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Bobby d’Emilio Estevez

Évocation de l’espérance Kennedy, en la personne du frère Robert dit Bobby (Dave Fraunces), sénateur démocrate en campagne aux primaires pour la présidentielle de 1968. Le 5 juin, il est assassiné lui aussi, à l’hôtel Ambassador de Los Angeles où il prononçait un discours.

Le film vaut pour les stars qu’il accumule, on appelle ça un « film choral », grand mot du jargon pour dire mosaïque, autrement dit éclaté façon puzzle… Le spectacle est trop long, afin de donner à chacune des pas moins de 22 vedettes ses dix petites minutes de gloire dans la première partie. Le réalisateur aurait pu amputer une demi-heure de bavasseries futiles des débuts pour renforcer son message. C’est dommage, car le thème de l’espérance messianique qu’incarne les Kennedy fut réelle, et elle est bien rendue dans le restant du film. Elle me rappelle l’engouement pour John Kennedy bien sûr, mais aussi celle pour Barack Obama et celle – inversée – pour Donald Trump 2. Ce genre de messianisme charismatique des politiciens fait beaucoup de déçus dans la durée, mais il transporte sur le moment.

Aucun rôle principal pour incarner l’espérance, si ce n’est Bobby lui-même, déjà fantôme sur pellicule enregistrée, d’autant qu’on connaît sa fin. Aucun des personnages du film n’est d’ailleurs vrai, tous ont été inventés, sauf le cuisinier latino qui tient la tête de Bobby abattu. Mais l’époque est bien rendue car, si tous étaient différents, tous étaient frappés de la même espérance. John Casey (Anthony Hopkins), le portier d’hôtel à la retraite qui passe ses journées dans le hall à jouer aux échecs avec son ami pré-alzheimer Nelson (Harry Belafonte) et qui n’a jamais vu ça ; Diane (Lindsay Lohan), qui épouse son ami William (Elijah Wood) dans l’espoir que le mariage lui permettra d’être envoyé sur une base militaire en Allemagne plutôt qu’au Vietnam ; Virginia Fallon (Demi Moore), une chanteuse vieillissante devenue lentement alcoolique parce que sa carrière décline ; Miriam Ebbers (Sharon Stone), une esthéticienne qui travaille dans le salon de l’hôtel, et son mari Paul (William H. Macy), le directeur de l’hôtel, qui a une liaison avec la standardiste Angela (Heather Graham) ; l’acheteur d’hôtel pour les aliments et boissons Daryl Timmons (Christian Slater), licencié pour ne pas avoir autorisé noirs et latinos à quitter leurs portes pour voter aux primaires ; le sous-chef afro-américain Edward Robinson (Laurence Fishburne) et les serveurs américano-mexicain José (Freddy Rodriguez) et Miguel (Jacob Vargas) ; Susan (Mary Elizabeth Winstead) la serveuse du café de l’hôtel ; Jimmy (Brian Geraghty) et Cooper (Shia LaBeouf) volontaires Kennedy qui sèchent la campagne, avides d’essayer un trip d’acide pour être « stone » avec le dealer hippie Fisher (Ashton Kutcher) – et peut-être coucher ensemble, inhibitions levées, puisqu’on les voit un moment tout nu ; les mondains mariés et donateurs de la campagne Samantha (Helen Hunt) et Jack (Martin Sheen) ; le directeur de campagne Wade (Joshua Jackson) et son collaborateur pressenti secrétaire d’État aux transports Dwayne (Nick Cannon), lequel est amoureux de la collègue d’Angela, Patricia (Joy Bryant) ; enfin la journaliste tchécoslovaque Lenka Janáčková (Svetlana Metkina), qui se dit « socialiste, pas communiste », et veut obtenir une interview avec Bobby Kennedy.

Elle ne l’aura pas : Sirhan Sirhan, un Palestinien, lui tire plusieurs balles alors qu’il sort après son discours par les cuisines ; trois l’atteignent et il décèdera vingt-six heures plus tard au Good Samaritan Hospital. Samantha, Daryl, Cooper, Jimmy et William sont blessés par balles avant que le tireur ne soit maîtrisé. Le tueur sera condamné à mort, peine commuée en prison à vie – il est toujours derrière les barreaux, ses demandes de libération étant toutes rejetées, la dernière en 2023.

