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Réel déclin économique français

Récemment, j’indiquais combien François Hollande était dans l’impasse :

  • Impasse dans laquelle il s’est mis lui-même, promettant la lune et n’offrant que son pâle reflet, la procrastination en plus. (Je mets le lien avec ce mot compliqué, pour les mal éduqués sortis de l’E.NAtionale).
  • Impasse due au grand écart entre le « socialisme à la française » (resté marxiste en économie, gauchiste dans les mœurs, étatiste en mentalité) – et les réalités du gouvernement d’une France complexe, diverse et ancrée à une Europe bien plus sociale-libérale.

Ce pourquoi Martine Aubry est plus populaire au PS que François Hollande : plus autoritaire, plus à gauche, plus dans la lignée 1981… Mais seuls 46% des Français ont une bonne opinion d’elle.

Ce qu’il faudrait faire – il ne le fait pas :

  • baisser de 15 à 20% les coûts des entreprises (notamment les cotisations sociales obligatoires et le maquis touffu des règlementations et paperasseries),
  • réduire les strates administratives de décision d’État
  • augmenter la productivité des fonctionnaires par une meilleure organisation et des salaires plus incitatifs
  • réformer la fiscalité – comme il l’avait promis.

Ce pourquoi la Commission européenne, après Standard & Poors, dit que la France n’a plus aucune marge de manœuvre. Trop compliqué, trop politiquement sensible, trop près d’une élection. Un peu de socialisme, un peu de réformettes, surtout des promesses de lendemains qui chantent, la ligne bleue 2017 et d’ici là s’efforcer de diviser la droite en attisant l’extrémisme frontiste par des provocations sur les mœurs ou les bananes et l’épouvantail du vote des étrangers, du retour des illégaux expulsés et l’entrée de la Turquie dans l’UE.

pression fiscale france comparee europe

Redisons-le froidement :

  • la croissance ne reviendra ni aussi vite ni aussi fort qu’avant, comme si de rien n’était, les 2% espérés, ce n’est probablement pas avant plusieurs années : la zone euro ne connaît qu’une reprise fragile en raison des difficultés bancaires, des budgets en déséquilibre, du désendettement du secteur privé, de la faiblesse du commerce mondial, de la fragmentation des marchés. Selon l’économiste de Natixis Patrick Artus, avec la tendance des gains de productivité français et les perspectives démographiques, « on parvient à une croissance potentielle comprise entre 0,7 et 1,0% par an selon l’hypothèse prise d’évolution du taux d’emploi. »
  • le déficit public ne sera pas résorbé en quelques années, même avec les deux ans de répit accordés par l’UE : la crise a abaissé le potentiel économique de la France et pour ramener le déficit structurel de 3,3% du PIB en 2013 à 0,5% du PIB en 2017 (pour respecter la Règle d’or), il faudrait le réduire de 0,7 point du PIB par an ; selon Patrick Artus, « si la pression fiscale par rapport au PIB à partir de 2013 reste stable, il faudra alors que les dépenses publiques baissent de 1,2% en valeur et de 5,3% en volume de 2013 à 2017. Un ajustement budgétaire très sévère reste donc à réaliser en France entre 2014 et 2017, bien plus sévère que celui qui a été annoncé. »

pole emploi bureaucratie kafka

  • le chômage ne risque pas de décroître en raison des multiples freins aux embauches et des coûts salariaux élevés : la France a une compétitivité-coût moindre, une profitabilité faible, une rentabilité du capital inférieure à ses voisins ; le défaut des entreprises augmente dans les loisirs, l’automobile, l’immobilier – l’investissement et l’emploi reculent. Quant à la bureaucratie de Pôle emploi, il faut ajouter Courteline à Kafka pour en avoir une faible idée !

