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Temps de steppe

Heureusement le beau temps se confirme, le soleil donne et les chevaux sont heureux. La lumière fait qu’il nous semble marcher ailleurs que là où nous avons mis nos sabots hier. La pause a lieu au soleil devant un panorama de collines herbues et arborées, les trois yourtes aux Français toutes petites sur l’étendue. Juste derrière nous se dresse le bois où nous avons déjeuné dans un froid de canard, proche du « lac de l’étrier ».

La grimpée d’hier dans la forêt se transforme aujourd’hui en grande descente à cheval, pénible aux genoux car les pieds sont tendus sur les étriers pour compenser la pente. Suit la longue vallée « de l’étalon blanc ». A son ouverture est établi le camp de yourtes d’avant-hier, où nous nous arrêtons pour camper à nouveau et rendre les yaks.

Le soleil est arrivé avant nous et les petits enfants ont quitté leurs lourds vêtements pour courir tout joyeux en tee-shirts légers. Ils jouent comme des fous avec le ballon de Tserendorj. La belle lumière au soleil descendant dore les visages et fait ressortir leur teint fleuri.

Le dîner est cette fois préparé par les chauffeurs. Les cuisinières ont quand même rajouté des sushis de riz aux feuilles d’algue. Ils ont eu tout le temps puisqu’ils n’ont pas conduit hier et aujourd’hui. Il s’agit du plat typique de la steppe, le ragoût mongol. Le mouton inévitable est cuit au bouillon avec quelques herbes sauvages et légumes. L’originalité consiste dans le mode de cuisson : on jette dans la marmite des pierres chauffées au rouge. Avec ce procédé, la viande est cuite à point en toutes parties du plat, sans brûler. Elle est tendre et grasse. L’usage veut que les convives se saisissent en premier lieu des pierres grasses et les fassent passer alternativement dans ses mains. Cela défatigue et masse les paumes tout en les graissant bien. On mange ensuite la viande avec les doigts. Les légumes sont très rares et ne servent que de bouquet garni.

Celui qui tombe sur l’une des deux omoplates se doit de la gratter soigneusement. Elle servira en effet à la divination. Débarrassée de toute parcelle de viande, celui qui interroge la présentera à la flamme nue d’un feu en pensant intensément au problème qu’il doit résoudre. Le scapulomancien interprétera alors les craquelures produites sur l’os par la chaleur du feu et répondra à la question. Nul ne s’y essaie… Veut-on vraiment savoir ce qui nous attend ?

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Steppe uniforme

Lever tard, ce matin – nous avons tout le temps de revenir du pays des songes. Il fait beau et le lac resplendit dans son écrin de montagnes sous la neige. Seul devant la tente, je pourrais être quelque part au Canada. Le petit-déjeuner attend ceux qui le veulent au soleil, sur un tapis. Café, biscuits, fromage Kiri venu de France et jus de szobi. C’est ce qui est écrit sur la briquette. En tout petit, on peut lire qu’il a été produit en Hongrie et que sa traduction signifie « orange » (freudiens s’abstenir !). L’un d’entre nous est le dernier levé et quelqu’un déclare : « il prendra le yak de 11 h ».

Tserendorj – 14  ans – est joyeux et déchaîné, ce matin. En pleine enfance encore, il lutte avec Gawa comme hier midi avec l’une des cuisinières de 18 ans. Celle-ci a bien failli le faire tomber et il n’a eu le dessus que tout juste, le tee-shirt à moitié défait dans la bataille. Aujourd’hui, il laisse voir ses reins brunis et son ventre à la musculature de sumo, épaisse et peu dessinée mais très dense. Il suffit de lui toucher l’épaule pour reconnaître qu’il n’y a rien de mou dans cette fin d’enfance nourrie de viande sauvage.

Les autres, levés plus tôt en communauté (ils ont tous mis leur tente au même endroit humide), sont partis gravir la pente sous la forêt. Grégaires comme une harde de chevaux, ils se sont tous levés et promenés en même temps. On compte les individualistes, dont je suis. A une vingtaine de minutes de là ils pourront voir le lac dans toute son étendue. Il est en croissant de lune et nous avons campé près de l’une de ses cornes, sur la rive dont le gravier est en pouzzolane rouge et noire. Je n’y suis pas allé car j’étais confortablement couché dans mon duvet, ne me levant que lorsqu’il y a fait trop chaud, le soleil commençant à arder fortement vers les 11 h.

