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Tahiti est riche… si elle se bouge

L’ISPF indique que 71% des ménages sont propriétaire du sol et logement. Ces propriétaires sont en grande majorité natifs de la Polynésie française (86%). Trois personnes se partagent un logement constitué de 3 pièces en moyenne (35% des résidences principales). Pas mal, non ?

Il paraît que le fenua possède des richesses minières sous-marines. Sans recherches, il est des individus qui savent déjà qu’il y en a des milliards, propriétés du fenua. Oscar Temaru le clame partout, mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, non ? Chez les voisins de Papouasie-Nouvelle Guinée une première exploitation des nodules polymétalliques a démarré. Dans la ZEE du fenua, il y aurait les encroûtements les plus concentrés en cobalt… Quant à voir arriver tout de suite les pépettes, c’est autre affaire. Il y a de tout au fond de l’océan, tant mieux mais il faudrait faire un état des lieux, une feuille de route, etc.

vahine nue profil

On relance la vanille ! D’abord il faut bien la nourrir car la belle a besoin d’azote, de phosphore, de calcium et de potassium. On vise un production de 100 tonnes de vanille pour l’année 2016, avec un prix plancher proche de 4 000 XPF dès la production stabilisée et en hausse. Actuellement le prix au kilo est proche de 6 500 XPF faute de vanille mûre ! Allez ! Au régime, la vanille !

Le pito (nombril) déjà surdimensionné chez les Mao’hi leur est monté au niveau de la bouche. Des excès en tout genre, on parle, on parle, on tient des propos incendiaires, on dépose plainte à la Police, au Conseil d’Etat, etc. Ils sont devenus fous. Quand cette mascarade se terminera –t-elle ? Nul ne le sait. On pond des projets pharaoniques, qui paiera, mais la première question n’est-elle pas comment faire venir pour un prix raisonnable des touristes au milieu de nulle part, car la Polynésie « grande comme l’Europe », dixit Oscar Temaru est bien au milieu de nulle part ! A quand des billets d’avion d’un prix raisonnable ?

Il y a pourtant de quoi se divertir. Le concours de lever de pierre est un moment très attendu aux Australes pendant les fêtes de juillet. Ce sont les champions de Polynésie. A cette occasion, deux nouvelles pierres ont été baptisées et intronisées par le pasteur et l’orateur : Totena (65 kg) pour les femmes et Ario’e (150 kg) pour les hommes. Totena a reçu ce nom en souvenir du lieu où, à Peva, les anciens enseignaient aux plus jeunes tous les arts de la guerre et les formaient aux sports traditionnels. Ario’e porte le nom de la terre où chaque année, le Heiva se déroule. Ce nom rappelle aussi que c’est à cet endroit que la bonne parole est arrivée. 12 femmes ont tenté de porter Totena et une n’a pas réussi. La plus rapide a porté la pierre à son épaule en 1’81’’ et la plus lente en 7’ 51 ‘’. 6 concurrents pour Auti, pierre de 100 kg, 3 ont réussi et 3 n’ont pas pu la porter à l’épaule, les temps s’échelonnent entre 2’ 09’’ à 5’ 26’’. Evera, pierre de 125 kg n’a attiré que 2 amateurs pour des temps de 5’ 69 ‘’ et 11’ 99’’. Ario’e de 150 kg a attiré 4 concurrents. Bravo.

avion

L’institut Porinetia ananahi est un think-tank qui vient de publier un rapport après avoir travaillé 3 ans sur la situation de l’économie touristique en Polynésie… il y aurait plus de 1 000 milliards de manque à gagner.

