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Ski nordique et sauna en Finlande

Le jour, le skidoo forme la trace dans la neige cristalline. Chacun la suit à skis, à son rythme, en vue des autres mais le plus souvent seul.

L’air est vif, la lumière froide, le silence minéral. Chaque son porte loin et est capté immédiatement par l’oreille, plus attentive dans ce vide. L’envol brutal d’une perdrix des neiges, surgissant d’un buisson, est un choc à chaque fois. Le paysage prend des nuances métalliques sous le soleil le plus souvent voilé. Une forêt, un lac ; une forêt, un lac…

Variété des chemins en forêt, monotonie des lacs où le rythme du corps atteint toute son ampleur, aucun obstacle, aucune montée ni descente ne venant rompre l’effort. Bras en avant, appui sur le bâton de tête, jambe qui glisse sur le ski, puis l’autre bras, l’autre jambe. Ran ! Ran !

Le cœur pulse au rythme de batterie, le sang irrigue avec joie les artères, les poumons s’enflent et se contractent, j’ai le sentiment curieux d’être une sorte de machine, d’actionner mes pistons, de relâcher ma pression, locomotive de chair fumante à l’effort, régulière, obstinée, mécanique. Il y a un plaisir de la machine, depuis le rythme du cœur maternel aux pulsations de la batterie des ados jusqu’à ces exercices physiques ancestraux qui font les abdos dont les jeunes ici sont bien pourvus.

Dans la solitude ambiante, avec le rythme qui irrigue mieux le cerveau et fait chanter les muscles, les pensées vont à leur gré, détachées. Nietzsche le savait : on pense mieux en marchant qu’assis immobile à digérer de lourdes nourritures.

Dans les rares villages que nous traversons, les enfants vont emmitouflés, trapus, la démarche un peu lourde. Un adolescent blond et bouclé, soucieux d’apparence américaine, va, les jambes fuselées sous le jean qui le protège mal du froid, coupe-vent blanc échancré sur un pull noir en V sur le cou, il balance les épaules. Nous croisons quelques adultes aux faces épiques, un gros au nez coupé, un géant aux cheveux et à la barbe fournis en proportion comme un vrai père Noël. Ou encore ce jeune homme roux à face de renard, les pommettes larges et saillantes, les yeux fendus, une large bouche et un nez allongé.

Les petites filles sont ici belles comme des enfants et vigoureuses comme des garçons. Nous ne voyons guère leurs mères, occupées en cuisine ou en courses, ou pour certaines à travailler à la comptabilité. Et nous faisons connaissance avec les rennes. Ils sont bas sur pattes, moins grands que des cerfs. Les mâles arborent cette ramure qui fait leur charme. Les troupeaux sont curieux, ils galopent en horde mais tournent autour de vous pour sentir le vent et avec une vraie curiosité.

Vers le milieu du parcours, nous nous arrêtons dans une cabane pour dormir, au lieu de la tente. L’intérêt est qu’elle a, attenant, un sauna.

Nous faisons comme les locaux : tout nus pour suer dans la chaleur, puis se rouler dans la neige glacée avant de venir nous réchauffer dans le sauna, puis de recommencer. Avec un peu d’aquavit pour nous détendre avant le dîner.

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Barbecue

Lorsque les beaux jours sont établis et que les vacances se terminent, la vie sauvage de la plage se poursuit parfois au jardin. Dans les maisons de campagne ou autour des piscines des villas de banlieue. Les enfants veulent conserver un reste de liberté et les parents l’illusion du cocon familial.

piscine gang de gars

C’est alors que prend place chaque dimanche la cérémonie du barbecue.

Barbecue

Finie la corvée d’oursins ou la pêche mouvementée sur un canot qui tangue. Tous sont gavés de sel et retournent à la viande. Le père, comme il se doit, reprend son rôle de chasseur protecteur. Il s’occupe du feu et de la viande ; sa femme des salades de fruits et des enfants.

Certes, Monsieur ne va chasser le steak qu’au supermarché, l’agrémentant de saucisses et de côtelettes, mais il prend un air préhistorique pour allumer les braises qui attirent les garçonnets, et allumer les appétits de tous dès que se dégage l’odeur de grillé.

Malgré le féminisme d’ambiance, les épouses ou compagnes s’occupent des gosses. En général en troupe d’âge. Les plus petits sont à nourrir avant, sous peine de déboires ultérieurs. La sieste bienvenue laissera les adultes dans un calme relatif. En attendant, pas besoin de vêtements ! Le gamin s’en met partout et adore ça. Le toucher par les mains et la bouche, la matière sur la peau, est ce qui lui convient.

bebe nu s en met partout

Cet atavisme perdure fort longtemps en grandissant. Les petits garçons, au sortir de la voiture qui les a amenés chez les cousins, se mettent en mode vacance : tee-shirt enlevé, pieds nus et culotte déboutonnée. Ainsi à l’aise, ils ne tardent pas à s’asperger d’eau au pistolet ou – mieux ! – de s’enduire le torse et la tête de mousse à raser. Les fillettes se montrent moins, mais les plus jeunes ne portent rien dessous la robe ; pour les adolescentes, seule une culotte peut être devinée, rien en haut comme dans les films des années 70.

bataille torse nu mousse a raser

Quand ce n’est pas le retour à l’âge fécal de Freud, dès le début de l’adolescence. La moindre flaque de boue suffit à rendre les garçons gris d’exubérance. Ils adorent se rouler à poil dans la terre molle, se maculent avec enthousiasme la peau nue d’argile comme maman quand elle se met son masque pour être belle.

boue gamin nu

Mais pas question d’aller ainsi dans la piscine : passage au jet obligatoire. À leur grand bonheur d’ailleurs, tant l’eau et le gamin font bon ménage. Ce sont ensuite des défis, des comparaisons, des exercices.

abdos ado torse nu

Les préados examinent leurs abdos, les ados leurs pectos.

abdos preados

L’un d’eux enlève même le bas pour proposer une partie de ballon dans l’eau. La pudeur des voisins sera sauve tandis que la sensation sera exquise – et fera des émules, par défi. Tout ado est programmé pour tester les limites sociales, et éprouver la force des sensations brutes. Aux adultes de les poser, ces limites, et d’être indulgents pour les transgressions mineures.

ballon nu ado

Avant qu’un autre défi appelle la vigilance : l’alcool. Tout interdit est fait pour être transgressé, mais tout interdit pose les bornes à ne pas franchir. Braver, tester, voir jusqu’où on peut aller – sonder aussi combien les parents et les autres tiennent à eux – tel sont les rôles utiles de l’interdit. Il permet de venir soi, de mesurer sa force, sa résistance, mais aussi l’amour qu’on vous porte.

ado alcoolo

La vie sauvage à la maison résorbe ce que l’appel du large a pu offrir de libertés en tous genres. Le barbecue est cette cérémonie de passage entre la plage et l’école, un rituel de rentrée. De quoi rester nu encore un peu, nourri de gibier et de fruits comme aux temps immémoriaux, avant que les légumes-ragoûts ne reprennent leur place d’hiver.

 

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