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Décroissance

Signe de mentalité fatiguée, la décroissance est à la mode. Encore faut-il s’entendre sur ce que ce terme polysémique signifie. En bonne logique, il s’agit de croissance négative, autrement dit de régresser. Mais cela peut aussi vouloir dire changer les paramètres de ce que l’on a considéré jusqu’ici comme de la croissance. Ou encore limiter le nombre des humains qui forcent à croître pour vivre ou au moins survivre. On le voit, la « décroissance » attire tous les phalènes qui cherchent désespérément à croire en quelque chose sans pour autant penser.

La croissance négative est bel et bien arrêter de faire plus ou mieux. Il ne s’agit pas de développement « durable » qui ménage les ressources en économisant les matières, l’énergie et le travail humain. Non, il s’agit d’un « retour » à l’ère préindustrielle où chaque famille vivait en ferme autarcique ; ou, mieux, à l’ère prénéolithique où la prédation des chasseurs-cueilleurs était limitée par les ressources naturelles, animales et végétales – et par les groupes humains ennemis, ce qui bornait la croissance humaine. Car qui dit plus d’humains dit plus de besoins, donc plus de prédation sur le milieu. Les décroissants seraient donc bien avisés de prôner la limitation des naissances plutôt que de vanter l’austérité de tous sur tout – sauf pour les pays émergents.

Le refus du progrès se niche dans le christianisme qui « regrette » le paradis où tout était donné pour rien, rendant insignifiante toute « croissance ». Léon Tolstoï en est le représentant conservateur traditionnel le plus abouti. Quant à Gandhi, il faisait de nécessité vertu : s’il vantait le rouet pour tisser son propre dhoti, ce n’était pas par écologie mais parce que son peuple était pauvre et exploité par les filatures d’Angleterre. Les Verts, Yves Cochet et les antiproductivistes se reconnaissent dans ce courant. Il n’est pas le mien, vous l’aurez compris. Décroissant signifie pour moi « des croissants ».

En revanche, la croissance jusqu’ici mesurée par la production intérieure brute peut être remise en cause et j’y souscris. Il s’agit d’améliorer l’indice pour en faire non plus celui de la quantité mais celui du bien-être. Le « toujours plus » n’accroît pas forcément le bonheur – au contraire. Il suscite l’envie du voisin, donc le désir de se hausser du col, entraînant compétition sociale et esbroufe par le fric et le pouvoir – les deux allant très souvent de pair. Le « dernier » Smartphone n’est pas utile, il suffit qu’il remplisse au mieux les fonctions de base d’un téléphone communiquant sur le net. Le champagne à 30 € la bouteille n’est pas forcément meilleur qu’un crémant (de Bourgogne) à 6 € la bouteille – qui, en plus, est « biologique ». Payer la marque n’est pas s’assurer un meilleur produit mais montrer socialement qu’on a les moyens, donc se valoriser. On entend très peu de « décroissants » vilipender ces travers vicieux de la bête humanité. Non, il s’agit toujours des autres, du « système », de l’idéologie libérale, jamais de soi.

Consommer moins n’est pas toujours consommer mieux. En ce sens, la critique de la Technique par Heidegger est utile : progrès oui, mais pour quoi ? L’emballement du tout technique, qui se réalise simplement parce qu’on le peut, n’est pas un idéal de vie ni de société. Les valeurs supérieures doivent prédominer et ne faire de la technique – utile – qu’un outil en vue de fins autres que la simple sophistication et multiplication des objets. A quoi cela sert-il d’acquérir une automobile qui peut rouler jusqu’à 240 km/h alors que partout les vitesses sont limitées à 130 km/h ? L’indice de développement humain ou l’empreinte écologique pourraient devenir des indicateurs plus pertinents que le PIB. La qualité de la vie m’apparaît plus importante que la possession personnelle de tous les objets du désir. D’autres façons d’user des choses sont possibles : covoiturage, location entre particuliers, troc, prêts, droit d’usage, etc.

Pour moi, la capacité à inventer de nouvelles technologies grâce à la curiosité insatiable pour le savoir est la clé du futur. Pas un « retour » réactionnaire à un avant-qui-était-mieux (pur fantasme !) mais un futur maîtrisé où le désir immédiat du tout-tout-de-suite n’est pas reconnu socialement (le contraire du laxisme post-68 européen, du gaspillage égoïste américain comme des enfants gâtés uniques chinois). La morale peut quelque chose car « le système » est opéré par des humains (hommes ET femmes) dont les désirs sont pour l’instant des ordres mais qui peuvent prendre conscience qu’il y a mieux que les assouvir là, sur le tapis : il y a les enfants, la nature, les ressources. C’est bien sûr, les réseaux sociaux en sont pleins de ce genre de remarque : « la crise » est toujours la faute des autres. Mais les monades de la société des réseaux peuvent prendre conscience qu’il y a quelque chose au-dessus de leur petit moi : ce serait un progrès, une « croissance » morale utile !

