ne sais d’ailleurs si le nom anglais vient de Jew, le Juif. Comme toujours, on commence par nous appâter par une présentation vidéo de l’extraction sri-lankaise, une maquette de mine artisanale creusée en puits, une visite éclair de l’atelier de taille, un long arrêt dans le « musée » qui présente les différentes pierres précieuses et semi-précieuses en vrac ou montées sur de vieux bijoux. Mais le temps le plus long est réservé aux deux étages de vente de gemmes brutes ou en bijoux. J’aime l’éclat des couleurs, notamment dans les bleus, saphir, topaze, aigue marine ; j’aime le reflet nacré des pierres de lune et des saphirs blancs œil de chat. Mais je n’aime pas les bijoux qui font toc, sauf à rouler les pierres en rivière pour la gorge. Quelques-uns sacrifient à l’achat : une topaze bleue sertie en bague pour la brestoise, une pierre de lune pour la champenoise, un collier pour le grenoblois, qui le destine aux trente ans de sa compagne.

topazes sri lanka

Une heure de bus jusqu’au premier temple, le Gadaladeniya, de la période Gampola des 15ème et 17ème siècles. Nous croquons en face de l’entrée un pique-nique rapide de pain de mie salade, un œuf dur et une banane. Des chiens se disputent les restes. Il pleut encore, mais moins. Le temple est campagnard, ancien, proche d’une école dont la sortie propulse les collégiens et collégiennes devant notre pique-nique.

atelier bronzier sri lanka

Puis nous randonnons en enfilant les temples. Le chemin passe par des maisons cachées par la verdure avec gosses criant hello et femmes riantes. En passant, nous visitons un atelier sombre et anarchique de bronziers qui fondent, coulent et polissent des lampes votives.

bain elephant sri lanka

Deux éléphants se font laver à une fontaine et ils adorent ça, autant que les badauds qui regardent de tous leurs yeux, à distance respectueuse cependant.

temple Lankatilaka Rajamaha Viharaya sri lanka

Nous arrivons 4 km plus loin au temple Lankatilaka Rajamaha Viharaya, érigé en 1344 sur deux étages posés sur un rocher appelé Panhalgala. Sa profusion d’antiquités et de peintures à l’intérieur inspire le respect, après une arche d’entrée en forme de dragon ; ses murs extérieurs sont sculptés d’éléphants en relief. Une statue de Bouddha en saphir a 750 ans, l’une des trois dans le monde. Dans l’enceinte du lieu, deux éléphants bien vivants engloutissent des brassées de feuilles coupées exprès pour eux. Des ados en bande les regardent faire, avant de nous regarder, nous, spectacle plus original à leurs yeux. Nous descendons du temple par un long escalier, côté est, qui mène dans la vallée à l’arrière, d’où nous remontons en suivant la piste des villages. Un boulanger qui fait sa tournée en touk-touk augmente ses affaires du jour en nous vendant 25 roupies chacune des brioches ou des friands épicés.

Le troisième temple de la brochette, Embekke, dédié au dieu Kataragama a de vénérables piliers de bois sculptés du 14ème de toute beauté. Les scènes antiques montrent un guerrier cinghalais, un guerrier portugais, deux oies, un oiseau-lion, et ainsi de suite. Deux gosses hilares d’une dizaine d’années nous contemplent au temple en se serrant tendrement le cou.

temple embekke sri lanka

Nous avons beaucoup perdu de temps avec les éléphants, les photographes se sentant obligés de prendre trente fois les mêmes bêtes et les mêmes gens en 20 mn. Nous avons encore deux heures de bus pour joindre Nuwara Eliya, station d’altitude inventée par les Anglais en 1819 à 1900 m. Les lacets de la route se succèdent sans arrêt pour accéder aux hauteurs, de quoi nous donner mal au cœur dans le minibus japonais diesel aux sièges étroits, conçus pour des carrures asiatiques. Là-haut, il fait froid, pas plus de 15°, et il est tard. Nous prenons un buffet rapide pour nous tout seul et une douche chaude en chambre froide. Mais il y a des édredons sur les lits dans cet hôtel Summer Hill Breeze. La nuit sera parfaite.

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Rencontres goutsoul et laiterie d’altitude

Il a plu cette nuit et le matin se lève frais et humide. Le revers positif est que chaque couleur ressort vivement sous le gris diffus du ciel. Le gros bouquet de fleurs des champs, composé hier par Sabine la citadine, orne somptueusement la table du petit-déjeuner dans une bouteille servant de vase. La fermière aux beaux yeux et à la poitrine généreuse, la tête prise dans un foulard aux couleurs du drapeau américain, dépose près de lui nombre d’assiettes fleuries de tranches de tomate, de concombre, de saucisson, de fromage et de poivron jaune en lanières.

petit dejeuner goutsoul ukraine
Le couple qui a choisi hier soir de dormir dans la grange où le foin odorant, sur une large épaisseur, les a tentés, ne l’ont pas regretté. Ils craignaient les petites bêtes mais ils ont été plutôt dérangés par les grosses en-dessous : deux veaux, deux chiens, sans parler d’un coq et de ses poules. Tout ce petit monde remue, grogne, caquette et émet des odeurs diverses très campagne. Le chat roux et blanc vu hier soir, le poil angora avec une tache sur le nez, pourtant très familier, n’est pas venu ronronner sur leurs duvets.

refuge goutsoul ukraine
Nous partons au soleil. La descente jusqu’à la rivière est suivie, inévitablement, d’une remontée sur la colline en face qui nous fait couler de transpiration dans la moiteur relative. Les prés sont très fleuris, bien plus qu’en nos contrées de nos jours, me semble-t-il. Nous trouvons même des pensées sauvages. Je reconnais les campanules des Carpates à leurs corolles lilas en pentagone, des bleuets, des marguerites mais pas de coquelicots. Il y a parfois des myosotis d’un bleu intense « comme les yeux des enfants allemands », disait le poète. Des scabieuses poussent du col leurs fleurs chiffonnées bleu pâle ; le millepertuis fait bouffer ses pistils pubescents sur leurs cinq pétales jaunes ; la véronique dresse ses fleurs en goupillons ; des roses trémières sont comme de végétaux relais de téléphone mobile… Nous trouvons aussi la mauve, l’arnica, la camomille. Et ces petits edelweiss aux feuilles d’argent veloutées qui font l’admiration des Suisses.

fleurs des carpates
Une ferme, près du chemin, attire la curiosité. Natacha nous propose d’aller dire bonjour. Nous tombons sur trois enfants. Ils sont seuls car leurs mères, deux sœurs célibataires, sont parties cueillir des myrtilles dans la montagne. Elles les vendent 250 hvr le panier au marché. A elles deux, les mères ont onze enfants en tout, tous de pères différents. Voilà une émancipation très soviétique de la femme en ces contrées traditionnelles.

myrtilles des carpates
La vie montagnarde bâtit de beaux gamins au grand air et aux durs travaux. L’école est déjà à 9 km. L’aîné présent, Vassili, est un blond costaud de 9 ou 10 ans dont les épaules moulent bien le tee-shirt coupé et dont les biceps saillent déjà.

vassili 10 ans ukraine

Liouba a des yeux bleus magnifiques, ornés de longs cils et d’un teint pâle piqueté de légères taches de rousseur ; elle est belle et très femme déjà pour ses 7 ans. Le petit Vassil n’a que 2 ans.

