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Sectarisme écologiste

L’attaque à la Trump du Bayou tête de liste écolo aux régionales en Ile-de-France sur les boomers, les chasseurs, Finkielkraut et les autres montre combien l’écologie est prise en otage par une secte d’illuminés gauchistes qui utilisent des procédés de l’agitprop trotskyste. Un père guérisseur, une mère maoïste : je ne voudrais surtout pas être gouverné par ces bobos-là ! Alors oui, je vais aller voter pour conchier les Bayou qui détestent le vélo en Tour de France, méprisent les sapins de Noël et exigent du vegan obligatoire dans les cantines et montent les composantes de la société les unes contre les autres. Car ce n’est pas « écologique » mais « darwinien », autrement fit fasciste.

J’aime bien le mouvement écologiste parce qu’il fait bouger les idéologies sclérosées, notamment à gauche. Mais il ce qui me gêne dans l’écologie est qu’elle est une science jeune, mal établie encore, qui se complaît dans les vieux schémas du siècle antépénultième. Lorsqu’on sait mal, les préjugés ne sont pas loin. Ils affleurent dans le discours écolo, traduction politique (déformée et amplifiée) des balbutiements scientifiques.

Il existe notamment deux mythes qui viennent des lointaines croyances – et qui n’ont rien de scientifique : le mythe de la Nature sans hommes et le mythe que l’équilibre serait le Bien.

Pour les écologues, la nature serait un système heureux tout seul. L’être humain n’en serait qu’un parasite, prédateur, destructeur, tueur. Nous voilà dans la vieille conception dualiste du sujet et de l’objet, traduite dans la Bible par l’homme fils de Dieu avec la nature donnée par papa comme terrain de jeu. En 1953, les frères Odum (des Yankees) inventent le concept cybernétique d’écosystème et nomment l’homme un “parasite”. Ils s’opposent en cela au concept précédent d’Arthur Tansley, en 1935, qui faisait de la nature un “superorganisme” intégré (ce qui donnera l’hypothèse Gaïa). Nous sommes bien dans le combat de la cybernétique contre l’organicisme, débat daté, dépassé, qui marque l’idéologie anglo-saxonne (la théorie des systèmes) contre l’idéologie allemande (la théorie organique). C’est ainsi qu’en politique, le régime américain ou anglais fonctionne par contrepouvoirs forts qui tendent à s’équilibrer, tandis que la conception allemande ou française jacobine fonctionne comme une hiérarchie de pouvoirs emboîtés dans un tout national – organique.

Comme cela paraît loin de la SCIENCE écologue ! Comme cette mise en lumière des idées sous-jacentes aux discours montre bien le poids des idéologies et des croyances métaphysiques dans l’actuelle écologie politique !

  • Du côté des systèmes, chaque « environnement » est traité de façon réductionniste en stocks et flux. Le tout s’équilibre comme sur un marché, par actions et interactions.
  • Du côté de l’organisme, le « milieu » est traité en emboîtements hiérarchisés qui s’englobent jusqu’à la planète entière. L’idéal est celui de l’équilibre global, le grand silence planétaire, le monde des dieux immobiles et des idées pures.

Or les structures du milieu ambiant et les fonctionnements du vivant sont en constant mouvement. Ils évoluent – et en interactions constantes entre eux. Nul écosystème n’est sans histoire. Il n’est pas une boite noire qu’il suffit de « révéler » comme si elle demeurait éternelle. Il est une création constante en déterminisme dialectique avec tout ce qui l’entoure.

Quant à l’homme, il n’est pas extérieur à ce monde. Il n’en est ni l’observateur, ni le fils chéri du Créateur, ni le prédateur destiné à l’épuiser. L’homme fait partie de la nature ; il est né d’elle par essais et erreurs – c’est tout le sens sans dessein de l’Evolution. Il n’est pas celui qui agit sur une nature passive mais il est en interaction constante avec ce qui l’entoure, vivant et matière.

Un exemple de la Nature sans humains – ou la culpabilité d’être au paroxysme : la série américaine Life After People en 2008-2010. Je considère pour ma part que les théories de la science moderne devraient s’introduire dans l’écologie politique.

