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Ils sont partis…

Exit le Brexit, Britain has gone. Les Anglais et les Gallois ont voté massivement contre, l’Écosse et l’Irlande du nord pour. Au total, 52% pour leave – partir.

Ce référendum était une quadruple erreur :

  1. Politique les craintes court-terme du vote engagent l’avenir long terme d’un pays devenu très moyen dans un monde de plus en plus organisé en grandes entités et menaçant ;
  2. Intérieure le royaume se désunit, Irlandais et Écossais vont avoir l’irrésistible tentation de quitter le navire en train de couler pour se rattacher à l’Europe ;
  3. Économique outre la City qui ne va plus compenser l’euro, les investissements étrangers ne vont plus aller si volontiers dans ce pays qui était en Europe mais qui parle anglais, et les entreprises britanniques vont avoir plus de mal à exporter… si elles n’obéissent pas aux normes européennes décidées désormais sans elles ;
  4. Symbolique c’est placer les îles britannique en-dehors du continent européen et montrer au monde entier qu’un Anglais est une sorte de Martien.

carte union europeenne sans uk

Mais ce référendum a eu lieu et il s’impose. Il faut donc comprendre pourquoi les gens ont voté pour sortir et ce qui pourrait en advenir chez nous.

Les arguments en faveur de la sortie ont été nombreux mais se résument assez bien en un seul : garder du pouvoir citoyen sur le cours des choses. Les électeurs britanniques ont eu en effet de plus en plus l’impression qu’une entité anonyme et protéiforme (Bruxelles ») tendait à leur imposer de plus en plus de normes, d’exigences et de quotas sans qu’ils n’aient jamais leur mot à dire. Or l’institution du Parlement anglais est l’une des plus anciennes en Europe avec la scandinave (héritage viking) et la française (contre l’absolutisme royal).

Les Britanniques étaient restés volontairement en retrait de la construction en chantier permanent de l’Europe : ils n’étaient ni dans l’euro, ni dans Schengen, ni dans la politique de justice et de sécurité, ni dans le mécanisme de secours financier aux pays en difficulté. Mais le peu qu’ils ressentent de la politique économique et commerciale, l’inflation des normes et des directives, leur ont donné l’impression d’être dépossédés de leur souveraineté. Ce qu’ils ont toujours combattu, l’impérialisme hard du continent (Philippe II, Louis XIV, Napoléon, Hitler), semble revenir sous la forme soft d’une bureaucratie anonyme et éloignée, proliférante et inefficace, non représentative et peu contrôlée.

L’Europe s’est montrée indigente dans le traitement de la crise grecque, inefficace en termes de croissance économique depuis 2008, chaotique devant l’afflux migratoire, inepte en négociant avec la Turquie. La relance des négociations d’adhésion avec ce pays de près de 80 millions d’habitants à 98% musulmans et avides d’aller travailler ailleurs a certainement joué un grand rôle dans la décision des citoyens britanniques. Merkel a joué solo – il est vrai devant l’abyssale absence et au désintérêt crasse d’un François Hollande préoccupé uniquement du très court terme et des petits arrangements pour être réélu. Mais au vu de l’inanité des sondages et des médias sur la prévision du vote, trop centrés sur les élites et le politiquement convenable, nul doute que toutes les élections à venir ne doivent réserver des surprises ! Les rempileurs de la politique devraient se méfier des urnes…

francois hollande content de lui

L’argument démocratique et antibureaucratique doit poser question à l’ensemble des pays européens, de plus en plus tentés par le repli sur eux-mêmes et observant avec intérêt comment va se passer le divorce. Déjà un néerlandais et une française réclament un référendum sur le sujet ; pourraient suivre Danois, Suédois, Tchèques et Autrichiens. Et pourquoi pas l’Allemagne ? Elle serait bien tentée de reprendre sa pleine et entière souveraineté pour se débarrasser des « parasites » du sud, incapables de se réformer et à la morale politique trop laxiste (France incluse, qui fait rempiler des Balkany après avoir juré, après le désastre des Européennes, combien tout devait changer…)

Le monde se globalise et devient moins sûr. La raison voudrait que l’union fasse la force, mais la réalité montre qu’elle la dilue dans les petits arrangements égoïstes. Dès lors, pourquoi ne pas reprendre la main ? L’emploi, le régime du travail, les normes sanitaires, l’environnement, doivent-ils dépendre des lobbies des grandes entreprises à Bruxelles ? De l’intérêt démographique allemand pour l’immigration ? De la passoire Schengen ?

