Aurons-nous un krach de l’immobilier en France ?

L’immobilier sert à se loger, il dépend en ce cas des moyens que l’on a d’acheter ou de rembourser ses emprunts avec ses revenus réguliers. Mais il sert aussi de placement, pour sa retraite, loger un enfant étudiant ou jeune travailleur, ou pour éviter les placements financiers et le dépôt d’actifs en banque. Il faut donc distinguer les deux approches si l’on veut comprendre le marché immobilier 2011. Si se loger reste toujours crucial, placer est moins urgent. Le marché immobilier devrait donc consolider, sans pour cela qu’un krach se produise en France.

La demande de logement est toujours forte en raison de l’évolution

  • démographique (taux de fécondité soutenu, mariages tardifs, existence prolongée),
  • sociale (plus de familles monoparentales, mutations et déménagements, crainte pour sa retraite)
  • désir d’habiter « la plus belle ville du monde » dans le cas particulier de Paris (les comparaisons en euro du prix au m² restent favorables) ou la province française (pas chère comparée à l’anglaise, l’allemande ou l’italienne du nord).

La demande de placement a explosé à la suite de la crise financière systémique née à l’été 2007 des malversations bancaires : prêts subprimes et produits dérivés devenus invendables. Les banques ont failli craquer et nombre d’entre elles ont été mises sous oxygène par les États. Parmi les investisseurs, un mouvement de panique s’est produit, consistant à diversifier ses banques, à retirer les valeurs en liquide pour les placer en or physique ou en œuvre d’art dans un coffre chez soi, et à sortir des actifs boursiers pour acheter des valeurs réelles (terres, vignobles, parts d’entreprise, immobilier).

Pour se loger, on ne compte pas. Ou plutôt, le rendement locatif n’est pas la mesure qui convient, ce pourquoi quelques-uns parlent de « bulle » alors que l’investissement n’est pas ce qui mène actuellement le marché immobilier en France. Le ratio des revenus et aides sur le prix (ce qu’on appelle le taux d’effort) est premier. La situation a été plutôt favorable depuis 2009 avec la baisse des taux à un niveau historiquement bas, la fiscalité Scellier, prêt à taux zéro et le crédit d’impôt pour les intérêts d’emprunt, tandis que le revenu net réel continuait tout doucement d’augmenter contrairement à quelques pays voisins, malgré la crise  et avec une faible inflation.

Cette situation change en 2011.

L’inflation revient et les taux d’intérêt bas sont derrière nous, même s’ils ne devraient pas grimper brutalement à horizon prévisible. Certains évoquent une crise de dettes souveraines qui obligerait la BCE à faire monter très vite les taux pour défendre l’euro et conserver son pouvoir anti-inflation. Nous n’en sommes pas là, la situation reste raisonnablement sous contrôle. La restructuration exceptionnelle de la dette d’un pays, ou sa sortie provisoire de l’euro, pourraient être des sas de décompression pas encore utilisés en cas de crise. Quant aux revenus, ils ne vont pas grimper au-delà du minimum en raison d’une croissance en veilleuse, d’un chômage élevé persistant et de mesures fiscales nécessaires pour réduire le déficit d’État.

Côté placement refuge, ceux qui voulaient diversifier leurs actifs l’ont déjà fait. Le marché des actions se maintient, avec des résultats honorables compte-tenu des progrès de productivité et de réduction des coûts. Le marché des obligations n’est pas fier, mais le rendement comparé des loyers immobiliers est obéré de plus en plus par la hausse des taxes, des mises à niveau pour performance énergétique ou sécurité (ascenseurs, détecteurs de fumée, bilan thermique…), du prix des syndics et des impayés dus à la crise.

Certes, la pierre protège de l’inflation, à condition d’entretenir le bien. Le long terme montre que la plus-value est en gros inflation+1%. Mais si l’inflation revient, elle ne s’envole pas, scrutée par tous les économistes, les marchés et les banques centrales. Et lorsque l’inflation est basse, le cycle de l’immobilier est plus sensible aux taux d’emprunt et à la sécurité du placement. Celle-ci va du bien placé facilement vendable à la fiscalité du patrimoine (donc l’ISF, les taxes foncières et d’habitation, les droits de mutation et de succession). Les taux remontent et la fiscalité aussi, ce qui réduit l’intérêt de l’actif immobilier sans toutefois l’abolir.

Alors, krach ou pas ?

Nous ne croyons pas au krach français dans l’immobilier. Les particuliers n’empruntent pas à taux variable comme dans les pays anglo-saxons, mais à taux fixe. Ils ne prennent donc pas un crédit revolving qui leur permet d’extraire du revenu supplémentaire de la hausse de leur bien immobilier, mais remboursent régulièrement à un taux maximum de 30% de leurs revenus annuels. Les banques françaises sont restées traditionnelles à cet égard, ce qui leur a évité les déboires spéculatifs des banques irlandaises, espagnoles et anglaises.

