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Le nouveau monde trumpiste

Il faut se rendre à l’évidence, depuis le 21 janvier 2025, et plus encore depuis cet incroyable show diplomatique télévisé en direct du 28 février contre l’Ukrainien Zelensky, nous sommes entrés dans un autre monde. Le précédent avait commencé en 1945 et vient de s’achever en 2025 : 80 ans, presque l’âge du 47ème président. Mais ce bouffon vaniteux, expert en télé-réalité, n’est pas ce qui importe. Les autres, ceux qui le soutiennent et l’influencent, sont plus dangereux. JD Vance (ex-Bowman) et Elon Musk sont adeptes d’une idéologie nationaliste, xénophobe, libertarienne. Chacun se fait tout seul et la fédération des États « unis » d’Amérique doit s’isoler du reste du monde pour se garder intacte des influences délétères extérieures. Venues de Chine en production, venues d’Europe en culture.

La Chine, c’est simple : trop de déficit commercial se règle par des droits de douane augmentés, quelques deals géopolitiques retentissants (Panama contre Taïwan), et une incitation « virile » aux entreprises américaines à revenir au bercail.

Pour l’Europe, c’est plus compliqué. Le continent a toujours été le vieux monde pour les Yankees ; ils l’ont même combattu sur leur propre sol avec les Confédérés plutôt acquis à l’aristocratie foncière et l’esclavage de style Ancien régime européen. Mais c’est de l’Europe que sont venues les idées « avancées » des Droits de l’Homme, de la révolution marxiste, du féminisme, et de la sempiternelle repentance pour toute domination sur les autres ethnies depuis l’empire romain. Les pays ouest-européens sont plus « avancés » que les États-Unis sur le droit à l’avortement, l’homosexualité, le mariage gay, les droits des transgenres, le « respect » des minorités – au point que l’on peut croire, vu de l’autre côté de l’océan, qu’il n’y a plus que des minorités agissantes en Europe, et que la majorité reste silencieuse et subit. D’où la colère de JD Vance à Munich, disant que l’Europe était en décadence par l’intérieur. Et de prôner ce que Monsieur Hitler prônait en son temps : nationalisme, xénophobie, promotion de la race blanche et des normes morales pour assurer à la nation beaucoup d’enfants sains et vigoureux. Et de voter pour les partis résolument réactionnaires pour établir une Contre-Révolution.

Tromp 2, c’est un changement de régime, le retour à l’ancien, le revirement des alliances. Exit la démocratie libérale, vive la démocratie autoritaire, illibérale, à la Poutine, Erdogan, Orban. Exit le droit au profit de la force. La dignité humaine, les droits des individus, les contre-pouvoirs, le pluralisme des partis, le multilatéralisme en diplomatie – tout cela est révolu. Si Tromp n’est qu’un homme d’affaires adepte des deals (menacer les plus faibles, se coucher devant les plus forts – pour ainsi toujours être gagnant), les idéologues qui l’entourent voient plus loin. Pour eux, n’est légitime que celui qui détient le pouvoir et qui agit. Toute forme de règle ou de droit doit se plier à la volonté du Dirigeant. Car il sait mieux que vous ce qui est bon pour vous. Un darwinisme social et international comme sous Hitler, Staline, Xi Jinping, Erdogan. Ce qui flatte l’ego de bébé de 2 ans du Bouffon à mèche jaune, vaniteux comme pas un. Il suffit de lui affirmer qu’il est le meilleur, et il le croit. Même Poutine en joue, en affirmant que son « plan de paix » est ce qu’il faut, en ajoutant un « mais » qui le réduit à des mots.

Le projet MAGA, dont l’acronyme est piqué à Reagan, n’a rien de reaganien. Il ne vise pas à contrer l’empire soviétique, mais à s’allier à son successeur, l’empire russe renaissant, lui reconnaître son propre empire pour assurer celui des Amériques, de Panama au Groenland, pour contrer les masses chinoises. Entre Blancs, on peut s’entendre ; pas avec les Mongols. Quant à l’Europe, elle n’existe pas ; elle n’est qu’un projet juridique, jamais achevé, dont l’empilement des normes empêche toute politique claire. Il faut détruire l’Union européenne, laminer l’euro. Seuls des traités bilatéraux avec chaque État en Europe permettra de les garder inféodés à la puissance américaine, via des relations commerciales et des armes – utilisables seulement si les États-Unis le permettent. Un avion américain, s’il n’est pas mis à jour chaque mois, perd très vite de ses capacités ; si le système de communication et de renseignements est coupé, il devient aveugle ; si les pièces détachées venues des États-Unis ne sont pas livrées, il reste cloué au sol.