liouba 8 ans ukraine
Nous laissons cette rencontre aux souvenirs. Plus loin, nous tombons sur une laiterie d’altitude qui ne fonctionne qu’en été. Le nom ukrainien de cette sorte de cabane est « kolyba ». Le fabricant de fromage garde les bêtes des autres sur le pré, les surveille et les protège. Il se paie sur la bête en faisant usage pour lui-même du lait. Il le caille à la présure d’estomac, le cuit lentement dans un gros chaudron sous lequel le feu, alimenté par le bois des forêts alentour, ne doit jamais s’éteindre de tout l’été – cela porterait malheur. Une fois caillé, le lait solidifié est mis à égoutter, puis à sécher à la fumée du feu qui monte à l’étage. Les grosses boules blanches sont alignées sous le toit. Avec le petit lait résultant de l’égouttage, le laitier fabrique un autre fromage, plus frais.

laiterie goutsoul des carpates
L’homme que nous rencontrons ne vit pas seul ici tout l’été. Il est le chef de cinq autres, partis la journée garder les vaches, les moutons, ou faire du bois. Il faut que toujours l’un d’eux reste auprès du feu pour l’alimenter et éviter qu’il ne s’éteigne, mais aussi pour tourner le fromage dans le chaudron et éviter qu’il n’attache. La nuit, deux d’entre eux gardent le troupeau dans une petite cabane en dur en forme de tente canadienne, au ras du pré. Les chiens de berger préviennent lorsqu’un lynx, un loup ou un ours – qui sont les trois prédateurs communs du pays goutsoul – s’approchent de trop près. Ils sortent alors de leur cabane au milieu du troupeau avec le fusil.

chef laitier goutsoul des carpates
Le chemin que nous reprenons monte dans la forêt de pins, appelés « smereka » dans les Carpates. La pluie de la nuit a rendu la voie boueuse et nous nous efforçons de marcher sur les bords. Le temps continue de jouer à ‘sol y sombra’, un petit vent coulant des sommets venant glacer la sueur sur la peau lors des pauses. Le pique-nique est prévu « sur la crête », mais il s’agit toujours de la suivante, vieille tactique « à la russe » de dompter les groupes militaires. L’en-cas a lieu en plein vent, mais au sommet de la dernière crête, avec vue entière sur le prochain village où nous allons ce soir. La montagne Kostritch, avec ses 1544 m, nous offre, mais sans soleil à ce moment, d’un côté les maisons de Verkhovina dans la vallée, de l’autre la chaîne des plus hauts sommets carpatiques de l’Ukraine. Des vaches à clarine broutent alentour, faisant ressurgir le souvenir de quelque alpage en nos mémoires. Nous sommes au col de Kryvopol.

carpates goutsoul ukraine
Au plus haut sur la crête, attesté par le GPS-réseau russe de Vassili, nous culminons à 1566 m. Ce sera le point le plus haut de notre séjour. Nous pouvons, de là, contempler tout notre itinéraire de ces trois jours de randonnée, de la maison de Verkhovina d’où nous sommes partis jusqu’au village de ce matin.

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Contrôle des eaux à Tahiti

Depuis plusieurs mois, le CRIOBE poursuit des études concernant l’évolution des populations d’anguilles dans la vallée Vaihiria concernant l’impact des ouvrages hydro-électriques. Il s’agit d’éviter de refaire les mêmes erreurs que dans les années 1980. Il faut effectuer un inventaire des ressources faunistiques (poissons, chevrettes, …) et des richesses culturelles de l’ensemble des vallées concernées par la présence actuelle ou à venir d’installations hydroélectriques. Les anguilles en Polynésie sont souvent associées à des contes ou légendes traditionnelles, la vallée Vaihiria recèle aussi des vestiges archéologiques, marae notamment qui sont la marque d’une implantation humaine au 16/17ème siècle.

IDEM

Le lac Vaihiria est le seul lac d’altitude de Tahiti. Il s’est formé il y a très longtemps à la suite de l’effondrement d’une masse de terre issue des côtés d’une vallée située au cœur de l’ile. Ce barrage naturel occupe toute la largeur de la vallée sur environ 800 m. Il retient l’eau descendant de la montagne sur une largeur de 400 m pour 25 m de profondeur en son centre. Au début des années 1980, l’homme l’a utilisé comme un barrage hydraulique, la vallée a subi de grandes modifications avec l’installation de turbines, conduites, et autres éléments. Les pluies importantes ont fait monter brutalement le niveau de l’eau qui a failli déborder, mettant en péril la vie des habitants de la vallée. Avis aux thésards, le Criobe recherche un étudiant pour préparer une thèse de doctorat en trois ans financée par l’État et Marama Nui (bourse de thèse) sur la circulation des anguilles et des espèces piscicoles, à l’échelle de Tahiti, sur toutes les rivières aménagées par Marama Nui. Après ces trois années, cet étudiant pourrait être embauché dans une cellule environnementale directement rattachée à Marama nui. On cherche désespérément un candidat local !

La rivière Titaaviri va devenir un observatoire hydrogéologique par la signature d’une convention entre Marama Nui et l’Université de Polynésie française. Il s’agira d’un suivi hydrogéologique dans la vallée de la rivière Titaaviri à Teva I Uta. L’objectif est de relever sur plusieurs années des données sur les précipitations, le débit et la turbidité de la rivière ou encore l’érosion naturelle. Cela permettra à l’industriel de comprendre le phénomène d’érosion qui remplit son barrage et l’oblige –plus qu’ailleurs dans le monde- à de fréquents curages. On saura alors quand Tahiti finira en atoll (dans quelques millions d’années).

EUROPA

Du 27 au 31 mai, une opération commune de contrôle des eaux en bordure de la ZEE Polynésienne (zone économique exclusive) a été menée par les Forces armées françaises et plusieurs états du Pacifique (Australie, Nouvelle-Zélande, Iles Cook). Cette opération baptisée Tautai (pêche, mode de pêche, produit de pêche, instrument de pêche) avait pour finalité de prévenir les activités de pêche illicite. Treize navires (neuf Taïwanais, trois Chinois et un fidjien) ont été contrôlés et sur huit d’entre eux on a relevé des infractions : leurs balises ne fournissaient pas leurs coordonnées, ils ne s’étaient pas signalés dans certaines zones alors qu’ils en avaient obligation. L’équipage de l’un des navires s’est vu reprocher le non-respect des règles de pêche en matière de requins car les navires doivent conserver à bord les carcasses des squales même si la pêche d’une grande partie des espèces de requins est autorisée dans les eaux internationales.

Un groupe de pêcheurs a pu filmer un banc d’une vingtaine d’orques au large de Fare Ute (port de Papeete). Ici il y a plus souvent des cas isolés voire 2 ou 3 au maximum qu’autant d’individus aperçus récemment. A Raroia (Tuamotu) deux baleines ont été aperçues nageant au large de  l’atoll qui vient juste de retrouver sa sérénité après le passage d’une tempête. Coïncidence ?