Les gens veulent une sécurité, même s’ils acceptent la flexibilité. L’État-providence ne peut pas tout pour tout le monde, notamment lorsque le flot des réfugiés et des immigrés économiques explose. C’est que ce les Anglais ont clairement dit ; c’est valable pour tous les États. Ils ne sont pas contre l’immigration mais ils veulent la choisir (préférant curieusement des Pakistanais du Commonwealth aux Hongrois ou Polonais de l’Union européenne…) – et surtout pas de quotas obligatoires imposés par Bruxelles ! L’Europe semble un bateau ivre où la technocratie décide sans contrepartie, où la démocratie est réduite à des votes séparés de partis nationaux pour un grand foutoir réuni à Bruxelles ou Strasbourg, et où le constant blabla n’aboutit pas à grand-chose.

Pragmatiques, les Britannique ont dit NON : démocratie d’abord – pour le reste on discute. Comme les Suisses, les Norvégiens et les Islandais.

Les prochaines élections, en Espagne, en Allemagne, en France, vont porter sur ce thème unique : comment JE décide, MOI, en tant que citoyen sur les sujets qui me touchent personnellement. La question va être de réformer l’Union européenne pour que les citoyens participent aux décisions plus que des fonctionnaires non élus. Allons-nous aller vers un État fédéral à quelques-uns ou vers une Fédération d’États ? That is the question.

En France, ce ne sont pas les grands discours de l’Agité ou du Normal, ni le flou lénifiant du Favori des sondages, ni les yakas des histrions aux extrêmes, qui vont enthousiasmer. Il y aura certes les disciplines de partis, les votants godillots, les abêtis de la horde qui vont voter comme toujours et conforter les habitudes acquises – mais il y aura aussi de plus en plus de trublions, de marginaux, d’exaspérés, qui vont voter « autrement » exprès, pour dynamiter ces Contents-d’eux de plus en plus menteurs, déconnectés des « vrais gens », et de moins en moins efficaces.

Avis ! Les Anglais ont tranché le nœud gordien, ils ont donné l’exemple, pour le meilleur : la démocratie participative chez eux – et le pire : le chaos de la désunion en Europe.

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A Noël dans l’île de la Cité

La Cité est un État dans l’État à Paris, un quartier préservé au cœur même de la Ville. Contrairement à Londres, la Cité n’est pas la City financière, mais le lieu du droit et de la religion.

noel a paris rue st louis en l ile

La rue Saint-Louis-en-l’Île, qui la traverse de part en part, garde une atmosphère quasi médiévale, surtout en hiver, lorsque la nuit tombe tôt et que les boutiques s’allument.

bistrot a paris rue st louis en l ile

Rien que le bistrot fait envie par son atmosphère quiète, toute de cuivre, de verre et de bois.

boucherie a paris rue st louis en l ile

La boucherie ferait presque aimer le bœuf, malgré les hormones, la vache folle et les injonctions morales des écolos sur le méthane.

charcuterie a paris rue st louis en l ile

La charcuterie, d’où sortent de savoureuses odeurs de cochon cuit, rappelle que la France n’est pas encore un pays musulman. Faudra-t-il, pour cause de politiquement correct et ne pas « choquer » les religions susceptibles, vendre bientôt le cochon sous le manteau – comme l’alcool au Pakistan ?

confiserie a paris rue st louis en l ile

Noël est le temps de la confiserie, dont quelques boutiques offrent le choix.

noel berthillon a paris rue st louis en l ile

Berthillon le glacier fait de nombreuses affaires, même en dehors de l’été. Les amateurs cherchent plus le goût du fruit et la légèreté en fin de repas que le froid sur la langue, après les agapes chargées de Noël.

restaurant a paris rue st louis en l ile

Le restaurant est prêt, les tables installées attendant les pratiques.

creche de noel a paris rue st louis en l ile

Une discrète crèche de Noël, dans une vitrine, évoque les traditions. Oui, la France est surtout un pays chrétien, dans sa longue histoire. Nous ne sommes pas Américains, pot mélangé de diverses provenances (après éradication des Indiens). Que les bobos mondialisés se le disent : ils ne font pas la Loi ; qu’ils se haïssent eux-mêmes de leur insignifiance : c’est leur croix. Pour le reste, les Français aiment le bon vivre avec Rabelais autant que vivre à propos avec Montaigne.

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Martin Amis, London Fields

martin amis london fields
Dès les premières pages, l’auteur nous annonce un assassinat et désigne l’assassin. Plus de 700 pages plus tard, l’événement survient. Entre temps, une peinture de la société londonienne qu’il projette à la fin du millénaire, mais une peinture à la truelle, pas au pinceau. Le roman tient plus du pensum que du léger. Il y a un bon tiers de longueurs, des pages carrément chiantes (l’auteur use de cette vulgarité de vocabulaire pour faire « vrai ») – et ce n’est pas de la faute de la traductrice, puisque d’autres pages sont incisives et sèches selon le talent habituel de l’écrivain.

