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Philippe Mertz, Les replis du Laps

L’auteur original de La descente du Laps récidive en moins bien avec cette suite trop courte, Les replis du Laps. Rappelons que nous sommes dans le surréel, où le temps s’étire en laps qui passent sans qu’on s’en aperçoive, que l’on soit mort ou vivant.

Ou plutôt mort, ce qui « explique » certaines failles où s’ouvrent d’autres mondes, une fois passée une porte sans clé. Gaspard, reporter de guerre revenant de Bagdad, est probablement décédé en sautant sur une mine ; mais c’est lui qui raconte ses démêlés avec la durée, de laps de temps en laps de temps.

Il rencontre cette fois dans un bistrot Stan, jeune dessinateur de 20 ans qui se dit le fils de son ami journaliste Ramirez. Bien que trop jeune pour avoir un fils de cet âge, Ramirez serait devenu marchand d’armes et aurait même conçu un arsenal de destruction fatale destinée à anéantir l’humanité, décidément mauvaise gardienne de la planète.

Le Crotoy, petit port picard, comme antre des zombies d’outre-tombe ? Comme porte sur l’ailleurs ? Il suffit d’y croire, dit-on… « La mort nous propulse dans les replis du laps. L’éternité tient en une fraction de seconde, Gaspard. Telle est la loi première, celle qui fait de nous des immortels. Vois-tu ce que représente la terre dans l’univers. Sa petitesse dépasse l’entendement. De même la brièveté du temps des humains, ces quelques millions d’années telles que nous le pensons généralement, elles tiennent en une fraction de seconde. Nous sommes pris dans une étincelle de ténèbres elle-même subdivisée à l’infini. Ces fractions de seconde s’inscrivent sur le laps cette fraction de seconde tu es pris » p.24.

Malgré cet arrière-plan philosophique alléchant, le lecteur est frustré. L’histoire précédente est plus belle, on n’y croyait ; celle-ci est faite de croquis hâtifs, de feuilles volantes, d’idées mises bout à bout. Elle tente d’exploiter le succès de la première mais est loin d’y parvenir. Ecrite comme si l’on dictait au micro plutôt qu’avec le clavier.

Philippe Mertz, Les replis du Laps, illustrations de Théo Lesieur, 2017, éditions Les soleils bleus, 50 pages, €15.00

Michel Mertz, La descente du Laps déjà chroniquée

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 balustradecommunication@yahoo.com

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Philippe Mertz, La descente du Laps

Le laps est cet espace infime qui s’écoule dans le temps, comme on dit un laps de temps. C’est aussi un étrange ruisseau qu’il faut découvrir dans les dunes du Crotoy, en baie de Somme, une légende.

Le narrateur s’appelle Gaspard ; il a 50 ans et est reporter de guerre à Bagdad. Il se souvient d’une explosion et d’Ali, son chauffeur, qui le pressait de revenir à la vie. Lui se retrouve à Roissy et demande au taxi s’il pourrait le conduire au Crotoy, ville balnéaire où il a passé ses vacances d’enfant blond, jusqu’à l’âge de 8 ans où sa mère est morte.

Il va revivre des souvenirs, en vivre de neufs, dans des scènes bien écrites, contées d’une écriture fluide, sans cliché. Se succèdent les scènes réalistes et bien vécues du foot sur la plage avec les copains d’Yvan le taxi, le dîner de grand-mère, la pension où allait petit et où il dîne, le mal de Max, 8 ans, à la table voisine parce que sa mère est morte, les jambes d’une femme nommée Monia, le bar-PMU et ses turfistes qu’il rend heureux, le neveu de la patronne, inventeur adolescent d’appareils numériques destructeurs…

Se noue une intrigue entre la tante de l’enfant qui devient fou et lui-même, puis l’enfant Max disparaît une nuit, en fugue, ayant piqué la clé dans la poche de son père qui dort. Gaspard est interrogé par les gendarmes, soupçonneux, mais rien n’est retenu contre lui, pas plus contre la tante ni le père. Il va donc à la plage, où le beau temps dure déjà depuis des jours ; il photographie, par réflexe professionnel, et se trouve à suivre une silhouette fine comme un roseau qu’emmène en riant une femme svelte vers les vagues.