Président Flosse et plusieurs de ses ministres sont allés rendre visite aux différents archipels. La commune de Makemo (Tuamotu) a été retenue par les investisseurs chinois pour y implanter le projet de ferme aquacole. « La société sera de droit polynésien avec un capital garanti déposé en banque. L’investissement global est de 150 milliards XPF sur 15 ans. Les concessions maritimes sont attribuées par le pays à des Polynésiens. La société vous fournira gratuitement les alevins, la nourriture et les matériels, et durant la phase d’élevage, elle vous accorde une avance mensuelle et le solde lors de la vente. Toute la main-d’œuvre sera polynésienne mais les cadres seront Chinois. L’encadrement sera à 50% polynésien au bout de cinq ans et à 90% au bout de dix ans. » Ainsi parla Président Flosse aux habitants de Makemo. P’tit Louis commente ainsi ce voyage « A Makemo, les cadres seront Chinois, les travailleurs Maohi… En Chine on dit coolie ! »

Pour Napuka et Puka Puka (Tuamotu nord) la montée des eaux et la dégénérescence de la cocoteraie sont un problème pour le gouvernement et les habitants. Certes le problème ne serait pas immédiat mais les houles de plus en plus fortes ont endommagé en 2011 la piste d’atterrissage de Puka Puka. Les cocoteraies elles sont la proie d’un insecte nuisible, le Brontispa longissima, considéré comme la peste du cocotier ; cet insecte attaque le cœur du cocotier. On envisage à plus ou moins long terme de déplacer ces populations dans d’autres îles de la Polynésie et notamment aux Marquises avec lesquelles les habitants de Puka Puka ont des liens ancestraux.

Hiata de Tahiti

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Maladies à Tahiti

Dimanche 27 janvier était la 60ème Journée mondiale des lépreux. A cette occasion Orofara, l’ancienne léproserie sise sur la commune de Mahina (Tahiti) a été le centre des manifestations contre la lèpre. C’est une vallée, assez méconnue, autrefois réservée à l’accueil des lépreux polynésiens, en ce jour une visite guidée, et du chalala (blablabla). L’an prochain on fêtera le centenaire de cette léproserie.

Vahine Tahiti

Celle-ci fut créée pour organiser l’isolement obligatoire des personnes susceptibles de transmettre la maladie et l’internement de tout malade ayant besoin de soins. L’endroit comportait un magasin, un lavoir-séchoir, une infirmerie, deux réfectoires, des logements, un parloir, une église. Ces personnes recevaient tous les jours une gamelle de nourriture, matin, midi et soir. La léproserie en tant que telle n’existe plus depuis 1976. L’infirmerie a été rasée. Il demeure 6 anciens malades qui y résident toujours. Le plus ancien est arrivé en 1948 en provenance de Raiatea (Iles sous le Vent), deux doyens un homme de 80 ans et une femme de 79 ans.

Aujourd’hui, la vallée comporte une trentaine  de familles, la plupart composées de descendants des lépreux qui se sont succédé à Orofara. Quel avenir pour ces bâtiments, pour ce village, installés sur un terrain domanial ? La mairie de Mahina souhaiterait y installer un dépotoir – après avoir éradiqué des déchets verts et la petite fourmi de feu. La lèpre, elle, n’est pas totalement éradiquée en Polynésie mais elle est aujourd’hui très faible. Sa prévalence est de 5 à 10 malades par an. La lèpre est transmise par le biais d’une bactérie ; sur 100 malades infectés, 10 seulement développeront des symptômes. Les malades reçoivent des soins très efficaces actuellement et n’ont plus besoin d’être isolés.

Le Caillou (Nouvelle-Calédonie) subit une épidémie de dengue, la Polynésie est épargnée… pour le moment. Déjà 646 cas de dengue sur le Caillou pour le seul mois de janvier et zéro ici. L’épidémie a démarré tôt et, depuis  le 1er septembre dernier, 1119 personnes malades ont été déclarées. Nouméa détient le record, suivie par Le Mont-Dore, Dumbéa. La vigilance reste de mise.

etoile de mer sur ventre nu

Les conseils sont toujours les mêmes : se protéger la peau avec du répulsif et toutes les semaines faire la chasse aux gîtes larvaires dans jardin et maison.

Il y a pourtant beaucoup d’échanges de voyageurs aériens entre Papeete et Nouméa. En 2001 et 2007, le virus de type 1 avait frappé la Polynésie, et si c’était tous les 6 ans ? Mais la principale inquiétude du bureau de veille sanitaire concerne la leptospirose. C’est le risque épidémique actuel avec des épisodes pluvieux importants depuis décembre 2012 et tout ce mois de janvier 2013. Un décès en fin 2012 et, au 13 janvier, quatre cas confirmés.

La meilleure prévention est d’éviter les eaux boueuses ou sales si l’on présente des blessures. Le responsable de la dengue ici est l’Aedes poynesiensis, celui du Caillou l’Aedes aegypti. Deux cousins, certes mais qui ne se fréquenteraient pas.

Euh, portez-vous bien !

Hiata de Tahiti

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Survivre à Tahiti

S’il est un endroit dangereux à la Presqu’île, c’est Te Pari. Deux randonneurs français se sont perdus récemment. Grâce à une guide rencontrée quelques jours plus tôt, ils ont pu être hélitreuillés, fatigués et à court de nourriture, par la gendarmerie après s’être perdus plusieurs jours à Te Pari. Te Pari est un des lieux les plus inhospitaliers de Tahiti. Il reste une randonnée aventureuse donnant accès à plusieurs sites sauvages. Vaiote est une vallée isolée à l’extrémité orientale des falaises du Te Pari, qui abrite un ensemble de vestiges archéologiques où l’on trouve de remarquables pétroglyphes.

La grotte de Vaipoiri, au pied des falaises du Te Pari, évoque de nombreuses légendes dont la plus connue est celle de Vei, enfant du pays, qui, fou amoureux de la fille du chef de la vallée, alla affronter les monstres de la grotte. Après avoir accompli cet acte de bravoure, l’union fut acceptée. Il n’y a pas de route pour aller se frotter à Te Pari, il faut  aller à pied ou par bateau. Et attention, vous devez être bien équipés car les puissantes vagues s’écrasant sur les rochers au pied des falaises seront de redoutables pièges pour vous, les randonneurs. Enfin un dernier conseil, prenez un guide local, sinon le Haussariat devra encore faire déplacer le Dauphin. Ça coûte cher une heure d’hélico, et de plus ce sont les contribuables métropolitains qui paient, alors ce que j’en dis …

Il semble qu’il y ait plus de complémentarité entre les médecines traditionnelles et occidentale que de risques d’interaction, selon les médecins. Il faudrait distinguer la pharmacopée kanak « pour les petits maux » et la pratique de la médecine traditionnelle par le guérisseur. Le guérisseur serait plutôt consulté pour des maladies avec les ancêtres, les totems ou le mauvais sort. La maladie s’intègre dans le cadre d’un malheur, d’une malédiction, de la rupture d’un tabou, ce serait un dérèglement du cosmos. Le guérisseur va chercher à identifier ce dérèglement et y remédier par un échange matériel ou immatériel. Mais pour comprendre cette logique il faut d’abord comprendre la société kanak. « L’individu y est indivisible du cosmos. Il vit dans un univers à l’équilibre entre la terre, les ancêtres, les morts et la hiérarchie des vivants. Cette société est perçue à l’équilibre grâce à des échanges, matériels et immatériels ». Propos du Dr Salino.