Sans surprise, nous reprenons la vallée d’hier. Vu à l’envers, le paysage semble ne pas être le même, c’est toute la différence avec le ciel majoritairement bleu et non plus uniformément gris. Les chevaux broutent les herbes sur le chemin, pas plus pressés que nous le sommes. Ils le savent, ils sont déjà venus plusieurs fois cette saison. Le mien aime à brouter puis à trotter pour rattraper son retard, pilant net sur une nouvelle touffe qui lui plaît. La première fois c’est une surprise, mais l’habitude vient vite. Je lui apprends à se remettre au pas lorsqu’une touffe délicieuse surgit, pour lui laisser les rênes afin qu’il puisse la brouter. Nous nous comprenons. Parfois, il marche droit puis tourne la tête vers une herbe à quelque distance qui lui fait envie. Mais il n’ose pas y aller de lui-même, attendant ma réaction. Si je lui dis « tchou ! » d’un ton sans réplique, il oublie ; sinon, d’un infime mouvement des rênes, je le dirige vers la friandise qu’il va dès lors croquer avec délice.

Le ciel au-dessus de nos têtes est hanté de nuages qui font comme un autre paysage. De petits cumulus blancs et gris se pressent en bancs comme un troupeau moutonnier, allant calmement ou se précipitant suivant la distance à laquelle ils se trouvent du sol. Parfois, lorsque l’horizon terrestre est plat, on dirait que le ciel et le sol sont inversés. L’uniformité de la steppe attire le regard vers les formes dans le ciel. Il s’y passe plus de choses qu’en bas. Le fait d’être à cheval, à trois mètres de l’herbe, sans avoir besoin de regarder où nous mettons les pieds, change de la randonnée habituelle et libère le regard qui peut ainsi errer à sa guise. Dans les vallonnements où nous évoluons, le paysage est plus varié.

Les roches volcaniques d’un gris de pachyderme ou rouge éteint, les conifères et les saules d’un vert sombre, l’herbe jaunie, chantent dans le soleil, contrastant avec le ciel d’un turquoise limpide. Les lacs reflètent cette teinte d’azur liquide. Lorsque le soleil est libre de nuages, il fait chaud à se mettre en tee-shirt ; lorsque les nuages prennent le dessus et que souffle le vent des steppes, il fait froid à endosser l’anorak. Depuis hier, j’ai quand même ôté une couche, mon bonnet et les chaussettes qui me servaient de gants.

Nous pique-niquons au bord du « lac du nombril », plus proche du camp du matin que l’endroit où nous avons pique-niqué hier. Il y a huit lacs différents dans la région. Le soleil fait enlever les vestes mais se lever quelques mouches. Les yaks sont laissés bâtés mais libres, sauf les deux qui emportent le matériel de cuisine et qui sont attachés par les naseaux sensibles. Ils ne bougent pas. Les autres entreprennent un grand tour du lac sans que leurs maîtres, des rustres un tantinet flemmards, ne s’en inquiètent. Nous craignons que les poilus n’aient envie de se baigner avec toutes nos affaires sur le dos, mais cette idée ne semble pas les effleurer aujourd’hui. Les éleveurs iront remettre les bêtes sur le droit chemin bien après que nous ayons levé le camp, mais c’est leur affaire.

Val puis un autre d’entre nous s’essaient à la lutte mongole avec Gawa. La lutte révèle toutes les qualités du chasseur-cavalier : il faut découvrir les points faibles de l’adversaire, savoir attendre le moment propice, puis attaquer par surprise mais avec décision. Pas de coups en force, seulement une adresse musclée. Il faut être très stable sur ses jambes, le centre de gravité le plus bas possible, le poids comptant beaucoup dans la décision. Le déséquilibre s’enclenche mieux quand on pèse quelque peu – ce pourquoi les sumos sont gros. C’est ainsi que Bo, qui s’y essaie aussi, réussit à faire toucher terre à Gawa. Peut-être celui-ci a-t-il laissé gagner le touriste ? L’autre d’entre nous ruse et, en attrapant une jambe, parvient lui aussi à déséquilibrer Gawa. Cette fois, le doute n’est pas permis. L’épais Gawa n’est pas invincible.