Ce chiffre donne le tournis ! Si le tourisme mondial se porte bien et progresse, ce n’est pas le cas en Polynésie ! Carences. Incapacité à identifier les raisons de ces carences. Tahiti et ses îles ont donc perdu 14 ans de revenus. Hébergement insuffisant, trop cher, distractif inexistant. Dans le Pacifique, Fidji, Cook, Nouvelle-Calédonie, Tonga, Vanuatu, Samoa, Seychelles, Réunion, Maldives et Maurice ont connu une progression entre 37% et 82% au cours de cette même période ! Les gouvernants successifs du Territoire ont été incapables d’identifier les raisons des carences, n’ont pas trouvé de solutions innovantes, ont perdu 14 ans de revenus. Voyez les hébergements : insuffisants et trop chers, etc. Inutile de se voiler la face, de tout mettre sur le dos de la crise, de faire du copier-coller avec la métropole. Les investisseurs chinois pourraient aider le Peï, mais attention de ne pas abandonner le secteur du tourisme aux seuls Chinois, car ils ne représentent que 10% du volume du tourisme mondial ! Il faut se battre mais ne pas reproduire les erreurs du passé. Il semble que le gouvernement l’ait compris, alors formulons des vœux pour une réussite de ce renouveau.

Hiata de Tahiti

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La terre ne ment pas, sauf à Tahiti

Dans les années 1970-1980, Nauru était un paradis prospère grâce à l’exploitation du phosphate, mais connaît depuis une grave crise économique. Une petite parenthèse, Nauru est l’un des trois États du Pacifique à avoir porté à l’ONU la demande d’indépendance de la Polynésie française. Je lis que François Hollande a réitéré « l’engagement de la France dans la lutte contre les conséquences du changement climatique à Nauru ». Nauru, moins de 10 000 habitants, est passé d’une situation florissante (1970-80) en raison de l’exploitation du phosphate par des compagnies étrangères, à l’état de quasi-faillite au début des années 2000. Nauru a tenté aussi l’expérience du paradis fiscal. Nauru reçoit depuis de substantiels revenus (parfois un cinquième de son PIB) de Canberra (Australie) pour abriter un camp de boat people interceptés au large des côtes nord-occidentales australiennes.

nauru carte

Mais si t’as pas de boulot y a des concours comme par exemple celui de la gendarmerie ? 634 inscrit en 2012, 739 cette année. Licenciés en biologie, bacheliers, ces jeunes mettent tout leur espoir de travail dans les concours. Les plus courageux les essaient tous. Courage ! Et bravo car en 2012, les Polynésiens étaient 10% à être admis au concours de sous-officiers de la Gendarmerie !

Les pollueurs seront les payeurs (si on les trouve !). Le ministre annonce en compagnie du substitut du procureur des sanctions pénales contre les pollueurs. « Un signe fort » clame le ministre – mais pour ceux qui connaissent Tahiti… Pour améliorer le cadre de vie, 544 infractions auraient été traitées en 2012. Vouai ! Certains industriels seraient dans le collimateur. Et où déverse-t-on la pompe à m…. ? On creuse un trou dans la vallée de la Punaruu, le camion y déverse son chargement, quand le trou est plein on rebouche et on recreuse un autre trou à côté. Il paraît que l’autorisation date de 1973, alors ?

Au premier regard sur les Tuamotu, les terres paraissent inhabitées, sans propriétaires. Il n’en est rien. Ce sont souvent, comme partout en Polynésie, des terres indivises. L’organisation foncière Ma’ohi était bien différente de celle qu’imposèrent les autorités françaises. En 1887, les propriétaires polynésiens ont dû déclarer leur droit, s’inscrire dans des registres contenant les informations sur la terre, les délimitations (tomite). Les Anciens bornaient  leurs terres avec de grosses pierres volcaniques ou de corail (otia). D’un caractère sacré, d’un aspect foncier, ces délimitations de propriétés ne supportaient et ne supportent encore aujourd’hui aucune transgression ou aucun déplacement. Les vieux sont partis mais les pierres demeurent et demeureront encore longtemps. Ce sont pour les géomètres des repères, des références indiscutables toujours utilisées. Elles sont plantées sur les motu, près d’un arbre, près d’un cocotier, les habitants à l’œil exercé les repèrent aisément, nul besoin de plan. On ne transgresse pas les lois édictées par les Anciens. Les coprahculteurs ramassent les cocos dans les parcelles louées mais n’empiètent pas sur le terrain voisin même s’il est à l’abandon et plein de cocos.