L’été austral débute en décembre et se termine en mars. La saison cyclonique dans le Pacifique Sud démarre en novembre selon les météorologues. Comme pour les matchs sportifs, la météo nationale de Polynésie, Météo France, fait des pronostics sur les risques de cyclone sous nos latitudes. On semble s’orienter vers une saison plus chaude et relativement plus sèche que d’habitude. Le cumul des précipitations devrait être inférieur aux moyennes trimestrielles, les températures plus chaudes que les valeurs normales observées. El Niño est aux commandes du Pacifique…

La communauté chinoise honore ses défunts deux fois l’an à Ka-San (j’ai déjà parlé de cette fête dans d’anciennes élucubrations) et le cimetière chinois du repos éternel est arrivé à saturation. L’association Si Ni Ton gérante de ce lieu appelé aussi « Repos éternel » compte près de 10 000 tombes, dont la partie principale se trouve sur la commune d’Arue. Certaines tombes ont été laissées à l’abandon, sans aucune descendance. Dans ce cimetière chinois  y reposent aussi des Sud-Coréens, matelots ou pêcheurs et des Indonésiens. Si Ni Tong voudrait acquérir un nouveau lieu, ses recherches demeurent vaines actuellement. Les terrains sont rares et chers. Les Chinois de Tahiti gardent toutefois l’espoir de loger leurs morts décemment afin de pouvoir les honorer deux fois l’an bien que les jeunes générations ont prévenu leurs parents qu’ils ne fêteront pas Kan-San.

Hiata de Tahiti

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Retour à Imelghas

La nuit, que nous passons à la belle étoile une fois de plus est humide. Au matin, les duvets sont trempés de rosée. Ils sècheront l’après-midi. Adieu aux mules et à Mimoun, que nous ne reverrons pas. Nous mettons le turbo pour Imelghas en suivant la vallée qui rejoint celle des Ait Boutmès. Deux marabouts sont enterrés sur un tertre naturel.

Le voyage tire à sa fin. On flâne pour finir les photos, on marche sans conviction. Le jour est venu de mener les troupeaux aux alpages et l’on en rencontre une dizaine sur le chemin. Les chevreaux sont très drôles, plus que les kids, intimidés.

Corinne nous raconte qu’une amie à elle s’est mise à l’aquarelle il y a plusieurs années. Dans les randonnées comme la nôtre, qu’elle pratique de temps en temps, elle emmène ses couleurs et son album, et croque à grands traits les visages et les paysages. Les gens du cru sont émerveillés de la voir faire, et ravis du cadeau qu’elle leur offre lorsqu’elle leur tend leur portrait en couleur, tout frais encore de sa peinture. C’est un art convivial et une délicate attention. Les relations sont bien plus riches qu’avec l’appareillage technique de la photo, même polaroïd.

Une famille entière émigre avec ses mules et deux vaches. Un berger adolescent, en pleine fleur, porte une chemise rouge sous sa gandoura. Il tient un chevreau dans ses bras comme s’il était son petit frère. Il nous le montre, tout fier. Plus loin, un jeune garçon porte un curieux bonnet roux aux boucles très serrées. De loin, je croyais qu’il s’agissait de ses cheveux, mais cela ressemble plus à une perruque coiffée à l’africaine. Il me regarde de ses grands yeux, la djellaba initialement blanche aujourd’hui couleur de la terre et la chemise qu’il porte dessous déchirée au col. Il a le visage aux traits mobiles. C’est curieux comme nous sommes avides de visages, après ces quelques derniers jours passés dans les solitudes.

La vallée s’élargit. On voit que le pays devient plus riche. Les champs sont plus grands, mieux cultivés. L’altitude est plus basse et tout pousse plus dru. C’est l’époque de la fauche des céréales, qui se fait à la faucille. Ici, cet instrument est à dents, pour ne pas avoir à l’aiguiser trop souvent peut-être. Un jeune garçon nous regarde, la chemise flottante brune que le vent assez fort lui remonte jusqu’aux épaules lorsqu’il se penche. Un adulte au turban, sans doute son père, l’interroge, lui prend le menton, puis lui passe la main dans les cheveux. Ce geste de tendresse, incongru en plein champ et parmi cette population plutôt rude, me semble un signe d’aisance. La richesse incite à la générosité.

Sur le chemin, nous visitons une ferme d’altitude. C’est bien petit, avec des portes étroites. Le réduit principal, presque sans jour, sent la suie. Le foyer est construit à même la terre et le feu a brûlé les branchages du toit. Une échelle est taillée dans un tronc d’arbre brut, les marches directement creusées à la serpe. Elle mène à la paille emmagasinée sous le toit.

En approchant d’Imelghas, Brahim salue de plus en plus de gens. Il revient chez lui. Des gamins, fiers de son rôle, veulent qu’un peu de sa gloire rejaillissent sur eux en l’accompagnant un bout de chemin. Ils sont bien portants, vigoureux, même s’ils sont les muscles maigres. On voit que l’endroit est plus propice à la vie ici que plus haut dans la montagne. Nous retrouvons avec plaisir notre refuge de pierres construit dans le style architectural du pays. Une salade de tomates et d’œufs, de carottes et de concombre, de riz et d’oignons, nous attend. Il y a ensuite des prunes, puis du thé à la menthe.

Le hammam a eu le temps de chauffer pour notre retour, et c’est un plaisir renouvelé que nous avons à nous détendre dans son atmosphère très chaude, après ces dix jours poussiéreux. Nous ne sentirons plus ces odeurs marocaines de la route : la menthe et le thym sur les chemins, le crottin de chèvre dans les villages, l’odeur fade et grasse de la mule, moite et sucrée de la figue. Un pays, c’est aussi une odeur. Un bain, c’est un peu le quitter.

En fin d’après-midi, nous sommes oisifs, dans une « bulle monstre ». Nous regardons vivre le village. Des femmes rapportent des champs de grosses bottes de blé d’une trentaine de kilos, pour les déposer sur l’aire de battage. Elles chantent pour se donner du courage sous la charge. A l’arrivée, elles se retournent et, d’un coup de reins, laissent tomber la botte. Un homme en turban et djellaba blanche les étale à la fourche. Les femmes se reposent un peu en le regardant faire, puis repartent en chercher une autre. Plus tard, c’est l’heure des vaches. Le soleil descend et l’on mène ces bêtes boire à la rivière. Des gamins et des chiens les accompagnent en criant. Brahim nous montre de loin ses enfants : Fatima, Sadia, et Samir, le petit garçon. Il avait répondu, aux questions des filles, qu’il n’avait qu’un seul « enfant ». En fait, il parlait de « garçon », les filles ne comptent pas. Brahim est divorcé, ce qui est assez courant chez les Berbères, et les enfants vivent avec leur grand-mère. Il fait un signe au garçon sur le dos de la grand-maman, et celui-ci lui répond. Il peut avoir 2 ans, pas plus. C’est le petit dernier.

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Maison du Haut-Atlas marocain

Une heure de marche plus loin dans les gorges, un autre village apparaît. Amezri est un gros village, le plus gros de la vallée. Il est construit comme partout de maisons en pisé aux soubassements de pierres. Cette fois, nous sommes invités à prendre le thé chez un parent de Brahim. Le caïd du coin contrôle son carnet de guide. Il faut être « guide officiel » pour avoir le droit de guider des touristes étrangers. Après le village, un autre « contrôleur » vérifiera encore les papiers de Brahim et nous accompagnera un bout de chemin.