Le cycle ?

Il est en général de 6 à 10 ans, déterminé par l’endettement. La durée moyenne de détention du logement est en moyenne de 7 ans en France, ce qui explique le cycle. Il ne faut pas oublier que lorsque l’inflation est très basse, l’emprunt est plus difficile à rembourser puisqu’il ne s’allège pas au fil des années. En contrepartie, les taux d’emprunt sont bas aussi (bien que toujours supérieurs à l’inflation), ils permettent un endettement plus long, jusqu’à 25 ans. La durée du cycle actuel en est évidemment affectée.

Le dernier creux immobilier de 1997 a connu son top en 2007. La correction 2008-2009 a duré 18 mois, ce qui paraît peu puisque la précédente avait duré 5 ans. Mais la situation n’est pas la même :

  • Nous avons vu la faible inflation et l’allongement des emprunts
  • Les banques avaient fait de la spéculation immobilière en tant que promoteurs au début des années 1990 – pas à la fin des années 2000.
  • L’attrait du placement refuge après les années de bulle des actions était beaucoup plus fort que dix ans avant (krach 2000 des actions technologiques, krach des subprimes 2007).
  • La comparaison en euro des prix français par rapport aux pays voisins est nouvelle dans ce cycle (l’euro n’existe que depuis 2000), ce qui valorise notre territoire vaste et assez peu peuplé, ou le prix comparé du m² parisien par rapport à Londres, Berlin ou ailleurs.
  • La rareté du foncier dans Paris engendre une offre faible qui maintient des prix élevés pour les bons emplacements.
  • Par rapport au cycle précédent, l’effet transport (TGV et avion low cost) a favorisé l’achat de résidences secondaires ou de fermettes par les étrangers.
  • Il n’y a ni emballement généralisé et autoentretenu des ventes, des prix et du crédit, ni comportements spéculatifs allant jusqu’à revendre plus cher des promesses de vente comme en 1989 !

Mais il ne faut pas extrapoler la situation française d’après la situation parisienne. Nous devrions avoir un dégonflement des prix global, mais pas de krach brutal ni généralisé. L’immobilier bien placé et socialement désiré restera un bon placement, soit de prestige si l’on veut l’habiter, soit d’investissement si l’on veut le louer. Se méfier donc des prix soufflés dans des quartiers loin des centres, mal isolés et soumis aux transports aléatoires. Mais se souvenir que ce qui est rare est cher.


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9 réflexions sur “Aurons-nous un krach de l’immobilier en France ?

  1. OK merci pour la réponse 🙂

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  2. argoul

    Pour l’ordre des commentaires, je comprends, mais je ne suis pas maître de la technique qui veut que la « réponse » à un commentaire particulier figure à la suite dudit commentaire, quel que soit l’ordre d’arrivée.

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  3. argoul

    Les Parisiens ont acheté avant la bulle, puis ont monté en gamme avec l’évolution de carrière ou le départ d’enfants, ou encore en basculant des produits boursiers (qui ont bien marché pendant 20 ans) à l’immobilier. J’ai vécu tout ça personnellement.

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  4. Je vois sinon pour les volontés des gens dans les grandes villes. J’habite à 2 km de l’hôpital, au milieu de la forêt et à 20 minutes en bus ou en voiture du centre-ville de Nancy. Que ce genre d’endroit plaise, je n’en doute pas une seule seconde, mais cela était sans doute le cas il y a 20 ans non? Pour autant, ce gens de maison était plutôt bon marché à l’époque, et il n’y a pas eu de demande touristique dans mon coin pour expliquer un tel boom?

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  5. Je n’ai pas eu besoin de faire une école de commerce pour calculer le prix d’un produit soldé de tête avec une faible marge d’erreur, mais je saisis l’idée. C’est incroyable quand même le niveau éducatif: la règle de trois, c’est du niveau 4ème/3ème… Bon ca va me réconforter tout de même. Je me trouvais pas très bon en langues ou avoir oublié l’essentiel des mathématiques, mais finalement, je me débrouille pas si mal en fait… 🙂

    Pour le Scellier comem dans la vraie vie, un cadeau se répercute par une augmentation des prix à un niveau similaire. Exemple: baisse de taux d’intérêt = hausse de prix jusqu’à ce que les mensualités reviennent au même. Après je me dis quand même qu’il doit y avoir des pigeons: je n’achèterai pas un logement plus cher que le marché. Si l’unique moyen de rentabiliser la chose est la déduction d’impôt, à moins d’avoir un plaisir presque pevers à vouloir payer moins d’impôt pour engraisser le promoteur immobilier, j’ai du mal à voir l’intérêt de la chose.

