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Cathédrale de Monreale 1

La ville de Mont Royal a été élevée sur le mont Caputo, dominant la vallée de l’Oreto et la Conca d’Oro, la conque d’or, nom donné à la baie de Palerme. Nous visitons l’abbaye bénédictine Sainte-Marie la neuve, fondée en 1174 par le roi Guillaume II. C’est le chant du cygne de l’art normand de Sicile. La cathédrale Unesco est ornée à l’entrée d’une Porta Regia en bronze de Bonnano Pisano de 1186 ; avec ses 7,8 m sur 3,9 m, ce sont les plus grandes portes en bronze de leur époque. Elles comportent quarante panneaux qui représentent des scènes de l’Ancien et du Nouveau testament. La façade comporte deux tours, dont une inachevée, et un portique à colonnes. L’abside comporte des arcs entrelacés à colonnes de style normand avec des incrustations de calcaire et de lave noire de style byzantin.

L’intérieur est grand et justifie la queue qui cherche à entrer. Nous n’y sommes pas serrés dans ces 102 m de long entre les dix-huit colonnes antiques séparant les trois nefs. Les 6340 m² de mosaïques des XIIe et XIIe sont probablement l’œuvre d’artistes locaux, ou certains venant de Venise car elles sont moins sévères que les byzantines. Dans l’abside centrale le Christ Pantocrator, la Vierge et l’Enfant entourés d’anges, d’apôtres et de saints ; dans le chœur, la vie du Christ et les vies de saint Pierre et saint Paul. Le premier est le fondateur de l’Église, sur les ordres du Christ, le second est le fondateur de la Doctrine.

Dans la nef centrale la Genèse, dans les nefs latérales la vie du Christ. Une vraie bande dessinée pour illettrés de l’an mil (et incultes d’aujourd’hui).

Dans le sanctuaire est représenté le fondateur, Guillaume II, couronné directement par le Christ ; la main de l’Éternel donne sa bénédiction à l’orientale, avec les trois doigts ouverts. Sur une autre mosaïque, il offre la cathédrale à la Vierge assise sur un trône orné de pierres précieuses ; les anges descendent pour recevoir l’offrande. Le roi est habillé en Byzantin avec l’aube, la dalmatique ornée du laticlave et le supermeralis croisé sur la poitrine. A droite du chœur est disposé son tombeau en marbre blanc commandé en 1575, et le sarcophage de Guillaume 1er en porphyre rouge. A gauche du chœur dans un autel, le cœur de saint Louis, décédé de la peste devant Tunis en 1270.

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Chapelle palatine

La chapelle palatine de Roger II, bâtie en 1132 et consacrée en 1140, est dédiée à saint Pierre. Elle est ainsi nommée parce qu’elle se trouve dans le palais du roi. L’ensemble est particulièrement somptueux, synthétisant toutes les formes d’arts de la Méditerranée en l’an mil : architecture romane mais colonnes antiques, arcs brisés arabes dans la nef, mosaïques byzantines du XIIe, marbre et pavement de la Rome de Cosme, coupole byzantine. Le pavement de marbre aux motifs stylisés est typiquement arabe. Son plafond en bois à muqarnas arabes présente une suite de caissons finement décorés. Trois nefs et trois absides, chœur surélevé. Le trône de Roger II se trouve tout au fond de l’église, en face de l’autel.

Des mosaïques byzantines sur fond d’or ornent les murs et le chœur avec un Christ Pantocrator surmontant une Vierge orante, les Évangélistes, les Prophètes, les Archanges, les Anges, saint Pierre et saint Paul – tout ce petit monde est disposé hiérarchiquement autour du Fils de Dieu. Les artistes sont probablement venus du Moyen-Orient tant leur style est maîtrisé. Les mosaïques du vaisseau sont des scènes tirées de l’Ancien testament. Le Christ bénissant tient l’Évangile ouvert à la page où se trouve la phrase en grec et en latin : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la Vie. » Dans la Création des animaux, manque le serpent. L’entrée du Christ a Jérusalem voit des enfants se mettre nus pour paver le sol de leurs vêtements. Saint Pierre marche aux côté du Christ et saint Jean derrière.