Le thé a lieu dans l’une de ces maisons toutes semblables qui tiennent de la ferme et de la grotte. On entre par un porche dans une cour centrale qui sert d’aire de battage avec son piquet au milieu. Pour l’instant y picorent des poules et une vache y est attachée. Le tout est clos comme s’il s’agissait de se protéger des bêtes sauvages ou des hommes venus d’ailleurs. Sur la cour s’ouvre une bergerie et le bâtiment d’habitation. L’ensemble n’est pas grand, construit uniquement en rez-de-chaussée. La cour peut faire 25 m² et les trois pièces successives 20 m² au total. Elles sont plus longues que larges. La première est nue. Le sol est cimenté, elle n’est éclairée que par une seule fenêtre. Est-ce contre les rigueurs de l’hiver, ou les ardeurs de l’été, ou pour offrir un mur épais aux éventuelles attaques de prédateurs à deux ou quatre pattes ? La seconde pièce est chaulée, des tapis sont étalés au sol et deux fenêtres étroites aux grilles ouvragées ouvrent sur l’extérieur. C’est l’appartement des femmes, plus confortable que la pièce ouverte à tous, parce qu’elles y travaillent la plupart du temps, surtout en hiver. Le mobilier est restreint : une lampe à gaz, une étagère en bois, un plateau de cuivre pour le thé, et voilà tout.

On nous offre les trois thés successifs de tradition, très sucrés. Un pain de sucre, enveloppé dans son papier violet, est cassé au marteau pour ce faire. Il est accompagné de pain d’orge et de blé, offert avec un bol de beurre de chèvre. C’est un beurre de consistance très légère, mais au goût âcre comme le roquefort. Le guide donnera une compensation à l’invitant pour ce thé, tout don commandant un contre-don dans ces pays pauvres. Mais pour nous, qui avons tout réglé d’avance, tout se passe comme si nous étions invités. La troisième fenêtre de la façade éclaire la troisième pièce, très sombre. Y est installé un métier à tisser pour les femmes. C’est un métier rudimentaire, fait de branches mal équarries. Sur une trame tendue, on passe un fil de laine, filée au rouet préalablement, puis teinte. On tasse les fils successifs avec un peigne à carder, puis on noue en nœuds d’alouette de petits brins multicolores selon un dessin général. Cela donne un tapis épais d’un centimètre, aux couleurs criardes, surtout dans les oranges et bleus ici. Les femmes de la maison, fière de montrer leur activité, se mettent sur le métier. Dans cette maison, la cuisine doit être faite dans la pièce principale, ou à l’extérieur, nous ne l’avons pas vue. Peut-être y a-t-il une quatrième pièce, sur l’arrière ?

Nous reprenons le chemin des gorges, le passage de Tasgaïwalt. Les versants sont plantés de thuyas centenaires.

Nous passons la rivière à gué – trois fois. L’eau glacée saisit à chaque fois les chevilles et le courant est fort. Il faut lui résister, surtout lorsqu’il nous arrive aux genoux.

Le campement est installé près de la rivière pour avoir de l’eau. Elle est ici plus torrentueuse qu’hier. Nous nous installons sous un grand thuya. Pascal apprend à Mimoun et à Mohammed à jouer au poker. C’est très drôle, bien que le joyeux Mimoun ne parle pas un mot de français.

Le soir, il préparera le pain, étant le plus jeune. S’il y avait eu une femme, cette tâche lui serait incombée comme hier soir, puisque c’est une tâche inférieure. C’est dans l’ordre hiérarchique, et le plus jeune s’y colle toujours. Mimoun fait donc la femme, il a préparé la pâte avec de la semoule de blé dans l’après-midi, et l’a laissé reposer une couple d’heures. Il en prend des boules, les tape en galettes qu’il pose sur une grande pierre plate, en équilibre sur le feu de genévrier. Cela fait un pain à peine levé, pas très cuit, mais goûteux.

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Imelghas vallée des Ait Bouguemez

Après un épisode difficile, un camion enlisé bouchant à lui tout seul la piste que nous devons prendre, nous finissons par arriver au village d’Imelghas, dans la vallée des Ait Bouguemez. Traditionnelles habitations de torchis aux murs couleur de terre. A l’écart du village, un Français a construit en dur une maison d’accueil pour les voyageurs. Elle est en pierres et comprend des aménagements supplémentaires : un hammam au sous-sol, un étage avec des chambres. Nous y logeons.

Après le thé à la menthe, le hammam nous attend, chauffé pour nous tout l’après-midi, car il doit monter en température un moment avant d’être à point. A Imelghas, on n’y met pas le gaz mais on brûle du bois. Nous nous y débarrassons deux par deux de toute la poussière de la piste. C’est une salle nue cimentée, très chaude car la chaleur du foyer, installé à l’extérieur, passe sous le sol et dans les murs, à la romaine. On jette quelques seaux d’eau froide et la vapeur fuse. On y reste un moment nus à suer, puis l’on se lave à l’eau chaude du chaudron et à l’eau froide que nous puisons dans un grand baquet. Chacun fait son mélange. Le plancher est brûlant, monté sur piles de briques comme les thermes romains. Lorsque l’on sort, nettoyés, on a l’impression qu’il fait froid au-dehors. Le refuge est la seule maison du village à posséder un tel hammam, habitude plutôt arabe que berbère. Or, nous sommes ici en plein territoire berbère. Et déjà en altitude, à 1800 m.

Nous partons nous promener dans le village avec des yeux neufs. Des gamins terreux nous suivent. Bernard leur fait regarder dans ses jumelles, ce qui les ravit. Ils appellent leurs copains. Nous rencontrons un couple de Français et leurs deux garçons. Même à l’étranger, dans un pays chaleureux, les enfants de France restent très réservés. Même s’ils ne veulent pas jouer avec les petits paysans, ils devraient être contents de voir des compatriotes. Quelle est cette culture d’Europe qui rend les être aussi coincés ?

Nous dînons, tard pour nous. Le tajine de poulet aux légumes est un délice. La vapeur a confit les saveurs de la viande et des tubercules avec les épices. Tout cela se fond harmonieusement et donne de la chaleur au palais. La discussion à table porte sur le ski, Marie-Pierre étant de Briançon.

Ce matin, la vallée baigne dans la transparence. Une lumière douce fait chanter les couleurs. Nous partons à pieds avec un petit sac à dos, nos grands sacs étant portés par six mules. Elles portent aussi la nourriture et les tentes pour les jours à venir, guidés par quatre muletiers berbères. Nous traversons des champs riches où la terre, largement arrosée et fumée, laisse pousser à profusion légumes et céréales. A 1800 m d’altitude, on retrouve des plantes de chez nous : des boutons d’or, des renoncules, des aubépines, des saules mêlés aux figuiers.

Nous traversons plusieurs hameaux faits de quelques maisons seulement. Leurs habitants sont aux champs. Les gosses, en vacances, travaillent avec les adultes ou jouent en petites bandes. Sourires, bonjours, regards de curiosité. Quelques-uns demandent – en français s’il vous plait ! – « un stylo » ou « un bonbon ». La vallée est entièrement agricole. On n’y entend s’exprimer que les brebis et les chèvres, les oiseaux, et le vent dans les feuilles des noyers. Ce sont les Alpes marocaines.

