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Rocher des haruspices étrusques

Nous nous rendons ensuite en forêt de noisetiers sous le Monte Cimino vers le rocher des haruspices étrusques, il sasso del Predicario. Il domine la vallée et s’ouvre sur le ciel, ce qui permettait aux augures étrusques d’observer le vol des oiseaux, la direction de la fumée des offrandes, la direction de la foudre et la giration des étoiles. Les haruspices étaient spécialisés dans l’observation des entrailles et surtout du foie des animaux.

Le foie de bronze de Plaisance, découvert en 1877 en Emilie-Romagne, montre comment il pouvait être lu en fonction de chaque divinité particulière. Ce siège de la pensée selon les anciens Sumériens, étaient divisé en quatre points cardinaux. Il s’agissait moins de prédire l’avenir que de savoir si le lieu était propice à l’agriculture et à l’installation des hommes. Il est vrai que l’observation d’un foie permet de connaître la santé de l’animal, donc l’abondance de la nourriture du coin et de la qualité de l’eau. Le foie gorgé de sang était symbole de vie, une sorte de microcosme matériel de l’élan vital du macrocosme.

L’empereur Claude, mort en 54 de notre ère, empoissonné par sa femme Agrippine qui lui préfère le jeune et beau Néron, a repris à Rome cette fonction étrusque et y a soutenu devant le Sénat le maintien du collège des soixante haruspices – qui durera jusqu’en 408. Claude a d’ailleurs écrit une Histoire des Tyrrhéniens (nom grec des Étrusques) aujourd’hui perdue et a été marié durant quinze ans avec Plautia Urgulanilla, d’une puissante famille toscane – qui sont les descendants biologiques des Étrusques selon les analyses génétiques récentes.

Le sentier est peu tracé dans la forêt de Malano car il n’est fréquenté que par des initiés, dont nous sommes. Des paysans enfouis sous les arbres cueillent les noisettes à l’aide d’un engin qui ressemble à un ventilateur et qui absorbe feuilles et fruits en tournant avec le vrombissement d’une tondeuse. Je n’avais jamais vu de machines à cueillir les noisettes.

Nous grimpons le flanc de vallée par une sente très escarpée jusqu’au plateau où nous prendrons notre premier pique-nique. Il s’agit d’une salade de roquette aux petites tomates et aux olives vertes avec carottes râpées, jus de citron et huile d’olive. Nous avons aussi du jambon et du fromage pecorino. Le pain n’est pas salé au nord de Rome – donc meilleur pour la santé ! – à cause de l’impôt sur le sel exigé en son temps par le pape Paul III.

Nous suivons un sentier à plat en bord de falaise dans la forêt où poussent les chênes, les érables de Montpellier et les myrtes. Lorsque les rochers sont à découvert, le soleil tape fort. Il fait plus de 30°. Nous rencontrons parfois une nécropole étrusque creusée dans la roche, un simple trou avec des banquettes tout autour, ainsi que des sarcophages à même le sol dont les couvercles ont été pillés. Ils sont bien alignés, comme dans un cimetière. Un mur « étrusque » est réalisé en gros blocs cyclopéens. Il semble ne rester des Étrusques que les éléments intangibles du décor, grattés jusqu’à la roche mère. Les Romains ont tout pris et ont effacé du paysage le souvenir même de la culture qui a précédé la leur.

Le rire dit « sardonique » vient de l’île de Sardaigne où des stryges (les sorcières de l’époque) empoisonnaient les gens avec une plante à la strychnine (l’œnanthe safranée) qui leur donnait un rictus mortel. Les vieux étaient ainsi sacrifiés à Chronos avant les Romains. Selon le guide, les Italiens se caricaturent ainsi : le Milanais produit, le Romain mange et le Napolitain dort. Tout ce qui est fabriqué et vendu génère des impôts que les fonctionnaires de la capitale s’empressent d’utiliser tandis que les gens du sud attendent la manne. Peut-on le dire en France de respectivement Paris, Lyon et Marseille ?

La marche se poursuit sur des chemins de terre poussiéreux et de petites routes de campagne agricole. Il fait très chaud. Nous devons rejoindre la camionnette garée à l’ombre.

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Kill The Gringo d’Adrian Grunberg

Mel Gibson s’est concocté un personnage à sa mesure en écrivant le scénario. Tourné en 2010 en Californie mais mal distribuée, le film mérite cependant d’être regardé. Il y a de l’action, de la morale, des tirs en tous sens, une poursuite en voiture, et un enfant innocent à sauver.

Richard Johnson (Mel Gibson) est un ancien sniper en Irak dont la femme est partie avec son associé Reginald Barnes. Il a donc décidé de se faire justice lui-même en volant plusieurs millions de dollars à un truand de la pègre, Frank Fowler (Peter Stormare). Poursuivi par la police, il défonce la barrière de sécurité qui marque la frontière mexicaine. La voiture est démolie et les fédéraux mexicains l’attendent de l’autre côté, mais il n’est plus aux États-Unis. Il considère que les Mexicains sont aussi truands que les Américains mais moins hypocrites et moins puritains. Ici comme là, la corruption règne. La première scène montre le shérif et le fédéral discutant pots-de-vin tandis que le Mexicain, ayant vu les sacs de dollars dans la voiture, garde tout pour lui.

