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Gérald Wittock, 1m976

Ce roman est meilleur que le précédent et premier : on s’améliore en faisant. Il est plus organisé, bien que délirant, mais marrant. Naming et zapping ont été écartés sans ménagement pour raconter une histoire. Elle se lit au galop, au rythme (and blues) de cet auteur belge cosmopolite et multiculti fan de mots et de musique. Car ce roman ne serait pas original s’il n’y avait, entrelacées entre les chapitres, des « chansons » à écouter par scan du code barre placé judicieusement sur la page. Ça fait « pop ! » comme le champagne, ça pétille, d’où le nom de pop roman.

L’histoire est celle d’un garçon de 15 ans vivant dans le Bronx à New York dans ces années 1970 mythiques – car elles sont la jeunesse de l’auteur. On y découvre l’informatique et les jeux vidéo, la baise torride et simple (avec des filles), le délire psychédélique de la Grosse pomme bouillonnante de mafias et de gangs ethniques, le fantasme de nourrir la planète avec de la chair humaine, l’orgueil égoïste des ultra libertariens qui n’ont jamais cessé de dominer l’Amérique, le racisme ordinaire bien ancré, les sectes sexuelles et pédo à la Moon, le jean en velours côtelé et la chemise en polyester – mais l’auteur ne semble pas se souvenir que, dans les années 70, tous les sous-vêtements (petits-bourgeois, prudes et engonçant) étaient bannis : pas plus de « caleçon » sous le jean, que de soutif sous le tee-shirt ou encore de chaussettes (les tongs étaient de rigueur). Colonisé de mœurs et ébloui par l’aura des États-Unis, l’auteur célèbre aussi le sempiternel Coca qui rendra obèse et abrégera l’espérance de vie yankee plus que les armes en vente libre. Il adore détailler minutieusement les caractéristiques de l’ordinateur IBM dernier cri de l’époque, le M16 de précision, les puissantes Transam V8 et les énormes camions chromés au museau de chacal. Il en jubile.

Teddy est trop intelligent pour aller à l’école et sa mère possessive le garde à l’appartement. Il ne sort pas et s’évade en créant des algorithmes pour animer un gros serpent dans un jeu vidéo, travail pour lequel il est payé. Longiligne et pâle, il a la maniaquerie et l’agoraphobie de l’autiste, probablement Asperger. Le réel et le trip s’emmêlent comme les pattes de la Panthère rose. L’ascenseur est la clé qui le fait basculer d’un monde à l’autre. Le groom, qui ressemble au gamin belge Spirou des BD, semble le passeur d’un monde à l’autre. Il se révélera… mais je vous laisse le découvrir. Pop manga, il y a de l’action et des images. Malgré un « avertissement », une dédicace et une (fausse) préface – le tout destiné à des journalistes pressés qui ne lisent jamais les livres dont ils causent, le reste se lit avec plaisir. Ce n’est pas l’œuvre du siècle (peut-être la prochaine fois ?) mais un bon divertissement.

Gérald Wittock, 1m976 – pop roman, 2023, The Melmac Cat, 215 pages, €14,00

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Salon des maths

Dès le jeudi 23 mai à 9 heures, et jusqu’au dimanche 26 mai à 18 heures, se tiendra au cœur de Paris le 20e salon Culture et jeux mathématiques. Il aura lieu place Saint-Sulpice dans le sixième arrondissement. Ce salon est parrainé cette année par Jean-Marie De Koninck, mathématicien québécois reconnu pour ses travaux en théorie des nombres.

70 stands d’animation tous publics et 6 espaces thématiques seront installés sur la place, avec un espace de récréation mathématique qui présentera une exposition interactive et des jeux. Le numérique ne sera pas oublié avec l’espace Imaginary comprendra un FatLab (espace de fabrication avec machines à libre disposition), des logiciels mathématiques et des jeux vidéo – mais pourquoi ne pas parler français ? Le bouffon qui Tromp son monde aurait-il colonisé aussi les esprits mathématiques cartésiens ?.

La recherche sera présente aussi avec le CNRS, Sorbonne université, Paris Diderot, le MMI de Lyon, le FSMP, et le laboratoire Nicolas Oresme de l’université Caen-Normandie.