Sous le noyer du pique-nique, au lieu-dit Agouti, l’ombre est si forte qu’il y fait froid. De là vient sans doute le dicton paysan affirmant que celui qui s’endort sous un noyer attrape la mort. Un autre groupe de mules vient s’installer. Ce sont des berbères du même village que les nôtres, qui conduisent un couple de Français et leurs deux garçons, ceux que nous avons rencontrés hier soir au village. Ils sont de Briançon comme Marie-Pierre et ont connu l’Atlas en lisant un article dans une revue de montagne. Il y était dit que de jeunes Marocains venaient se former au métier de guide pour exploiter les pistes vierges de l’Atlas central. Ils sont donc venus seuls, en voiture, par l’Espagne, puis en bus de Marrakech à Azizal, et en taxi pour la fin de la route, enfin en camion, pour le bout de piste conduisant à Imelghas. Ils sont arrivés samedi dernier ici, et il pleuvait ! Leurs deux garçons de 7 et 9 ans manquent l’école ? Eh bien, oui ! Ils sont « en voyage d’étude ». Selon leur père, ils aiment courir, jeter des pierres dans l’eau, grimper aux arbres. S’ils marchent trop longtemps, s’ils s’ennuient, ils montent alors sur une mule, ajoute la mère. Ils sont un peu surpris par la nourriture marocaine, par le froid, la nuit, et par les nuées de gamins qui les entourent dans les villages. Ils ne peuvent leur parler, alors ils sont timides. De plus, les jeux sont restreints : en-dessous de 7 ans, les petits garçons berbères restent avec leur mère, au-dessus, ils travaillent la plupart du temps. Cette famille est au début de son séjour, elle va faire comme itinéraire le même que nous, mais à l’envers. Je trouve sympathique de partir ainsi à l’aventure avec ses enfants, au lieu de rester moutonnièrement sur des plages bondées. L’esprit des petits s’éveille mieux, la vie familiale est plus intense en pays étranger et dans les conditions plus difficiles de la randonnée. L’expérience sera plus forte. Mais il vaut sans doute mieux partir avec une autre famille que l’on connaît bien, les tâches de surveillance et d’amusement des enfants sont mieux réparties, et les petits peuvent jouer entre eux.

Le reste du jour se passe à changer de vallée et à longer les pentes de la nouvelle. Nous quittons la vallée des Ait Bouguemez pour la vallée des Ait Boulli. Les cultures restent morcelées, les habitants exploitent la moindre terrasse de terre alluvionnaire. Les hameaux de quelques maisons constituent un habitat dispersé propice à l’exploitation de ces bouts de champs. La construction reste en pisé sur une armature de poutres de bois. Les toits sont plats. La couleur ocre, qui est celle de la terre, est belle dans le paysage verdoyant. L’hiver, il y fait froid ; en cas de grosse pluie l’eau pénètre à l’intérieur ; en tout temps il y fait sombre, même en plein jour – mais ces bâtisses sont faciles à construire et à réparer. Certaines sont en forme de tours. Les meurtrières sont ouvertes en décalant les plaques de terre mêlée de paille qui servent à la construction. Autrefois faites pour se défendre, elles servent aujourd’hui de greniers.

Plus haut, la végétation change. On trouve des pins, des genévriers, des chênes kermès aux feuilles comme le houx, et des palmiers nains. Il fait chaud dans la journée, très chaud. Sur le chemin, on croise une mule : le père est sur la selle, la petite fille suite derrière. Ainsi sont les femmes ici.

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Vers le haut Atlas marocain

Surprise à l’arrivée à Marrakech : il ne fait que 25°, pas plus qu’à Paris ! Il y a quelques années, l’aéroport était encore tout simple, de couleur rose comme la terre alentour. Nous nous transportons à l’hôtel Kenza, avenue El Mansour, un quatre étoiles de bonne facture. Les chambres sont avec balcon en décrochement. Mais l’insonorisation est inconnue ici. Le béton armé résonne, l’immeuble est bruyant la nuit, d’autant que la rue est très passante le samedi soir. Deux mariages en convois vont se succéder ! Sans parler des appels du muezzin dès l’aube depuis les mosquées voisines.

Nous faisons une rapide promenade dans la ville, en taxi jusqu’à la place Djema El Fnaa. Nous dînons au Café de France, sur la terrasse qui la surplombe. Il fait frais ce soir, un petit vent souffle de la mer et l’on aurait supporté une laine sur la terrasse en hauteur. Mais nous n’en avons pas emporté ; pour nous, Marrakech, c’était l’été. Beaucoup de monde erre dans les rues, sur les trottoirs, sur la place, dans un frottement civil plus que par affairement. Les touristes sont peu présents. Des gamins grouillent partout, dépenaillés, barbouillés mais le visage frais. Mobylettes et vélos se croisent et traversent la foule à tout moment, les voitures roulent au pas et au klaxon. Il y aurait 900 000 habitants dans cette perle du sud fondée en 1062. On construit à tour de bras, largement hors de la vieille ville, mais c’est le centre qui attire la foule, par le spectacle qu’il offre. L’humanité s’y montre et s’y côtoie, badaude et grignote, ou mendie. Nous dînons de crudités, de couscous, fruits et thé à la menthe. Un menu basique du pays, aux produits de la terre.

Sur la place, la nuit, des groupes d’indigènes font de la musique, seuls. Personne ne les regarde, le coin de place est déserté par l’heure avancée. Les musiciens sont là, ensembles, et jouent pour eux-mêmes, ou pour Dieu. D’autres mangent sur des tréteaux improvisés, éclairés aux lampes à gaz, de pleines assiettes de frites et de merguez, de pain et d’abats. Certains ne vendent que des escargots, qui cuisent doucement dans une grande bassine. L’acheteur emprunte une épingle à nourrice, désinfectée dans une orange, pour extraire les bêtes de leur coquille.

Retour à l’hôtel en taxi. Nous sommes sept et les chauffeurs craignent la police, qui a la réputation de ne pas être tendre en ce pays. Ils n’acceptent donc que trois personnes par voiture. Pour le dernier, le taxi fait toute une mise en scène : nous montons à trois, puis une fille se cache sous la banquette pour faire croire que l’on n’est plus que deux, et l’on prend le quatrième un peu plus loin… Mais le chauffeur n’en mène pas large. A un moment, il stoppe et éteint le moteur. A-t-il vu la police ? Même pas : « c’i li couffre ! » Il descend et claque le coffre mal fermé de sa vieille Fiat brinquebalante. Et nous repartons.

Après une nuit agitée et le léger décalage horaire (2h de moins), nous sommes réveillés à 6h30 pour un déjeuner à la française. Les bagages sont chargés sur le toit d’une Land Rover, et nous voici à neuf entassés sur les sièges : le chauffeur, Marie-Pierre l’accompagnatrice et le clan des sept : nous. En avant pour huit heures de trajet, 250 km en tout vers l’Atlas, dont 58 km de pistes.

