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Départ en France, séjour, retour à Tahiti

En juillet flemmingite suraiguë qui s’est poursuivie jusqu’à maintenant ; là il faut reprendre le taureau par les cornes sinon…

Des nouvelles en bref :

Politique à Tahiti ? Les chaises tournent toujours, je t’aime, moi non plus…

Toujours pas d’eau dans les tuyaux depuis de nombreux mois alors que les pluies sont omniprésentes durant cette saison sèche.

Rentrée scolaire effectuée.

Pas beaucoup de fruits dans les assiettes du petit déj : une mangue de temps à autre, une rescapée que les poules ont eu la très grande amabilité de nous laisser, quelques abius sous jupon, chaussettes, culottes que les poules, encore, tentent de visiter à coups de becs voraces ; amandes, noisettes ou noix des pays tempérés ; les mangues Bernadette (Vi Tahiti) ont elles aussi déserté nos assiettes, quelques pommes étoiles elles aussi habillées pour dissuader les poules.

jeannot

Nos animaux : Jeannot et Browny les lapins que j’ai gardés depuis mon retour d’exil vont bien. Je les ai gâtés avec pommes fruits, carottes, plantains, pissenlits, pain aux graines rassis.

brownie

Grisette, la Dame chatte est très jalouse des lapins.

chatte grisetteElle boude parfois, refuse les croquettes, quémande du filet de thon, oui, rien que cela ! Les ature (poissons du lagon) bien frais ont fait notre délice, en poisson cru, en poisson frit. Grisette a senti les poissons tandis que nous les préparions. Un morceau de poisson, cru évidemment, pour la chatte, elle y jeta un regard de mépris, et un regard courroucé pour nous les cuisinières. « Vous savez pertinemment que le seul poisson cru que je mange c’est du filet de thon rouge, poisson du large, à la rigueur du thon blanc par défaut, mais (« Ôh, Grand Jamais !) du poisson avec des arêtes comme les chats des « pauvres » ! Poisson frit, Grisette ? Des têtes d’ature ? Beurk ! Mais vous savez bien, pas de poisson avec arêtes à moins que les arêtes soient enlevées… Et le cirque continue ! Finalement nous avons cédé aux caprices de Grisette Piifare ! J’ai décortiqué un ature, enlevé toutes les arêtes, et servi les filets sur une soucoupe. Après moult inspection s’assurant que tout était en ordre la piifare a mangé ! Les voisins de me dire : « ah ! c’est un chat popa’a car un chat mao’hi aurait su manger son ature cru ». Et vlan ! encore un compliment pour les popa’a !

D’ailleurs, quelques jours plus tard, Browny n’est plus…

browny avis de deces

Mon jardin faa’apu ? Aussi terne que sa propriétaire ! Il y pousse bien les plantains pour Jeannot Lapin, les pissenlits pour nos salades, les pommes en l’air, la ciboulette pour l’omelette, les pota chinois, le gingembre et le rea mais rien de transcendant. Depuis mon retour d’exil, j’ai semé des tomates et des courges spaghetti.

J’ai fait des échanges avec le voisin aux mains vertes pour encore des pota, des papayers solo, des fuka, concombres amers. Ce monsieur est devenu végétalien, ce régime drastique lui a permis en une petite année de limiter considérablement un diabète très important qui l’aurait mené à coup sûr à la dialyse.

Carrefour se porte bien, mauruuru, bien qu’il y ait beaucoup de promeneurs dans les rayons et peu de charrettes remplies à ras bord – les temps sont durs pour tous et c’est la rentrée scolaire chez bon nombre de familles.

C’est tout pour aujourd’hui. Je dois reposer mon médium droit qui fait des siennes, encore un coup de jeunesse, mais promis je me remets à l’écriture.
Parahi ! Fa’aitoito.

Hiata de Tahiti

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Nature nourricière de Polynésie

Il fait chaud, peu de vent. La nature nous a fourni quantité de fruits délicieux : des mangues depuis décembre, des avocats durant tout un mois, des papayes, des citrons, des bananes, des uru, des fruits de la passion qui sont relayés actuellement par des ramboutans, des mangoustans. Voyez vous-mêmes !

BON APPETIT

Quelques photos de fruits, fleurs et des deux lapins que je garde : Browny dans son umete et Jeannot le dévoreur de plantain (que je cultive pour lui) – si j’arrive à récupérer ces photos perdues sur mon ordi !

JANNOT ET PLANTAIN

Sans titre-1 copierA Paris, le concours général agricole a récompensé les meilleurs produits du Salon de l’Agriculture, dont la vanille de Tahiti avec une médaille d’or et une médaille d’argent. Bravo Taha’a.

Le vice-président Antony Géros rencontre des investisseurs chinois. La plus grosse société de noni en Chine s’intéresse à la filière locale. La société Si Shah Noni, compte plus de 20 000 employés, elle est installée dans la ville de Sanya. Conclusion (hâtive à mon humble avis) on va relancer le secteur du noni, il faudrait toutefois exporter 200 tonnes par mois. Wait and see !