tuamotu vue avion

Cela se passe au bout de la presqu’île, à Teahupoo, la vague mythique. Un litige foncier qui remonte à 4 ans, une barrière qui se lève seulement si la famille a payé 30 000 CFP par an. Une cinquantaine de foyers concernés par cette taxe de passage ! Les propriétaires et habitants du fenua Aihere ont bloqué le passage à leur tour le chemin qui mène à ce petit bout de paradis, au bout de la route goudronnée de Teahupoo, au niveau du radier qui traverse la rivière. Alors, afin de mieux faire comprendre aux tenanciers de la barrière le mécontentement des autres riverains, ces habitants frondeurs ont déposé d’énormes rochers au niveau du radier empêchant les empêcheurs de sortir ou d’accéder à leur habitation située au-delà de la rivière. La barrière serait restée ouverte depuis. Fini le peapea (ennuis, incident) ?

Hiata de Tahiti

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Dudouet et Grémont, Les grands patrons en France

L’intérêt de ce livre est qu’il se situe – volontairement – au carrefour de l’économie, de la sociologie et de l’histoire politique. C’est ce qui le rend précieux. Le patronat français est bien loin des 200 familles chères au Front populaire. Il est aujourd’hui principalement composé d’ex-fonctionnaires, issus des Grandes écoles de la République, surtout Polytechnique et l’ENA.

La relation incestueuse du pouvoir politique et économique, tellement française, s’est déplacée. Hier l’État était tout-puissant, faisait et défaisait les rois en entreprise. Aujourd’hui, alors que la mondialisation exige l’efficience, les matheux formatés Éducation nationale délaissent le « service » public pour le profit privé. Ce qui compte reste toujours le pouvoir : celui, social, d’imposer ses vues ; celui, égoïste, d’amasser le maximum d’argent. Pas le pouvoir d’œuvrer pour la société, pas même pour l’entreprise : les grandécolâtres ex-fonctionnaires sont des mercenaires, pas des entrepreneurs.

L’état des lieux, dressé par un chercheur au CNRS rattaché à l’université Paris-Dauphine et par un économiste président de l’Observatoire politico-économique des structures du capitalisme, est édifiant. Les élites, sélectionnées par le système puis autoproclamées par cooptation constante, suivent un mouvement qui les dépasse. Avant 1914 c’était le libéralisme où le moins d’État possible assurait la plus grand puissance des profits et de la notoriété. Il a fallu deux guerres mondiales pour immiscer l’État dans l’organisation de l’économie et engendrer cet autoritarisme industriel qui a fait le bonheur de ceux qui sont bien « nés ». Non de sang, mais de méritocratie scolaire appuyée d’un puissant réseau social. Fils de patrons et fils de profs, aiguillés dans les bons lycées des bons milieux, ont investi les allées du pouvoir politique, puisqu’il était l’antichambre du pouvoir de l’argent. L’âge d’or s’est situé entre 1945 et 1986, lorsque l’État possédait le principal par nationalisation et nominations.

Depuis, la « privatisation » a eu lieu. Mais croyez-vous qu’elle soit sociale ? Pas du tout : les ex-fonctionnaires ont pantouflé royalement dans les prébendes. Ce sont toujours les écoles des corps d’État qui assurent le principal des patrons 2008 (dernière année de l’étude). Sauf Normale sup, reléguée au fin fond pour ignorance économique. Un tiers des patrons du Cac40 sort non seulement des grandes écoles au recrutement malthusien, mais aussi des grands corps d’État. Cette relation incestueuse démontre l’intrication du politique et de l’économique plus qu’ailleurs dans la France d’aujourd’hui. C’est dire combien il est peu adapté à la globalisation de la production et des échanges… A-t-on jamais vu encore une grande entreprise internationale nous demander un énarque pour la présider ? A l’inverse, les écoles de commerce émergent peu à peu, notamment les plus prestigieuses comme HEC, ESSEC et ESC Paris. Mais pour la France, ajouter l’ENA et passer par l’inspection des Finances reste le must.

Car la France, société de cour, fonctionne en réseau hiérarchisé. Plus vous êtes proche du pouvoir, du sommet, de l’Élysée, plus vous avez de pouvoir symbolique. Or le pouvoir symbolique se traduit, chez nous, par du pouvoir réel. Jean-Marie Messier (dit J6M : Jean-Marie Moi-Même Maître du Monde), bien que polytechnicien et énarque, n’était pas proche du cœur de ce pouvoir symbolique, ce pourquoi il a été lâché par les « parrains » (au sens mafieux) du capitalisme français. Sa société, Vivendi, bien qu’endettée, n’a pas fait faillite. C’était le signe qu’elle restait viable malgré la course aux rachats externes. Mais son PDG marginal a été éjecté. La caste se défend.

