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Dans l’ombre, série France 2

Les Américains viennent de voter pour leur présidence ; les Français voteront dans deux ans pour renouveler Emmanuel Macron. France-Télévision associée à la RTBF belge vient de commettre depuis le 30 octobre une série politique en six épisodes de 51 mn chacun passionnants. Ils renouvellent, avec les technologies d’aujourd’hui et le climat de guerre civile froide qui sévit dans notre pays, la mythique série danoise Borgen, une femme au pouvoir, sortie en 2010. En France, la Présidence est le tout ou rien : le programme n’est pas négociable et les candidats s’écharpent pour se distinguer.

La série France 2 reprend un thriller politique écrit en 2011 par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et son conseiller spécial Gilles Boyer. Paul Francoeur (Melvil Poupaud) est candidat pour la droite républicaine et s’oppose au président socialo-écologiste à gauche, et au ministre de l’Intérieur Guillaume Vital (François Raison) à droite – lequel lorgne aussi vers l’extrême-droite de Concorde, parti très représenté dans la police.

Paul Francoeur vient de gagner la primaire à droite – de justesse – malgré les manœuvres informatiques téléguidées par une dangereuse adversaire dans son camp, Marie-France Trémeau (Karin Viard). Malgré un certain bourrage des urnes inexpliqué, Francoeur passe et la flamboyante Trémeau se rallie. Va-t-elle lui mettre des bâtons dans les roues ? Négocier en coulisse avec ses adversaires ? C’est tout l’art des conseillers politiques d’envisager toutes les solutions et de trouver des compromis acceptables pour avancer – comme un ticket commun Président-Premier ministre. César Casalonga (Swann Arlaud) est l’efficace conseiller politique de Francoeur, un ami de 17 ans ; il est flanqué de la directrice de la communication Marilyn (Évelyne Brochu) et du « Major » (Philippe Uchan). Jérémie Caligny (Baptiste Carrion-Weiss) est un jeune homme qui débute en politique et qui rejoint l’équipe par piston, mais qui se révèle spécialiste en informatique, comme sa génération tombée dedans tout petit, donc très utile.

Car la technologie, son usage, ses manipulations, ses facilités, ses risques, sont au cœur de la politique désormais. La série multiplie les références, des smartphones omniprésents aux montres connectées oubliées des réunions confidentielles et aux tablettes piratées, de la machine à voter hackée trois secondes seulement à la voiture autonome connectée qui convoie Paul Francoeur, handicapé des jambes à la suite d’un accident de voiture où sa femme a perdu la vie. « La justice » sur « plaintes » traditionnelles sont impuissantes à réguler la politique, trop loin du terrain technologique et trop lente à se mouvoir. Cela reste du symbolique alors que chacun doit se débrouiller par lui-même pour gagner.

Il s’agit d’une lutte à mort où tous les coups sont permis sous le regard de l’audience télévisée et des réseaux sociaux, même utiliser en sous-main des flics barbouzes ou des militants extrémistes payés pour cambrioler et voler,. Créer des buzz, inventer des petites phrases, asséner des slogans sont l’essence du pouvoir. La transparence ? On en parle, on la pratique uniquement lorsqu’elle sert. Quant à gouverner, c’est laissé pour l’après : « on verra bien ». Le cynisme n’est jamais loin des convictions, et la dureté est omniprésente pour garder la ligne de crête entre compromis et compromission.

Le spectateur assistera à des discours percutants, à des coups bas édifiants, à des agressions verbales ou physiques devenues « la norme » avec la brutalisation apportée par les populismes. Les relations humaines ne sont pas absentes, mais toutes tournées vers l’efficacité de l’action en vue de gagne l’élection. Ainsi la dircom qui couche avec une écrivaine narcissique plus préoccupée de son bon plaisir que de la nomination fait-elle une faute professionnelle – même si la fille livre, grâce à l’un de ses contacts dans le camp extrémiste, un nom crucial pour débusquer la fraude. C’est surtout la machine derrière le candidat qui est décrite, son bouillonnement, ses affres et ses fatigues, ses grandes joies exceptionnelles, jusqu’au verdict – où tout retombe brutalement, laissant un vide.

La série colle au réel mais ne s’y confond pas, au grand dam des petits esprits qui voudraient bien voir s’écrire avant l’heure la belle histoire d’une victoire possible. L’élection a lieu ici en 2025 et pas en 2027, une voiture connectée roule officiellement sans chauffeur, les candidats voient la disparition du président sortant, l’évanescence du centre et des extrêmes pour livrer un duel à la Sarkozy entre un ex-ministre de l’Intérieur et un candidat Républicain ferme et posé. Ce qui n’est pas vraiment le scénario qui se dessine dans la réalité, avec le parti LR en berne.