Les métiers des maths seront présentés par des sociétés savantes, filles et garçons sauront que les mathématiques ouvrent à de nombreux métiers, depuis la recherche la plus abstraite jusqu’aux applications les plus concrètes. Un membre de l’Observatoire de Paris montrera l’intérêt des mathématiques en astronomie, tandis que le stand des jeux de l’esprit présenteront les dames, les échecs, le bridge, le go, l’awalé, etc. Car l’être humain joue toute son existence et ne devient vieux que lorsqu’il cesse de jouer, selon George Bernard Shaw.

Six groupes de collégiens et de lycéens vont faire partager leurs découvertes et leur enthousiasme pour les maths lors d’événements-compétitions. Le spectacle Euromath–Casio, mettra en compétition des équipes de sept personnes de 10 à 18 ans représentant différentes régions de France et du monde. Un tournoi de calcul mental permettra de fêter les 20 ans de Mathador. Un espace jeux mathématiques, historique et énigmatique, autour de Saint-Sulpice sera proposé sous forme de concours. Il y aura également un concours de photos, des jeux et des conférences.

Il faut noter la rencontre avec Éric Jeux, ingénieur polytechnicien, entrepreneur et écrivain pour adolescents. Il ira du jeu vidéo au monde virtuel. Jean-Philippe Aubin de la Maison des mathématiques et de l’informatique à Lyon (MMI) évoquera le hasard, ami ou ennemi. Leili Anvar, maîtresse de conférences franco-iranienne à l’INALCO, évoquera le mathématicien persan, poète et marionnettiste connu dans le monde entier : Omar Khayyâm. Lisa Rougetet, de l’université de Brest, montrera comment mathématique et récréation à travers l’histoire forment une belle équation.

Enfin, un spectacle avec le cas inquiétant du chat de Geluck (La mathématique du chat), sera présenté par Daniel Justin sous le thème : Peut-on faire des maths sans le savoir ? Un autre spectacle burlesque, plus familial, sera présenté par l’association Sciences mathématique en action pour les petits et les grands et s’intitulera Compte sur moi.

Trois soirées exceptionnelles auront lieu, l’une de débats sur l’éducation, les mathématiques et le jeu, la soirée anniversaire du 20e anniversaire du salon, et la soirée cabaret mathématique conduite par Jean-Marie de Koninck, parrain du salon, sur le thème : faire des mathématiques autrement, pourquoi ? et surtout comment ?

Retrouvez tous les renseignements sur www.cjm.org/salon/

Ce salon 2019 est organisé avec la Mairie de Paris.

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Raisonner ou résonner ?

Hier la culture était comme la confiture de grand-mère, un assaisonnement maison de la tartine, une délicatesse de la personnalité. Aujourd’hui ? La culture est comme la confiture industrielle, la préférence pour le « light » et le « bio », l’irraison est élevée au rang des beaux arts.

C’est un professeur de philosophie qui le dit : « Une chose est de constater la présence d’erreurs de jugement, d’incompréhensions, de lacunes dans les connaissances. Ce qu’on observe aujourd’hui est d’une autre nature : il s’agit de l’incapacité des élèves à saisir le sens même du travail qui leur est demandé. (…) Il est devenu impossible de se référer à l’art de construire une problématique et une argumentation pour différencier les copies. » (Eric Deschavanne dans ‘Le Débat’ mai-août 2007). Bien que déjà mûrs – plus qu’avant – à 17 ou 18 ans, bien que possédant une ‘culture’ qui, si elle n’est pas celle des humanités passées, n’en est pas moins réelle, les jeunes gens paraissent dans leur majorité incapables d’exercer leur intelligence avec méthode.

Ils ne raisonnent pas, ils résonnent.

Ne comprenant pas le sujet, ils le réduisent au connu des lieux communs véhiculés par la culture de masse (le net, Facebook, la télé) ; ne connaissant que peu de choses et ne s’intéressant à ‘rien’ d’adulte (surtout ne pas être responsable trop tôt, ne pas s’installer, rester dans le cocon infantile), ils régurgitent le peu de savoir qu’ils ont acquis sans ordre, sans rapport avec le sujet.

Ils n’agissent pas, il réagissent.