Mais la marée monte et il s’inquiète : les deux ne vont-ils pas trop loin ? La femme rit au gamin qui exulte, et lui demande à la fin de rejoindre Gaspard pour le ramener, tandis qu’elle-même ira nager vers le large. Bien que rattrapés par le flot qui va comme un cheval au galop, l’homme et l’enfant sont recueillis par les sauveteurs, prévenus par une plaisancière. L’enfant, c’est Max, le gamin fugueur, que Gaspard n’a reconnu que lorsqu’il a pu s’approcher d’eux, les vagues leur léchant déjà les chevilles.

Cette femme, c’est la mère de Max. Monia avouera qu’elle a en effet disparu pour mourir, mais que personne n’a retrouvé le corps. Gaspard retrouvera fortuitement la nageuse en interrogeant un apprenti de 14 ans au langage original, qui voit chaque matin une grande brune nager une heure. Le narrateur et elle lient connaissance. Elle veut devenir photographe de guerre, comme lui.

Et c’est là que le récit, jusqu’ici captivant et linéaire, dérape dans le surréel. Alors que Gaspard apprend à Iris comment tenir son appareil en vue et se mettre à l’affut de tout cadrage propice, des bombes éclatent sur la plage, des chars lancent leurs obus sur les restaurants, sans qu’aucun estivant ne s’en émeuve. Tout serait-il dans leur imagination ? C’est « une perte de cohérence du monde, un épuisement de sa logique », énonce l’auteur p.156. Avant d’ajouter, perfide : « tu déambules sur les vestiges de ton activité cérébrale au bord de l’extinction irréversible » p.157. Pour comprendre, il vous faudra lire ce livre qui captive.

Tout se terminera par la descente du Laps, ce ruisseau de légende dont nul qui a navigué dessus n’a jamais parlé. De l’eau qui coule comme le temps, un laps de temps.

Le roman est étrange et envoûtant ; il se lit d’une traite et le dérapage dans le surréel vers la fin, s’il apparaît un peu long, prend tout son sens dans les dernières pages. C’est bien trouvé, concentré. Une bonne lecture où Le Crotoy agit en thérapie avec sa lumière et l’immensité de la mer. Un hymne à la région de France haute, une vague inquiétude sur le monde que nous prépare le numérique, et une méditation sur l’existence et ce qui vaut en elle.

Philippe Mertz, La descente du Laps, 2014, éditions Les soleils bleus, 170 pages, €17.00 (occasion €4.35)

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 balustradecommunication@yahoo.com

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Jules Verne dans la Pléiade

Vous avez quinze jours pour le faire, en librairie ou par Internet.

Du 15 au 31 mai la collection de la Pléiade, chez Gallimard, propose gratuitement un album relié cuir aux acheteurs de trois volumes de la collection. Justement, le duo des Œuvres romanesques de Virginia Woolf vient de paraître, de même qu’un recueil de Romans, récits et nouvelles de Pierre Drieu la Rochelle. Quoi qu’on pense de ces deux personnes, leur œuvre littéraire reste. D’autant que le catalogue comprend de nombreux autres auteurs tels Milan Kundera ou les Nouvelles d’Henry James.

L’album Jules Verne présage la parution en deux volumes fin mai de romans du populaire auteur, dont on s’étonnait de l’absence malgré Alexandre Dumas déjà dans la collection. Il est vrai que la servilité commerciale envers ce qui est dans le vent l’emporte sur tout le reste. Duras a été plébiscitée car « de gôch, féministe et cinéphile », au détriment du grand Kessel, qui aurait bien mérité mais qui ne figure TOUJOURS PAS dans la Pléiade. Telle est la mode, n’est-ce pas ? Le talent compte peu au regard du socialement adulé politiquement correct. A ce compte, Flaubert aurait été ignoré en faveur de son ami tellement plus apprécié des salons (pourtant aujourd’hui largement tombé dans l’oubli) Maxime du Camp !

Vous me direz que Jules Verne a été « antisémite », volontiers dreyfusard contre les puissances de la banque et de l’argent cosmopolite. La belle affaire ! Nous étions au XIXème siècle, pas au XXème. Il ne s’agissait pas de camps d’extermination mais de mépris catholique-aristocrate envers le matériel, le numéraire, les affaires. Plus le mépris nationaliste de la gauche radicale à l’époque, les Juifs étant volontiers « allemands » d’origine. D’autant que Jules Verne a toujours abhorré l’esclavage (voir L’île mystérieuse). Quiconque confond les époques est nul et devrait se recycler (il existe une collection complète « pour les nuls » dans tous domaines, même François Hollande s’est fait surprendre à lire L’histoire de France pour les nuls…). Est-ce qu’on osera dire que la répulsion socialiste et gauchiste d’aujourd’hui « contre les puissances de la banque et de l’argent cosmopolite » présage DEJÀ des lendemains de camps pour la race des riches, exilés suisses, juifs américains ou patrons français ?