  • La théorie du chaos montre qu’une variation minime des conditions initiales peut engendrer des effets macro importants. Cela signifie que :
    • chaque événement est singulier (qu’il ne peut être réduit à des lois générales),
    • qu’il est historique (il évolue par interactions),
    • qu’enfin il est irréversible (la planète ne cesse de se transformer, elle ne revient jamais aux conditions initiales).
  • Le constructivisme, qui observe la façon dont se bâtit le savoir scientifique, montre
    • qu’il n’existe aucune réalité cachée immuable,
    • ni une Vérité platonicienne qu’il suffirait de mettre au jour,
    • mais que la connaissance évolue par construction de nouvelles représentations qui s’affinent et se cumulent, malgré parfois les impasses.

L’être humain dépend du vivant et de la matière, la planète est la sienne : elle n’est pas son « environnement » (extérieur à lui) mais son « milieu » (dans lequel il baigne). Pierres, plantes, animaux, contribuent à ce qu’il est pour le nourrir, le protéger et le chauffer, le soigner, pour construire et connaître ; tout comme l’humain cultive, protège, exploite et vit en symbiose avec les pierres, plantes, animaux…

Alors que « l’environnement » induit la croyance qu’il faut revenir à un équilibre mythique sans l’être humain – le « milieu » fait considérer l’existence de l’homme intégré dans le cosmos comme un choix de société.

  • Qui dit choix dit débat collectif, dans les formes démocratiques qui sont les nôtres (sauf à choisir le régime chinois, russe ou turc).
  • Qui dit démocratie dit débat, tolérance aux opinions des autres, éducation patiente et négociations forcément politiques pour traduire en actes concrets les choix de société.

C’est loin d’être le cas des écologistes d’aujourd’hui !

  • Combien de sectaires qui ne veulent pas entendre parler d’en parler, mais préfèrent imposer leurs croyances non fondées – par la force ?
  • Combien de démocrates contre des Bayou préfascistes ?
  • Combien de manifestations – degré zéro de la politique – « contre » les OGM, les nanotechnologies, l’énergie nucléaire, la 5G, les vaccins et j’en passe ?

Toujours « contre », jamais « pour ». Et surtout (au grand jamais !) dire quoi que ce soit à l’Allemagne qui ferme ses centrales nucléaires… pour en ouvrir aussitôt vingt-cinq au charbon, et à gauche contre les ouvriers qui polluent en brûlant des pneus, la CGT qui participe au réchauffement climatique en encourageant le diesel alors qu’elle est sempiternellement en grève dans les transports, la Chine prédatrice aujourd’hui, l’URSS productiviste d’hier ou la Russie aux usines à charbon obsolètes ! Nos écolos schizos sont pris entre « désir » d’équilibre post-médiéval et « passion » gauchiste activiste jamais remise en cause. Le marxisme, pourtant, n’est-il pas la traduction idéologique de l’industrie triomphante, de la maîtrise absolue sur la nature, de l’homme-occidental-éclairé Maître-du-monde ?

Un petit effort, les écolos ! Laissez vos croyances intolérantes, vos préjugés bobos sur les chasseurs, les boomers et les autres, devenez scientifiques et citoyens. Je sais, c’est beaucoup vous demander, prêcher une religion est plus facile pour convaincre surtout quand on agite l’Apocalypse. Mais l’avenir appartient à ceux qui pensent, pas à ceux qui croient. A tout instant, et dans l’incertitude des conséquences, les êtres humains doivent construire leur projet de vie sociale dans le milieu naturel et dans le milieu humain (forcément politique), tout en accompagnant la planète dans sa course sidérale. Montrez donc que vous êtes adultes insérés dans le milieu social vivant et cessez de vilipender vos « ennemis » de caste, tous ceux qui osent vous critiquer parce que vous n’êtes en rien parfaits – contrairement à ce que vous croyez.

Jeune bobo, est-ce que tu tries plus que le vieux boomer ? Est-ce que tu voyages moins pour un oui ou pour un non ? Est-ce que tu changes moins ton smartphone qui épuise les terres rares et que tu charges moins en images et propos sans intérêt des serveurs très consommateurs d’énergie ? Est-ce que tu respectes la planète ?… J’en doute.

