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Petit tour dans Bellagio

Je remarque qu’ici les cloches repiquent l’heure entière à la demie, avec un coup de plus d’un autre ton. Dès sept heures, nul ne peut échapper au temps martelé par l’imperium du clergé.

Au petit déjeuner, le guide part comme chaque jour faire quelques courses pour compléter le service de l’hôtel. Il achète des jus de fruit, du müesli, des yaourts et du fromage. La mamma de 72 ans, patronne de l’hôtel, s’active à la machine à café tandis que son mari glande devant le journal et son café. Bien usé, il n’est chargé que de surveiller les entrées le jour et de servir au bar pour les rares touristes qui le réclament, le soir.

Mystère matrimonial du matin, attisé par les airs de conspiration de la patronne qui a susurré au guide à mi-voix ce matin : « vous savez, ils dorment dans la même chambre ! » Renseignements pris, Madame Lapinot a gardé une chambre seule, les deux hommes (le mari et l’amant, pensent les épris de vaudeville) une autre chambre à deux ! Que ne va-t-on pas aussitôt soupçonner ! On se demande – perfidement – si le lit « matrimonial » de rigueur en Italie a été séparé pour eux…

Le bateau ne partant qu’à dix heures, nous avons le temps de faire le tour de Bellagio. Le bourg s’éveille. Il est composé surtout de bars et d’hôtels le long du lac, et de boutiques de souvenirs et d’alimentation fine dans les ruelles. Celles-ci sont en escalier et montent la colline d’où l’on a vite une vue sur l’eau plate et verte et les rives au loin.

Les vitrines aiment à présenter de grands santons religieux ou des Amours presque nus dans toutes les positions, jouent de la musique. Le statut d’enfant, pour les Chrétiens, exonère de toute « mauvaise » pensée ; le corps bébé fait ce qu’il veut et sa chair est celle des anges, pas encore vraiment humaine – traduisez « sexuée ». Les adultes statufiés sont vêtus et boutonnés jusqu’au cou. Les Italiens ont la passion des bambini, de l’Enfant Jésus paganisé, rêve de toutes les mères : en sucre, il est à croquer.

Une commerçante pschitte un produit à l’aide d’une bombe à un demi-mètre du sol, le long de sa vitrine : il doit s’agir d’un répulsif pour chiens pisseurs ou pour mauvais touristes tendance bière.

L’église de Bellagio, du 12ème siècle pour ses parties les plus anciennes, est très sombre. Le clocher a été monté sur une ancienne tour de défense du bourg vers le nord. La notice proposée à l’entrée ne manque pas d’affirmer présomptueusement qu’elle est « l’un des meilleurs exemplaires de l’art Roman-Lombard » !

Saint-Jacques est à la fois organisée et exubérante. Elle offre la rigueur germanique comme le baroque italien, mariés pour le meilleur et pour le pire. Le prêtre officie, entouré de grilles de fer. Chacun sa place, voulue par l’église : les fidèles en vrac dans la nef, le prêtre isolé, surélevé, mis en valeur, les chœurs de part et d’autre de lui pour chanter sa louange (euh… celle de Dieu, mais pour l’Eglise ça revient au même). Devant l’autel, un triptyque peint représente la Madone pâmée de joie ineffable sous l’influence génésique de l’Ange, saint Sébastien nu pâmé de souffrance sous les traits qui le pénètrent bien profond et saint Roch qui jouit de son bubon suppurant.

L’autel dégouline de fioritures et de dorures, les absides sont décorées de mosaïques sur fond d’or. Il faut bien contenter les bigotes d’ici, riches surtout de mauvais goût. En 1657, Saint-Jacques fut instituée canoniquement en paroisse autonome et la famille Sfondrati a obtenu de transformer tout l’intérieur dans le style « de l’époque ». Son décor a été figé en 1904 lorsqu’elle est devenue « monument national ». Un « Christ mort », statufié sous la table de l’autel serait espagnol. La tradition veut qu’il ait appartenu à un édifice hispanique du nord du lac de Côme. Emporté par une crue du fleuve Adda, des pêcheurs l’auraient trouvé flottant sur le lac et l’auraient ramené à Bellagio. Une toile de l’école du Pérugin expose une descente de Croix.

Au sommet de Bellagio se dresse un asilo infantile que je me plais à traduire en « asile d’enfants », même s’il ne s’agit en réalité que d’une crèche. En tout cas, cela piaille là-dedans !

