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Meyer Delabie, Dorison, Undertaker 2 La danse des vautours

La suite du Mangeur d’or, déjà chroniqué sur ce blog (voir plus bas).

Nos héros, l’Undertaker (croque-mort), Miss Prairie et Lin sont bloqués sur le pont de planches. La cavalerie US les a rejoints et veut en savoir plus, les villageois de la mine arrivent en force. Prairie veut accomplir sa mission, jurée à Cusco, propriétaire de la mine en 1865 ; l’Undertaker veut fuir la région ; quant à Lin, elle a promis elle aussi, mais quoi ? Les mineurs, eux, veulent l’or que le cadavre a avalé avant de mourir. Une fièvre de l’or que la puanteur du corps rebute à peine.

Ils tirent sur les soldats et les massacrent. L’Undertaker en profite pour faire couper les cordes du pont. Ils ont gagné six heures, les mineurs devront passer par un autre pont plus loin. Le corbillard avance, cahin-caha, vers sa mission : la mine où le cadavre doit être déposé. Cela se passe mal. Lin est blessée et doit être soignée, d’où retard.

Les mineurs arrivent presque en même temps que le corbillard à la mine. Les trois héros s’échappent en monte-charge. Les mineurs pénètrent dans les ténèbres ; ils sont piégés, une explosion bouche la sortie. Il vont crever de soif, bien fait pour leur avidité. L’or ne nourrit pas.

L’Undertaker se retrouve, blessé, soigné durant trois jours dans un village que la Miss a réussi à atteindre. L’Anglaise est morale, elle tient à ses principes, un brin rigide ; l’homme est sans principes, en dehors des plus grands. Ils vont s’entendre. Elle est amoureuse de lui, et lui d’elle, sans le savoir. Elle fait retaper le corbillard et s’associe. Ils sont prêts pour de nouvelles aventures.

Toujours un beau dessin, expressif et fouillé ; une bonne histoire où l’action ne manque pas, pas plus que l’immoralité foncière de l’humain. A suivre…

BD Ralph Meyer, Caroline Delabie, Xavier Dorison, Untertaker 2 La danse des vautours, 2004, Dargaud 10ème édition 2015, 2025, 54 pages, €17,50, e-book Kindle €9,99

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Meyer, Delabie, Dorison, Untertaker 1 Le mangeur d’or

Cela se passe dans l’Ouest américain , au XIXe siècle. The Undertaker est l’entrepreneur, en général des pompes funèbres. Le gars se déplace en corbillard et le mamamadit veut que cela porte malheur de lui parler. Les gamins le lui disent ; et il leur répond qu’elle a raison. Mais que ceux qui refusent de répondre sont enterrés vivants. Joe Crow sait donc ce qu’il doit savoir.

Le télégraphe l’a mandé pour un enterrement à Anoki City, pour un certain Joe Cusco, « gros » propriétaire d’une mine d’or qui a fait sa fortune. Il y va donc, avec son vautour apprivoisé. Si l’homme mange du porc aux haricots (matin, midi et soir), l’animal ne mange que du steak, à la rigueur de la charogne, mais ça ne s’achète pas chez les commerçants sérieux. Et cela fait des jaloux chez les mineurs sans un flanqué de leurs multiples gosses (en faire reste le seul loisir, le soir).

A Anoki, Joe Cusco le reçoit au poulet rôti, devant sa jeune gouvernante anglaise, sa bonne chinoise et son factotum revenu de la guerre. Il veut un corbillard tout simple et un enterrement rapide. Pour quel cadavre ? Le sien… Mutilé, souffrant, il a en effet décidé d’en finir.

Mais en bon Yankee, avide et égoïste, rien pour les autres. Il s’est fait tout seul, il emportera tout ce qu’il a acquis. Comment ? Le lecteur le saura. L’enterrement ? Dans sa mine fétiche, là où il a découvert son premier filon. Mais n’allez pas le truander, le testament destiné à la Miss est très clair : un otage sera tué lentement par un Indien soudoyé, si le corbillard n’arrive pas en temps et en heure – intact.

Ce serait donc si simple ? C’est sans compter avec la foule, son avidité, son égoïsme, sa bêtise bien yankee du populisme. Il suffit d’un meneur – et un Trompe se présente, le factotum de Cusco, une grande gueule revancharde qui ne se prend pas pour rien. Le shérif est pourri, il suffit de payer ; les armes sont à la boutique, il suffit de les prendre. Le shérif arrête l’Undertaker, la gouvernante et la bonne, mais ceux-ci rusent pour s’évader. C’est facile avec les instincts primaires des Yankees : il suffit de leur montrer une paire de seins nus (avec leur morale puritaine, ils n’ont jamais vu ça). Et c’est la chasse au corbillard.

