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Le Prête-nom de Martin Ritt

Nous sommes en 1952, à l’ère McCarthy aux États-Unis, en pleine guerre froide. L’URSS est l’Ennemi et vient d’acquérir la Bombe à cause de la trahison de sympathisants juifs du communisme, les Rosenberg. Ces personnages sont repris dans les actualités en début de film. L’époque est au soupçon, au resserrement des rangs, à la traque idéologique des déviances. Le communisme est une peste pour l’esprit américain et les vrais « patriotes » doivent isoler ceux qui en sont contaminés. Quelques années plus tard, ce sera au tour des Soviétiques de traquer les « dissidents » et de les envoyer se faire « rééduquer » dans des camps de travail. Aux États-Unis, il s’agit seulement d’isoler.

Circulent alors des listes noires (blacklists) élaborées par le FBI du paranoïaque homosexuel avéré ou refoulé Edgar Hoover, qui « conseillent » fortement aux compagnies de divertissement d’éviter d’employer les acteurs et scénaristes qui ont été atteints par le virus communiste à un moment ou à un autre de leur vie. Plus de trois cents artistes (dont Charlie Chaplin) ne pourront plus travailler aux États-Unis. La « transparence » exige « la vérité » et qu’on avoue par écrit ses « tendances » de gauche.

Alfred Miller (Michael Murphy) est l’un de ces écrivains qui ne peuvent plus travailler. Les scénarios qu’il écrit sont très bons mais la pression psychologique du FBI est trop forte sur les producteurs ; notamment ces agents qui font du zèle en se faisant payer pour enquêter officieusement afin d’éviter tout ennui, comme Hennessey (Remak Ramsay) et profiter de la manne financière récoltée par la télé. Celle des patrons aussi, comme ce commerçant aux trois succursales de supermarché qui veut afficher son boycott au cas où la chaîne de télé passerait outre. Un vrai « réseau social » avant la lettre ! Il s’agit de lyncher en bonne conscience, ni de comprendre, ni de pardonner. Ce qui est fort peu chrétien, bien que les Yankees proclament haut et fort leur foi biblique – mais orgueil et égoïsme avant tout.

Un ami de classe (Woody Allen) est alors approché pour faire le prête-nom. Lui n’est pas fiché car il n’est que caissier de bar. Il se laisse convaincre par l’ami de ses 12 ans, juif comme lui, de livrer les scénarios contre un pourcentage des recettes. Puis il y prend goût. Il tombe amoureux d’une productrice de télé qui l’admire et veut en faire plus, Florence Barrett (Andrea Marcovicci). Il engage Miller à contacter des amis dans la même situation pour livrer d’autres scénarios. Ils lui sont livrés selon la vraie méthode des espions, en se croisant dans la rue sans s’arrêter pour échanger une enveloppe. Il acquiert ainsi une certaine aisance qui lui permet de ne plus apparaître comme un raté aux yeux de son frère fourreur comme à ses propres yeux. Il est courtier entre le talent et la production et cela lui suffit.

Sauf que l’amour s’en mêle. La fille est idéaliste et écœurée de la lâcheté des producteurs face à la pression de l’opinion « bien-pensante » officielle. Elle décide de démissionner de son poste lorsqu’elle assiste au licenciement pour motifs hypocrites de l’acteur fétiche de l’émission, Hecky (Zero Mostel – lourdingue), un autre juif nommé Bronstein. Il a tenté d’espionner Howard pour le compte du FBI qui ne le connaît pas (ce qu’il fait dans ses loisirs, qui sont ses amis), mais n’a pas obtenu d’être blanchi. Après une fête en solitaire dans un grand hôtel, il saute par la fenêtre. N’y aurait-il que des Juifs dans les listes de proscription ? L’exemple des Rosenberg fait-il de tout juif un traître car sans-patrie ? C’est ce que disait Hitler, c’est ce que pensera Staline – et Poutine après lui – mais aux États-Unis ? Ce film est aussi une charge contre l’antisémitisme latent.

La fille déclare qu’il suffit de dire « non ». Que pourrait-il arriver ? Ces listes noires ne sont pas officielles et le droit d’expression est garanti par la Constitution – tout comme le 5ème amendement qui permet de ne pas répondre aux questions qui pourraient vous inculper.