Swann Arlaud, Melvil Poupaud, Karin Viard, Évelyne Brochu, Baptiste Carrion-Weiss, sont très bons dans leurs rôles respectifs. Poupaud a définitivement quitté son image d’ado attardé, peu sûr de lui et velléitaire. Arlaud joue tout en réserve, avec finesse, son jeu dans l’ombre, où il excelle. La flamboyante Viard, avec sa coiffure à la Hidalgo en blonde, martèle sa fermeté parce qu’elle est une femme. Mais, dit-elle, une femme en France n’est « rien » ; le pouvoir appartient aux hommes.

La leçon de ce récit haletant de conquête du pouvoir est que l’on a beau faire, user de tous les outils, on a beau réfléchir, envisager à chaque fois tous les scénarios, on finit toujours par subir ce qui arrive – et à s’y adapter. La politique, comme l’intelligence, n’est-elle pas l’art de l’adaptation bien plus que celui de la conviction ?

Dans l’ombre, série France 2 en reprise durant un certain temps, avec Swann Arlaud, Melvil Poupaud, Karin Viard, Évelyne Brochu, Philippe Uchan, Sofian Khamme, réalisation Pierre Schoeller et Guillaume Senez

Édouard Philippe et Gilles Boyer, Dans l’ombre, 2011, Livre de poche 2012, 600 pages, €11,14, e-book Kindle €8,49

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Convalescence économique après la grippe Hollande ?

La France a attrapé la grippe avec le virus socialiste, en témoignent les courbes statistiques depuis l’élection de François Hollande. De 2012 à 2014, la croissance n’a jamais dépassé 0.4% par an alors qu’elle a été supérieure à 2% sous Sarkozy, en 2006 et 2007, 2010 et 2011 – sauf le trou 2009 dû à la crise, mais moindre qu’en Allemagne et au Royaume-Uni. L’indice PMI (Purchasing Management Index) qui enquête chaque mois auprès des directeurs d’achat des entreprises (industries et services), montre que la confiance s’est écroulée dès l’arrivée – en fanfare idéologique – du gouvernement Hollande vers la mi-2012, et qu’elle ne s’est toujours pas relevée.

2014 2005 croissance en france insee ravages ideologie hollande

Les moulinets petit bras en faveur de la compétitivité des entreprises (CICE) et d’un « pacte » de responsabilité et solidarité sont arrivés laborieusement et bien tard pour compenser les rodomontades de campagne électorale (taxer les revenus à 75%, mettre au pas les « patrons », augmenter massivement les impôts, inventer de nouvelles taxes, multiplier les normes écologiques et foncières…). Le constat est là : la France depuis mai 2012 stagne, maladive, perdant de la demande par les impôts sur les ménages et de la compétitivité par les entraves idéologiques à l’entreprise et au travail. Notons que c’est plus « le discours » que « le socialisme » qui est responsable de la méfiance de chacun à investir, entreprendre ou embaucher : Lionel Jospin avait su redonner de la confiance, pas Jean-Marc Ayrault ni surtout François Hollande.

L’année 2014 s’est terminée en stagnation (+0.4%) et à inflation zéro, signe que la demande est en panne et que l’investissement ne repart pas.

  1. Les impôts sur les ménages et surtout le chômage pèsent sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation comme sur l’investissement privé dont la composante principale est le logement, effondré en raison de la désastreuse politique Duflot ;
  2. les entreprises n’ont pas les marges suffisantes pour investir et être assez compétitives à l’exportation, en raison des taxes, de la rigidité de l’emploi et de la pression idéologique « contre » les profits ;
  3. le déficit public et la dérive des embauches de fonctionnaires en collectivités locales pèsent sur l’investissement public.

Globalement, l’investissement est en recul de 1.6% sur 2014, dont -5.8% pour les ménages et +0.2% pour les entreprises.

2008 2015 indice pmi composite credit agricole

L’année 2015 pourrait voir une petite embellie, avec une croissance anticipée entre +0.9% et +1.2%. La raison ? Une conjoncture exceptionnelle de baisse du prix du pétrole, de baisse de l’euro et de baisse des taux d’intérêts. Rare conjoncture, attendue comme le Messie par tout ce que la galaxie médiatique compte d’économistes « de gauche » ou « atterrés ». Elle va montrer combien tout le reste va avoir comme effet réel : la politique Hollande, la confiance que son gouvernement est capable de susciter, les frasques du parti socialiste, des frondeurs et autres syriza sur le gâteau. Il est rare de pouvoir expérimenter une potion économique « toutes choses égales par ailleurs ». Or le pétrole, la devise et le coût d’emprunt sont au plus bas : les immenses bienfaits de la politique socialiste menée devraient donc éclater aux yeux de tous… si c’est la bonne.