Ils ne font pas l’effort d’apprendre, ils « posent des questions ». Leur cerveau frontal, peu sollicité par les images, la musique et les « ambiances » propres à la culture jeune, ne parvient pas à embrayer, laissant la place aux sentiments et aux « émotions ». Ils ont de grandes difficultés avec l’abstraction, l’imagination et la mémorisation, car ce ne sont pas les images animées ni les jeux de rôle, ni le rythme basique et le vocabulaire du rap qui encouragent tout cela… Tout organe non sollicité s’atrophie. On n’argumente pas, on « s’exprime ». On n’écoute pas ce que l’autre peut dire, on est « d’accord » ou « pas d’accord », en bloc et sans pourquoi.

collegien sac ado

Comment s’étonner que l’exercice démocratique d’une élection se réduise, pour le choix d’un candidat, à « pouvoir le sentir » ? Comment s’étonner que l’exercice pédagogique de la dissertation soit abandonné comme « trop dur », au profit de la paraphrase du « commentaire » ? Comment s’étonner que le bac devienne, pour notre époque, ce que fut le certificat d’études jadis, la sanction d’un niveau moyen d’une génération et absolument pas le premier grade des études supérieures ?

Et c’est là que l’on mesure que ce peut avoir d’hypocrite la moraline dégoulinante de bons sentiments des soi-disant progressistes français. Cette expression de Frédéric Nietzsche dans ‘Ecce Homo’ signifie la mièvrerie bien-pensante, l’optimisme béat des croyants en la bonté foncière, les « bons sentiments » qui pavent l’enfer depuis toujours.

Le collège unique pour tous ! La culture générale obligatoire jusqu’à 16 ans ! 80% d’une classe d’âge au bac ! Qu’est-ce que cela signifie réellement, sinon « l’effet de moyenne », cet autre nom de la médiocrité ? Car que croyez-vous qu’il se passe quand la notation des épreuves est réduite à se mettre au niveau des élèves ? Quand l’éducation ne consiste plus qu’à faire de l’animation dans les classes, pour avoir la paix ?

Eh bien, c’est tout simple : la véritable éducation à la vie adulte s’effectue ailleurs. Et c’est là où la « reproduction », chère à Bourdieu et Passeron, revient – et plus qu’avant.

Quels sont les parents qui limitent le Smartphone, la télé, les jeux vidéo et le tropisme facile de la culture de masse ? Pas ceux des banlieues ni les ménages moyens… mais ceux qui ont la capacité à voir plus loin, à financer des cours privés et à inscrire leurs enfants dans des quartiers où puisse jouer le mimétisme social du bon exemple. Mais oui, on tient encore des raisonnements logiques dans les khâgnes et les prépas ; on apprend encore dans les ‘grandes’ écoles, surtout à simuler des situations ; on ingurgite des connaissances lorsqu’il y a concours. Le « crétinisme égalitariste » de l’UNEF, que dénonçait Oliver Duhamel sur France Culture, laisse jouer à plein tous les atouts qui ne sont pas du système : les parents, leurs moyens financiers, leur quartier, leurs relations.

Le fossé se creuse donc entre une élite qui sait manier son intelligence, parce qu’elle a appris à le faire, et une masse de plus en plus amorphe, acculturée et manipulée – laissée par l’école à ses manques. Cette superficialité voulue à tous les niveaux scolaires de la maternelle à l’Université conduit à réduire l’effet ascenseur social qui régnait à l’école d’après-guerre.

Faut-il en incriminer « le capitalisme » ? Allons donc ! Quel bouc émissaire facile pour évacuer l’indigence de la pensée « démocratique » ! Ne trouvez-vous pas étrange que, malgré deux septennats de présidence de gauche, un quinquennat de gouvernement Jospin et un quasi quinquennat de présidence Hollande, malgré la vulgate anti-bourgeoise des intellectuels depuis 1968 – l’égalité des chances n’ait EN RIEN progressé depuis une génération ? Au contraire même.

L’élite d’il y a 1000 ans se maintenait par la force : l’épée, se tenir à cheval, la parentèle. L’élite du 21ème siècle se maintient par l’intelligence : savoir s’adapter, anticiper, trouver des exemples dans le passé et les interpréter pour aujourd’hui, la formation du caractère – et toujours la parentèle (étendue au réseau social).

Ne pas offrir d’exercer l’intelligence est une faute politique et une hypocrisie sociale. Elle réduit l’humain à résonner en chœur, pas à raisonner en adulte citoyen. Certains diront que c’est voulu ; je pense pour ma part qu’il s’agit de lâcheté politique.

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