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Doit-on craindre un retournement boursier bientôt ?

Le scénario actuellement anticipé est optimiste, le maintien d’une croissance assez forte de l’économie mondiale supérieure à la croissance potentielle. Le FMI prévoit toujours, en avril, une croissance mondiale 2017 de 3,5% et en 2018 de 3,6%, l’OCDE étant à 3,3 et 3,6 et le consensus Forecast, toujours moins optimiste, à 2,9 % en 2017 et 3,0% en 2018. Les Etats-Unis croîtraient pour leur part de 2,1 à 2,4% en 2017 et de 2,4 à 2,8% en 2018, et la zone euro – en retard – de 1,6 à 1,7% en 2017, et 1,6 en 2018.

Ce n’est pas déraisonnable, malgré les changements politiques un peu partout dans les pays occidentaux qui introduisent de l’incertitude sur les règles économiques et sur la fiscalité. Mais, en gros, ces changements apparaissent favorables à la croissance.

Volatility index depuis 10 ans

D’où pourrait venir le risque ? Des deux économies principales de la planète : les États-Unis et la Chine. Donald Trump a promis une baisse de la fiscalité et encourage les entreprises à revenir produire au pays ; il envisage pour cela de réduire les contraintes de production, y compris celles sur la pollution. Mais il y a beaucoup de discours et peu d’actes concrets. La « sortie » des Etats-Unis de l’accord sur le climat ne sera juridiquement effective que dans 4 ans. D’ici là, les contraintes sont faibles. Et nombre d’entreprises américaines voient tout le bien qu’elles pourraient tirer de politiques environnementales, ne serait-ce que pour suivre le progrès technologique – dont elles se veulent la pointe.

Le recul de la profitabilité des entreprises en raison de la fin de l’expansion cyclique, lorsque les salaires réels augmentent plus vite que la productivité, pourrait donc être dilué par ces mesures de fiscalité et de dérèglementation favorables, en attendant le relai du prochain cycle industriel.

Indice américain Standard & Poors depuis 1999

Le cas de la Chine est plus préoccupant, mais rappelons que, malgré son poids démographique et son immensité géographique, la Chine n’est qu’une puissance économique moyenne dans la production mondiale. La croissance réussirait encore à atteindre autour de 6,2% en 2018, mais le chiffre est « politique » en l’absence de tout indicateur d’offre et de demande concret. Le parti tient à garder son pouvoir, donc l’Etat surveille et punit, en bonne morale socialiste, militant pour une réduction de la liquidité afin d’éviter les dépenses somptuaires, « politiques » et inutiles. Ce qui va mécaniquement faire monter les taux d’intérêt et pénaliser l’investissement. Mais ce coup de froid sur la surchauffe devrait faire baisser la pression de l’endettement et de la surproduction dans certains secteurs, tout en limitant la hausse rapide des salaires. Ce qui ne peut qu’ajuster à peu près l’économie chinoise au mouvement du monde. Encore ne faut-il pas en faire trop, et il est difficile d’en juger lorsque le marché n’existe pas.

Indice chinois SSE Shanghai A depuis 1999

Si ces deux risques surviennent, aux Etats-Unis et en Chine, leurs effets devraient être faibles sur les taux d’intérêt sans risque (emprunts d’Etat à 10 ans) car ils sont déjà très bas. En revanche, la surprise agitant les acteurs d’autant plus violemment qu’ils ne l’avaient pas vu venir, les cours de bourse pourraient connaître de fortes corrections. L’indice américain Standard & Poors est en effet au plus haut historique. Les primes de risque, entre emprunts souverains et pour le crédit pourraient se tendre. Les indices européens sont plus raisonnables, retrouvant leur niveau de 2015, mais pourraient suivre à la baisse par « solidarité » d’aversion au risque. L’indice chinois Shanghai A, après un excès en 2015, retrouve aujourd’hui son niveau de 2010 et n’apparaît pas surévalué. Il tomberait comme les autres, mais sans catastrophe.

Le pire n’est jamais certain et les deux premières années Trump devraient être positives, mais il est toujours bon de chercher d’où pourrait venir le risque – pour le surveiller et réagir à temps.

Indice français CAC40 depuis 1999

Indice européen Euronext 100 depuis 1999

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