Le journaliste est allé à la rencontre des cultivateurs de paka (les cannabiculteurs) dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie. Le petit producteur cultiverait 1000 pieds par an sur plusieurs parcelles. Chaque pied donnerait 100 g. Cela fait 10 millions l’an ! D’autres ont importé des nouvelles graines de Hollande, cent pieds chacun, chaque pied c’est 300 g d’herbe, chaque gramme c’est 250 francs, cela doit faire 5 millions par an, enfin autour de cinq millions ! Les producteurs disent être de gros consommateurs et donnent beaucoup à ceux qui ne peuvent pas planter dans leurs tribus. En 2012, les gendarmes ont arraché 29 977 pieds de cannabis.

En Polynésie française, le régime des prix et des marges est organisé par l’arrêté n°… : les PPN (Produits de Première Nécessité) exonérés de TVA et de la plupart des droits et taxes, les PGC (Produits de Grande Consommation) dont la marge est limitée et enfin des produits libres, non visés par la réglementation. Ces PPN et PGC reçoivent une étiquette de couleur pour les différencier. En cette période préélectorale, le gouvernement fait « des cadeaux » aux consommateurs. Par exemple aux PPN on a rajouté gigots congelés, entrecôtes congelées, légumes en conserve sauf au vinaigre (sauf les petits pois extra-fins !), les pétales de maïs grillés nature (on est obèse ici alors pas de sucre en plus !), les légumes produits localement (mais pas les tomates cerise !), des lessives en poudre (sauf les tablettes) ; certains engrais. Pour les PGC, on rajoute certaines pièces automobiles, le soyu (sauce soja), les steaks hachés surgelés ou congelés. Tous ces « cadeaux » devraient engendrer un manque à gagner supplémentaire de 408,8 millions de CFP et une dépense pour le fret de 55,4 millions de CFP. Mais si l’on veut gagner les élections …

Alors les Parigots, il paraît que vous avez eu l’occasion de goûter au uru ou fruit de l’arbre à pain, dégustation offerte par la Délégation de la Polynésie française ? Désolée, pour vous autres les Provinciaux ! D’après ce que je lis dans la Dépêche, l’uru vous a été présenté sous diverses formes culinaires : Uru punu puatoro  traditionnel, palet d’uru au foie gras, brochettes sucrées d’uru. Cet aliment est nutritif, riche en hydrates de carbone, vitamines C, PP, B1, B2 et 200g d’uru (255 kcal), fournissent autant de calories que 100 g de pain blanc, deux fois plus de calcium et autant de phosphore. Cette année, notre pied d’uru nous a fourni plusieurs dizaines de kilos d’uru. Merci à lui.

Portez-vous bien.

Hiata de Tahiti

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Lucette Blanchet, Là-haut

Il était comment, le monde d’avant ? C’était le monde paysan. Jusque dans les années 1960, les générations en Savoie restaient pour la plupart à la ferme, « emmontagnant » à la belle saison en chalets d’altitude. Le cheptel devait brouter l’herbe grasse sous les glaciers pour donner ce lait enrichi qui fait les bonnes tommes.

lucette blanchet la haut

Née en 1940, l’auteur a 5 ans lorsqu’elle est envoyée en vacances au pair chez une nounou fermière vaguement de la famille, à Miocé, hameau (inventé ?) de Bellecombe dans le Haut-Jura. Chez elle, ça barde : le père à la SNCF se pique la tronche tous les soirs et la mère, faible et peuple, ne veut pas divorcer. La sœur aînée part dès qu’elle peut travailler, vers 16 ans. Pour la petite, il faut quitter la ville, la honte, la déchéance, cette boule qui ankylose son sternum. A l’inverse, la montagne, son ciel pur, l’immensité du paysage, ses odeurs de nature, c’est la liberté.

Le livre est un roman et il est indiqué en exergue « toute ressemblance, etc… ». Mais il est dit dans l’exergue qui suit : « continument la réalité et la fiction s’imbriquent pour former un tout ». Donc les noms et les lieux sont imaginaires, mais les personnages et les situations sont vrais. Lucette est Nina. Elle se souvient. Comme pour le petit Marcel, la mémoire surgit par les narines. Pour Nina pas de madeleine au thé mais le purin, la suie, le café-chaussette, l’odeur crue de l’eau torrentueuse, l’herbe, le foin et la peau des êtres aimés. « C’était d’abord les odeurs, les senteurs qui l’assaillaient en premier. Et puis le glacier qui dépassait des nuages, les névés qui avaient bien grossi et ces vieilles pierres dallées devant le chalet s’ouvrant comme des clapets boueux par mauvais temps » p.341.