Celui-ci prend de l’avance, mais sera rattrapé par les chevaux des autres. Tout se joue sur la passerelle de planches branlantes au-dessus du canyon : il suffit de passer, de retarder les cavaliers, puis de couper les cordes. Sauf que ce serait trop simple pour l’histoire. Et le shérif a reconnu sur un avis de recherche un sharpshooter – tireur d’élite de l’Union. La gouvernante, rigide et moralisatrice, met en joue l’Untertaker. Un coup de feu éclate…

Et la suite est dans les tomes suivants, six autres pour ce « plus grand western depuis Blueberry ». Superbement dessiné, dialogues ironiques et scénario à suce panse.

Prix Saint Michel 2015 du meilleur dessin, prix Le Parisien 2015 de la meilleure BD, etc…

BD Ralph Meyer, Caroline Delabie, Xavier Dorison, Untertaker 1-Le mangeur d’or, 2004, Dargaud 10ème édition 2015, 2024, 56 pages, €17,50, e-book Kindle €9,99
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Au cœur de la nuit

Cinq récits fantastiques du film noir anglais d’après-guerre, sur des nouvelles d’H.G. Wells, E.F. Benson, John V. Baines et Angus McPhail. Ils se raccrochent à un sixième récit central qui boucle sur lui-même, l’aventure d’un architecte (Mervyn Johns) convoqué par un ami d’ami (Roland Culver) pour conseiller des travaux d’agrandissement dans un cottage à la campagne.

L’architecte de rend dans sa petite voiture sport au lieu-dit, rencontre l’ami d’ami et ses amis dans un salon où une flambée donne de la chaleur, tout autant que les clopes que chacun se passe à peu près toutes les dix minutes, avant un verre de whisky renouvelé dès qu’il est vide. On n’avait aucun soin de sa santé dans les années quarante… Mais ce n’est pas le propos. L’architecte est « sidéré », terme à la mode désormais de qui n’a jamais rien vu et se trouve stupéfait, engourdi d’intelligence (s’il en avait) et de sensibilité. Il convient ici car tout est comme dans son rêve récurrent, un cauchemar où il reconnaît chaque détail de la maison, chaque personne, chaque événement qui survient. Il prédit la venue d’une femme brune qui n’a jamais le sou, les lunettes cassées du psy de service, l’horreur qui va survenir s’il reste. On le convainc de rester…

Mais son récit engendre aussitôt des Mee too ! de rigueur ! Nul ne veut être en reste et le psy (Frederick Valk) a fort à faire pour tenter d’expliquer rationnellement l’improbable. Et quand il ne sait pas vraiment, il jargonne, comme tout bon psy doté d’un côté charlatan. La psychanalyse est-elle une science ? Ou un art analogue à la médecine ou à la prêtrise ? Au milieu du XXe siècle, après la guerre industrielle et la Bombe, le doute sur la science se fait jour, il est pire aujourd’hui où les « fausses vérités » deviennent « alternatives » pour les gogos prêts à croire n’importe quel braillard du moment qu’il a une grande gueule.

Le pilote de course réchappé d’un accident (Anthony Baird) raconte comment il a vu, une nuit, un chauffeur de corbillard (Miles Malleson) depuis la fenêtre de l’hôpital lui faire signe en lui disant : « il reste une place, Monsieur » ; et lorsqu’il est sorti et a voulu prendre le bus, le contrôleur qui avait la même tête lui a dit la même chose, le faisant reculer. Heureusement, car ledit bus à étage s’est abîmé dans la Tamise par accident peu après. C’est le premier récit.

Il y en aura d’autres : Un conte de Noël, Le miroir hanté, L’histoire du golf, Le ventriloque.

Le conte de Noël est une fête d’enfants dans une maison hanté par un meurtre, celui d’une grande (demi pour la morale)-sœur sur son petit frère Francis. La jeune fille qui le raconte (Sally Ann Howes, 14 ans au tournage) est la première a s’exclamer Mee too ! dans le salon du cottage, après le récit du pilote. Le meneur est un adolescent déguisé en Puck (Michael Allan) qui entraîne tout le monde à jouer à cache-cache. Il a pour objectif de voler un baiser à la jeune fille sous couvert de la recherche. Mais celle-ci, partie dans les combles, en joue, elle l’étourdit et disparaît derrière une porte qu’elle trouve derrière elle. Là, un petit garçon habillé à l’ancienne pleure ; il dit s’appeler Francis et avoir peur que sa demi-sœur ne le tue. Elle le console, le couche et redescend pour se faire découvrir. Mais nul n’a jamais entendu parler d’un gamin dans une chambre. Elle a sauté les siècles pour se retrouver dans l’histoire qui hante la maison !

Le miroir Chippendale du XVIIIe est acheté par une femme (Googie Withers) à son fiancé chez un antiquaire, qui lui apprendra ensuite son histoire dramatique. Il était dans la chambre où son propriétaire, maladivement jaloux, a étranglé sa femme en croyant qu’elle le trompait. Le fiancé d’aujourd’hui (Ralph Michael), qui noue sa cravate devant le miroir, aperçoit derrière lui la chambre initiale, pas la sienne. Il en devient fou – en fait de sexualité refoulée – et manque de réaliser ce que l’autre a fait, jusqu’à ce que la fiancée, résolue et sagace, abatte le miroir d’un coup de chandelier, mettant fin à l’ensorcellement.

