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Rousseau démonte l’affichage moraliste

Dans ‘La nouvelle Héloïse’, tragédie amoureuse en huit cents pages dont je reparlerai, Jean-Jacques Rousseau pèse les comportements en regard des vertus affichées. Et ce qu’il voit n’est pas beau. Tout dans les mots, rien dans les faits. Tout en affichage vertueux, rien dans la réalité des actes.

« Je n’entendis jamais tant dire : comptez sur moi dans l’occasion ; disposez de mon crédit, de ma bourse, de ma maison, de mon équipage. Si tout cela était sincère et pris au mot, il n’y aurait pas de peuple moins attaché à la propriété, la communauté des biens serait ici presque établie, le plus riche offrant sans cesse et le plus pauvre acceptant toujours, tout se mettrait naturellement de niveau, et Sparte même eût eu des partages moins égaux qu’ils ne le seraient à Paris.

« Au lieu de cela, c’est peut-être la ville du monde où les fortunes sont les plus inégales, et où règnent à la fois la plus somptueuse opulence et la plus déplorable misère. Il n’en faut pas davantage pour comprendre ce que signifie cette apparente commisération qui semble toujours aller au-devant des besoins d’autrui, et cette facile tendresse de cœur qui contracte en un moment des amitiés éternelles » p.232, 2-14.

Ce pourquoi les bobos – bourgeois bohèmes – affichent tant de « communisme » artiste à la Jules Vallès, encensent tant Mélenchon et la Commune… mais se gardent bien d’accueillir chez eux un sans-papiers immigré, ou d’emmener en vacances avec leurs enfants un petit gars des banlieues. Charité bien ordonnée se limite à soi-même. Donc tout exagérer, grimper aux rideaux dès qu’une polémique se déclenche, faire surenchère pour se poser en plus vertueux encore que le voisin. Le radicalisme est bien vu, bien porté… en paroles. Les révolutionnaires les plus avancés restent députés, sénateurs et cumulards, ou professeurs fonctionnaires dans les grandes écoles parisiennes où leur magistère confortable leur assure lit, couvert et notoriété à peu de frais. Très rares sont les Malraux, Debray ou Deniau qui vont sur le terrain. On a plutôt des Sartre, des Bourdieu, des Badiou, des Mélenchon : des causeurs.

Rousseau les a pointés: « Mais ici où toute la morale est un pur verbiage, on peut être austère sans conséquence, et l’on ne serait pas fâché, pour rabattre un peu l’orgueil philosophique, de mettre la vertu si haut que le sage même n’y peut atteindre. Au reste, hommes et femmes, tous, instruits par l’expérience du monde et surtout par leur conscience, se réunissent pour penser de leur espèce aussi mal qu’il est possible, toujours philosophant tristement, toujours dégradant par vanité la nature humaine, toujours cherchant dans quelque vice la cause de tout ce qui se fait de bien, toujours d’après leur propre cœur médisant du cœur de l’homme.

« Malgré cette avilissante doctrine, un des sujets favoris de ces paisibles entretiens, c’est le sentiment ; mot par lequel il ne faut pas entendre un épanchement affectueux dans le sein de l’amour ou de l’amitié ; ce serait d’une fadeur à mourir. C’est le sentiment mis en grandes maximes générales et quintessencié par tout ce que la métaphysique a de plus subtil. Je puis dire n’avoir de ma vie ouï tant parler du sentiment, ni si peu compris ce qu’on en disait. (…)

« Ils dépensent ainsi tout leur sentiment en esprit, et il s’en exhale tant dans le discours qu’il n’en reste plus pour la pratique. Heureusement, la bienséance y supplée, et l’on fait par usage à peu près les mêmes choses qu’on ferait par sensibilité ; du moins tant qu’il n’en coûte que des formules et quelques gênes passagères, qu’on s’impose pour faire bien parler de soi ; car quand les sacrifices vont jusqu’à gêner trop longtemps ou à coûter trop cher, adieu le sentiment ; la bienséance n’en exige pas jusque là. » 2-17 p.249-250

Rousseau, prophète de notre temps en observant le sien… La France d’Ancien régime continue de bien se porter dans les faits, malgré ses incantations perpétuelles à la révolution des jean-foutres d’estrades et de salons.