Gamine, elle découvre l’existence à ras de terre, les chardons qui piquent, la boue dans les chaussures, le fumier glissant, la source glacée. L’absence de confort de la nature, le feu sans cheminée qui enfume, la pluie qui s’infiltre entre les lauzes du toit, l’humidité du brouillard, la brûlure du soleil à midi. Elle vit la vie des bêtes, des vaches à mener au pâturage, du chien à caresser et ordonner, des lapins à dépiauter et cuisiner, des cochons qui bâfrent comme des porcs, des puces dans la paille des lits. Et puis il faut bosser, des aurores au crépuscule, sans arrêt : c’est ça la bonne vie écolo dont rêvent les bobos confortablement installés dans le salon de leur cottage rurbain, face à leur écran couleur. « Elle trayait, donnait à manger aux cochons, aux poules, allait chercher du bois, allumait le feu, épluchait les pommes de terre, faisait la vaisselle, lavait le linge, balayait, ramassait l’herbe aux lapins, préparait les repas, retrayait les vaches, portait du lait chez tante Armande, donnait à manger aux lapins, coupait du bois, allait en champ » p.83.

De 5 à 17 ans, Nina devient passionnée du lieu, écrin fermé quasi familial dans un décor de liberté grandiose. Il y a Fifine la nounou, Jean-Louis le gamin d’à côté d’un an plus âgé qu’elle, les niôlus – les nigauds jumeaux – débrouillards et musclés, con ce Tantin d’oncle, Félix le mari qu’on voit peu parce qu’il reste au village du bas, Bruno et Bianco les bergers d’altitude qui ont des choses à cacher, Édouard 13 ans venu se refaire une santé depuis Mulhouse, Mario l’aîné d’une platée d’enfants de l’autre côté de la frontière venu faire berger à 14 ans avant de devenir curé, Rose la tenancière d’auberge avide d’hommes et mère des niôlus, Léone, la Prévalée, Brigitte, Philibert…

Depuis tout petit, les gamins voient les chiens se monter et les taureaux enfiler la vache avec leur dard dressé d’au moins 30 cm. C’est la nature. Dès 12 ans, ils ressentent en eux les premiers émois mais se demandent : « C’est quand même pas comme les chiens ? » p.202. Les amis d’enfance s’aiment, mais le plus souvent d’amitié. Difficile de faire tonner le coup de foudre quand on se connait depuis toujours. Nina, à 13 ans, « aimait bien jeter le trouble entre elle et Jean-Louis. Quand il se releva, il était tout rouge ! Elle aussi d’ailleurs, une chaleur l’envahit. » Mais la nature est bien faite, elle décourage les unions entre personnes trop proches : il y a l’amitié profonde, mais pas l’amour passion ; il doit venir d’ailleurs. « Il faut dire que là-haut on vivait sous le règne de la pudeur. La pudeur était une bienséance au même titre que la politesse ou la probité » p.231. Poussé par sa mère, Jean-Louis choisira les biens plutôt que la fille, il agrandira ses terres par alliance avec une autre que Nina. Car le mariage est un contrat de biens quand on n’est pas bien gai (ni lesbien) mais paysan.

Nina tombera amoureuse à 18 ans d’un ouvrier typographe de la ville au « corps souple et bien campé ». Tout Miocé lui a appris la beauté et les manières de l’amour, sans qu’elle puisse devenir adulte dans ce cocon à la Rousseau. Mais elle a su jauger des hommes par ceux qu’elle avait côtoyés : « la beauté des Niôlus – crinières auburn sur des corps d’éphèbes… » p.432. Toujours à faire des bêtises, les jumeaux, mais serviables et unis comme la main, sensuels parce que deux contre les préjugés : « on met pas de pyjamas, on dort tout nu » p.131. Paul et Paulin sont différents, le second veut à toute force attirer l’attention : à 15 ans « il fit des roulades tout nu qu’il était » après un plongeon sous une cascade d’où il était ressorti gelé, au point que Paul son jumeau a du se déshabiller pour « le couvrir de son corps tout chaud » p.306. Mais « les jumeaux, c’est spécial ».

C’est ainsi qu’on apprend la vraie vie, en montagne. Nina est une gamine espiègle quand elle n’est pas sous la houlette soularde de son père. Jeune fille, elle est pleine de fantaisie. On rit, par équilibre avec le solide mais trop sérieux Jean-Louis. Même les vaches ont leur personnalité. Un délicat roman autobiographique émaillé de patois savoyard d’une femme auteur de probablement 73 ans aujourd’hui qui se souvient. Tendresse, humour, travail, dans une famille recomposée et sur une petite patrie montagnarde. J’aime bien ce roman-vérité, jamais misérable.

Lucette Blanchet, Là-haut, octobre 2012, éditions Baudelaire, 441 pages, €22.80

De très nombreuses corrections restent à faire… La faute systématique à balade (qui promène) écrite ballade (qui se chante) ! Des lettres inadéquates (mal lues sur manuscrit ?), des mots incompréhensibles (« parquet d’amour » p. 306 pour « paquet » ?), le systématique point d’interrogation après qui en plein milieu des phrases, et même un paragraphe entier redoublé p.250 ! Le lexique des mots patois aurait gagné à être complété et mis tout simplement par ordre alphabétique. Il semble que l’éditeur ne se charge en rien des corrections (trop cher ?) – c’est bien dommage.

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