Malheureusement, la France part avec quelques handicaps :

  • Le chômage est à un niveau suffisamment élevé, et depuis suffisamment longtemps, pour que l’employabilité des écartés de l’emploi soit compromise ; il ne devrait se résorber, en cas de croissance retrouvée, que lentement et difficilement. 2017 est trop près pour que François Hollande et le parti socialiste en profitent politiquement.
  • Le déficit public ne se résorbe que sous la menace des sanctions européennes, nos politiciens comme à l’école attendent de voir gronder la maitresse pour cesser de chahuter et se mettre au travail avec sérieux (ce pourquoi Macron est populaire, plus que l’histrion Mélenchon ou le matamore Montebourg). Or un déficit persistant signifie des impôts élevés persistants, qui pèseront longtemps sur la demande et sur l’investissement.
  • Les entreprises le savent, qui n’embauchent en France que le minimum indispensable, n’investissent qu’à peine en raison des coûts élevés de production (pas seulement des salaires) et préfèrent, lorsqu’elles ont les moyens, soit investir à l’étranger (les entreprises du CAC40 investissent plus dans le monde qu’en France même), soit distribuer des dividendes à leurs actionnaires – faute de rentabilité de l’investissement en France même.
  • L’incapacité aux réformes d’un gouvernement sans cap long terme et sans majorité pour les faire. Le psychodrame de la « loi Macron », catalogue de bonnes intentions présenté comme « crucial », a montré combien les conservatismes à gauche étaient criants (surtout ne rien changer !) et combien l’UMP restait sectaire (surtout ne pas voter une loi qui va dans le bon sens !). L’opinion, qui soutenait massivement cette loi selon les sondages, ne peut que vomir ces petits corporatismes, ces poses théâtrales de congrès, cette immaturité parlementaire. Elle est de plus en plus persuadée que seul un Matamore maniant la trique (un Le Pen plus qu’un Valls avec le 49-3 ?) peut transgresser les tabous de vierges effarouchées et les sectarismes gauchistes ou notariaux. Dramatiser pour une réformette n’encourage pas non plus l’Europe à faire confiance à cette France légère qui ne sait pas décider, pas changer, pas jouer le jeu collectif européen…

La reprise américaine, même lente, a déjà un effet sur la parité devises (le dollar monte au détriment de l’euro) qui anticipe un effet sur les taux d’intérêts. La France emprunte publiquement autour de 0.50% l’an mais, lorsque l’État américain empruntera à taux plus élevé, en raison de l’inflation qui reprend avec la croissance, notre pays ne pourra plus offrir des rémunérations aussi dérisoires aux investisseurs internationaux. Il se verra obligé soit d’emprunter moins (et de faire des économies budgétaires forcées à court terme), soit de rémunérer plus (et d’augmenter la charge de la dette, aujourd’hui de 45 milliards d’€ par an).

francois hollande hilare

Alors que les réformes structurelles sont indispensables, elles deviennent urgentes. François Hollande a trop attendu, trop hésité, trop peu politique pour aller (comme un De Gaulle, un Mitterrand et même un Giscard) contre sa majorité. Ses technocrates sont restés dans un système scolaire où seuls les mauvais points et les retenues forcent à étudier et à fixer son attention. L’Europe joue ce maître que le président est incapable d’être. Or nous ne réformons pas pour les autres mais pour nous-mêmes, pour échapper au chômage et aux égoïsmes corporatistes qui minent le « pacte républicain » et incitent de plus en plus d’électeurs, écœurés de ces grandes gueules à petits bras, à se replier sur les acquis et à vouloir les réserver aux seuls nationaux.

Il ne faut pas croire que la tactique Hollande pour 2017 est particulièrement subtile ; FH n’est pas FM et ce que réussit hier Mitterrand pourrait ne pas réussir demain à Hollande. Tabler sur un duel au second tour Hollande/Le Pen pour l’emporter « haut la main » est de moins en moins crédible avec les mois qui passent, le chômage et le daechisme qui croissent, chacun faisant l’objet d’incantations rituelles d’une gauche impuissante faute de lucidité sur les faits. Sur deux ans, nous avons vu les électeurs UMP passer à 40% en faveur du Front national ; encore deux ans jusqu’en 2017 et, avec un Sarkozy qui réapparaît comme sa caricature, ce seront peut-être 20% de plus qui basculeront. Les citoyens exaspérés par la gauche (révolutionnaire en blabla et molle en action) comme de la droite (réduite à faire radoter des candidats déjà usés), voudront peut-être tenter l’expérience anti-système.

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