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Starship Troopers de Paul Verhoeven

Un film de série B avec des acteurs de série B, mais qui est le genre de divertissement grand public dont raffolent les Yankees : discipline de l’armée, sauver le monde, bluette amoureuse, grands badaboums et débauche de munitions pour massacrer d’immondes aliens. Reste que ce n’est pas aussi nul.

L’histoire est tirée du roman Étoiles, garde-à-vous ! (Starship Troopers) de Robert A. Heinlein, paru en 1959. D’infects insectes « arachnides » (qui ressemblent plutôt à des mantes religieuses) partis d’une étoile lointaine envoient vers la Terre des astéroïdes emplis de parasites qui visent à éradiquer toute vie pour s’y installer à la place. Buenos Ayres, paradis du futur, est ainsi pulvérisée. La Fédération mondiale réunie à Genève mandate donc un «Sky marshall » pour élaborer une stratégie… qui échoue. Car c’est toujours la même chose, la stratégie yankee consiste à foncer en masse pour balancer un déluge de feu partout. Sauf que les petites bêtes se terrent dans les trous et ressurgissent là où on ne les attend pas.

Nouvelle stratégie, un peu moins primaire : essayer de comprendre les étrangers. Là, c’est mieux, on recherche « le nid », l’antre de « la reine ». Et « l’opération spéciale » – c’est dit comme ça bien avant le Putin – est enclenchée : la bonne planète, le bon endroit, la bonne tactique. Une planète à la fois, dans l’ordre. La bête, immonde limace à gros yeux multiples et bouche répugnante qui adore sucer les cerveaux des humains, est prise au filet. On va pouvoir « l’étudier » (avec des méthodes de camp nazi, mais la survie humaine est à ce prix).

Voilà pour la trame. S’y greffe une historiette vaguement amoureuse entre amis. Le capitaine de l’équipe de foot (américain) du lycée Johnny (Casper Van Dien) est « sous emprise » à la fois des valeurs patriotiques pour devenir « citoyen », véhiculées par son prof d’histoire et instruction civique (Michael Ironside), et de sa copine du moment Carmen (Denise Richards), bien meilleure en maths que lui. Son père voudrait qu’il intègre Harvard et reste « civil », sans les droits associés aux citoyens mais riche et en vie, alors que lui penche pour s’engager pour baiser Carmen, qui veut devenir pilote de vaisseau spatial. Il n’en a pas les capacités intellectuelles mais peut devenir « trooper », autrement dit biffin dans l’infanterie mobile. Belle gueule, corps d’athlète, il serait le « gendre idéal » s’il était un peu moins bovin. Carmen, qui s’éloigne en raison de sa formation, privilégie très vite sa carrière à son amourette et déclare qu’elle le quitte. La carrosserie musculaire ne suffit pas à son ambition ; elle préfère être en phase avec son coéquipier Zander (Patrick Muldoon), rival de Johnny au foot du lycée, qui a plus de cervelle. Elle masque son cruel égoïsme (tellement yankee) en arborant un sourire de Cadillac découvrant son râtelier étincelant, quasi d’une oreille à l’autre, qui pousse au baiser amoureux.

Dizzy est la fille délaissée, entichée du beau Johnny qui lui a préféré Carmen. Elle s’engage à sa suite et intrigue pour être dans son unité d’entraînement. Elle sait ce qu’elle veut et elle l’obtiendra car elle est forte, déjà en foot au lycée, mais le beau gosse ne le voit pas et elle donnera sa vie pour cela. Carl (Neil Patrick Harris) est l’intello de la bande ; avec Johnny et Carmen, il jure amitié éternelle avant de s’égayer après le lycée. Excellent en maths, il est le savant rationaliste par excellence, qui n’a pas froid aux yeux mais quitte toute humanité lorsqu’il s’agit de science. C’est lui qui déterminera que les aliens ne sont pas uniques et qu’il existe une hiérarchie comme chez les humains : les « scarabées des sables » ouvriers, les « cuirassés » armes incendiaires, les « criquets » appui aérien, les « guerriers » troupes au sol, les « plasmas » lutte antiaérienne et le « cerveau » qui est le général des infects. Il l’étudiera une fois capturé avec des procédés intrusifs. Carl est télépathe, ce qui lui permet à la fois le pire (il sait que la bête est « effrayée » et s’en réjouit) et le meilleur (il suggère à Johnny où se trouve Carmen en danger de mort). Il arbore d’ailleurs un long manteau noir de colonel SS. La hiérarchie des trois est fixée : Carl colonel, Carmen capitaine, Johnny caporal, puis lieutenant faute d’officier.