Sur le port, d’où montent d’odorantes bouffées d’eau douce et de mousse, un photographe a piqué en vitrine la photo de chacune des célébrités qui ont traversé un jour la ville, depuis John Kennedy, Président des Etats-Unis, à Gianfranco Fini, récent Président de la République italienne. On peut voir Charlton Heston, Alfred Hitchcock, Rolando (un footeux brésilien), et un musicien nommé… Roberto Mussolini – un joueur de pipeau comme l’autre ?

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Perros-Guirec

Cette petite ville balnéaire de la côte nord de la Bretagne est célèbre depuis deux siècles pour son chaos de rochers en granit rose. Ses quelques sept ou huit mille habitants doublent à la belle saison, lorsque les familles et le troisième âge débarquent pour se promener, jouir du sable, grimper aux rochers, et déguster ses crustacés dans les innombrables restaurants de l’endroit. Le Sentier des douaniers court le long de la côte, sur les landes de Ploumanac’h. Perros vient du breton ‘penn’ qui veut dire cap, et de ‘roz’ qui veut dire colline vers la mer. Quant à Guirec, c’est un saint moine venu d’Angleterre évangéliser les Bretons en débarquant à Ploumanac’h.

La plage de Trestraou, pleine de soleil, permet de jouer le soir au casino ou de voir en saison les expositions au palais des congrès. On y embarque pour visiter les Sept-Îles, remplies d’oiseaux. C’est fou ce que ces fous de Bassan sont agiles, tandis que criaillent les goélands !

La plage battue des vents à Trestrignel a le charme sauvage des rochers encaissés, jusqu’à la pointe du Château. Mais c’est la plage de Saint-Guirec, au bourg de Ploumanac’h, qui intéresse le touriste. C’est là en effet, à l’orée de la promenade dans le chaos de rocs arrondis par les millénaires et les vagues, que s’élève l’oratoire au saint Guirec.

Mais ne contribuez pas à détruire un peu plus la statue de bois, œuvre du sculpteur Yves Hernot en 1904 et déjà restaurée en 1938 ! Une vieille coutume voulait en effet que les jeunes filles piquent une épingle dans le nez du saint : si elle tient, voici un bon présage de mariage.

Dans la ville, le bassin du Linkin est devenu une aire d’activités nautiques. Ce sont les scolaires qui en jouissent durant les mois de travail, et les touristes enfants durant l’été. On peut louer de petits bateaux pour naviguer sur cette mer miniature.

Non loin de là se dresse le musée de l’Histoire et des traditions de Basse-Bretagne, dans la bâtisse qui servait de Capitainerie du Port. Il a été inauguré en 1989 par Pierre-Jakez Hélias, auteur du ‘Cheval d’Orgueil’. Des moulages en cire rappellent surtout le temps de la Révolution, où les paysans et leurs seigneurs entendaient toujours croire en Dieu alors que la République laïque méprisait ce genre de superstition.

Mais c’était là le prétexte idéologique pour condamner ces « arriérés » bretons : la vraie raison était la levée en masse, décrétée depuis Paris sans aucune considération pour les paysans par des bourgeois oisifs ou des artisans des faubourgs ruinés. par la révolution. Les gens des campagnes n’ont pas accepté qu’on ignore leur avis car ils devaient planter, sarcler et récolter pour nourrir leur famille. Ce n’est certes pas « la République » qui allait donner à manger aux enfants ! La paroisse de Perros-Guirec, enclavée dans l’évêché de Tréguier faisait partie du doyenné de Lannion relevant de l’évêché de Dol – et c’était bien compliqué.

Mais la révolte prenait toutes les formes. Depuis la levée des fourches jusqu’aux actes de résistance des femmes ravitaillant les maquis d’ajoncs.

De l’obstiné parler breton jusqu’aux messes en pleine mer, données par les curés réfractaires.

Le visiteur curieux peut visiter aussi la maison du peintre Maurice Denis, nabi et impressionniste, voir le moulin de la Lande du Crac’h de 1727 en granit rose et qui tourne avec le vent, ou encore le parc des sculptures en granit entre la Clarté et Ploumanach. On sera même étonné de trouver ici une église Saint-Jacques, car la ville était (mais oui !) lieu de passage pour la route vers Compostelle. Elle drainait les pèlerins venus de Grande-Bretagne.

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