Jean-Jacques Rousseau, La nouvelle Héloïse, 1761, Œuvres complètes t.2, Pléiade Gallimard 1964, 794 pages sur 2051, €61.75 ou Livre de poche 2002, 895 pages, €7.69 

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Premier tour et démagogie Tahiti

Résultat des élections présidentielles 1er tour à Tahiti :

  • Teva i uta : Inscrits 6371 ; Votants 3009 ; Sarko 1411 ; Hollande 878 ;
  • Iles du vent : Inscrits 135800 ; Votants 65867 ; Sarko 29125 ; Hollande 19437 ;
  • Iles sous le vent : Inscrits 26021 ; votants 12591 ; Sarko 5749 ; Hollande 4635 ;
  • Tuamotu Gambier : Inscrits 12689 ; votants 6452 ; Sarko 2814 ; Hollande 2190 ;
  • Marquises : Inscrits 6897 ; votants 4092 ; Sarko 1463 ; Hollande 1690.

Mauvais résultat global pour Hollande à cause de l’association (volontaire ou pas) du Tavini : Hollande = Indépendance !

Synthèse publiée dans les ‘Nouvelles’ : « contrairement à ses résultats nationaux François Hollande n’arrive qu’en deuxième position en Polynésie avec 32,43% des votes, derrière Nicolas Sarkozy et ses 45,21%. Oscar Temaru et le Tavini n’ont pas réussi à faire adhérer les électeurs polynésiens au vote socialiste, quand en 2007, la candidature PS récoltait 41,68% des suffrages au 1er tour. Couplé à la faible participation (49,35%), ce premier tour sonne comme un désaveu pour la stratégie du leader indépendantiste, à l’orée des législatives en juin, et des territoriales six mois après. »

Puisque malgré mes prières vous n’avez rien donné au gouvernement polynésien, alors après s’être abimé les ongles à gratter les fonds de tiroirs, il a œuvré :

  • un coup de pouce aux factures d’électricité ;
  • taxe de 1% sur les appareils électriques ;
  • 5 à 60% sur les cigarettes, cigares et cigarillos ;
  • 5 à 20% sur les alcools ;
  • taxes sur les produits originaires d’Europe, 2 à 4% sur les produits alimentaires et produits corporels, 8% sur les sucreries ;
  • 5% sur les colis postaux compris entre 10001 et 30000 FCP (style la Redoute, Amazon, Fnac), l’essence.

Les relations avec l’État se tendent chaque jour davantage. L’élu de Hitia, mi Père Fouettard, mi Père Noël siège toujours au perchoir, là il peut s’exprimer, empêcher les Autres de s’exprimer, mais surtout imposer ses règles. L’habitat social ? 2,8 milliards d’impayés depuis plus de 20 ans alors le ministre actuel a proposé un remboursement de ces loyers impayés sur 100 (cent) ans… Pauvres jeunes, encore une facture qui leur échoie ! Revenu d’Australie, le ministre du tourisme aussi président du pays était attendu sur l’avenir économique du Pays, il a très vite digressé (dixit les journaux) sur la décolonisation, évoquant le cancer de la France pour expliquer la maladie dont souffre selon lui le Pei. Et de continuer à déblatérer sur Sarkozy. Oscar Temaru indique que si les Anglais ne viennent pas à Tahiti, c’est la faute aux… à qui ? je n’entends pas… Gagné ! aux Français évidemment. Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage. Pitoyable !