Les effets spéciaux sont plutôt réussis, notamment l’arrière-train des insectes « plasmas » qui envoient des décharges d’énergie vers le ciel, et les pattes des « guerriers » qui transpercent les poitrines des pauvres humains. A noter que la tactique militaire est lamentable : les soldats en troupeau, sans ordre et trop rapprochés, leur progression dans un canyon sans contrôler les hauteurs, leurs fusils ridicules face à des insectes géants, l’envoi de troupes sans protection aérienne… L’armée est bête, on le savait ; la bêtise est ici portée à son paroxysme.

Mais on l’aura (peut-être) compris, ce film est une caricature qui dénonce l’impérialisme yankee, le militarisme patriotard, la fausse égalité des armes (quand filles et garçons, Noirs et Blancs, prennent leur douche collective tout nu). Verhoeven aime la satire bien lourde pour dénoncer le fascisme partout, même celui américain de la trop bonne conscience. Avouons que ce n’est pas sur le moment, mais avec du recul, que l’on saisit son intention. Ce pourquoi le film n’est pas aussi mauvais qu’il en a l’apparence. Les acteurs trop lisses sont des cases vides qui représentent des « types » : l’athlète trop beau gosse qui fonce mais sans cerveau, l’ambitieuse allumeuse qui sacrifie tout à sa passion, le cerveau rationaliste qui perd tout affect. A chaque fois des humains incomplets. Sans parler des rôles sociaux : les parents intrusifs, le prof manipulateur, le sergent psychopathe, le Sky Marshall imbu de lui-même. Ou des médias : les actualités avec le « voulez-vous en savoir plus ? » à cliquer sur le net.

DVD Starship Troopers, Paul Verhoeven, 1997, avec Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Jake Busey, Michael Ironside, Touchstone Home Video 2001, 2h10, €4,90, Blu-ray €15,61

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Robocop de Paul Verhoeven

Un film violent qui dénonce la violence non sans en jouir, un film satire sur la yankee way of life de la fin des années 80 après la défaite honteuse au Vietnam, les mensonges politiciens de Nixon et l’arrivée de la droite Reagan. Un film noir qui voit l’avenir à la technique et les militaires au pouvoir, dans l’ombre. Cette propension au Complot est toujours présente dans la mentalité puritaine où le Diable reste en embuscade. Voir ce film 37 ans après (je ne l’avais jamais vu) dit plus sur les dérives des États-Unis que sur l’humaine condition.

L’histoire se passe à la fin du XXe siècle, autrement dit une génération plus tard qu’à la sortie en salle. Les États-Unis voient reculer l’État et s’étendre la loi de la jungle. C’est le règne du plus fort, des gangs qui massacrent, pillent et volent (pas de viol encore dans ce genre de cinéma à l’époque), forts de leur pouvoir acquis grâce à l’argent de la drogue. La masse imbécile qui aspire la poudre blanche, est soumise et hébétée, tandis que les grandes entreprises tirent les ficelles en coulisse en vendant des système d’armes. Susciter la violence pour vendre de la sécurité, c’est bien américain.

La planète n’est pas en reste, selon les actualités décrites à la télé de façon lénifiante et rigolarde par un duo de Ken et Barbie à gifler. Quant aux fonctionnaires, notamment de police, ils manquent de moyens (air connu), ne sont pas soutenus par le système judiciaire (air connu), et sont envoyés au casse-pipe comme autant de pov’Russes abrutis. Ils menacent même de faire grève !

Alex Murphy vient d’être affecté dans une brigade des secteurs mal famés de Détroit, ancienne ville automobile en proie aux restructurations et au chômage. Les industriels ont en effet décidé avec cynisme de ne plus investir dans l’industrie traditionnelle, trop chère, mais dans l’armement. Ainsi firent les années Reagan, décentralisant en Asie à tout va pour se concentrer sur ce qui est le plus rentable. Avec sa partenaire Ann Lewis, Murphy est appelé sur un braquage et se lance à la poursuite du gang de Clarence Boddicker.