Des scènes d’actualité de l’époque, notamment des discours de Bobby Kennedy, sont intercalées avec bonheur pour souligner les propos des comédiens. Dommage là encore que la voix off moraliste use les nerfs du spectateur par son lamento interminable de fin.

Shiran Shiran accusait les Kennedy d’avoir livré des avions de chasse à Israël, mais était-ce la vraie raison ? Les résistances conservatrices aux changements de la société américaine étaient fortes en 1968, aussi fortes qu’aujourd’hui, un demi-siècle et deux générations plus tard, avec la radicalisation de droite trumpiste. La guerre du Vietnam était de plus en plus impopulaire, sans buts stratégiques clairs pour les Américains, et inégalitaire car les riches et les étudiants pouvaient y échapper. La déségrégation portée par la Cour suprême avait ouvert les écoles publiques aux non-Blancs par l’arrêt l’arrêt Brown v. Board of Education. Le mouvement des droits civiques était exalté par Malcolm X, assassiné en février 1965, le Ku Klux Klan multipliait les attentats racistes. Malgré cela, le Civil Rights Act et le Voting Rights Act furent adoptés et promulgués en juillet 1964 et août 1965, Lyndon Johnson poursuivait la politique de John Kennedy, voule par la majorité sociale, tout en annonçant qu’il ne se représentait pas à la présidentielle – il avait trop peur pour sa peau. Il n’est pas exclu que Shiran ait été poussé par des ultra-droitiers, dans la lignée de l’assassinat de John Kennedy. Le film n’en dit rien, se contentant de chanter le paradis perdu. Malgré le troisième candidat Wallace, et en l’absence de Bob Kennedy assassiné, ce sera le républicain Richard Nixon qui sera élu. On sait comment il finira lamentablement, lors de son second mandat, par espionnage interne et mensonges dans l’affaire du Watergate.

Malgré les chansons de Stevie Wonder, Marvin Gaye, The Miracles ou Simon et Garfunkel, le propos de l’espérance politique est noyé dans les scénettes de vedettes au début et la moraline sirupeuse de la fin. Une belle idée, gâchée par trop vouloir en faire.

DVD Bobby Kennedy, Emilio Estevez, 2006, avec Harry Belafonte, Joy Bryant, Nick Cannon, Emilio Estevez, Laurence Fishburne, Brian Geraghty, ‎TF1 Studio 2007, vo anglais doublé français + st, 1h52, €4,00

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Sein

L’île de Sein n’est pas l’île aux seins, à chercher plutôt du côté de Tahiti. Pas un sein nu sur l’île de Sein, religion et climat obligent.

ile de Sein carte

L’endroit est battu par les vents, envahi par la mer et giflé d’embruns. Inlassablement, l’eau creuse le roc émergé, découpant cet arpent de terre de 56 hectares en forme de dragon chinois. Nous sommes aux confins du monde connu, à l’ouest breton de l’Europe, devant l’immensité liquide sans rien avant l’Amérique.

sein bourg

Les druidesses vierges étaient neuf et rendaient des oracles au 1er siècle en ce lieu violent où les dieux se battaient en tempêtes. Des mégalithes témoignent encore, malgré l’église, de ces âges farouches.

sein digue ouest

Le touriste aujourd’hui se sent de trop ; il a une vie bien facile face aux âpretés vécues chaque jour par les Sénans. Dépendant des éléments pour tout, la pêche, le jardin, le ravitaillement, la plage, ils voient dans la même journée un vent de force 6 faire moutonner la mer et cingler la pluie et le grand soleil brûler la peau et assécher le sol.

sein moutons

Peu d’eau, difficile énergie, évacuation précaire, il y a trop peu de terre arable pour subsister sans le continent. Si les habitants étaient 1328 en 1936 avant les cong’payes, ils ne sont plus que 205 en 2013, dont à peine la moitié habite à l’année.