Au bord de la route, des gamins, encore des gamins, quelques vieux sur des mulets qui se rendent au souk voisin, le bric-à-brac des bazars villageois, les tas de ferrailles devant les garages. Sur la grande artère droite bordée d’arbres, une silhouette au loin se précise peu à peu. C’est une toute petite fille, au milieu de la route, qui regarde arriver la voiture sans bouger, hypnotisée comme une chouette. Le chauffeur ralentit, s’arrête, descend. Il ne dit rien mais prend la fillette dans ses bras et va frapper à la première porte pour la confier à qui se trouve là, en expliquant qu’elle ne doit pas rester seule sur la route. Touchante attention d’adulte pour un petit enfant quelconque. Le Maroc est un pays resté largement traditionnel, loin de l’égoïsme des pays dits « civilisés » où morale et sens civique se perdent.

Arrêt-faim vers 10 h et demie. Il est l’heure pour notre estomac, pas encore au fait que l’heure est une convention et qu’ici elle se décale de deux heures. Azilal est le chef-lieu de la province, donc une ville plutôt grande, mais notre venue fait sensation. On nous regarde avec curiosité, les enfants tournent autour de nous, moins pour nous vendre des cigarettes, ce qui est leur petit métier, que pour nous observer. Ils répondent aux sourires, réservés et discrets, mais curieux. Leur rêve secret serait de nous aborder et de parler avec nous. Mais peu parlent français. Certains jeunes garçons se tiennent les mains ou les épaules ; ils s’aiment chaudement, en copains, ce que nous ne savons plus faire, toujours sous le regard réprobateur du puritanisme yankee. Nous marchons un peu dans les rues de terre battue. De belles maisons de pisé s’élèvent, peintes sur la façade en rouge sang de bœuf, les volets en vert ou bleu pastel.

Le pique-nique véritable a lieu sur la piste, en pleine montagne. Mais le coin est loin d’être désert : on ne fait pas cent mètres sans apercevoir un troupeau et ses bergers, adultes ou enfants. Les bergeries sont bâties de pierres sèches, au loin se distinguent des enclos et des tentes.

Nous approchons du terme de notre voyage en voiture, une vallée verdoyante commence à apparaître à l’horizon. Les villages, superbement bâtis de larges maisons aux murs de terre et aux toits de chaume plats, paraissent riches. L’eau est partout et irrigue les champs et les jardins. Tout y pousse, même l’olivier.

Notre randonnée va pouvoir commencer.

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Politique à Tahiti

Malgré tout la guerre des sexes n’aura pas lieu, il n’y a eu que des paroles. Paroles, paroles, paroles ! On palabrait pour adopter une résolution afin de modifier la loi organique afin d’organiser la fameuse parité. Le boss, Oscar Tane (Temaru), a déclaré que « dans certains archipels, la politique n’est pas l’affaire des femmes ». Ben alors, sois belle et tais-toi !

La Dépêche de Tahiti indique « Danger pour les habitants de la vallée de la Tuauru, tous les jours, ils traversent la rivière pour rentrer chez eux ». Certains ont construit leur fare dans des vallées où ils doivent traverser sur les pierres de la rivière, pierres glissantes même quand la météo est favorable. En cas de forte pluie, le niveau de l’eau monte dangereusement et l’accès aux maisons devient impossible. Ce sont là des problèmes récurrents, mais les élections approchent à grands pas…

Des permis de construire ont bien été octroyés à ces chefs de famille, mais ils de disposent toujours pas d’électricité. EDT (l’EDF polynésien) leur réclame une somme qu’ils ne peuvent pas payer. Les conditions d’accès à leur foyer deviennent insupportables. Les maires successifs ont été contactés et à ce jour aucun n’est jamais venu sur place se rendre compte des difficultés de ces familles. Qui se penchera sur ces problèmes de circulation ? Qui osera prendre une décision?

Billet d’humour, l’actualité vue par Lolo. Sous la forme d’une affiche de film, en haut à gauche Maohi Nui Movies et les Films du 18ème trou présentent, suivent les photos d’Oscar Temaru et de Moetai Brotherson, « Indécrottables », un film de Tony Geros. Pour garder la santé il faut rire au moins 15 minutes par jour. A la vôtre.

Le gouvernement est coutumier des escapades à l’étranger. Professionnelles ? Personnelles ? Nul ne le sait car le service de communication est aux abonnés absents. Où est Oscar Tane ? A Hawaï paraît-il ! Après Hawaï, le « Temaru Tour » devrait rallier Brisbane, alors sur le fenua on a des doutes. Mais on n’a plus de doutes quant au transport des voitures de l’équipe Temaru pour l’inauguration du Festival des Marquises. Ça jasait beaucoup aux Marquises sur ce déplacement. Mais oui, c’est qu’aux Marquises, bonnes gens, on circule encore et toujours à cheval. A hue et à dia, et moi qui ne sait pas encore le dire en marquisien. Lors de ses premiers pas à la tête du Peï, une personne me racontait qu’elle rencontrait Oscar Tane venir chercher le poisson cru et les firifiri du dimanche en short et dans son petit 4×4 personnel. Les temps peuvent changer ! Maintenant ce n’est qu’en 4×4 luxueux aux vitres teintées que les membres du gouvernement polynésien se déplacent.

Fin d’année 2011, on apprend qu’une étude pour le changement du réseau hydraulique vétuste est lancée. Vous vous souvenez que les coupures d’eau sont quasi journalières et qu’il faut, si l’on veut se baigner en baignoire attendre les heures vespérales ou les heures très matinales pour jouir d’un filet d’eau mais ‘atation’, ne pas abuser du savon ! Il y aurait donc sur cette commune associée un pompage d’eau de source aux « Bains des Vierges » et deux captages à Vaihiria et Vaite. Il est vieux de 30 ans. Alors how much ?

Y avez du beau monde sur cette petite île de Maupiti : le Haussaire, le Vice-président, le Ministre de l’Agriculture, le Président de la Chambre d’agriculture… Souveraineté alimentaire qu’ils ont dit, autosuffisance, et pour cadeau un conteneur frigorifique. Pour les surplus ? Produisez, produisez, exportez disaient les Huiles aux cultivateurs de Maupiti. Mais, répondaient ceux-ci, on manque de terres exploitables, on manque de moyens techniques sur les motu, on ne nous exonère pas du fret pour exporter vers les autres îles. Maupiti est loin d’être autosuffisante alors ?

L’actu vue par p’tit Louis [rien à voir avec le fils de Qui-vous-savez, mais qui est le caricaturiste vedette de ‘La Dépêche de Tahiti’ – Arg.] :

  • « Le gros : La gendarmerie fait des stages auprès des jeunes pour leur apprendre à bien conduire…
  • – Le maigre : à quand des stages auprès des politiques, pour leur apprendre à bien se conduire ?!
  • – Le gros : Depuis que l’État ne s’occupe plus des aéroports dans les îles.
  • – Le maigre : le Péi s’est rendu compte qu’elles sont beaucoup plus dispersées qu’avant !
  • – Le gros : Une gare maritime bientôt vide, un aéroport de Moorea déserté, les poches des pauvres taote (médecins) asséchées !
  • – Le maigre : et un palais pérésidontiel sans pérésidont ! Ceci expliquant peut être cela ! »

Hiata de Tahiti

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Légendes de la rivière Vaitepiha

Vaitepiha signifie ‘eau compartimentée’. La rivière possède de nombreux affluents et de nombreuses petites vallées dont Tefaarahi et Tefaaiti. Aux temps anciens de nombreux clans peuplaient ces vallées. « Lorsque Tahiti Nui, le poisson, fut devenu l’île de Tahiti, des dieux guerriers se mirent à la convoiter. Venu de Raiatea (Iles sous le vent) Taaroa accosta à l’embouchure de la Vaitepiha. Il apprécia la verdure de la vallée où poussaient fe’i (= bananes de montagne), oranges et toutes sortes de fruits. Il s’y installa. La vallée devint la vallée de Taaroa. Mal transcrit par les popa’a (Blancs), le nom devint Vallée Ataaroa.