Le golf met en scène deux amis de sport (Basil Radford et Naunton Wayne) qui se disputent la même fille et la jouent en une partie. Le gagnant a triché mais l’autre accepte sa défaite et marche vers la rivière jusqu’à se noyer. Il va dès lors hanter le survivant de façon comique et le suivre à six pieds derrière lui (référence au six pieds sous terre de rigueur pour les morts anglo-saxons) jusque dans la chambre à coucher. Il en est possédé jusqu’à en perdre ses moyens – jusqu’à sa disparition finale dans une pirouette inattendue.

Quant au ventriloque (Michael Redgrave), il est dépassé par sa créature de pantin. Son double prend peu à peu sa place dans son esprit et il est seul, apeuré, sans la poupée fétiche. Celle-ci insulte sans vergogne celles et ceux qui ne lui plaisent pas, attire en revanche celui qui le séduit, un autre ventriloque avec qui il voudrait s’associer. C’est tout le subconscient qui se fait jour, l’homosexualité refoulée. Le maître en est devenu esclave, jusqu’à la tentative de meurtre par jalousie, un acte que le conscient n’aurait jamais permis.

Film à sketches avec ses hauts et ses bas, un fil conducteur jusqu’au pied de nez final, ce récit d’épouvante assez rare de névroses obsessionnelles nous laisse aujourd’hui dubitatif et excité. L’Angleterre sortait de la guerre et de ses nuits hantées de la peur des bombardements. Cette catharsis était bienvenue ; elle se regarde encore aujourd’hui, avec plus de distance mais non sans intérêt pour les profondeurs de la psyché.

DVD Au cœur de la nuit (Dead of Night), Cavalcanti, Charles Crochton, Basil Dearden, Robert Hamer, 1945, avec Michael Redgrave, Googie Withers, Mervyn Johns, Basil Radford, Naunton Wayne, Universal Music 2002 VO anglais doublé français, 1h44, €67,04, Blu-ray StudioCanal 2014 en anglais uniquement €14,45 (mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

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Jean-François Marquet, ABC Mer

jean francois marquet abcmer
Quarante mots pour les marins, c’est un peu court, mais alléchant et parfois original. L’auteur, journaliste audio, recycle une émission de Radio France 2011. Une sélection de mots bizarres du vocabulaire maritime est traitée chaque fois sur une page avec le sens commun, une citation, puis le sens marin. Il y a de quoi découvrir.

Ainsi « corbillard » : vous pensez savoir de quoi il s’agit ? A terre, certainement, mais sur l’eau ? Oh, il ne s’agit pas de la mer, cette fois, mais de la rivière : le corbillard était le coche d’eau qui reliait Corbeil à Paris, Corbeil sur l’Essonne.

Original aussi l’origine marine du mot « forban », qui vient de bannir, comme « bandit ». Les forbans sont des aventuriers rejetés des navires, devenus des pirates. Mais leur destin n’était pas écrit dans leur situation, ils auraient pu refaire leur vie ailleurs honnêtement.

On apprend des choses, je vous dis. Mais trop peu : comment embrasser tout l’océan en 40 mots ? D’autant que certaines définitions sont parfois courtes, format minuté de la radio oblige. Par exemple « bord » qui énumère nombre de ce qu’il faut savoir sur le haut bord, le maître à bord et la roulade bord sur bord… mais rien de rien sur bâbord et tribord, pourtant source de confusions et contresens !

Ce petit opus est-il un « livre » ? Non, un divertissement oui, pour passer le temps dans les transports (son format est véritablement « de poche »). Mais un peu cher pour cet usage. Vous serez instruit, mais aussi agacé.

Pourquoi diable l’auteur, qui avoue un « diplôme de lettres modernes » cite-t-il des auteurs anglais pour confirmer le sens des mots français ?! Citer page 11 Stephen King pour « affaler » et page 43 Oscar Wilde pour « estime » est une cuistrerie : c’est le traducteur qui a choisi ces mots, pas l’auteur en langue originale.

Agaçant aussi ces « je cite » avant toute citation. Transposée directement de l’oral radio, cette façon de dire est une ineptie par écrit : les guillemets ou l’italique sont justement là pour ça.

mousse marin

En bref, une publication mais pas vraiment un document, encore moins « un livre ». Sa lecture (qui prend peu de temps) pourra quand même vous divertir, si les mots marins vous intéressent. D’autant que les dessins de Sébastien Léger ont de l’humour, comme « cingler » et « larguer ».

Quant à l’éditeur, malgré la facilité de publier « à tout prix » des noms connus susceptibles de pub dans les médias (le réseau, vous dis-je !), il mérite d’être découvert. J’ai ainsi chroniqué les Mémoires du capitaine Dupont, rescapé de La Méduse, un fort bon livre.

Jean-François Marquet, ABC Mer, 2014, illustré par Sébastien Léger, éditions La Découvrance, 92 pages, €11.00
Le site de l’éditeur
Attachée de presse : Guilaine Depis

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