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Un rôti de porc tendre, ça vous dit ?

L’automne s’avance et le temps plus froid fait désirer des plats plus roboratifs. Un rôti de porc, ce n’est pas cher et cela fait de l’effet. Problème : comment le cuire sans le rendre trop sec ? Sans le rendre non plus aqueux parce que trop plongé dans un liquide ? Je vous livre ma recette et mes secrets de cuisine… J’en connais qui vont s’en inspirer !

roti de porc

Pour 4 ou 5 personnes, prenez un rôti de porc de 1.5 kg, si possible dans l’échine, mais en tout cas soigneusement ficelé.

Faites-le revenir dans une cocotte allant au four avec un fond d’huile, grillez-le un peu (pas trop) sur toutes ses faces. Puis ôtez le rôti de la cocotte et jetez l’huile.

Épluchez et coupez 5 ou 6 gousses d’ail en bâtonnets de 1.5 x 0.5 cm environ (en gros coupez une gousse d’ail de taille normale en 4) et piquez-les dans le rôti en enfonçant une pointe de couteau dans la viande sur 2 à 3 cm de profondeur (n’hésitez pas à aller profond). Avant d’enfoncer le bâtonnet d’ail, enfoncez d’abord un ou deux grains de gros sel et quelques brins de thym (frais ou sec). Le premier secret est là : en cuisant, le sel va diffuser la saveur de l’ail et du thym au cœur de la viande. Vous verrez, elle aura un goût inimitable et absolument rien de l’acidité piquante de l’ail cru ; vous n’aurez pas mauvaise haleine. Piquez l’ail tous les 2 ou 3 cm en tournant le rôti pour bien répartir.

Assaisonnez alors le rôti une fois piqué de thym, de poivre et de sauge (fraîche ou sèche, si elle est fraîche, ne placez que quelques feuilles). Ne resalez pas ! Enveloppez ensuite de tranches de lard coupées fin, ou de bacon, ou d’une tranche de jambon cru. Outre que cela donnera du goût, cette enveloppe empêchera les herbes et le poivre de brûler et de prendre un goût âcre ; elle préservera de plus la viande du dessèchement. Voilà le second secret.

Le troisième secret est de placer le rôti en cocotte accompagné d’un verre de vin blanc (ou d’eau si vous n’avez rien d’autre), d’une tomate coupée en quatre et d’une échalote (épluchée mais laissée entière) par personne. Tout cela pour donner de la vapeur dans la cocotte durant la cuisson. Si vous voulez un goût plus rond, badigeonnez d’un peu de miel le rôti après l’avoir piqué d’ail et assaisonné, en le retournant – AVANT de l’envelopper du lard ou du jambon.

Mettez le couvercle à la cocotte et faites cuire 15 à 180° ou (mieux) 20 mn par livre à 160° (1 livre en France = 500 g), soit 1 h pour 1.5 kg dans un four à 180° ou 1h40 à 160° – ou 1h à 160° pour 1kg. Le four doit être en position centrale – chaleur tournante c’est mieux, sinon haut et bas comme pour une tarte. Vous pouvez ouvrir la cocotte et retourner le rôti à mi-cuisson pour faire griller l’autre côté du lard ou du jambon, mais ce n’est pas indispensable.

Laissez le rôti reposer dans sa cocotte et hors du four durant ¼ d’heure de plus après cuisson (total cuisson + repos = 1 h 1/4 pour 1.5 kg à 180°), puis coupez-le en tranches fines. Au couteau électrique, c’est plus pratique, ou avec un couteau à lame large et bien aiguisé autrement.

Servez la viande avec sa sauce (après avoir enlevé toutes les ficelles…), accompagnée d’une purée : 2/3 céleri rave + 1/3 pommes de terre. Ou de pommes de terre grillées si vous préférez, mais c’est moins fin. La photo montre aussi d’autres légumes comme des pommes et des aubergines, mais c’est plus un accompagnement.

Choisissez un vin rouge léger de type Haute-Loire, Gamay ou Bergerac, ou un vin blanc pas trop sec ni trop typé de type Bordeaux blanc ou Bourgogne blanc – ou encore un vin rosé, mais c’est plus râpeux.

Et dites-moi en commentaire si vous avez aimé !

Bon appétit.

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Herman Melville, Taïpi

Taïpi est le premier roman d’Herman Melville, écrit à 25 ans. Il relate une expérience personnelle de désertion avec un compagnon, Toby, suivie d’un séjour chez les sauvages cannibales des îles Marquises. Melville enjolive son histoire, il l’étire dans le temps, évoque quatre mois plutôt que quatre semaines, ajoute des détails culturels puisés dans la documentation ethnologique qui commence à paraître en son temps. Il a vécu chez les sauvages, c’est un fait confirmé par Toby lui-même – en réalité Richard Tobias Greene – de retour de bateau deux ans après la publication du roman.

Mais il travestit la réalité en la romançant, comme il était d’usage chez les gens-de-lettres du 19ème siècle. Il dissimule notamment toute sexualité sous un discours de convenance qui s’évade dans le lyrisme à chaque moment cru. Il invente certains personnages comme la belle Faïaoahé pour faire plus « vrai », se donner le beau rôle ou dissimuler sous la convention des désirs interdits. Mais un tel nom n’existe pas en polynésien, pas plus que « le lac » lamartinien de l’île où l’auteur dit avoir promené sa belle en pirogue, brisant le tabou qui exclut les vahinés des bateaux.