L’atmosphère est au beau fixe. Le vin bulgare aide à apprécier le pâté au sanglier, le pâté végétarien et la Vache-qui-Rit qui font partie des réserves venues de France. Le saucisson et terminé depuis longtemps. Pourquoi faut-il donc que le côté maléfique de la Caractérielle en chef reprenne le dessus ? Elle nous entreprend agressivement sur les « cadeaux » que nous devons reconstituer pour les invitations dans les yourtes. Les briquets, stylos, ballons, shampoings et autres accessoires, déjà libéralement donnés ne suffisent pas, il « faut » aussi donner des vêtements, des gourdes et autre matériel. Outre le « pourboire » obligatoire, prélevé le second jour, la contribution volontaire à « l’apéritif » pour tous et les gadgets, n’y a-t-il jamais de fin à donner ? Pourquoi pas, si cela est expliqué et laissé à l’initiative de chacun. Mieux encore, pourquoi ne pas l’inscrire sur la fiche technique que nous recevons pour préparer le voyage, comme cela se fait couramment au Népal ? Mais ce caporalisme culpabilisateur de soûlarde aigrie est insupportable. Au vu de la tête que tirent les autres c’est à ce moment qu’elle se rend compte qu’elle est allée trop loin. Elle se calme, mais le mal est fait. L’ambiance en est gâchée pour le début d’après-midi.

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Sauvagerie mongole

Nous partons enfin sur nos chevaux, au pas pour ne pas distancer les yaks d’accompagnement ni ajouter aux maux de têtes des dipsomanes. Le paysage est de forêt. Nous grimpons dans la montagne sous les frondaisons. Une colline herbue se dresse comme un pectoral de gorille au-dessus d’un lac. Nous montons jusqu’en haut pour jouir de la vue. C’est la première pause. Les chevaux aiment les herbes nouvelles et le pas lent permet de contenter leur envie.

Une demi-heure de pas plus loin, au bas de la pente et entre deux nouveaux lacs, sous les branches épineuses d’un bois de pins, nous nous installons pour le pique-nique. Le vent ne souffle pas mais il fait froid et cela aiguise notre faim. Le jambon cru sous blister et la Vache-qui-rit venus de France avec nos bagages sont engloutis en un rien de temps, avant la soupe et l’épaisse gamelle de riz aux accessoires (légumes et viande mélangés). L’usage est pris de faire un feu quand nous n’avons rien d’autre à faire et les plus impatients s’empressent d’aller cueillir du bois mort. Nous prenons le café autour avant d’y brûler les ordures.

Nous reprenons la selle pour avancer un peu plus dans la sauvagerie. Au fond d’une grande vallée sont montées trois yourtes. Nous avons la surprise d’y découvrir deux Français, un père et son fils adolescent, venus ici à pied et à cheval, explorant l’endroit depuis une semaine. Le rituel de la visite en yourte se renouvelle. Assis un peu partout – nous sommes trop nombreux pour que les préséances tiennent – nous faisons tourner la crème, supons le lait de jument fermenté, goûtons l’alcool de vache.

Le qumis est rempli par la maîtresse de maison puis proposé au premier. Celui-ci prend toujours ce qu’on lui donne, boit son content ou trempe seulement les lèvres, puis le redonne à la maîtresse de maison. Elle rafraîchit le bol en rajoutant le breuvage pour qu’il reste toujours plein, avant de le tendre au suivant.

Pour l’arkhi, délégation est donnée à l’Alcoolique en chef, qui a l’air d’être bien connue pour sa descente dans la steppe. Elle sert le verre et celui qui en veut doit venir s’agenouiller devant elle (ce qui, bêtement, la réjouit) pour prendre l’alcool de la main droite, le coude droit soutenu par la main gauche. Il est impoli de procéder autrement.

Nous reprenons nos bonnes bêtes pour une heure. Le campement a lieu au bord d’un nouveau lac appelé Schireet Nuur, « le lac de l’autel ». Le vent s’est levé depuis le déjeuner et souffle très fort. Il tombera, comme chaque jour, avec le soleil – mais pour le moment il nous frigorifie plutôt. Les chevaux en ont assez de la journée et sont heureux de pâturer parmi les herbes du marais en bord de lac.