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Libertés en Chine

Article repris par Medium4You.

Le pays, sous domination impériale, a été colonisé et humilié pendant plus d’un siècle. Sa première exigence de liberté a donc été nationaliste et révolutionnaire : renverser l’empereur pour secouer le joug colonial des puissances occidentales et la menace militariste des Japonais en Mandchourie. L’idéal de Mao était le marxisme appliqué à une société rurale. L’égalité de tous était un principe, mais l’organisation de la transition communiste exigeait que l’élite du Parti commande. La masse était donc soumise à la tyrannie de « l’appareil ». Mao a joué en fin politique de cette contradiction entre égalité proclamée et hiérarchie réelle. « Feu sur le Quartier général » était un moyen de déstabiliser le Parti par la jeunesse en masse, ignorante et fanatisée, pour mieux assurer le pouvoir du « Secrétaire » général.

Mao éliminé par l’usure biologique, ses successeurs ont voulu apaiser la société en lui permettant l’initiative en affaires. L’économie a été rendue au privé depuis 1978, peu à peu et dans certaines zones. Le slogan était : « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir s’il attrape des souris ». 35 ans plus tard, cette stratégie a porté ses fruits. S’avive alors la contradiction de toute société développée entre ceux qui ont créé la richesse (donc un certain pouvoir) et la masse qui en a moins et les jalouse. Les inégalités criantes sont considérées comme illégitimes, tandis que la liberté du commerce permet à chacun d’émerger socialement par lui-même. Le fait que ceux qui sont arrivés usent de corruption pour empêcher les autres de faire de même engendre des frustrations que seul un État central et neutre peut arbitrer.

Or l’État chinois est entre les mains d’une oligarchie politique très peu démocratique, qui se coopte entre copains et n’admet que ceux qui font allégeance. Cette hiérarchie brutale d’une secte fermée entre en contradiction de plus en plus forte avec une société civile désormais dynamique qui arrive à l’aisance par ses propres moyens et comprend de moins en moins en quoi « le Parti » est utile au pays. Si de trop fortes inégalités sociales entravent les libertés par la puissance qu’elles donnent à quelques-uns, un pouvoir non légitimé par le vote démocratique entrave les libertés par son arbitraire. La Chine en est là aujourd’hui.

rue de pekin 1993

La tradition confucéenne, très présente dans la culture, donne comme idéal social l’harmonie et la paix, rendues possibles par la pratique de la vertu de chacun. L’ordre du monde exige l’ordre en soi. La liberté individuelle est donc limitée par la norme sociale, mais l’individu n’existe que par la force du groupe – d’où l’idée qu’être maître de soi, c’est être maître du monde. Cette liberté est donc différente de cet absolu abstrait que pense l’Occident. L’être humain n’est pas cet atome solitaire flottant dans le vide égalitaire, mais une particule en interaction constante avec les autres, plus petites, égales ou plus grosses. La liberté chinoise s’écrit au pluriel ; les libertés acceptent aussi bien la hiérarchie du pouvoir qu’une certaine dépendance – à condition qu’il y ait réciprocité. L’idée qu’un Centre moral puisse contrôler une Périphérie corrompue est admise et même recherchée. Ce qui rend encore le Parti communiste légitime aux yeux des masses, pas toutes urbanisée ni éduquées, qui ont à se défendre contre la captation des terres par les cadres locaux du Parti à des fins mercantiles, et contre les abus des pouvoirs locaux très fréquents.

Mais les migrations de plus en plus fortes vers les villes, le développement industriel et la hausse des salaires, font qu’éclate la société traditionnelle maoïste reconnaissante au Parti d’avoir émancipé la Chine ; qu’éclate aussi la famille clanique dirigée par le père et les anciens ou le groupe local contrôlé par le Parti. La conscience personnelle se développe au détriment du groupe et le développement par la richesse et l’éducation ne fait qu’accentuer le phénomène. Les libertés chinoises retrouvent désormais l’usage séculaire de contester et de résister.