Ce patron de la pègre à Détroit fait la pluie et le beau temps dans la drogue, les braquages et les contrats juteux main dans la main avec le complexe militaro-industriel de ’OCP, l’Omni Cartel des Produits. Une aciérie désaffectée, en ruines, est le refuge du gang. Les deux flics, qui ne peuvent obtenir de renforts faute de moyens disponibles, décident d’entrer quand même pour « arrêter » les malfrats. Décision inepte au vu de leurs petits pistolets face aux fusil-mitrailleurs du gang. Évidemment les criminels gagnent. Ann Lewis est basculée dans le vide après avoir « menacé » (au lieu de lui tirer dessus) un grand Noir ricanant, mais s’en sort pour être tombée sur du mou. Quant à Murphy, au lieu de tirer dans le tas, il joue les chevaliers de la loi et est capturé et mutilé, chaque membre écrabouillé par balles avant d’être achevé d’une balle dans la tête par le chef Boddicker.

Ann Lewis prévient les secours mais Alex Murphy décède à l’hôpital (on se demande comment il a pu survivre jusque là, sauf pour les besoins du film). C’est le moment pour Bob Morton, ambitieux second de l’OCP, de réaliser son projet tout prêt de robot-flic (RoboCop), un cyborg à demi-humain pour ses capacités d’intelligence, mais à demi-métal pour échapper aux balles des tueurs. Cette combinaison fera respecter les règles. Un pas de plus dans le transformisme, après Rambo qui avait gonflé les muscles pour se venger des petits Viets, Murphy se dote d’une armure pour se venger des petits gangs. Les Yankees ont toujours mal lu la Bible : c’est David qui est le plus fort car intelligent et rusé, pas Goliath l’épais balourd musculeux au cerveau rétréci.

C’est que l’OCP, qui s’occupe de tout à la place des politiciens, veut changer le peuple. Il a pour projet ambitieux de raser Détroit pour établir une Delta City, et d’éradiquer les gangs comme on le fait des cafards pour installer (le temps de la construction) deux millions d’ouvriers. Après… qu’ils aillent voir ailleurs. Ce qui compte est de construire pour faire des bénéfices. Et pour cela vendre de l’armement de sécurité pour dératiser la ville. Un premier projet, présenté au PDG par le directeur Dick Jones (dont on apprendra qu’il est accessoirement le numéro 2 du cartel de la drogue) échoue lamentablement. Le pur robot ED-209, grand comme un yéti et doté d’une tête d’alien avec deux bras armés de mitrailleuses tirant balles ou roquettes, n’a pas obéi aux instructions et le cobaye qui testait sa réaction à un braquage d’arme sur lui a été pulvérisé devant tout le conseil d’administration. Après cette « anicroche », le PDG écoute volontiers Bob Morton et son projet de cyborg Robocop.

Le cobaye étant tout frais grâce au gang, sa mémoire est purgée et son apprentissage accéléré pour faire respecter la loi selon des directives tout droit tirées des trois lois de la robotique d’Isaac Asimov : servir l’intérêt général, protéger les innocents, faire respecter la loi. Y est ajoutée une quatrième directive, secrète. Un exosquelette lui est posé et le voilà prêt pour l’action. Il y réussit fort bien dans son ancien district, arrêtant les malfrats qui croyaient agir en toute impunité, tirant avec une précision inégalée sans aucun état d’âme, au grand dam des crapules qui croyaient s’en sortir avec une otage devant eux. La scène où la balle traverse la jupe de la fille hurlante pour toucher les couilles du bandit est un point Godwin, un instant de jouissance rare dans le film.