    Pour Paris, je vois… Disons que je partais simplement du postulat suivant. Mr et Mme Durant gagnent tous deux 4 000€ nets par mois (un salaire à mon avis plutôt bon, même à Paris). S’ils investissent 4-5 ans de salaire dans l’immobilier, ce qui est déjà beaucoup, cela fait:

    4 000€ * 12 * 4 à 5 * 2 = 384 000€ à 480 000€ sur la table. Avec un m² à 8 000€ du m², cela veut dire qu’ils peinet à avoir un petit 50m² dans Paris intra-muros. Alors quid des smicards et de tous les autres? A moins que les familles s’entassent dans des clapiers à lapin ou de postuler que beaucoup de gens gagnent 10 000€ de revenus mensuels pour leur famille, comment ont fait les proprios modestes à Paris? Acheter avant la bulle? S’endetter à 50% sur 40 ans?

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  6. Tous les gens n’ont pas fait une école de commerce… Quand au lycée public, il ne permet guère de sortir du bac avec une quelconque pratique. Les maths y restent abstraites (combien de prépas sont pataudes devant une règle de 3 ?) et l’anglais n’est même pas parlable au bout de 7 ans.
    L’indice du prix de la construction a moins monté que les prix de l’immobilier proposé à la vente. Quant au neuf, les prix augmentent non seulement en raison du foncier, mais aussi de la marge offerte par les cadeaux fiscaux. Acheter du Scellier est plus cher que d’acheter de l’habitable par soi. C’était pareil pour le Malraux et les autres. Encore une perversion d’État…
    Quant aux emplacements, tous les Français veulent habiter pas cher au centre ville avec des transports partout, l’hôpital bien classé à côté et des écoles chics. Comme ces critères sont rarement réunis, le prix se charge de départager les élus.
    A Paris même, il y a la montée en gamme : on achète petit quand on débute dans la vie, et le prix des biens qui augmente permet de revendre et d’acheter plus grand, dans le même temps que la carrière permet des salaires et primes meilleurs. Selon les notaires, c’est cela qui joue depuis un an ou deux.

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  7. Les gens ne sont pas bien malin s’il leur faut une monnaie unique pour comparer. Avec Excel, une calculette ou de tête, ca se calcule très bien 🙂 Sinon merci pour ton complément d’information. Comment l’état arrive à biaiser les prix? Je veux dire. Imaginons le scénario suivant:

    1997: Prix terrain: 30 000€. prix maison: 70 000€. total: 100 000€
    2010: Prix terrain: 60 000€. prix maison: 140 000€. Total: 200 000€

    A moins d’avoir des prix de revient qui doublent sur la période, les constructeurs devraient davantage construire non? Même en postulant une inflation de 3% par an (inflation + hausse des salaires et matières premières), le prix de la maison n’excède pas 103 000€. Donc logiquement, les constructeurs devraient construire tant que les maisons ne sont pas redescendues à 163 000€ (103 000+60 000) non? modèle un peu simpliste bien sûr. Quand aux terrains, il y en a plein dans les campagnes, donc pourquoi une telle explosion?

    Et d’accord pour les USA, cela étant, une maison à 2 ans de revenu médian d’un ménage (la norme dans ma ville), ca fait rêver. Cela reviendrait à une maison autour de 70 000€ en France…

    Petite remarque: tu devrais peut etre inverser l’ordre chronologique des commentaires, pour avoir les plus anciens au début et les nouveaux à la fin non?

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  8. Je parle de tout le cycle haussier, de 1997 à 2008 : l’euro (instauré en 2002) a permis aux étrangers proches de comparer les prix français aux leurs. D’où engouement pour une France peu peuplée à la campagne ou de prestige (Paris, côte d’Azur, Bourgogne, Périgord, Bretagne, etc).
    Depuis la réforme Jospin supprimant la vignette auto (perçue par les départements), puis de la taxe professionnelle par Sarkozy, le seul impôt resté vraiment local reste la taxe foncière. Cela fait grimper les prix du foncier, donc les promoteurs calculent avant d’y aller. Il n’y a donc pas loi de l’offre et de la demande mais – nous sommes en France – intervention de la puissance publique pour biaiser les prix.
    D’autre part, la construction américaine n’est pas vraiment celle qui se fait en Europe : il n’y a qu’à voir comment les murs s’écroulent et les toits s’envolent dans les ouragans.

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  9. Tu dis que la province en france n’est pas chere comparé à l’italienne du nord ou l’allemande. Comment ca se fait alors que les prix ont été multipliés par 2? En tout cas, comparons une ville moyenne en france et aux usa ou je vis

    France: Prix maison: 200 000€. Revenu d’un ménage type: 35 000€
    USA: Prix maison: 150 000 $. Revenu type d’un ménage: 60 000$

    Est-ce avant où les prix étaient anormalement bon marché ou maintenant qu’ils sont trops cher? pour info, à Paris, l’immo était à 2500€ du m² autour de 1992-1993.

    Certes les centre ville ou villes historiques seront toujours prisées. Mais comment expliquer le reste? Si les prix augmentent, ils devrait y avoir plus de promoteurs qui contruisent, donc plus de logement, donc baisse des prix non (loi de l’offre et de la demande)?

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