L’histoire est cependant captivante. Ne supportant plus la campagne de pêche à la baleine interminable, ni l’arbitraire tyrannique du capitaine Pease, Melville déserte en baie de Nuku-Hiva le 9 juillet 1842. Avec Toby, il s’enfonce dans l’intérieur, passant les crêtes vertigineuses qui séparent les vallées, formant autant de « cités » pour les tribus du lieu. L’une d’elle, particulièrement, est réputée féroce et cannibale. C’est dans cette dernière que vont échouer Toby et Tom (surnom que s’est donné Melville d’après son grand père Thomas). Ils surprennent un très jeune couple effarouché occupé sans doute à s’aimer dans les buissons (évanescente et victorienne allusion).

Ils s’attendaient à être dépecés, rôtis et mangés mais c’est une sourcilleuse hospitalité qui leur est offerte. Le soupçon planera durant tout le séjour et va épicer l’histoire. Tom, blessé à la jambe, ne peut suivre Toby lorsque celui-ci réussit à quitter les Taïpis quelque temps plus tard en jurant de revenir le chercher. Il ne reviendra pas, berné par l’intermédiaire tribal cupide. Mais il transmettra l’information et, in fine, fera libérer le narrateur.

En attendant, Tom est soigné dans la case du chef Maaheiao par son fils Kori-Kori et sa sœur inventée, à « l’affection » probablement tout aussi inventée. D’autres jeunes garçons peuplent la case, que Melville évoque en passant. Baignades nues, massages à l’huile de coco conduisant à l’extase, jeux avec les enfants, repas pris en commun avec les chefs, tissage auprès des femmes, Tom ne s’ennuie pas. Les fêtes et cérémonies lui échappent mais il sent confusément que ces rites, tout comme les tatouages, ont quelque chose à voir avec la religion de la tribu, donc avec son adoption définitive. S’il refuse trop longtemps d’être tatoué, Tom ne risque-t-il pas de refuser de s’assimiler, donc ne sera-t-il pas sacrifié comme « ennemi » ?

Les Happas, de la tribu voisine, dont quelques escarmouches violentes rappellent que la guerre existe chez les « bons sauvages », font les frais du rôti lorsque des guerriers vaincus sont ramenés en triomphe chez les Taïpis. Leurs vainqueurs en conservent la tête, embaumée, emballée et suspendue par une corde dans leur case. Tom en aperçoit trois dont une de Blanc, lorsqu’il revient impromptu d’une promenade.

Il ne cherchera alors qu’à fuir, occasion de dramatiser un peu le récit qui s’est complu jusqu’ici dans la description des délices de la vie naturelle à la sexualité spontanée. Sa famille adoptive se fera complice de son évasion in extremis lorsqu’un baleinier, au courant de son sort, mouille dans la baie.

Il est tout à fait possible de lire Taïpi naïvement, et c’est alors un bon roman d’aventures à mettre entre toutes les mains dès 12 ans. L’auteur ne se perd pas dans l’érudition et peu encore dans l’essai moral. Il écrit de façon primesautière, d’un style enlevé, hardi, léger. Il se moque de lui-même tout en s’autorisant certaines émotions et transports. Il a le sens de la mise en scène, faisant insidieusement monter la tension, depuis un paradis terrestre où il folâtre insouciant en simple appareil jusqu’aux menaces diffuses qui l’inquiètent crescendo sur son intégrité physique, son avenir, sa vie peut-être.

Il est aussi possible de lire Taïpi avec le recul, et l’on y trouve alors une réflexion philosophique sur barbarie et civilisation, nature et culture, sexualité et relations humaines, vie naturelle et religion. Le pas est vite franchi – et pour cause – vers le pamphlet anti-missionnaires, anti-puritanisme et anti-colonialisme. Melville raisonne en citoyen d’un pays neuf, les États-Unis, libéré des féodalités des vieux pays d’Europe, et des révérences religieuses, diplomatiques ou de prestige social. Reste à se libérer du carcan victorien et à laisser s’épanouir la sensualité des corps et la sexualité libre. C’est à cela que sert la Polynésie pour Melville l’Américain. Et avec lui nombre de marins.

Melville avoue dans une lettre à Nathaniel Hawthorne du 1er juin 1851 : « Je n’ai connu jusqu’à 25 ans aucun développement. C’est de ma 25ème année que date ma vie. » L’expérience chez les Taïpis apparaît comme une initiation, comme un passage dans le jardin d’Eden terrestre – la Polynésie – d’où il « renaît » différent, accompli sexuellement, libéré des conventions, élevé en morale, apte à réaliser enfin sa personnalité dans l’écriture.

Taïpi contient beaucoup de choses et ses divers degrés de lecture incitent à y revenir, signe que le livre est plus profond que sa légèreté affichée et que c’est donc un « bon » livre : celui qui distrait tout en laissant penser.

Herman Melville, Taïpi, Folio 1984, 377 pages, €8.45

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