Un yak trouve que la température de l’eau lui convient et va faire quelques brasses. Gawa, en bon lourdaud, lui jette des pierres pour le faire refluer vers la rive, ce qui ne fait qu’inciter la vache à entrer plus avant dans l’eau, au grand dam des affaires qu’il porte sur son dos ! Heureusement, il ne s’agit pour celui-là que des sacs de tentes. La nôtre sera partiellement mouillée mais, montée tôt, elle sèchera vite au vent et au restant de soleil.

La lumière est fort belle, le ciel très clair et l’air transparent de l’altitude est nettoyé un peu plus par le vent. Les montagnes en face sont couvertes de neige tandis que la forêt, en premier plan, dresse les cimes pointues de ses résineux. Nous sommes dans un endroit sauvage, le plus sauvage du trek. Nous ne voyons ni n’entendons de loups, mais c’est tout juste. Peut-être parce que la nuit n’est pas encore tombée…

Un grand feu de camp au bord de l’eau, après dîner, permet de digérer les nouilles au mouton.

S’élève à nouveau le répertoire classique des chansons que tout Français est sensé connaître, au moins de réputation. L’un d’entre nous, d’origine maghrébine, est en ce sens plus Français que les Français, mangeant du saucisson et buvant sec, connaissant presque tout Brassens, les « tchick ! ah ! tchick ! » de mise au rugby et autres fêtardises. Il craignait d’avoir très froid cette nuit mais, en faisant mon troisième sac, j’ai retrouvé un surduvet que je lui prête. Cette couche d’isolation supplémentaire aura raison de ses tremblements et il passera une nuit de bébé.

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La région des lacs mongols

Les enyourtés ont bien dormi. Ils ont été cinq à choisir la yourte du russo-mongol plutôt que la tente. Malgré ses angoisses de minet, Francis avoue qu’il ne s’est rien passé.

Ce matin, l’herbe est givrée, il a fait sous zéro durant la nuit. Quand je vais satisfaire un besoin naturel au réveil, deux yaks s’avancent vers moi d’un pas décidé. Que me veulent-ils ? Est-ce que j’empiète sur un territoire qu’ils veulent se réserver ? Je n’y suis pas, ils veulent simplement lécher l’urine qui leur est, semble-t-il, un régal ! Ils ont besoin de sel. Ils ont brouté en grognant tout autour des tentes, la nuit, et Bo les imite parfaitement au petit-déjeuner.

Sur nos chevaux au départ, il fait très froid, il tombe même un peu de grésil en route. Les chevaux veulent se réchauffer et pressent l’allure. Nous prenons la vallée « de l’étalon blanc », Tsagaan Azarga. Le paysage se modifie encore, la forêt s’y confirme. Nous passons même en plein dedans, d’abord à cheval, puis à pied en tirant l’animal par la longe. Le mien, qui est gourmand, est avide de toutes les plantes nouvelles qu’il n’a pas l’occasion de goûter dans la steppe. Il avise les tendres feuilles du framboisier naturel, les herbes drues qui poussent entre les rochers du sentier, les branches d’arbustes, les plants de carotte sauvage. Je le laisse goûter à tout cela, il en est tellement friand. Mais, si je l’écoutais, il passerait sa matinée à bâfrer et il faut avancer. Les Mongols ne laissent d’ailleurs que rarement brouter leurs chevaux durant la course, cela les rendrait plus lents. Ils ne sont autorisés à manger qu’à l’étape, la longe étant attachée au pommeau de la selle lors des haltes pour ne pas qu’ils puissent allonger le cou jusqu’aux herbes. Certains, plus astucieux, se couchent alors sur leur pattes de devant ou laissent carrément tomber sur le ventre pour brouter quand même !

La forêt a pris déjà les couleurs de l’automne. Les feuilles ont cette teinte jaune orangé qui illumine les paysages russes. Le sous-bois en est tout éclairé et comme joyeux malgré le ciel gris. A certains moments, à marcher à la longe parmi les rochers de granit gris affleurant, le bois plus clairsemé, l’air humide qui change de la sécheresse des plaines, je me crois revenu dans une forêt d’Ile-de-France au temps des scouts. Il y avait cette fraîcheur de l’air, cette vie pourrissante et germinative alentour, tandis que les gamins dont j’étais responsable gambadaient comme de jeunes poulains lâchés dans la nature.