Or la rigidité policière est inadaptée à une société en mutation rapide. La répression sans dialogue inhibe toute tentative de réforme et rend dangereux le blocage du pouvoir. Les déficits de solidarité et les égoïsmes lors de plusieurs accidents de personnes laissées sans secours dans l’indifférence générale s’expliquent ainsi. L’appel à la police pour dénoncer des abus, ou l’aide à une personne en détresse, peuvent se retourner directement contre les bonnes intentions. Ce qui a incité le Comité central du Parti à vouloir « corriger la manière de penser de la société pour la remettre en cohérence avec les valeurs du système socialiste ». Mais pour cela, il conserve les bonnes vieilles recettes socialistes du surveiller et punir : « Nous devons rehausser nos capacités d’encadrement de l’opinion publique (…) et renforcer les contrôles d’internet ». Les élections libres dans 43 000 cantons entre l’été 2011 et l’été 2012 ont montré l’aversion des autorités locales du Parti pour les candidats spontanés. Ce qui s’est traduit par des harcèlements policiers, intimidations, convocations et mises au secret, accusations publiques d’être « ennemis de l’état » et « suppôts des forces étrangères hostiles à la Chine ».

Chinois Tintin Le Lotus Bleu

Or Internet se développe, malgré la censure et les intimidations. Près de 500 millions de Chinois ont accès aux réseaux, formidable caisse de résonance des dénonciations d’abus et désirs de changement. Les révoltes du printemps arabe ont inquiété les autorités chinoises, qui voient bien comment un blocage du pouvoir peut dégénérer en révolte brutale de tout un peuple. D’où l’ouverture économique renforcée (les citoyens, occupés à leurs affaires, ont moins intérêt à la politique), et la critique morale. Le Quotidien du Peuple (14 février) a ainsi analysé le cas égyptien, doutant que « la démocratie » à l’occidentale soit la solution. « La classe moyenne égyptienne est faible, la bureaucratie, la corruption dominent le système politique, les écarts de revenus sont considérables. La démocratie à elle seule ne viendra pas à bout de ces problèmes. Il y faudra d’abord un long et difficile processus de développement de toute la société égyptienne ». Mais les intellectuels ne croient pas à cette simplification. He Wenping, chercheur à l’Académie des Sciences Sociales, cite Samuel Huntington pour dénoncer les blocages chinois : les désordres se développent quand les réformes politiques sont trop lentes pour les nouveaux groupes sociaux.

Problème : sur Tien An Men en 1989 comme au Tibet depuis 1959, le Parti communiste chinois centralisé ne veut pas lâcher le pouvoir, selon l’expérience historique que toute force qui se fissure ne tarde pas à s’effondrer (le seul contre-exemple de transition réussie est la démocratie espagnole après Franco).

L’harmonie sociale, vieil idéal confucianiste, passe par la création d’un État de droit et l’instauration d’une justice indépendante du pouvoir politique. Mais la multiplication des « incidents de masse » montre combien la corruption et l’abus de pouvoir sont fréquents dans le Parti. Une justice autonome détruirait le Parti, seule colonne vertébrale de la société politique en Chine en l’absence de toute tradition démocratique.

Plus grave, l’historien Xiang Lanxin a montré comment le Parti captait la richesse publique au profit d’une étroite oligarchie, alors que l’essor de l’économie rend la société plus réceptive au mérite personnel. Les juristes pointent les écarts criants entre la lettre de la Constitution chinoise et son application très politique. Une centaine d’intellectuels chinois viennent de mettre en ligne une lettre ouverte demandant tout simplement la ratification du Pacte international sur les droits civils et politiques, que la Chine a signé… en 1998.

Le Parti est conscient de ces multiples contradictions politiques et sociales. Mais il réclame que tout passe par lui, que tout dialogue se fasse en son sein, que toute réforme soit conduite sous sa direction. Est-ce tenable longtemps ? Pas sûr, d’autant que le ralentissement des exportations pour cause de marasme économique dans les pays développés renvoie la Chine à son développement intérieur – donc à ses propres contradictions.

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