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Cefalu 1

Nous prenons le petit-déjeuner tôt dans la lumière dorée du matin. Nous partons en effet à 7h45 pour le bateau à 8h30 en direction de Milazzo où le bus nous attend. Les bagages sont emmenés en camionnette et nous allons à pied jusqu’au port. L’hôtel est une vaste villa méditerranéenne étirée sur deux niveaux dans son parc tout en longueur, au milieu d’un jardin fleuri de bougainvillées, de grenadiers, de manguiers, d’oliviers, de lantanas. de lauriers roses, de palmiers, avec une piscine près de l’accueil.

Cefalu montre une ville basse grecque et une ville perchée byzantine. Vue au loin de la citadelle avec son campanile en restauration, les maisons blanches et basses sont accroupies au pied comme un troupeau auprès de son berger. Des seigneurs au Seigneur.

Il y a la queue pour le bateau, mais trois partent avant le nôtre, vers les autres îles. Tous sont à peu près pleins de travailleurs du matin. Les bateaux ici sont une sorte de métro ou les touristes sont minoritaires.

Une heure d’hydrofoil et deux heures en bus sur l’autoroute Messine-Palerme, tout en ponts, tunnels et échangeurs.

Les Normands de Sicile ne sont pas seulement venus de Normandie mais on ramassé aussi sur leur passage des Francs et des Lombards. La famille de Hauteville a conquis la Sicile à peu près au moment où le duc Guillaume effectuait la conquête de l’Angleterre.

Cefalu doit son nom à la tête, surnom du rocher calcaire qui domine la ville. La ville est célèbre parmi les Français à cause de son Club med le guide nous le montre, un peu à l’écart de la ville, en bord de mer. C’est une grande villa XVIIIe aux murs jaunes. Désormais, finie l’ambiance Bronzés, le tutoiement est terminé en 2001, les cases ouvertes à tous vents disparaissent dans la foulée, les « gentils » machins sont devenus employés. C’est du luxe et le Club va à la pêche aux riches : 2200 € pour sept jours au « Resort Club Med Exclusive Collection » selon les termes anglo-saxonisés et désormais consacrés. Bobos exclusivement, entre-soi, cuisine, amour intime et bains de mer, yoga à la mode, escapades en scooters, toute culture évacuée. Club med est devenu une entreprise chinoise en 2015 et coté en bourse de Hongkong en 2018. Fin du rêve français.

Nous visitons la cathédrale Unesco bâtie sur ordre de Roger II, roi de Sicile en 1132 après une tempête où il avait failli y rester. Deux tours romanes carrées, de pierre blonde et le dôme – en réfection, tout emmailloté d’échafaudages. A l’intérieur, la mosaïque du Christ Pantocrator de 1148 et de la Vierge orante nous sont invisibles. La nef est composée de colonnes de basalte aux chapiteaux grecs retaillés, surmontés d’arcs arabes. Un baptistère, des statues en stuc autour de l’autel, un ange de l’Annonciation. L’église ferme juste quand nous partons. De même que le lavoir médiéval, juste le temps de le voir dans une impasse de la via Vittorio Emmanuele.

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Thorgal 20 La marque des bannis

Pendant que Thorgal erre, sans mémoire, aux côté de Kriss, sa walkyrie, sa petite famille désespère. Elle vit toujours au village, où il est plus facile d’élever un bébé. Trois ans ont passé depuis que le père est parti et Louve, la petite fille, a désormais 4 ans. Elle se révèle : curieusement environnée de loups, elle n’a ni peur ni agressivité : elle les entend « discuter » ! C’est ce qu’elle dit à son frère. Elle est née en même temps que des louveteaux, jadis, dans la grotte où s’était réfugiée sa mère.