Son compère déguisé en clown étant mort dans l’accident, Johnson est envoyé dans la prison d’El Pueblito. Le Mexique est réputé pour ses prisons mafieuses régentées par des cartels. Un temps à l’isolement où règne la loi du plus fort, le détenu est vite « libéré » dans l’enceinte-village autour de la prison. Il ne peut sortir mais peut déambuler ici ou là, se trouver un coin pour dormir, une fille ou de quoi manger tout en travaillant. Il est affecté au recyclage des déchets pour le patron local, Javi (Daniel Giménez Cacho), détenu lui aussi mais qui chapeaute tous les rackets et entretient des liens de corruption avec l’extérieur.

Ce chef de gang est malade, rançon d’une vie d’alcool et de plaisirs. Son foie est en miettes et il garde sous sa protection pour cela le jeune fils de sa putain dont le groupe sanguin rare est compatible avec le sien. Il doit se faire greffer le foie de l’enfant incessamment. Barnes, qui se débrouille pour voler les voleurs, est observé par le gamin (Kevin Hernandez), fils de dealer tué par Jarvi et parfait gavroche des bidonvilles à 10 ans (il paraît plus costaud dans le film parce qu’il en a 13 au tournage). Le gosse fait du chantage en réclamant une cigarette sous peine de le dénoncer à Jarvi que pourtant il déteste.

Barnes est touché par ce kid égaré parmi les truands, qui ne veut pas dire son prénom et se dit « spécial » ; il ne voit pas l’intérêt d’aller à l’école, préférant apprendre en observant. Il n’est pas insensible non plus au corps nu de sa mère (Dolores Heredia), très visible sous la robe qu’elle porte lors des soirées casino de son « mari » forcé.

Retrouvé par les truands qu’il a volés via le gros consul véreux des États-Unis au Mexique, Johnson doit s’évader tout en sauvant à la fois la mère et le gosse. Ce ne sera pas simple et n’ira pas sans fusillade spectaculaire et instants de suspense. Il convainc Jarvi de le libérer pour aller tuer Fowler, qui sait désormais que Jarvi a récupéré le fric qu’on lui a volé. Johnson se fait passer pour Barnes afin que le floué se venge du vrai Barnes une fois l’affaire terminée. Franck le volé n’a pas hésité et a envoyé avant de sauter, convoqué par Johnson sous le nom de Barnes, ses sbires tuer Johnson et Jarvi. La fusillade des truands entre eux ne peut être passée sous silence et les autorités font fermer la prison en envoyant près de deux mille militaires et policiers pour transférer les détenus en pleine nuit.  Il faut donc faire vite pour la transplantation et la fuite.

Le gamin est charcuté mais Barnes arrive à temps pour lui faire remettre son foie tout juste prélevé et ainsi le sauver par une ambulance alors que l’armée et la police encerclent l’ensemble de la prison. Profitant de la confusion, Barnes sous la mitraille a une hésitation devant les paquets de frics préparés par Jarvi pour se sauver après l’opération : fuir immédiatement ou sauver le gamin. Il choisit la seconde solution, ce qui lui permet en prime de prendre le fric aussi, fourré sous le brancard à roulettes du gosse vers l’hôpital.

Les presque 2 millions de dollars, plus les 6 millions planqués dans la carrosserie de la bagnole à la casse, vont permettre à lui, à la mère et au petit, de se refaire une vie loin du Mexique et des États-Unis. Barnes a retrouvé une épouse fidèle, du moins peut-on le supposer après ces aventures, et une famille, puisque le kid sourit lorsqu’il les voit ensemble et qu’il l’adopterait bien comme nouveau père.

Ce film sans prétention est très différent de ceux habituellement tournés à Hollywood bien qu’il y ait de l’action et de l’humour. Il prône une morale de la survie en toutes circonstances en fonction de valeurs personnelles orientée vers la protection de la femme et de l’enfant. Sans oublier la débrouille et l’éducation qu’il doit donner au plus jeune pour qu’il s’en sorte dans la vie. Un peu cliché mais authentique. Pionnier, justicier, bon père, bon époux : les valeurs de l’Amérique !

DVD Kill The Gringo (Get The Gringo), Adrian Grunberg, 2012, avec Mel Gibson, Kevin Hernandez, Daniel Giménez Cacho, Aventi Distribution, 1h36, €3.86 blu-ray €14.35

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Pêcher la morue norvégienne

Il était prévu au programme une sortie de pêche sur le Vesterfjord – mais avec supplément de prix. Nous sommes quelques-uns à tenter l’expérience.

