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Modèle brésilien pour la gauche ?

Plus rien à foot au Brésil, mais aussi peu de chômage… et peu de croissance (1,3%), à cause d’une politique dirigiste plutôt démagogique. En France, peu de croissance mais chômage massif. La différence ? La dépense publique : un modèle pour la gauche jacobine ?

capoeira torse nu bresil

Le Brésil a de meilleures bases que la France, son déficit public reste encore faible (3,3% du PIB) malgré des dépenses structurellement plus élevées (+11% sur les trois dernières années) que les recettes (+9,2%) ; son endettement reste autour de 58% du PIB. La contrepartie est une inflation forte (6,4%) à cause de la consommation privée et de la dépense publique qui font que la demande est supérieure à l’offre de production dans le pays. Donc l’excédent commercial est passé en déficit à cause des importations en hausse (+1,4% sur 1 an). On n’augmente pas de 10% les prestations sociales (la Bolsa Familia), on n’offre pas de nouvelles augmentations de salaires aux fonctionnaires, on ne se contente pas de relever le plancher de l’impôt sur le revenu moins que l’inflation (4,5% seulement, et pas avant 2015), sans offrir un pouvoir d’achat plus élevé, auquel la production nationale ne suffit plus. Le pays vit donc à crédit, dépendant de l’étranger, au risque de voir monter brusquement les mécontentements lorsqu’il faudra revenir à un certain équilibre des comptes. Sauf à endetter la génération suivante sans lui demander son avis.

Est-ce ce dont rêve la gauche ? Quitte à « remettre les pendules à l’heure » en ponctionnant « les riches » (ce qui signifie les classes moyennes, tous ceux qui gagnent plus de 3000€ par mois disait Hollande durant sa campagne électorale, et tous ceux dont le patrimoine dépasserait les 800 000€, ancien déclencheur de l’ISF) ? Le problème est qu’il y a de moins de moins de riches, et de moins en moins de classes moyennes. Piketty, dans son pavé pensum où valsent les statistiques sans qu’elles soient vraiment comparables, pointe cependant une vérité : en période de crise économique, les très riches deviennent de plus en plus riches, tandis que tous les autres s’appauvrissent – y compris les moyens riches et les faiblement riches – autrement dit les classes moyennes.

Au Brésil, la classe moyenne émerge à peine et se voit remise en cause par les limites du modèle brésilien : tensions inflationnistes, taux d’épargne et d’investissement historiquement bas, investissement en recul (3 trimestres consécutifs, -2,1% sur 1 an). Seul l’investissement de productivité, donc l’épargne et le travail justement rémunéré, crée la classe moyenne – pas l’intervention d’État qui n’est que coup de pouce ou assistanat.

bresil anti foot

Pour éviter les tensions entre l’offre (qui peine à suivre) et la demande (pléthorique en raison de la dépense publique et des prestations sociales), les taux d’intérêt brésiliens ont été relevés (à 11% depuis le mois d’avril contre 7,25% un an plus tôt), rendant le crédit plus cher. Les exportations (-3,3% sur 1 an) ont été pénalisées par le recul des ventes de produits manufacturiers, puisque la production industrielle retombe dans le rouge à cause de l’inflation intérieure (-0,3% m/m en avril et -0,5% m/m en mars). Les entreprises créent moins d’emplois et les salaires réels ralentissent, faute de prix stables pour l’exportation, et faute d’investissements (de 20,2% à 18,2% du PIB entre 2010 et 2013). L’inflation décourage d’épargner, donc d’offrir aux banques les dépôts permettant les crédits aux entreprises ; le taux d’épargne intérieure (déjà bas) est passé de 18% à 14,6% du PIB. Conséquence : pour la première fois depuis le fin 2011, la consommation privée recule (-0,1% contre une moyenne trimestrielle de +0,6% en 2013), la confiance des ménages atteint des niveaux proches du plus bas historique 2009.

Seule la hausse des prix des matières premières, surtout café et soja (leader mondial), soutient la balance commerciale. Ce sont principalement les incitations fiscales qui attirent les capitaux étrangers pour couvrir les besoins de financement du pays. Ce qui entraîne une surévaluation du real (+ 8% depuis janvier contre $) et un real fort pénalise les exportations (tout comme un euro fort pénalise l’exportation française, incapable de produire du haut de gamme fiable à forte image de marque – ce que font excellemment les Allemands).

Le modèle de croissance reposant sur la consommation privée et publique montre qu’il engendre de sévères déséquilibres. Et c’est ce modèle que voudraient la gauche radicale, voire la droite extrémiste ? L’économie brésilienne a besoin de réformes de fond pour l’équilibre budgétaire dans la durée (ce que préconisait Keynes), des gains de productivité des entreprises et un environnement plus favorable à l’investissement. La France aussi, n’en déplaise à la gauche radicale et aux croyants des yakas.

L’analyse de conjoncture du Brésil par BNP-Paribas

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