Martin Amis n’aime pas l’allure que prend son siècle ; il le dit et l’amplifie, situant sa fiction dix ans plus tard. Il considère que, malgré l’émancipation des années 60 et 70, le Royaume-Uni reste un pays où les classes sociales restent plus marquées qu’ailleurs et continuent de façonner la société. Il tente (donc ?) de passer outre en peignant (laborieusement) un personnage lower class, amateur de bière, de meufs et de fléchettes, cambrioleur raté détestant tout travail et inapte à la paternité. Pour le contraste, il l’oppose à un banquier de la City, époux papa, chic et littéraire. Entre eux deux, Nicola la pute qui allume le banquier Guy avec le malfrat Keith, tout en offrant à la vulgarité de Keith les fantasmes de la classe de Guy. Vous avez compris ? Pas vraiment, l’auteur non plus.

Il apparaît au fil des pages que l’intrigue est un prétexte à écrire dans l’écriture, à inoculer l’auteur dans ses personnages. London Fields n’a rien de la fraîcheur ni de la décision d’Orange mécanique ; il semble pourtant en être inspiré. Mais Amis se met en scène imaginant des caractères ; ceux-ci prennent leur autonomie et infléchissent la fin prévue, « tuant » l’auteur qui est lui-même assassin. Vous suivez ? Toujours pas ? L’auteur pas vraiment non plus, ce qui fait désordre. Quand il se perd, il s’étend et bavasse, tire des mots pour disserter à mesure qu’ils apparaissent dans l’histoire, en « une tentative d’épuisement » – certes expérimentale comme c’est la mode des milieux zartistiques – mais particulièrement indigeste à suivre : une impasse tout comme souvent l’art contemporain et la musique atonale. Ainsi passent sous le microscope littéraire la pluie, le baiser, les toilettes, les céréales du petit-déjeuner, les culottes, les baby-sitters, la glycérine (si, si !)…

Certains personnages sont réussis, comme le bambin Marmaduke, tyranneau de la première adolescence (2 ans), qui n’hésite pas à mordre au sang, à planter ses doigts dans les yeux et à hurler tant et plus en déchirant ou détruisant tout ce qui passe entre ses mains – le vrai fantasme du bébé garçon pour un mâle anglais. L’auteur avait à cette époque un fils, Louis, qui avait un peu plus d’un an : s’en est-il inspiré ? Tout autre est le bébé fille Kim, battue et brûlée à la cigarette par sa mère, femme du malfrat Keith ; l’auteur en tombe amoureux et la protège. Il avait, dans la vraie vie, une fille inconnue qu’il n’a découverte qu’en fin d’adolescence ; peut-être introduit-il ici sa nostalgie de paternité frustrée ? Réussis aussi sont les types de Noirs chaloupant des milieux interlopes, terrés dans les pubs enfumés à frimer et jouer au billard le jour avant d’aller braquer un appart ou casser une vitre pour l’autoradio le soir, passant le reste de la nuit à taper sur des blondes (pas leur femme, Noire, à qui ils font maints gosses dont ils ne s’occupent jamais).

Mais lorsque l’on a épuisé l’attrait de ces quelques portraits, ne reste au final que le charme trop rare, dans ce roman pour moi raté, des quelques phrases acérées comme la plume Amis sait en tracer. Elles auraient dû constituer le cœur du livre ; elles ne font que surnager sur la bouillie passablement indigeste des 747 pages :

« A mon retour, deux ouvriers à moitié nus, qui mangeaient leurs œufs dures et buvaient de la bière (…) L’un avait seize ou dix-sept ans, mince et bronzé et tout à fait ravi des promesses de sa puissance ; l’autre, le plus âgé, le souffle court, trente ans, les cheveux longs et édenté, était bien détruit comme s’il vieillissait d’un an tous les deux mois » p.123.

« Vierge ! Ah ! ouais. Nicola n’avait encore jamais dit ces mots, même quand elle aurait pu : vingt ans plus tôt [à 13 ans], dans le petit intervalle entre le moment où elle avait découvert ce que cela signifiait et celui où elle avait cessé de l’être » p.312.

« Le triomphalisme revêche de Paris, la fureur et le désespoir de New York, l’audace, style chat et souris, de Rome, le meurtre en haillons du Caire, la longévité de bateau-théâtre de Los Angeles, la captivité industrielle de Bombay ou Delhi… » p.519.

« Ils pénétrèrent dans le pub et son univers bruyant de désirs primitifs, de désirs avoués, chaudement poursuivis et régulièrement gratifiés. (…) Les desiderata comprenaient des biens et des services, du sexe et de la bagarre, de l’argent et davantage de télé, et surtout, en une fatidique synergie, l’alcool et les fléchettes » p.591.

Pour ce genre de phrases, Martin Amis renouvelle La Rochefoucauld ; dommage qu’il fasse moins court.

Martin Amis, London Fields, 1989, Folio 2009, 747 pages, €10.07

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