La route d’aujourd’hui est plus vallonnée. Nous abordons un premier lac qui ne se forme qu’au printemps. Il n’est que marais en ce moment. Le pique-nique a cependant lieu entre deux voitures entre lesquelles les Mongols ont tendu une bâche pour nous abriter de la neige qui tombe à nouveau sur le paysage. Puis le temps s’éclaircit. Les conserves de poisson russes et les cornichons malassol nous requinquent, de même que la soupe chaude et le riz garni du sempiternel mouton. Sept sur neuf sont quand même malades dans le groupe, Gawa compris. Ils ont fièvre et courante. J’y échappe pour le moment, je ne sais trop pourquoi, peut-être parce que je me nettoie les mains avant chaque repas au gel désinfectant. Les chevaux sont de braves bêtes mais leurs bactéries ne sont pas les nôtres. Mais je bois la même eau que les autres et mange les mêmes choses.

Ma monture est toujours aussi facile, trottant et obéissant sans problème. Il n’y a que le galop qu’elle n’aime pas trop prendre. C’est un cheval un peu âgé, me dit Cruella qui le connaît des années précédentes. Il est plus calme et plus obéissant mais aussi moins disposé à courir. Le trot lui convient parfaitement, mais moins à mes fesses éprouvées par le premier canasson. J’ai quand même, grâce aux conseils des cavalières avancées, réussi à trouver quelques positions de base qui me sont naturelles à défaut d’être dans les règles. Je n’ai pas de courbatures, sauf les jambes un peu raides après un long trot.

Nous arrivons le soir au camp de yourtes d’un éleveur de yaks. Ceux qui ont froid faute de matériel adapté pourront squatter le feutre comme hier soir. Nous voyons le camp de très loin. Les tout-terrains y sont déjà arrêtés mais nous devons faire le tour du lac à cheval avant d’y parvenir. Le mien doit avoir fait le chemin plusieurs fois, comme la majorité des autres, car il s’excite toujours aux endroits prévus pour le galop et dès qu’il aperçoit les camps du soir.

Au crépuscule, les yaks qui ont besoin de sel vont lécher les flancs écumeux des chevaux ; certains se laissent faire, d’autres non. C’est assez étrange de voir ces masses poilues goûter délicatement les formes graciles des doubles poneys mongols. Les yeux brillant au flash leur donnant sur les photos des airs de loup-garou.

Le départ est long et difficile ; le prétexte est qu’il a neigé cette nuit et qu’il fait froid au lever. La vérité est que l’alcool ne rend jamais les petits matins agréables, ni à la chef, ni aux Mongols qui, à son exemple, se laissent aller. Ce contretemps nous permet de réaliser quelques portraits de jeunes enfants des yourtes qui jouent, toute joie dehors, au soleil revenu.

Il nous est demandé de scinder nos affaires en trois sacs. Le premier ira sur notre dos, le second sur les yaks, le troisième restera dans une voiture. Là où nous allons, les voitures ne peuvent accéder et nous serons en autonomie complète avec les animaux pendant deux jours. En fait de yaks, ce sont surtout des vaches ou des dzös issus de croisements, mais il y a quand même un vrai yak trapu, bossu et poilu à souhait dans le lot.

Le temps de préparer nos affaires, d’un train d’alcoolique au réveil, le givre sur les tentes disparaît. Nous n’avons rapidement plus rien à faire, qu’à attendre le bon vouloir d’une Biture que « tout fait chier ce matin ».

Nous nous réfugions dans une yourte où la maîtresse de maison nous offre du thé qu’elle râpe d’une brique compacte. Elle jette les fragments dans l’eau qui bout et laisse cuire un moment. Ce n’est que lorsqu’elle retire la bassine du feu qu’elle ajoute du lait, puis un peu de sel au breuvage. Les enfants entrent et sortent, heureux de voir du monde. Il y a deux petites filles jolies et trois garçons.

L’aîné, de quelques années moins âgé, a pris Tserendorj comme son modèle et ne le quitte pas d’une semelle. Le plus jeune est le plus beau. Sa vigueur bien prise dans sa tunique mongole serrée à la taille et agrafée sur l’épaule droite, il fait petit mâle. Il doit avoir dans les huit ans et est le seul du lot à avoir les cheveux châtains clairs. L’heureux homme qui doit être son père a la même chevelure. Son nez long et un peu épaté me fait songer à Alexis enfant.

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