Le tableau du réseau social des entreprises du Cac 40, patiemment élaboré par les auteurs, est éclairant. Au centre du pouvoir se situent les financiers détenteurs du levier crédit : BNP-Paribas et Axa. Autour d’eux gravitent, reliées soigneusement par des conseils d’administration croisés, les entreprises du cœur : Total, l’Oréal, Air France-KLM, Vivendi, Alcatel, Lafarge, Renault. Pour celles-là, pas touche ! Aucune offre publique d’achat ou rapprochement possible sans consentement des parrains.  Tout le gotha se dresserait contre car s’y trouvent des entreprises nationales stratégiques (Total, Renault, Air France, BNP, Axa, Alcatel) et des pompes à phynance pour le pouvoir politique (L’Oréal, Total, Vivendi). Les opéables sont celles qui n’ont guère de relations avec ce pouvoir social politique et économique : Michelin, Danone, Bouygues, PPR, Accor, Vallourec, Cap Gemini, LVMH, Pernod Ricard, Arcelor…

« Le virage libéral qu’a connu la France dans les années 1980-1990 relève qu’une dynamique historique commune à tous les pays occidentaux et ne peut donc se réduire à la stratégie des élites nationales, supposant une communauté de vue et d’intérêts que les compétitions internes nuancent fortement » (p.66). Mais l’élite a bien vu son intérêt et le « service » public est resté un paravent idéologique (où catholiques voisinent avec les positivistes). Rideau de fumée bien commode pour masquer le réel : appétit de pouvoir et avidité d’argent. Les privatisations ont assuré la pérennité de l’élite hier d’État, aujourd’hui du clan des grands groupes. Rares sont les héritiers de familles fondatrices et propriétaires de l’entreprise. La majeure partie des « patrons » est mercenaire, entendus comme les PDG et autres directeurs exécutifs des sociétés cotées au CAC 40. Formés matheux au lycée et formatés par les Grandes écoles, ils défendent leur groupe restreint fait de condisciples, d’intermariages, de cohabitation dans les quartiers huppés, de formations en lycées ou prépas d’excellence, et de relations au cœur de l’État. Très peu d’étrangers dans ce nid incestueux : 23 sur 136, dus surtout aux prises de participations européennes. Évidemment très peu de femmes : 3 sur 136.

Reste la question de toute élite : celle de sa légitimité. Autant les footeux et autres tennismen ou women peuvent, sans faire scandale, s’approprier une grosse portion des ressources produites, autant les grands patrons ont peu de légitimité à percevoir golden welcome, stock options, bonus et retraites chapeaux. « Il existe une forme d’enrichissement des grands patrons qui ne subit pas d’opprobre comparable : celle de la valorisation de leur capital économique » (p.141). Les patrons propriétaires qui développent leur entreprise, créent des emplois et augmentent la notoriété de leur marque nationale, sont légitimes quand ils en profitent eux-mêmes. Ceux qui font scandale sont les mercenaires, trop souvent ex-fonctionnaires : ils s’enrichissent sans cause, avec pour seul bagage le pouvoir de leurs relations.

Comme quoi l’État, lorsqu’il se mêle d’économie, n’a pas la légitimité qu’on veut bien lui prêter pour régler la société. Plus d’État qui régule est une revendication économique légitime, réclamée par le libéralisme (voir Fernand Braudel). Mais régulation ne signifie certainement pas plus de fonctionnaires aux commandes !

Un livre passionnant qui se lit facilement et vient compléter pour l’entreprise les analyses de la bourgeoisie par le couple Pinçon-Charlot.

François-Xavier Dudouet et Éric Grémont, Les grands patrons en France : du capitalisme d’État à la financiarisation, 2010, éditions Lignes de repères, 174 pages, 17.10€

Eric Grémont est directeur de l’OPESC

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