salaire horaire industrie france comparee europe

  • les impôts (déjà les plus élevés d’Europe et jamais suffisants pour les besoins publics) tuent toute initiative, annihilent toute volonté, inhibent toute consommation : les entreprises fabriquant des produits peu différenciés souffrent des coûts salariaux plus élevés, les pigeons, les dindons, les Bretons, les poussins et même les cigognes (ces sages-femmes qui manifestent) se révoltent, les retraités dès la classe moyenne commencent à établir leur résidence principale à l’étranger (Maroc et Thaïlande notamment), les étudiants sont de plus en plus nombreux à aller se faire embaucher ailleurs.
  • les investisseurs étrangers l’ont compris, qui diminuent en moyenne leurs investissements en France depuis le début des années 2000 : la situation n’est en apparence pas plus mauvaise que celle de l’Allemagne ou des États-Unis et meilleure que celle de l’Italie – mais hors immobilier et finance, les investissements directs étrangers sont très faibles et en déclin ; ils ne représentent qu’1,1 milliard d’euros en 2013 pour l’industrie manufacturière.

investissements etrangers en france par secteurs

Que fait François Hollande pour corriger tout cela ? Rien, il attend. Il préfère le discours au terrain et se méfie de tous ceux qui créent des richesses (entreprises, professions « libérales » ou finance). D’où sa chute abyssale de popularité, même parmi ses électeurs, jamais vue jusqu’ici.

profits entreprises france comparee europe

Il croit ce qu’il espère – pas ce qu’il voit : « la croissance à 2% » pour bientôt. Il est malheureusement conforté par les œillères des journalistes dont quelques sondages ont révélé le tropisme à 74% « de gauche ». Écouter les seuls « économistes » invités par les journalistes sur les radios nationales, c’est entendre la voix des sirènes : louanges appuyées à la radicalité de gauche, congratulations mutuelles, sophismes et erreurs répétées en boucle (la faute à l’euro trop fort, aux excédents allemands, à la politique du dollar, aux méchants Chinois, aux Irlandais fiscalement habiles – et ainsi de suite).

François Hollande doit tuer le père – ou se suicider politiquement : laisser le socialisme façon Mitterrand ou renoncer à gouverner. Cruel dilemme, dans lequel cet éternel hésitant enclin à la gentille « synthèse » ne peut se résoudre. Il fait donc un peu le socialiste par des « réformes » de mœurs et de gros yeux aux « riches » – mais pas trop, car est « riche » en France qui dépasse la tranche à 14% de l’impôt sur le revenu, soit dans les 3000 € par mois pour une personne seule. Les prélèvements « sociaux » (passés de 13.5% à 15.5%) sont sur TOUS les revenus et touchent d’ailleurs TOUT le monde, même ceux qui ont un revenu annuel sous le seuil de pauvreté : la potion « socialiste » est, dans le réel, pire que celle de droite… Et cela ne se verrait pas dans les urnes ?

Ce pourquoi François Hollande à enfin réagi : ou plutôt son Premier ministre qui annonce que le gouvernement va « remettre à plat » toute la fiscalité française. Ce que je prônais comme seule marge de manœuvre politique possible dans ma dernière note sur l’impasse, citée plus haut. A croire qu’il a des conseillers avisés qui lisent ce blog – ou, plus modestement, que mon intuition politique rencontre l’air du temps. Mais, disons-le, se réjouir qu’un président mette en œuvre ses propres promesses électorales, c’est un comble ! Les paroles sont-elles des actes, comme il le dit si bien à Jérusalem pour l’antisémitisme ?

Hélas, non ! François Hollande vient de « recadrer » Jean-Marc Ayrault : la réforme fiscale se fera à l’horizon du quinquennat, pas tout de suite – autrement dit aux calendes grecques. Peut-on être aussi mauvais en communication ? François Hollande pense-t-il au désastre d’image que cette énième reculade et réticence a dans l’opinion ? Et sur les marchés à qui le gouvernement réclame des prêts chaque mois ? Est-il à la hauteur de sa fonction présidentielle, ou se contente-t-il d’en jouir ?

Autant de douloureuses questions pour la gauche mais surtout pour les Français.

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Perplexité électorale

Nous sommes à trois mois des élections présidentielles, les plus importantes de toute la série d’élections dans le système français. Le Président conduit en effet le paquebot France vers l’avenir, même si le mandat a été réduit à cinq ans sous les Jospin-Chirac. Mais l’électeur lambda reste aujourd’hui indécis, entre no future et résignation. Ces élections sont celles du désenchantement.