Jolan, le fils, en a 10, son visage a changé, plus allongé, préadolescent déjà. Il cultive son talent de détruire les objets, mais ne sait pas encore recombiner les atomes pour construire. Il reste petit garçon, la larme lui perle à l’œil quand il pense à son papa qui ne revient pas. Mais cet album est celui où il surgit à l’aventure. Il s’émancipe du village (où il a quelques ami(e)s) et de sa mère. Il sent qu’en se montrant digne de lui, il pourrait faire revenir son père. C’est pourquoi j’aime tant Thorgal, cette bande dessinée où la psychologie des enfants est réaliste, évoluant avec leur âge.

Les hommes du village, partis piller les Saxons, ne reviennent pas de leur expédition. Le mythe viking (repris par la BD) veut que ces guerriers-commerçants aient été surtout des pillards, alors qu’ils ont été avant tout des négociants. Ce sont les moines, peureux et improductifs, fonctionnaires avant la lettre réfugiés sous l’égide l’Église-providence, qui ont écrit cette légende. Eux n’avaient rien à échanger et voyaient « le diable » dans tout étranger païen. Le malheur veut que ce soient les vainqueurs qui écrivent l’histoire, pas ceux qui ont vaincu sur le terrain. Heureusement que l’histoire comme recherche scientifique vient désenfumer les croyances ! Les assauts des « lois mémorielles » n’ont pas d’autres visées que d’imposer la vérité totalitaire de quelques-uns sur tous, par la menace.

Au village, pourtant, un jeune homme revient, blessé, épuisé. Il manque de se faire bouffer par les loups et c’est Louve, parce qu’elle entend les bêtes « discuter » entre elles, qui le sauve au matin. Les bonnes femmes du village sont soupçonneuses, haineuses, prêtes à trouver n’importe quel bouc émissaire à leur colère d’avoir perdu leurs hommes. Le jeune homme s’appelle Erik et décrit un grand guerrier brun appelé Shaïgan, à la barre d’un bateau plus grand que les autres et peint en rouge, du sang de ses ennemis. Il est excité au combat par son égérie guerrière Kriss de Valnor, sans pitié pour les faibles. Ceux qui ne se rendent pas sont égorgés ; ceux qui se rendent ne méritent plus le nom d’homme, rendus esclaves et vendus à un marchand byzantin.

Ce Shaïgan ne serait-il par Thorgal, par hasard ? Celui qui a été adopté par le village mais n’a jamais vraiment été accepté par ces xénophobes de terroir ? Jolan, naïf, avoue reconnaître Kriss de Valnor – que n’a-t-il pas dit là ! Aussitôt les mégères réclament le prix du sang, le wergeld. Mais comme les Vikings sont reconnus (malgré les écrivaillons moines) comme révérant le droit, c’est le parlement du village, le Thing, qui délibère et juge. Ni Aaricia ni les enfants ne sont condamnés à mort, mais exclus. La marque des bannis sera apposée au fer rouge sur la joue d’Aaricia, l’empêchant ainsi de se refaire une vie ailleurs dans le monde viking. Jolan en vient à détester son père, « parti pour aller vivre avec une autre femme » comme plusieurs hommes du village l’ont fait, qui a changé de nom et n’aime plus ses enfants…

La famille doit fuir, ses biens sont confisqués et distribués aux femmes qui n’ont pas revu leur mari ; l’ordre règne par la délation et le profit, comme plus tard sous Pétain. Seule une femme les aide, l’amie d’Aaricia, Solveig. Elle leur donne un cheval et des provisions. Mais la loi des bannis est celle du chacun pour soi : belle leçon aux adolescents qui lisent la BD.

Être trop bon n’est jamais sûr quand on n’assure pas ses arrières. Des voisins pillent ans vergogne ceux qui sont accusés sans preuves ; des esclaves sauvés volent sans vergogne leurs bienfaiteurs. Mais Jolan a appris avec Thorgal qu’on est quand même plus fort à plusieurs que tout seul. Les loups en bande donnent l’exemple en protégeant la petite famille…

Cependant Kriss ne peut vivre sans écraser sa rivale dans le cœur de Thorgal. C’est elle qui a tout manigancé : la capture des bateaux qui revenaient chargés de butin, l’envoi d’Erik comme victime pour avouer, le bannissement inévitable. Aaricia est donc à sa merci ; elle s’en empare avec Louve, tandis que Jolan erre en gamin des rues avec Darek, un copain de rencontre, un Suédois rendu esclave puis délivré par la bande de loups.

