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True Lies de James Cameron

Les Yankees ne peuvent concevoir qu’un autre peuple soit aussi génial qu’eux au cinéma : ils réécrivent donc le scénario à leur sauce et avec leurs acteurs. Ainsi La Totale ! devient True Lies, un vrai mensonge réimporté tel quel en français, remake du film français de Claude Zidi, sorti en 1991, lui-même piqué au scénariste Lucien Lambert. Et notre Thierry Lhermitte national est réincarné par un musculeux et massif Arnold Schwarzenegger tandis que sa Miou-Miou d’épouse devient Jamie Lee Curtis.

L’histoire est banale mais propice à captivante intrigue : un époux représentant et père tranquille a une double vie. Harry est en fait agent secret et traque des terroristes moyen-orientaux pour un service très secret à l’intérieur du service secret : Omega qui se veut « la dernière ligne de défense ».

Le film commence comme un James Bond avec smoking, champagne en soirée chic et belle pépée chez un milliardaire arabe louche, scène aussitôt suivie par une fusillade nourrie où l’agent fait mouche à chaque coup de son pistolet tandis que les méchants l’arrosent abondamment à l’arme automatique sans jamais l’effleurer. Plongée, escalade, explosion, course poursuite dans la neige, rien ne manque pour ancrer le spectateur dans le film. Car c’est un très bon film, que j’ai vu plusieurs fois depuis sa sortie, sans jamais me lasser bien qu’il dépasse allègrement les deux heures. Un joyeux divertissement en famille.

La tragédie terroriste tourne en farce lorsque Harry (Arnold Schwarzenegger), qui sent qu’il délaisse sa femme car il est souvent absent, surprend Helen à son bureau juridique (Jamie Lee Curtis) en train de répondre à un mystérieux Simon qui l’invite à déjeuner vite fait. Elle s’ennuie, aurait-elle un amant ? La veille, Harry n’a pas pu renter à temps au bercail où femme et fille voulaient lui fêter son anniversaire pour cause de course-poursuite avec un trio de terroristes qui pullulent au début des années 1990 aux Etats-Unis sans que l’administration s’en préoccupe le moins du monde. Le pays de la liberté est celui du laisser-faire jusqu’à ce que le danger imminent le fasse basculer dans le repli le plus xénophobe et haineux. Pas d’entre-deux.

Harry use de ses pouvoirs (étendus) pour mettre sur écoute sa femme et découvre que le mystérieux Simon (Bill Paxton) se fait passer pour ce qu’il n’est pas, un espion patriote traqué par les méchants. Il s’attribue le rôle relaté dans les médias que Harry vient de jouer en tuant deux djihadistes commandés par l’Araignée des sables (Art Malik) qui voulaient lui faire sa fête dans les toilettes d’un grand hôtel. Un vrai morceau d’anthologie d’action ! Jusqu’au vieux juif à lunettes assis sur le trône lisant son journal qui ne comprend rien à ce qui se passe autour de lui.

L’époux va donc piéger l’amant en investissant la caravane où il a emmené l’épouse après lui avoir donné rendez-vous sous un pont. Frimeur, adepte des vieilles décapotables rouge vif, chemise ouverte et cheveux fous, Simon est une « petite bite » (c’est lui qui l’avoue). Il ne trouve pour draguer que « la belle histoire » de tous les commerciaux : faire rêver, passionner, enjôler pour conclure. Le vendeur de voitures d’occasion comme la caricature du Yankee. Il s’agit, ce soir-là dans la caravane, d’arriver à ses fins – mais Helen ne l’entend pas ainsi ; elle veut rester fidèle au lieu de prendre son plaisir (situation morale mais assez improbable).

Le commando aux grands moyens de Harry (deux vans, armes automatiques, gilets pare-balles, hélicoptère de poursuite) va donc faire sauter la porte et investir la caravane pour arrêter les deux « espions ». Ils seront conduits en lieu sûr et interrogés. Simon se pissera dessus de trouille au-dessus du vide et sera relâché en marcel et caleçon après une mise en garde sévère. Helen sera questionnée pour savoir si elle a couché, si elle aime toujours son mari, et retournée pour se voir confier une mission sous le nom de Doris qu’un certain Boris doit appeler.

Lorsque cela survient, un soir dans la cuisine, elle est conviée à s’habiller en pute de haut vol et à aller poser une puce électronique sur le téléphone de la chambre d’une personne surveillée dont le plaisir sexuel est de mater. Jamie Lee Curtis est alors formidable ; à 35 ans elle joue la séductrice à la perfection sous ses airs de petite bourgeoise coincée. Hauts talons, robe noire moulant à froufrous qu’elle arrache pour la raccourcir, décolleté plongeant qui rehausse ses seins, rose à lèvre flash, elle est magnifique. Se prenant au jeu lorsque l’homme lui demande de danser en se caressant, elle livre un show lascif qui est un autre grand moment du film. Harry en perd d’ailleurs son magnétophone où il a fait enregistrer ses demandes pour qu’Helen ne reconnaisse pas sa voix. Quand il veut finalement l’embrasser, les yeux fermés sur le lit, elle se rebiffe et lui assène un coup de téléphone fixe sur la caboche. Elle ouvre les yeux et se rend compte qu’il s’agit de son mari.