Howard Prince resterait bien confortablement dans sa position neutre mais le fait qu’il aime l’oblige à choisir. Il est justement convoqué par le Comité parlementaire sur les activités antiaméricaines (dissout seulement en 1975), composé de membres du Congrès. Il peut invoquer le 5ème amendement ou s’y rendre. Dans le premier cas il sera blacklisté, dans le second il devra répondre aux « questions ».

Il décide d’y aller et d’éluder les réponses. Ainsi lorsque le juriste lui pose cette simple question « connaissez-vous Alfred Miller » (dont il connaît déjà la réponse), Prince demande pourquoi, puis quel Alfred Miller parmi les homonymes (il en existe des tas !). Mais la « démocratie » américaine est fondée sur vérité et transparence – mentir est le péché suprême – donc il faut tout avouer en public à la façon protestante (alors que les catholiques se contentent de la confession privée au prêtre). Excédé, Howard Prince décide de suivre le principe de son amoureuse : « Je conteste au comité le droit de me poser de telles questions ». Jusque-là, il aurait pu l’emporter en droit. Mais il ajoute, comme tout juif qui en fait toujours trop : « Et allez tous vous faire foutre ». Il est donc inculpé, au moins d’injure au comité. Il est emmené menotté tandis qu’une manifestation de soutien brandit des pancartes en hurlant autour de lui.

Le générique rappelle pour chaque acteur de 1976 sa position sur liste noire 1952. Le réalisateur Martin Ritt a été lui-même placé sur liste noire durant ces années-là. Il se venge avec ce film juste après la dissolution du Comité.

Ce n’est pas un grand film, même si Woody Allen est drôle. C’est un film engagé, ce qui lasse un peu une fois la cause entendue. La guerre du Vietnam venait, au début des années 1970, rappeler à la fois que le communisme restait un ennemi et que la liberté de s’exprimer restait constamment menacée au nom de la raison d’État.

Aujourd’hui, c’est moins la raison d’État que la pression des réseaux sociaux auto-intoxiqués qui pose question. Ils sont la tyrannie de la majorité – manipulée. Les listes noires existent toujours : elles s’appellent woke et mitou. Peu importe la justesse morale de leur cause, le mouvement même de submerger le droit de s’expliquer et de se défendre par la réprobation publique immédiate et le boycott violent doit être combattu.

Vaste programme !… comme disait De Gaulle de la connerie humaine – qui est sans fin.

DVD Le Prête-nom (The Front), Martin Ritt, 1976, avec Woody Allen, Zero Mostel, Wild Side video, 1h35

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Le monde ne s’est pas arrêté de tourner

Tandis que j’étais moi-même absente du territoire, Tahiti a continué.

Alors que le maire délégué de Makatea attendait un signe fort du gouvernement Temaru, c’est une douche froide qu’il a reçue. L’arrêté portant refus à la demande de permis exclusif de recherche formulée par la SAS Avenir Makatea a été publié au JOF du 2 mai. L’objectif était de savoir s’il reste du phosphate sur l’île et en quelle quantité afin de déterminer si la relance de l’exploitation était faisable ou non et si elle est viable avant toute autre décision. D’importants travaux de réhabilitation de l’île de Makatea auraient pu être entrepris, comme c’est le cas sur l’île de Nauru. Il soumettra cette demande au nouveau président du gouvernement Président Flosse. Wait and see.

chapeau de paille polynesie

Le site Internet de l’Hôtel « The Brando » sur l’atoll Tetiaroa est fixé : http://www.thebrando.com. Le test du fonctionnement de l’hôtel est prévu au premier semestre 2014 avant l’ouverture à la clientèle prévue à la fin du premier semestre 2014. L’hôtel ne sera accessible qu’en empruntant la compagnie privée Air Tetiaroa qui desservira l’atoll avec deux Britten Norman Islander de dernière génération. La maintenance des appareils sera assurée par l’atelier « Polynésie perles ». Hiata vous souhaite un bon séjour in « The Brando » dans un proche avenir.