Mais des bribes de son passé hantent la mémoire du robot humain. Il se revoit père de famille, adulé par son fils accro aux films violents où le héros fait tourner son flingue par le pouce avant de le remettre dans son étui ; il a le même réflexe. Son ex-partenaire Ann le reconnaît malgré son casque d’acier et lui dit son nom : Murphy. Un malfrat qui braquait une station service reconnaît aussi le Robocop pour l’avoir « tué ». La machine humaine l’arrête, non sans rafales de balles et explosion (que de gaspillage pour faire respecter la loi ! Une seule balle dans le bras droit aurait suffit). Murphy-robot décide donc de partir en chasse pour se venger, en se foutant des directives de l’OCP. Car la loi, c’est bien ; l’efficacité, c’est mieux. Mentalité typique américaine, qui préférera par exemple un gros con mais énergique Trump à une légaliste mais inefficiente Clinton. Car la loi est pour les plus forts, ceux qui ont la plus grosse (arme) et qui pulvérisent tout avant de réfléchir (ce qu’ils ne savent pas faire). C’est ainsi que Dick Jones envoie Boddicker assassiner Bob Morton ; il a eu trop de succès et il l’a « insulté ».

Murphy Robocop arrête successivement tous les membres du gang en allant les chercher où ils sont, mais « les avocats » de Dick Jones les font libérer en un temps record. Robocop va donc s’attaquer directement à Dick Jones dans le building de l’OCP, gardé par un ED-209 que Murphy neutralise parce qu’il est moins con que lui. Mais il ne peut mettre la main sur le directeur car la fameuse Directive n°4 l’inhibe : son programme ne lui permet pas d’arrêter un membre de l’OCP – impunité gratuite des plus forts. La loi, c’est pour les autres. Jones alerte les flics, qui attendent le robot félon dans les sous-sols et l’arrosent comme d’habitude de balles, effet de meute, effet de force : plus ils sont bornés, plus les Américains adorent ça. Écraser tout sur son passage évite de penser à ce qui serait judicieux.

Mais Ann Lewis le sauve et l’emporte dans l’usine désaffectée où le Robocop se répare avec les outils qu’elle lui a apportés. Sa visée est faussée et elle l’aide à la recadrer. En tirant sur des pots de bébé où figure la photo d’un visage d’enfant, le spectateur est assez mal à l’aise, mais c’est voulu : le réalisateur, en gauchiste européen cynique, veut provoquer. Cela montre aussi que Murphy n’a plus guère d’humain, qu’il a été transformé en machine implacable – rêve du capitalisme pour ses ouvriers. Comme il est traçable par puce, Dick Jones charge le gang d’aller le descendre une fois pour toute, à l’aide de fusils anti-matériel qui tirent des roquettes plutôt que des balles. Après quelques belles scènes d’action, tout le monde est descendu, Ann blessée mais vivante et Boddicker achevé à la dague qui sert d’interface au robot : enfin un acte de ruse plutôt qu’une lourdingue application de puissance. Les robots seraient-ils plus intelligents artificiellement que les humains ?

Robocop retourne au siège de l’OCP où il confond le vice-président Dick Jones devant tout le conseil d’administration en passant un enregistrement des vantardises qu’il lui a faites précédemment dans son bureau, notamment d’avoir fait tuer Morton. Jones, acculé, prend le président en otage et le Robocop ne peut tirer car la Directive n°4 continue de l’inhiber. Mais le PDG, qui est au courant de ce blocage, annonce à haute voix à Jones qu’il « est viré ». N’étant plus membre de l’OCP, il peut être descendu, ce que Murphy le robot-flic exécute avec délices (et foin de « la loi » qui exigerait de « l’arrêter »).

Malgré sa charge politique qui lui est probablement passée au-dessus de la tête, le public américain a aimé ce premier film. Il a fait l’objet de plusieurs suites, réunies en trilogie, d’une série télé et d’autres produits dérivés vendables. Les grosses bagnoles, les gros guns, les grosses répliques – en bref tout ce qui est « gros », fort et brutal – séduisent toujours les cerveaux étroits. La violence, outrageante à l’époque, est aujourd’hui banale et, si le film reste « interdit aux moins de 12 ans », les kids en ont vu d’autres. Reste une critique sans nuances du capitalisme de prédation, des liens entre business et politique, des tentations de privatiser tout, y compris la police. On ne s’ennuie pas.

DVD Robocop 1, Paul Verhoeven, 1987, avec Peter Weller, Nancy Allen, Dan O’Herlihy, Ronny Cox, Kurtwood Smith, MGM Home Entertainment 2014, 1h43, €5,99, Blu-ray €16,44

DVD Robocop – La trilogie, €11,80 Blu-ray €19,99

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