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Valley of Love de Guillaume Nicloux

Un film français mais avec un titre yankee et qui se passe dans les paysages des Etats-Unis : la Vallée de la mort. Pourquoi ? par colonisation de l’esprit ?

L’histoire est en effet peu hollywoodienne, une psychologie de couple tirant sur le fantastique à la Murakami. Deux vieux égocentrés proches de la retraite, Gérard 68 ans et Isabelle 62 ans, reforment leur couple pour cinq jours sous la pression de leur seul fils en commun Michael, mort par suicide six mois auparavant. Dans une lettre adressée à chacun d’eux, il leur annonce son retour… s’ils se rendent tous deux à une date précise et durant des horaires précis dans des lieux précis de la Vallée de la mort.

L’amour, la mort : le réalisateur joue sur ces deux ambiguïtés. Qu’est-ce en effet que l’amour ? Qu’est-ce que la mort ? Le couple divorcé a bien connu cet amour avant leur séparation ; pourquoi leur fils n’en a-t-il pas bénéficié, abandonné par sa mère à l’âge de 7 ans et collé en pension par son père jusqu’à l’âge de 16 ans ? Michael est devenu photographe, pour observer chez les autres ce qu’il n’a pas eu. Il en veut aux femmes, ce pourquoi il est dit qu’il vivait avec « un ami » et qu’Isabelle demande à Gérard s’il avait le SIDA. Le fils préfère son père, même assez indifférent, à sa mère, complètement absente. Ce pourquoi il la tirera elle par les pieds, comme le diable le faisait à ceux qu’il voulait emporter, tandis qu’ils tiendra son père par les poignets, comme pour le retenir et lui transmettre tout cet amour qu’il n’a pas pu s’exprimer.

Mais ce sera à la fin d’un film trop long, qui peine démarrer. Pourquoi en effet le spectateur se voit-il infliger dès le début plusieurs minutes du dos de la bonne femme qui marche, sautillant sur ses talons inadaptés dans les rues interminables du resort américain ? Pourquoi de même le dos nu du de plus en plus gros et de plus en plus laid du Gérard, de nuit, alors qu’il ne peut pas dormir et erre dans la résidence ? Est-ce une parabole de leur existence, à chacun vide de cœur faute d’être stérile de sperme et d’ovules ? Le mari comme la femme ont refait leurs vies et ont d’autres enfants – comme les acteurs eux-mêmes dans la réalité. Isabelle va d’ailleurs bientôt se séparer de son nouveau mari, pour rien, « parce que c’est la vie » dit-elle. Cette névrosée instable volontiers hystérique croit aux fantômes et à l’au-delà, sacrifiant – selon la mode de la spiritualité superficielle – aux voyantes, au végétarien, à « l’écologie ». Gérard est plus massif et terre à terre : il ne sait pas et le dit. Il constate.

L’histoire se monte par petites touches impressionnistes, des engueulades rituelles du vieux couple aux coups de téléphone incessant d’Isabelle à ses proches – comme si elle leur était indispensable alors qu’elle les emmerde manifestement. La lecture de chacune des lettres, le sommeil qui ne vient pas, angoissé du lendemain, les crises hystériques des « présences » et les rougeurs somatiques sur les chevilles ou les poignets.

Le fils a concocté un parcours initiatique pour ses vieux dans la Vallée de la mort, afin qu’ils apprennent ce que c’est que l’amour peut-être, ou ce qu’être à deux et penser à un rejeton peut faire. Cette ouverture à l’au-delà de l’histoire simple est le meilleur du film. Défilent Furnace Creek, Badwater Basin, Dante’s View, Mosaïc Canyon. Le soleil tape dur, le gros père transpire et halète, la vieille mère indigne se dessèche un peu plus. Elle « y » croit, lui pas.

Mais c’est lui qui aura la révélation, la dernière heure du dernier jour, contaminé peut-être par l’ambiance, par les souvenirs, par la présence de son ex qui lui fait se remémorer ses émois. Il va « rencontrer » son fils Michael qui lui « tient les mains comme ça » et lui dit « je vous pardonne et je vous aime ». Un remord ? Une rectification ? Une illusion pour coller au convenable ? Un lien amoureux avec le cosmos dont son fils comme son ex-femme et lui font partie ? Nul ne sait, le mystère subsiste. Le spectateur ne le verra pas, la caméra se tourne au même moment sur la mère qui dévore un sandwich, assise à l’ombre à l’entrée du canyon où elle a eu la flemme d’entrer. A tort – mais comme d’habitude : elle n’a jamais été présente à l’existence.

Ce n’est pas un grand film, malgré le foin que l’on a fait pour le festival de Cannes 2015, mais il est servi par des acteurs monstres. Ils sont parfaits dans leurs rôles de la génération baby-boom, née au sexe avec mai 68. Le plaisir sans la responsabilité, le coït sans le couple, les gosses sans la famille qui va avec pour les élever : l’amour, vous savez ce que c’est ? Vous l’appelez « sexe » et « baiser » mais il va bien au-delà – il devrait du moins y aller. C’est Michael le mal-aimé qui vous le dit.