L’administration est sous la loupe de la Chambre territoriale des comptes (CTC). Alors ils ont fait les comptes et ce n’est pas bon du tout. La crise n’est pas responsable au fenua, il faut regarder en arrière. L’administration est devenue un mammouth ingérable. En 2004, il y avait 5322 agents, toutes catégories confondues. En 2010, 455 de plus ! Avec un ratio d’encadrement toujours aussi faible. Multiplicité des structures, morcellement des missions, doublons, interventions publiques sans stratégie, cela a coûté très cher et continue de coûter. On transfère, on soutient « ses satellites » : ATN, TNR, TNTV, GIE Tahiti Tourisme…

On soutient par démagogie les denrées alimentaires de base et l’essence, on atteint ainsi 52,6% des dépenses réelles de fonctionnement en 2008. On coule ! La défiscalisation, il faudrait revoir ce dispositif. Les SEM et satellites sont très coûteux. La CTC rapporte qu’en 2009 12 milliards ont été versés à ces organismes, toujours en hausse par rapport à 2008. Cette dépense représente 400 000 FCP par habitant en 2010. Le nombre d’agents est très important soit 28,3% de la dépense de fonctionnement en 2004 et 30% en 2010. Le manque de qualification du personnel et le nombre très élevé d’emplois « occupationnels » ne permettent pas à la collectivité de s’adapter rapidement aux critères d’une administration moderne.

La DGDE (dotation globale pour le développement économique) était initialement une subvention d’investissement libre d’emploi. Elle a été, à compter de 2005, employée pour le fonctionnement dans des conditions non-conformes. Des avenants et contre avenants avaient permis de détourner la DGDE de sa mission initiale pour combler les brèches des finances publiques en berne. Pas d’épargne et des emprunts toxiques fragilisent encore plus le Pei. Telle est l’analyse de la gestion des finances du Pei passée au crible (2005/2010) par la Chambre Territoriale des Comptes.

Un exemple parmi d’innombrables : l’Hospitel était un hôtel des familles qui accueillait à Pirae des patients venus des îles et leurs accompagnateurs… il est fermé ! La direction du CHPF louait ce bâtiment à l’EAD mais il n’était que peu rempli, pourtant à proximité de l’hôpital du Taaone. Il se composait de 63 chambres, lieu convivial, ouvert en juin 2011. Surdimensionné il avait coûté la bagatelle de 560 millions de FCP et était loué par l’hôpital 3,65 millions de FCP/mois. Très souvent ici les projets sont menés en dépit du bon sens. Mais, car il y a un mais, la Caisse d’assurance maladie avait maintenu les conventions passées avec six pensions de famille à qui l’hospitel faisait concurrence ! Et le directeur de la CPS (SS locale) d’ajouter que les gens des pensions avaient fait des investissements, et que si les conventions étaient retirées, ces personnes seraient au chômage. Y aurait-il par le plus grand des hasards quelques liens de famille avec les gens de la CPS ? Ben, on aurait pas pu y réfléchir avant de construire cet hospitel ?

Autre exemple, l’inauguration en grande pompe de la nouvelle gare maritime, le jour J. Ben c’est pas concluant et, pour reprendre les propos d’un usager, « tu descends, tu montes, tu descends et tu payes ! » Rien n’est vraiment prêt, les nouveaux embarquements ont eu plus d’une heure de retard… la panique quoi. A l’abordage ! Pour l’abonnement mensuel on passe de 30 000 FCP à 41 200 FCP, ça fait 20% d’augmentation. Pour les étrangers au pays, les gens de Moorea et les élèves viennent tous les jours à Papeete par ces navettes. L’armateur s’est bien servi en comptant 6 jours, du lundi au samedi aller-retour alors qu’un grand nombre de gens de Moorea ne rallient pas la capitale le week-end. Ben, il n’y a pas de petits profits, surtout quand on est seul sur la ligne.

Pour ceux que cela fait vibrer, un rapport de l’Agence française de développement est consultable sur son site. Vous y trouverez ce qui se rapporte à l’économie de ce petit pays, de l’interventionnisme public…

C’étaient les élucubrations du mois d’avril 2012 d’une popaa exilée en Polynésie française.

Portez-vous bien

Hiata de Tahiti

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