L’utopie a été purgée par la primaire socialiste où le peuple-de-gauche a joui de l’illusion du choix présidentiel comme une gamine devant une devanture de pâtisseries. La crise persistante de l’euro et la dégradation toute fraîche de la note française par Standard & Poors ont averti les Français que la réalité les concerne aussi, les fermetures persistantes d’usines prouvent que le monde existe et que la compétitivité française n’est pas ce qu’on croit. D’où ce décalage qui étonne entre les discours des candidats et le monde réel. Nous avons des candidats de routine, chacun reste dans son jeu d’histrion, rameutant sa bande pour casser le voisin, sans se préoccuper du ciel qui se couvre.

  • Alors que la mondialisation montre son inévitable, QUI donne les voies pour s’y adapter au mieux ? Ce ne sont au contraire qu’incantations au protectionnisme, au souverainisme, aux barrières, au repli frileux sur son petit modèle, dans un rêve d’âge d’or qui n’a jamais existé.
  • Alors que l’Europe est le cadre réaliste pour insérer la France dans le monde sans se rapetisser au niveau d’un petit pays sans voix, QUI parle de l’Europe politique ? Ce ne sont au contraire que récriminations sur le Machin (comme disait De Gaulle de l’ONU), sur l’impérialisme budgétaire allemand, sur la cacophonie des 17 ou 27 pays (on ne sait plus trop), sur les sommets « de la dernière chance » qui offrent toujours une autre vie comme dans les jeux vidéo. C’est une Europe-contrainte, une tentation du repli national sur son petit modèle, dans un rêve d’âge d’or qui n’a jamais existé.
  • Alors que la dépense publique française est très forte, à 57% du PIB et que les prélèvements obligatoires à près de 44% du revenu global sont parmi les plus élevés des pays de l’OCDE, QUI parle de réformer l’État obèse, inefficace et mal organisé sur l’exemple de la Suède ? L’économiste Patrick Artus a chiffré en gros à 20% les progrès de productivité du système administratif français par rapport à un panel de pays voisins (L’Express du 19 octobre 2011). QUI parle de la nécessaire et urgente réforme des niveaux administratifs, de la productivité des fonctionnaires, de la simplification des lois et règlements mal rédigés et contradictoires ? Ce ne sont au contraire que danses rituelles pour appeler toujours plus de « moyens », sans qu’il y ait jamais assez de profs, de flics, de juges, de contrôleurs… dont on mesure pourtant l’inefficacité relative avec les 150 000 jeunes qui sortent sans aucun diplôme du système scolaire sur 800 000 chaque année, sur la délinquance jamais réduite, sur la justice entre laxisme et Outreau, sur les scandales sanitaires à répétition malgré la flopée de fonctionnaires fonctionnant en commissions et réunionnant à qui mieux mieux. La droite ne veut rien bouger, la gauche veut reconstituer le fameux « modèle français », dans un rêve d’âge d’or qui n’a jamais existé.
  • Alors que l’économie française, par rapport aux pays qui réussissent comme l’Allemagne, la Suède, la Finlande, la Hollande, est asphyxiée par un corset trop rigide de règlementations qui empêche d’embaucher, un empilement de taxes qui rendent peu claire la gestion efficace et génère une paperasserie dantesque, une fiscalité exclusivement vouée à punir l’entreprise et le travail pour favoriser la consommation et l’hédonisme, QUI parle de la réforme fiscale ? Un seul candidat, mais pas bien fort et pas bien clair. Qui parle des mesures structurelles nécessaires à relancer la croissance tout en permettant un plan de rigueur ? Personne et surtout pas les challengers du président actuel.

Alors, qui choisir ?

Il ne faut pas tomber dans le travers des « propositions », une candidature n’est pas un catalogue de vente où chacun choisit sa tenue de saison en fonction du seyant et des couleurs. La présidentielle française reflète le système monarchique du régime, issu de l’état d’esprit autoritaire de la société. La France est terre de commandement, comme le disait Michel Crozier, et les électeurs veulent un commandant.