Les cabillauds sont très fréquents dans ces eaux des îles, traversées par de forts courants marins. Les morues migrent annuellement dans les eaux des Lofoten depuis la mer de Barents, et cela depuis 10 000 ans. Des traces de pêche régulière de janvier à avril sont attestées depuis l’ère viking. En 1030, la célèbre bataille de Stilklestad entre le roi norvégien du nord Tore Hund et le roi Olaf le saint a été gagnée par le nord, qui défendait ses pêcheries. Ce n’était que partie remise, puisque le sud a mis la main sur les Lofoten en 1120, le roi Øystein établissant la première ville autour de la première église. A la fin des années 1200 et jusqu’en 1750, les Norvégiens furent dépossédés de leurs droits à exporter le poisson par la ligue hanséatique menée par l’Allemagne. Les pêcheurs ont alors sombré dans la pauvreté. Ce n’est que vers 1900 que l’exportation directe depuis les villages fut autorisée. La paix après les guerres napoléoniennes sur le continent, l’arrivée de la pomme de terre et le vaccin contre la variole ont permis une explosion démographique dans le sud norvégien, et une émigration jusque vers les Lofoten. De riches marchands ont acheté des terrains et des droits de pêche, fixant les prix jusqu’en 1857 où une loi a imposé le libre commerce.

port de sorvagen Lofoten

La morue est consommée fraîche ou conservée soit salée en tonneaux, soit séchée à l’air ; le foie est mis à part, conservé tel quel ou pressé en huile pleine de vitamines pour les voyages marins ; les têtes entrent dans la soupe. On dit que la Norvège est le seul pays où l’argent ait une odeur… celle de la morue. Mais on le dit aussi à Pigalle où les maquereaux mettent en ligne d’autres proies pour la pêche.

morue sechee

Nous pourrons préparer nos poissons pour le dîner. Prix de la sortie (sortie bateau + instructeur + prêt du matériel de pêche) : 250 NOK par personne (33€). Je pensais qu’il s’agissait d’un caboteur norvégien mais pas du tout ! Il s’agit d’un canot à moteur pour six personnes, loué et piloté par le propriétaire français des rorbus. Toujours rien de culturel, pas de pêche traditionnelle, aucun contact avec les Norvégiens.

lieu de peche Lofoten

Les nuages se lèvent avant midi et le temps frais sur la mer se transforme aussitôt que paraît le soleil en étuve et réverbération. Nous avons trop chaud et heureusement qu’il n’y a pas de houle, nous aurions eu sinon le mal de mer. Inutile d’aller loin de la côte, ce sont sur les fonds éclairés par la lumière que les prédateurs se nourrissent le mieux. Je n’ai quasiment jamais pêché à la ligne et l’on m’explique les règles : filer l’hameçon lesté de son plomb en forme de sardine brillante jusqu’au fond, en contrôlant avec le frein que le fil ne s’embrouille pas ; une fois mou, remonter de quelques tours au moulinet ; puis faire se lever le plomb d’un mouvement des bras sur la ligne.

ligne a cabillaud Lofoten

Nous commençons par ne rien attraper. Qu’à cela ne tienne, changeons d’emplacement ! Entre une bouée et la côte, ça mord : une donzelle attrape son premier poisson, un brosme rouge plein d’arêtes que l’on relâche aussitôt. Elle pousse des glapissements de petite fille apeurée devant ce poisson qui se débat et ne veut surtout pas le toucher. Le manger, oui, le détacher, non ! Elle compatit, mais trouve plaisant de tirer la ligne à la surface, poisson ferré.

cabillaud peche Lofoten

Puis c’est une suite de lieus jaunes. Autre emplacement, un cabillaud ! Il est gros, lourd, et se tortille, difficile de l’amener sur le pont sans qu’il se détache. De fait, ce sera notre seule grosse prise, d’autres ont réussi à s’arracher de l’hameçon avant la surface. Je crois avoir touché quelque chose de gros, mais ce n’est que le fond qui a accroché, par la dérive du bateau. Je finis par ramener une algue. Autre endroit et, cette fois, j’ai à peine le temps de filer la ligne qu’un lieu mord, puis un autre et un autre. Nous avons bientôt une quarantaine de poissons, dont une morue. Nous arrêtons là, nous aurons largement de quoi dîner ce soir et demain.

peche du jour Lofoten

Il nous faut encore vider les prises sur l’étal du ponton. Les filles se désistent, c’est gluant et presqu’encore vivant, pouah ! Ce sont les deux garçons qui s’y collent, dont moi. Nous lavons les poissons vidés au jet, puis nourrissons les mouettes des déchets. Elles ne semblent pas affamées, il y en a plein le port aux heures de pêche.

vider les poissons Lofoten

Pas de poissonnerie en Norvège, sur les côtes ; chacun va pêcher son poisson tout seul, comme on va cueillir un fruit au verger. Allemands et Polonais viennent jusqu’ici en camping-car pour louer des canots et pêcher de quoi remplir les congélateurs, nous apprend le chef. Leur pêche est quasi-industrielle, ils en revendent une partie chez eux à prix d’or.

cabillaud avant apres

Qu’importe, nous avons bien dîné !

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