Un jour, deux baleines qui résidaient dans le lac Vai’ufa’ufa, au plateau de Taravao, décidèrent de prendre part à un concours organisé dans la vallée. Il fallait construire le plus haut pic possible. Elles se rendirent à l’embouchure de la rivière et commencèrent à battre la mer de leurs queues afin de faire enfler de hautes vagues capables de les porter jusqu’à l’intérieur de la vallée. Sur les lieux du concours, elles discutèrent à savoir qui monterait sur le dos de l’autre pour construire le pic et battent ainsi leurs concurrents. A l’aube, toujours pas d’accord en vue ; elles se rendirent compte qu’elles n’arriveraient pas à construire l’édifice. La baleine du dessus tomba dans la rivière, entraînant une immense gerbe d’eau avec elle. L’endroit fut baptisé Poohutu tohora (la grande éclaboussure de la baleine). Au fond de la vallée, le pic est bien visible ainsi que la baleine devenue une grosse pierre.

Deux descendants de Taaroa, Auatoa et Temorearii, eurent pour premier enfant une sorte de boule rouge, mais vivante. « Il faut l’enterrer, ce n’est pas un humain ». L’esprit de Verohiti intervint et emmena la boule rouge avec lui. Au pied de la montagne Tahuareva, dans la caverne Ofatura’a, il la nourrit avec patience. Celle-ci devint Honoura, le célèbre dieu guerrier, capable de se faire tout petit ou de grandir à l’infini. Ses exploits sont connus dans toutes les îles de la Polynésie.

Taihia, un roi de la Vaitepiha, avait fait construire une grande pirogue en pierre dans la vallée de Taaroa. Lorsqu’il fallut tirer cette pirogue vers la mer, elle était si lourde qu’elle ne bougea pas d’un pouce même avec l’aide de toute la population réunie. Les aînés de Honoura avaient découvert leur petit frère dans sa caverne et suggérèrent au roi Taihia de lui demander de tirer la pirogue. Honoua exigea un gigantesque ahima’a (=four tahitien, et aussi son contenu). D’immenses quantités de nourriture furent cuites. On construisit un barrage sur la Vaitapiha. L’on fit glisser la nourriture sur la rivière. Honoura se tenait à l’embouchure, bouche ouverte jusqu’aux nuages. Il avala tout le ma’a. Honoura en exigea davantage. La population prépara un deuxième ahima’a. C’est à l’entrée des vallées Tefaaiti et Ataaroa que se plaça Honoura. Il engloutit ce deuxième repas, se reposa pour digérer.

Il partit ensuite dans la vallée, ordonna au roi de placer tous les marins sur la pirogue car, une fois lancé, il ne s’arrêterait plus. Sceptique car cela alourdissait encore la pirogue, le roi accéda néanmoins à sa demande. Honoura se mit à tirer la pirogue de toutes ses forces. Le troisième essai fut le bon. Il amena la pirogue de la vallée et la plaça au sommet de sa montagne, et la jeta dans la mer. Quand elle toucha l’eau, il se produisit un tremblement de terre tel que les plaques des fonds marins se fissurèrent et qu’une passe s’ouvrit dans le récif. On l’appela Teafa (la fissure).

Longtemps après l’installation dans la vallée du dieu-guerrier Taaroa, les prêtres du dieu Oro de Raiatea, préparèrent la visite de ce dernier sur Tahiti. Ces quatre prêtres, trois frères et une sœur, nommée Toamanava, vinrent en pirogue de Raiatea pour déposer des cadeaux sur le marae Tumarama à Papeete. Les guerriers de Oropa’a tentèrent d’attaquer la pirogue. Toamanava invoqua alors Oro qui ramena la pirogue à Raiatea par la voie des airs, sur le marae Taputaputea. Les prêtres tentèrent un second voyage et abordèrent cette fois à l’embouchure de la Vaitapiha. Ils furent bien accueillis par le roi Taihia et la population de Tautira. En remerciement, ils édifièrent un nouveau marae Taputaputea à partir d’une pierre prise sur le grand marae de Raiatea. Ils préparèrent un endroit pour Oro, sur la montagne, faisant face à Honoura, de l’autre côté de l’embouchure. Cette montagne habitée par Oro fut baptisée Urarahi (la flamme rouge) et on peut toujours y voir, la nuit, des étoiles filantes.

NB : Raiatea est souvent évoquée. « Havai’i ou Hawaiki Nui, puis Raiatea » est selon la tradition orale la première île qu’atteignirent les anciens navigateurs partis du continent asiatique avant d’essaimer dans tous les archipels polynésiens. Le marae Taputapuatea est le père de tous les lieux sacrés de Polynésie. Raiatea est l’île « sacrée ».

Hiata de Tahiti

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Dans la vallée sacrée

La vallée sacrée est celle du fleuve Urubamba. En la suivant, on y découvre de magnifiques paysages, des fêtes villageoises, des restes archéologiques. En particulier le village arc-en-ciel de Chincheros, village d’une grande homogénéité, puis les salines pré-incas de Maras.

Ollantaytambo est un petit village indien installé au milieu de ruines précolombiennes. La forteresse  qui domine le village  a été bâtie à l’apogée de l’Empire Inca ; elle  est installée au sommet d’un escarpement surveillant l’entrée nord-ouest de la vallée sacrée. C’était un grand temple où les derniers souverains incas venaient peut-être de temps à autre avec la cour et les dignitaires. Un centre thermal ou un lieu sacré ? Les « magasins », accrochés au roc et adossés les uns aux autres étaient des constructions allongées et quadrangulaires, dotées de nombreuses fenêtres et devaient être coiffées d’un toit. Probablement des réserves pour denrées alimentaires.

A Pisac, c’est dimanche, jour de marché ! Après Machu Picchu, Pisac est le site archéologique inca le plus complet. On y voit plusieurs séries de terrasses agricoles, des habitations, des entrepôts défendus par des tours et forteresses. Le groupe monolithique qui domine l’ensemble serait un intihuatana (endroit où l’on attache le soleil). Ce quartier sacré aurait servi d’observatoire astronomique. Les constructions sont protégées par une enceinte et disposées sur trois terrasses. Les plus remarquables sont le temple du Soleil qui renferme un calendrier solaire et le temple de la Lune aux grandes portes en forme de trapèze. La vue depuis l’Intihuatana est splendide.

Les terrasses cultivées sont une des caractéristiques du monde inca dont l’économie reposait essentiellement sur l’agriculture. C’est probablement aux Huaris et à d’autres cultures plus ancienne que les Incas ont emprunté les techniques d’irrigation et de drainage des terrasses cultivées qui leur ont permis d’asseoir leur puissance économique sur les produits  de la terre. Parmi les quelques 40 plantes cultivées par les Incas dans leurs champs, citons : la pomme de terre, le maïs, les haricots, le manioc, l’arachide, le poivron, la tomate, le cacao, le riz de montagne, la courge, produits consommés régulièrement !

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