Mais pas le temps de s’expliquer, l’action commande. Un commando de terroristes fait irruption dans la suite et maîtrise le couple avant de l’emmener sur une île où l’affreux Aziz veut menacer l’Amérique. Il s’est en effet fait livrer plusieurs missiles russes de 30 kilotonnes achetés en contrebande et livrés via la belle pépée du début, experte en art perse. La bande d’Arabes exaltés se congratule en tirant en l’air comme de vulgaires ados palestiniens lorsque le missile est activé et coulé dans du béton pour ne pas qu’on le repère. Le couple se découvre dans l’adversité. Helen est sidérée de constater que mon mari est un expert en contre-terrorisme et qu’il a déjà tué ; elle l’observe se tirer d’une situation désespérée où il est menotté, scopolaminé et va être interrogé par un gnome à l’accent russe – autre scène d’anthologie lorsque le sérum de vérité lui fait dire au bourreau exactement ce qu’il va accomplir dans les secondes qui suivent – et qu’il accomplit pour le plus grand plaisir du spectateur haletant.

En bref, l’île grouillante d’arabes (étonnant qu’il y en ait autant !), choisis par le casting avec gueules patibulaires et débardeurs débordant de muscles, mal rasés et cheveux en touffe, est évacuée après avoir diffusé un message de haine et d’avertissement : l’île déserte des Keys va sauter atomique avant qu’une ville, cette fois garnie de bels et bons Américains innocents, en fasse autant, si on ne fait pas droit à quelques revendications mal définies. Harry s’en sort mais Helen est reprise et gardée en otage avec la belle pépée commerciale en art volé (Tia Carrere) dans la limousine qui fuit l’île par le pont qui la relie à la Floride. L’émetteur placé dans le sac d’Helen a permis à l’équipe de savoir où le couple était détenu et les grands moyens sont activés : hélicoptères, voitures de police et deux Harrier à décollage vertical qui passaient par là. Ce qui permet plusieurs scènes réjouissantes de bagarre dans la voiture (Helen se défend bien), d’explosion du pont, de terroristes flanqués à l’eau, d’exfiltration d’épouse terrifiée suspendue aux patins d’un hélico.

Mais l’histoire ne se termine pas là : Aziz l’Araignée s’est échappé en hélicoptère avec quelques terroristes, on le voit chevaucher la tête nucléaire comme un prolongement de bite rouge au gland jaune (j’ai pouffé). Il s’envole pour le haut d’un gratte-ciel de Miami où il veut armer le missile pour accentuer ses revendications. Il a enlevé Dana, la fille de Harry et d’Helen (Eliza Dushku, 14 ans), dont il a trouvé la photo conservée malencontreusement par son apprentie espionne de mère. Ni une ni deux : lorsqu’il l’apprend, Harry réquisitionne un Harrier (qu’il sait évidemment piloter) et va attaquer à lui tout seul le bâtiment… C’est énorme et jouissif, disons-le. Un dernier morceau d’anthologie. Mais ce n’est pas encore fini et le final est drôle, je ne vous raconte pas.

Le film a été un succès commercial grâce à un montage réglé comme une horloge où l’action s’enchaîne aux moments cocasses. Claude Zidi, qui avait préféré un pourcentage sur les recettes en salle plutôt qu’un forfait pour la reprise de son scénario, a été fort avisé. Même si l’on connait déjà l’histoire, on marche à tous les coups.

DVD True Lies, James Cameron, 1994, avec Arnold Schwarzenegger, Jamie Lee Curtis, Tom Arnold, Art Malik, Tia Carrere, Bill Paxton, Eliza Dushku, Grant Heslov, Charlton Heston, 20th Century Fox 2001, 2h15, €1.73

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Terminator de James Cameron

George Orwell avait imaginé en 1949 l’année 1984 (ici en DVD) comme un soviétisme généralisé ; le millésime atteint, James Cameron se projette 45 ans plus tard en 2029. La tyrannie a changé de genre : ce ne sont plus les apparatchiks robotisés du communisme « scientifique » qui tiennent le pouvoir, mais les robots créés par l’essor de la connaissance scientifique et la sophistication des « ordinateurs ». L’intelligence artificielle a un beau jour déclenché la guerre nucléaire et les rares survivants se trouvent en butte aux machines, fabriquées à la chaîne dans des usines automatisées, et qui ont pour « volonté » de détruire toute vie organique pour assurer leur règne.