DVD Valley of Love, Guillaume Nicloux, 2015, avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu, Le Pacte 2015, 1h28, €8.99

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Tropisme

En rajouter nuit à sa cause : trop de pub tue la pub, trop d’impôt tue l’impôt, trop de morale tue la morale.

Le coup d’arrêt à la pub de Free a moins fait chanceler Google que les publivores, dont le délire finit par lasser sur les écrans du net. Il n’y a plus de travail dans l’industrie et tous les étudiants veulent être soit fonctionnaires, soit « dans le marketing ». Mais trop d’encarts sur les ordinateurs finissent par agacer sérieusement. Ils vous barrent l’accès au texte, ils clignotent sans vergogne pour vous empêcher de lire autre chose qu’eux, ils s’imposent soi-disant pour vous « servir ». Rien de plus importun au restaurant qu’un serveur qui n’arrête pas de tourner autour de vous : pareil sur écran. Altavista et Lycos ont disparu parce qu’ils avaient forcé sur la pub. Mais c’est qu’il est « tendance » de renier la radio et la presse au profit de la télé et du net. Toute la publicité se recentre sur le nouvel outil de communication car les magasins coûtent trop cher en loyer et frais de personnel, surtout les charges sociales empilées sur l’entreprise et jamais remises à plat par les technocrates de Bercy et les députés confortablement installés dans le fromage public. Virgin et Surcouf disparaissent, la Fnac bat de l’aile… Mais croyez-vous que le « trop » recule ? Chacun garde sa courte vue, comme ces ouvriers du Livre surpayés pour les rares heures travaillées qui, à force de grèves et d’avantages zacquis, ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis. Plus de presse à imprimer, plus d’emplois.

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L’impôt, c’est bien, mais trop d’impôt tue l’impôt. Vous pensez ce que vous voulez de Gérard Depardieu. Je le trouve moi-même gonflé, enflé, démesuré. Il fut un beau Danton, un risible Obélix. Mais quand le symbole du révolutionnaire et du Français moyen filent à l’étranger parce qu’ils ont l’impression de payer pour les autres – ceux qui sont incapables de gérer avec raison, rigueur et économie l’argent public – il y a question. Depardieu est un boulimique agaçant, certes, mais il a tourné dans 200 films et en a produit 5, il a créé plusieurs entreprises. Qu’il parte avec pertes et fracas n’est pas bon pour la France. Pour son image. Pour la soi-disant justice que voudrait faire régner François Hollande. Un président « normal » commence par imposer tous les citoyens (et pas seulement ceux qui ne votent pas socialiste) ; par les imposer « normalement » (la norme en Europe est de 50%, pas de 75%), avec un discours « normal » (qui n’accuse pas une catégorie entière, « les riches » ou « les patrons », comme s’ils étaient une « race » à part) et une action « normale » qui inclut les entreprises dans la lutte pour l’emploi (et pas les exclut à coup de mépris et de vengeance fiscale).

Si « normal » voulait dire « mesuré » dans la bouche du candidat… Car rien n’est moins sûr ! La normalité était ce que réclamaient les gouvernements du socialisme réel, dans ces pays de l’Est où le formatage des esprits était la vertu des ingénieurs des âmes au service de l’État-parti. « Moi, président de la République »… on verrait ce qu’on allait voir ! Et on voit, jour après jour, que la morale bat la campagne, mais s’ignore dans les ors. Elle est pour les autres, rarement pour soi. Pourquoi nommer un militant socialiste à la tête du CSA ? Pour « normaliser » l’information ? La « moraliser » pour faire du « service public » le serviteur des gens au pouvoir ? Mitterrand l’avait fait et Edwy Plenel justement dénoncé. Hollande, qui veut faire du Mitterrand, le fera-t-il jusque dans ses mauvais côtés ?

Trop de pub, trop d’impôts (car trop d’étatisme), trop de morale. L’excès était, selon Roland Barthes, la particularité du « petit-bourgeois ». Il voyait dans le catch, sport tout entier pour la galerie, où les prises sont d’autant plus spectaculaires qu’elles ne font pas mal, la quintessence du mythe petit-bourgeois. L’esbroufe, la société du spectacle, la mise en scène narcissique de soi. « Ceux qui ont la plus grosse », disaient alors les gens. Les « trop », disaient il y a peu les ados. Les petit-bourgeois au pouvoir, dira-t-on aujourd’hui.

Nous sommes gouvernés par des « trop » : ne pas s’étonner de la « réaction » qui monte – dans le peuple. Les riches ont le moyen d’aller ailleurs, pas ceux en-dessous du revenu médian. Pourquoi est-ce toujours la gauche qui fait monter le Front national ? Ne serait-ce pas l’expression aujourd’hui de la « lutte des classes » où le petit-bourgeois ne veut renverser le grand bourgeois que pour s’imposer au prolétaire ? Sauf que le prolétaire n’a plus d’emploi et bientôt moins de prestations sociales.

Attention, le cave se rebiffe !

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