Encore et toujours le foncier, difficulté qui a pour nom indivision, mais aussi absence ou imprécision des documents fonciers, cadastre pas encore terminé, difficulté pour établir les généalogies, disparition progressive des tomite (comité, commission d’étude ; titre de propriété), et reliquat des irrégularités commises pendant la période coloniale. Aujourd’hui les transactions foncières sont régulières. On reconnait ici que le foncier est « la tasse de thé »  des Polynésiens car il sert de base aux retrouvailles des généalogies. Le problème foncier a une double origine : l’indivision, réalité culturelle de l’époque pro-européenne, l’État qui à l’époque coloniale n’a jamais mis les moyens pour déterminer avec justesse les terres de chacun. L’indivision a sauvegardé la propriété indigène face aux appétits des prédateurs. L’indivision ne disparaitra pas, elle évoluera. Aujourd’hui, chaque propriétaire estime qu’il possède une fortune foncière et se bat pour en tirer un profit maximum. L’attachement viscéral à la terre est un frein à la réalisation de projets, mais il disparaît en fonction du prix proposé !

Deux fois l’an, un spécialiste des troubles du rythme cardiaque, tachycardie, palpitations, problèmes cardiaques graves,  consacre huit jours à ses patients polynésiens. Un spécialiste de l’hématologie est venu en mission sur le territoire. Il consulte tous les deux ans notamment les patients polynésiens atteints de lymphomes, leucémies ou myélomes. Malgré tout, chaque année, 25 à 30 Polynésiens doivent être « évasanés » (évacuation-sanitairisés). Seules les leucémies aigues et les greffes de moelle contraignent au voyage vers la métropole. Les lymphomes et les myélomes sont traités au centre hospitalier sur place. Des études montrent qu’en Polynésie, le nombre de cas de leucémie aigues myéloblastiques est supérieur à la moyenne internationale. Une incidence plus importante qui s’expliquerait génétiquement. Hawaï est tout autant touché que le fenua.

fleur sabine

Les communes de Teahupoo et de Taiarapu Ouest proposent un projet pilote pour la mise en place d’un rahui. Le rahui de Teahupoo (connu pour les compétitions internationales de surf sur sa vague monstrueuse) couvre une superficie de 700 hectares, liés aux 2000 hectares de Te Pari classée en 1952. Deux communes bénéficient de cette zone protégée : Taiarapu Ouest (Teahupoo) et Taiarapu Est (Tautira). Ne comptant que les habitants de Teahupoo et Tautira, ce sont près de 2000 personnes concernées par le rahui et en totalisant ceux de Taiarapu Est et Taiarapu Ouest, ce sont près de 20 000 personnes ! Les objectifs principaux : préservation à long terme du milieu naturel. De très nombreuses espèces végétales rares ou médicinales sont présentes sur cette zone tout comme les espèces aviaires tel le héron strié, le ptilope de la Société ou encore l’hirondelle de Tahiti ; la gestion des espaces de loisirs qui concerne la vague mythique connue mondialement des surfeurs, que les lieux de promenade pour les invités des pensions de famille ; la mise en place d’un espace éducatif avec l’élaboration de projets scolaires pour les élèves de l’école primaire de Teahupoo, faire connaître le patrimoine culturel et naturel du Fenua aihe aux enfants.

Académicien, écrivain, auteur, interprète, Marc Maamaatuaiahutapu a tiré sa révérence le 21 août. Cette figure de la culture polynésienne a consacré sa vie à défendre et à promouvoir la langue et la culture polynésienne. Il avait fondé l’Académie tahitienne en 1972, était l’auteur de Te huno’a mana’o-ore-hia et de Te pe’ape’ahau’ore o Papa Penu’e’o Mama Roro (1971), d’immenses succès populaires. Il y a deux ans, une nouvelle série de représentations de cette comédie croquant, en tahitien, le quotidien d’un couple polynésien avait drainé une foule de spectateurs au Petit Théâtre et l’on avait pu apprécier  également à la télévision. Des hommages unanimes lui ont été rendus. P’tit louis aussi dans un dessin « en deuil » a fait dire à ses deux acteurs : « Pour sa dernière représentation le Père Maco… aura réussi à faire s’asseoir ensemble tous les crapoliticards, sans qu’ils s’engueulent ! Chapeau l’artisse… »

Hiata de Tahiti

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