sein gamins

Sur la décennie 2000-2010, il y eut 44 décès pour 5 naissances sur l’île… En 2011, seuls 6 enfants fréquentaient le primaire et 5 collégiens étudiaient à distance à l’aide de profs volants multimatières…

sein gamin torse nu

L’île de Sein est-elle condamnée à disparaître ? Ni boulot, hors le tourisme d’été et quelques huîtres, ni accès aux réseaux branchés de la culture et de la com, une vie loin de tout à la merci de l’océan rageur, l’île risque plus que tout d’être submergée. Déjà en 1638, 1865, 1922, 1940, 2008, la conjonction de grandes marées d’équinoxe et de forts vents faisant lever la houle, ont inondé les maisons et les champs. S’y rajoute l’élévation du niveau des eaux avec le réchauffement du climat.

sein rue borgne

L’île n’est qu’à 1 m 50 au-dessus du niveau moyen de la mer et son point culminant ne s’élève guère qu’à 9 m, occupé par l’église. Un jour viendra bientôt où l’Administration décidera, en fonction du principe de précaution inoculé par Chirac dans la Constitution, d’interdire toute résidence permanente sur l’île. Les jours de tempête, ni ravitaillement, ni évacuation par vedette ou hélicoptère ne sont en effet possibles.

sein phare ar men

La France reste reconnaissante aux îliens d’avoir rallié Londres et De Gaulle massivement en juin 1940 : 127 Sénans soit « le quart de la France » à cette date autour du général. Le plus jeune, Louis Fouquet, avait 13 ans, venu avec son père, pilote de la vedette Velleda des Ponts & Chaussées et 50 autres marins.

sein monument des senans libres

Sa carrure lui donnant 17 ans, le gamin sera formé comme canonnier et officiera deux ans dans la marine anglaise, probablement l’enfant soldat le plus célèbre de France ! Il n’aura jamais aucune décoration, même si ce n’était pas pour cela qu’il était parti… Mieux vaut être histrion de télé ou rond de cuir dans l’Administration que patriote pour devenir légionnaire d’honneur.

sein abri du marin musee

Le petit musée dans l’Abri du marin donne de belles informations sur cette épopée de la France libre à Sein, île occupée par quelques 150 Allemands.

sein eglise st gwenole 1898

Le bourg se presse autour de l’église Saint-Gwénolé, bâtie par la foi récente des convertis, fin XIXe. Cet extrême bout de la Bretagne est resté en effet réfractaire au catholicisme officiel jusque fort tard après la Révolution, ne jurant que par les saints et les superstitions païennes.

sein venelle large d un tonneau

Les venelles sont étroites, de la largeur d’un tonneau qu’on roule, dit-on ici. Les tonneaux étaient en effet les contenants les plus pratiques pour transporter vin, farine, huile et denrées sans que l’eau les pénètre – une sorte de conteneur pour barques à rames. Mais qui a vécu le vent sifflant à ras de terre durant des heures, comprend vite pourquoi fermer les rues donne aux maisons cette quiétude du roc, cette solidité rassurante contre les éléments, le granit épais des murs assourdissant les bruits et conservant la maigre chaleur du feu de varech.

sein maison

Les jardinets bordés de murets de pierres sèches contre le vent permettent, l’été venu, de belles floraisons et des rations de légumes forts bienvenus.

sein jardin protege

Le nord-ouest de l’île est sauvage, la lande rase laissant se détacher la chapelle Saint-Corentin et le phare de Goulenez, parmi les bruyères et les rocs austères.

sein chapelle st corentin

La faune et la flore sont protégées depuis 1986 par les règles du Parc régional d’Armorique. Vous serez saoulés de lumière et d’air, le grand large pour vous tout seul.

sein phare goumenez et gamins nus

L’île se visite depuis Audierne ou Brest pour 33€ (28€ le dimanche) par les vedettes de la Penn Ar Bed. Il suffit d’une journée pour en faire le tour. Mais qui voudra pénétrer le climat îlien restera un jour ou deux dans les gîtes ou les pensions. Dépaysement garanti !

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