Jolan connaît son devoir : aller délivrer sa mère, enfermée dans un château imprenable construit sur la mer et à la passerelle bien gardée. Il n’a que dix ans mais du courage comme à dix-huit. Petit homme dont l’éducation (la meilleure) s’est faite par l’exemple. Il a vu son père courageux lui enseigner qu’on ne devait jamais renoncer ; il a vu sa mère avilie ne pas haïr mais chercher à comprendre ; il a connu des erreurs et sa mère lui a enseigné à suivre son but quand même, sans se décourager. Il n’hésite donc pas à se lancer nu dans l’eau glacée de l’hiver nordique pour aborder la forteresse du côté de la mer, mal gardé. Son copain le suit, de deux ans plus âgé, mais admiratif de sa hardiesse.

Je songe à Nietzsche, dans l’aphorisme 225 de Par-delà le bien et le mal : « Cette tension de l’âme dans le malheur, qui l’aguerrit, son frisson au moment du grand naufrage, son ingéniosité et sa vaillance à supporter le malheur, à l’endurer, à l’interpréter, à l’exploiter jusqu’au bout, tout ce qui lui a jamais été donné de profondeur, de secret, de dissimulation, d’esprit, de ruse, de grandeur, n’a-t-il pas été acquis par la souffrance, à travers la culture de la grande souffrance ? » Il ne s’agit pas de masochisme, mais d’acceptation pleine et entière du réel, avec tout ce qu’il a de dur ; il s’agit de supporter pour risquer. La BD Thorgal comme initiation au philosophe Nietzsche, qui aurait cru ?

Et voilà les gamins qui délivrent les hommes, enfermés dans les sous-sols – dont une partie du village, capturé sur les bateaux. Être délivré par un môme, quelle honte pour les valeureux Vikings ! Ils ne savent pas quoi faire pour se faire pardonner. Jolan, grand seigneur comme son père, n’accepte que quelques pièces d’or pour acheter un bateau et se rendre sur l’île de Kriss de Valnor. Car sa mère et sa sœur n’étaient pas avec les esclaves délivrés, mais emmenées in extremis par Kriss sur un navire ancré en bout de ponton. Jolan ne peut rien faire, la guerrière le vise d’une flèche, substitut de pénis qu’elle affectionne. Elle ne la décoche pas cependant car, si elle est sans pitié, elle garde de l’honneur. Elle doit quelque chose au gamin, qu’elle appelle « petit garçon » en hommage à sa virilité naissante, donc l’épargne pour cette fois… mais le défie de venir chercher sa mère chez elle !

La figure de Kriss se fait meilleure au fil des albums. Dans le premier où elle est apparue, c’était une vaniteuse féministe, prête à tout pour prouver qu’elle faisait mieux que les hommes. Elle avait notamment ce coup de poignard bas qui violait autant qu’il tuait, en basse vengeance pour tous les viols qu’elle avait elle-même subis. Ce n’est pas pour rien qu’elle a été nommée Kriss, du nom d’un poignard malais. Elle devient plus vivable, louve désormais plus éprise de liberté que de paraître. Elle est possessive, jalouse du mâle qu’elle veut, Thorgal, qu’elle refuse de partager avec Aaricia. Qui va gagner ?

Jolan, émoustillé par ses premières hormones d’adonaissant, prend la digne suite de Thorgal. Il sait s’allier des compagnons tels que Darek, 12 ans et sa sœur de 10, un peu amoureuse de lui. C’est mignon, prenant, et bien tourné. Avec un dessin détaillé et amoureux des personnages. Suite aux prochains numéros…

Rosinski & Van Hamme, Thorgal 20 La marque des bannis, 1995, éditions du Lombard, 48 pages, €11.40

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