Jules Verne, qui a enchanté maintes enfances, va donc paraître en collection de prestige. Cet album raconte sa vie, richement illustrée. Né à Nantes (ville socialiste fondée sur le trafic d’esclaves) d’un père juriste du Beaujolais et d’une mère aristocrate apparentée aux Écossais, le petit Jules se voit bientôt flanqué d’un frère Paul, de seize mois plus jeune, qu’il aimera plus que tout. La ville catholique bourgeoise l’ennuie fort en ses enfances et adolescences (« des sots bâtissant sur le sable, en affaires peu scrupuleux », écrira-t-il des Nantais) mais l’air du large et l’agitation industrielle comblent son goût pour l’aventure (« le mouvement maritime d’une grande ville de commerce, point de départ et d’arrivée de nombreux voyages au long cours »). Il tombe amoureux de sa cousine et se fait éconduire ; il s’exile à Paris pour y faire son droit jusqu’à la licence. Mais c’est le théâtre et la littérature qu’il préfère. Il écrit des pièces qui font un four, mais des nouvelles qui sont appréciées des revues. Il deviendra écrivain.

Tout d’abord pour enfant lorsqu’il rencontre Hetzel, génial éditeur spécialisé dans la jeunesse. Mais très vite ses romans vont conquérir un plus vaste public. Jules Verne a la plume directe et le sens dramatique, il fait aimer la science appliquée, l’exploration géographique et le positivisme républicain. Ses héros ont quinze ans ou trente, capitaines courageux ou misanthropes réfléchis. Ils sont lui fantasmé, petit blond fluet captivé d’aventures et hyperactif à 8 ans. Ils sont Michel, son fils difficile, érotomane dès la puberté, qu’il a fallu mettre en collège fermé, puis engager comme matelot pour deux ans. Ils sont coureurs de mers, comme lui en mieux sur les Saint-Michel I, II et III. Jules Verne habitera vite Amiens, ville à l’époque culturelle, à la fois proche de Paris et proche de la mer, où il ancre son bateau au Crotoy.

Ses héros osent. Ils sont l’humanité entière en quelques caractères ; ils reconstituent toute l’expérience humaine depuis les origines dans ces îles désertes ou industrielles dans lesquelles le hasard ou la nécessité les jette. Vingt mille lieues sous les mers est un palace sous-marin, Robur le conquérant un palace volant, La maison à vapeur un palace automobile, Cinq semaines en ballon un havre aérien, La jangada un radeau microcosme, L’école des robinsons une île véritable, comme L’île mystérieuse et Deux ans de vacances… Ou bien les héros sont seuls face à une nature (et à des indigènes) hostiles. Michel Strogoff dans les immensités de la Russie, Le tour du monde en 80 jours malgré les aléas, Kéraban le têtu véritable tête de Turc, Voyage au centre de la terre

Mon goût pour explorer le monde est venu de Jules Verne. Ma foi envers l’ingéniosité humaine aussi. Comme mon optimisme républicain des Lumières. Voyage au centre de la terre, Deux ans de vacances et L’île mystérieuse le prouvent à l’envi, qui sont mes préférés. Vient enfin l’hommage mérité de la prestigieuse collection à un véritable écrivain.

Jules Verne, Album Jules Verne établi par François Angelier, volume relié pleine peau sous coffret illustré, format : 105 x 170, 320 pages, 318 illustrations, collection « Album de la Pléiade » n° 51, offert par les libraires pour tout achat de 3 volumes de la Pléiade, du 15 mai au 31 mai 2012.

Jules Verne, Voyages extraordinaires : Les Enfants du capitaine Grant, Vingt mille lieues sous les mers / L’Île mystérieuse, Le Sphinx des glaces, 2 volumes Pléiade sous coffret illustré, 1488 et 1264 pages, 505 illustrations de la collection Hetzel, parution fin mai, Gallimard.

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