L’élection se fait donc sur la personnalité avant tout, ensuite sur l’équipe, et seulement au bout sur les idées directrices d’un programme d’avenir. Faites votre choix…

Nicolas Sarkozy a la légitimité du sortant mais l’usure de l’agité incohérent qu’il s’est montré. Il est énergique, surtout dans les sommets internationaux, mais peu habile en politique intérieure. Il a surtout désacralisé la fonction présidentielle avec ses bonnes femmes, ses propos vulgaires, son népotisme et sa manie de s’occuper de tout. Peut-il être le Sauveur qu’il joue alors que le volontarisme politique a peu de prise sur les trente ans de laxisme et d’inertie économique ? Peut-il unir alors qu’il adore diviser ? Peut-il mettre en œuvre cette politique de l’offre qu’il avait promise et dont il n’a rien commencé, dont la France a plus que les autres besoin et que l’Allemagne a mis dix ans à réussir après la réunification ?

François Hollande a la légitimité du challenger mais la mollesse apparente de qui ne sait pas gérer son équipe, décider sans cafouillages et régner sans cacophonie parlementaire incompatible avec la Vème République ? Que d’erreurs de campagne ! La négociation d’épicier avec les Verts intégristes pour acheter des places ; le chiffre de 60 000 profs à vie lancé comme ça alors que la dette est devenue insupportable ; la confusion sur le quotient familial qu’on peut certes réformer mais avec une précaution de porcelaine puisqu’il touche à l’un des seuls avantages qui reste à la France : sa démographie. L’équipe fait revenir les archéos, adeptes de l’État stratège et du meccano industriel, et les yakas qui pensent malgré eux que « les riches » sont la vache à lait qu’il suffit de traire pour régler tous les problèmes. Hélas ! Les riches ne sont pas assez nombreux pour que la dette s’annule et que la dépense publique puisse reprendre à guichets ouverts, comme l’a dit et redit, chiffres à l’appui, Thomas Picketty, pourtant spécialiste fiscal du PS et adepte de la redistribution fiscale… Avec un nouveau bouc émissaire commode : la finance. Tout ce qui évite de poser les problèmes qui fâchent de l’organisation d’État et des féodalités auxquelles on ne veut surtout pas toucher : énarques inspecteurs des finances (Haberer, Messier, Bouton), syndicalistes ripoux sûrs de l’immunité (Seafrance après bien d ‘autres), lobby pharmaceutique, cumulards de la fonction publique, etc.

Marine Le Pen a quitté le national-socialisme pour un ethno-socialisme Canada-dry sans les détails de l’histoire. Elle présente une cohérence hors des partis traditionnels qui fait illusion parce que tout se tient : sortie de l’euro et des traités, fermeture des frontières, obligation de travailler et de consommer français, mobilisation citoyenne contre tout ce qui est « étranger ». Ce bunker idéologique peut séduire les primaires déboussolés que les partis traditionnels ont abandonnés (ouvriers, paysans, tradis), cela s’est vu dans les années 30. Mais pour quel avenir ? Celui de la Corée du nord ? Celui de la Grèce ? Celui de la Hongrie ? de la Russie ?

François Bayrou est le bête qui monte, qui monte, celui qui joue les candides avec son « je-vous-l’avais-bien-dit » sur la dette, la dérive marketing du pouvoir, le bling-bling. Il offre une personnalité apaisée, terrienne et morale, un pansement à l’ego bien malmené des Français. Mais il est seul, volontairement sans parti. Son État sobre, sa promesse de gouvernement exemplaire et d’union des bonnes volontés peut rallier les déçus du sarkozysme comme les déçus du gauchissement socialiste. L’idéal pour lui serait que Nicolas Sarkozy s’effondre dans les sondages et qu’il ne se représente pas, ou bien que le premier tour mette Marine Le Pen et lui-même en lice.

Les autres candidats sont marginaux, même Mélenchon dont le discours jacobin tout-politique n’attire pas, trop décalé avec ce que les Français sentent qu’il faudrait faire. La clé des élections sera moins « le peuple » que les classes moyennes, désormais touchées par les excès du libre-échange et qui vont se voir fiscaliser un peu plus pour rembourser cette dette que tous ont laissé monter depuis 1974. Leur problème est moins d’éradiquer les riches que de les faire contribuer ; moins d’assister les pauvres que de donner un travail qui supprime la pauvreté.

Car comment vanter un « modèle social » avec 57% de dépense publique (la plus élevée d’Europe) mais qui laisse subsister 13% de gens sous le seuil de pauvreté ?

Les électeurs voteront probablement pour le moins pire, pas pour le meilleur. Surtout pas pour celui qui leur fera des promesses impossibles, selon les bonnes habitudes.

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