Ces fantasmes, qu’il faut déconstruire, hantent toujours l’imaginaire d’aujourd’hui, d’autant plus que 2029 : c’est dans dix ans ! Il est en effet possible qu’une programmation informatique déclenche un processus de guerre (cela s’est déjà produit), même si les clés de sécurité multiples empêchent de finaliser la catastrophe. Mais rappelons qu’il n’existe pas « d’intelligence » artificielle, seulement une programmation sophistiquée qui ne fait que dérouler ses instructions ; les algorithmes automatiques reproduisent, ils n’inventent pas ; s’ils « apprennent », c’est par itération, pas par capacité de synthèse. Ni la mémoire, ni le réflexe, ne composent en eux-mêmes « l’intelligence ». Il est probable que les robocops ou autres robots de combat puissent acquérir une autonomie dans la réussite de leur mission programmée. Mais qui va recharger leurs batteries (et leurs munitions, dispensées largement dans le film) ? Qui va fournir l’énergie pour recharge ? Qui va extraire le minerai, le raffiner et l’usiner pour remplacer les pièces endommagées ? Qui va faire la maintenance du vaste système automatique de tout cela ? Un processus peut être automatisé, mais une volonté doit décider l’entretien et la rénovation, faute de quoi l’obsolescence se fait d’elle-même.

Mais l’intérêt du film est moins dans le fantasme que dans l’action et ce qu’elle implique. Schwarzenegger en méchant cyborg Terminator T-800 venu du futur pour tuer avant qu’elle ne tombe enceinte la mère du futur résistant aux machines, est une statue du Commandeur : elle se pose, implacable, face aux apprentis sorciers des fans de la technique jusqu’au bout, et sans contrôle. Kyle (Michael Biehn), venu du futur lui aussi, envoyé par le résistant aux machines, est un bel humain élevé dans les sous-sols d’un Los Angeles détruit et qui a connu la faim ; il s’est fait les muscles et la volonté dans le combat sans merci contre ces dérives de la technocratie capitaliste qui préfère le toujours plus jusqu’au pire, et le profit immédiat plutôt que se soucier des conséquences à long terme. Kyle sera le père de John Connor en baisant fiévreusement une seule fois la Sarah Connor (Linda Hamilton) encore étudiante et serveuse de fast-food pour se payer les études que le Terminator est venu éliminer. Tous deux ont 28 ans au tournage. Choisir pour père son propre compagnon de combat est un paradoxe étonnant qui préfigure la recomposition des familles et toutes les manipulations assistées. Il y a bien d’autres abymes que l’action brute dans ce film grand public. Sans parler des caricatures sociologiques que sont le commissaire benêt (Paul Winfield) et le psychiatre limité (Earl Boen) tous deux fonctionnaires qui fonctionnent – comme des robots – et le baiseur obsédé de la colocataire de Sarah en sex-machine.

Il ne faut pas pour autant bouder son plaisir à l’action, toujours haletante et aux scènes bien découpées. Tout commence par un Schwarzy à poil qui se matérialise dans un nuage de fumée (diabolique ?) devant les yeux d’un gros Noir conduisant une benne à poubelles. Lequel Schwarzy se balade toujours à poil en cherchant des vêtements, jusqu’à rencontrer trois racailles qui le menacent de leurs couteaux. Qu’à cela ne tienne, à peine une minute plus tard, les deux plus cons sont disloqués, la main du Terminator arrachant vif le cœur palpitant de l’un d’eux, tandis que le troisième s’empresse de quitter tous ses vêtements pour les donner au monstre. Puis Kyle apparaît dans un même arc électrique et nuage de fumée, mais plus fragile, éprouvé par la translation. Il pique son pantalon à un clochard avant de fuir habilement la police – toujours en nombre et toujours aussi nulle.

Les deux futuristes se procurent immédiatement des armes (cette prothèse mâle de tout Américain qui se respecte) et l’un va tuer systématiquement toutes les Sarah Connor de l’annuaire tandis que l’autre cherche l’unique qu’il doit protéger. Rafales de balles, explosions, massacres, tout un commissariat dévasté, rodéo de voitures… rien ne manque au spectaculaire hollywoodien. Le Terminator n’a qu’une mission qu’il poursuit inexorablement, et il est quasi indestructible. Mais c’est une machine, aussi bête qu’un guichet de sécurité sociale, à la fois tenace et persévérant dans la stupidité. Kyle apprend à Sarah à penser, prévoir et agir par elle-même au lieu d’attendre que tout (c’est-à-dire la mort) arrive. Elle retrouve l’esprit pionnier de la Frontière, ce grand mythe américain. Ce film est le premier d’une série, tous aussi bons, mais campe les personnages et le décor. Sarah perdra Kyle, programmé lui aussi mais par la biologie à lui faire un petit pour le futur ; mais elle vaincra le Terminator qui termine écrabouillé par une presse industrielle en la poursuivant jusqu’à l’absurde – sauf une main articulée qui seule subsiste (et qui servira pour la suite).

Un grand film des années 80 qu’il ne faut pas voir seulement au premier degré.

DVD Terminator (The Terminator), James Cameron, 1984, avec Arnold Schwarzenegger, Michael Biehn, Linda Hamilton, Paul Winfield, Lance Henriksen, MGM United Artists 2003,1h43, standard €7.99 blu-ray €11.04

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