JD Vance était un pôv Blanc, un Hillbilly à la famille dysfonctionnelle, qui ne s’en est sorti que grâce à sa grand-mère, à l’armée (il a été caporal en Irak… dans le journalisme), et à l’obtention d’une bourse d’État pour aller à l’université. Il s’est fait tout seul et reste en colère contre les élites qui s’en foutent. Sa revanche est son pouvoir – dangereux. Même chose pour E. Musk, enfant chétif et harcelé à l’école, battu par son père et envoyé en camp de survie, inscrit à la boxe pour l’aguerrir, qui a obtenu, grâce à la nationalité canadienne de sa mère, le droit d’étudier aux États-Unis, puis de fonder ses entreprises. Il est d’une mentalité marquée par le machisme, le virilisme, la relation dominants-dominés prégnante en Afrique du sud, qu’il n’a quitté qu’à 17 ans. Il s’est fait tout seul et reste en colère contre les nantis qui l’ont humilié. Sa revanche est son pouvoir – dangereux.

Le vieux Tromp, 78 ans, est une marionnette entre les mains de ces quadragénaires, et celles de quelques autres, Marco Rubio, Ron De Santis, et les membres influents de The Heritage Fondation, ceux de la Federalist Society. Pour ce courant conservateur, le libéralisme issu des Lumières déstructure progressivement la société en faisant la promotion de l’individu, de sa « libération » des déterminismes. Chacun fait ce qu’il veut est antinomique avec le projet de société holistique, prôné par les religions (dont la catholique de JD Vance) comme par l’État fédéral (dont Elon Musk est un fervent partisan pour son ordre et ses subventions). C’est le gouvernement qui doit orienter les citoyens dans la « bonne » voie, pas les individus qui pensent par eux-mêmes.

Quant à l’économie, l’État n’a pas à s’en mêler, sauf à favoriser les « bons » capitalistes, ceux qui innovent et ajoutent à la grandeur de l’Amérique. La liberté de marché doit être radicale, la technologie déterminer le futur et toute réglementation gouvernementale réduite au minimum, voire à néant. Le progrès sera celui que les entreprises feront, pas celui que l’État décrétera. Ce techno-capitalisme ressemble fort à celui qu’Hitler a promu durant son emprise sur l’Allemagne.

Pour ces conservateurs autoritaires, c’est aux églises de définir la morale commune, et à ses collèges de « dresser » les gamins pour qu’ils filent droit, sans drogue, ni sexe, ni rock’n roll. On ne peut que frémir en pensant aux dérives sadiques et sexuelles survenues à Bétharram et, semble-t-il, dans de nombreux autres collèges catholiques en France, sans parler de ceux d’Irlande ou du Canada, ou d’Espagne sous Franco. Réhabiliter le système qui a permis ces dérives prépare des déglingués ou des névrosés en série, à la Vance ou Musk. La hiérarchie adulte (qui a toujours raison) et l’enfant (qui doit toujours se soumettre), l’obéissance aux supérieurs, le culte du silence corporatiste de l’Église, ont permis à des pervers laissés libres d’abuser d’environ 330 000 enfants, à 83% des garçons, âgés pour 62% de 10 à 13 ans, entre 1950 et 2020, selon le rapport de la Ciase, Commission indépendante sur la pédocriminalité dans l’Église catholique. Les internats scolaires ont été le premier lieu des violences sexuelles contre les mineurs au sein de l’Église, dans un continuum de violences pédagogiques.

Un retour aux années 30… Je le disais déjà sur ce blog en 2012. Va-t-on prochainement voter avec ce vent mauvais et se soumettre, ou « résister » démocratiquement ?

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Qui a été tôt contraint devient anarchiste, dit Alain

Le philosophe prend l’exemple des pensionnaires qui ont passé l’essentiel de leur adolescence en collège fermé. Rien que cette odeur particulière de réfectoire leur fait se remémorer la prison. Car ils ont bien été « prisonniers de l’ordre et ennemi des lois ». Quand l’ordre vous contraint trop, vous ne pensez qu’à le transgresser, c’est humain.

L’enfant libéré est alors pareil au chien qui a rongé sa corde. Il se méfie, il se hérisse, il ne cède pas devant la plus appétissante pâtée. Toujours, il préfère la liberté à toute contrainte. Le Propos date de la rentrée scolaire de 1907, en octobre, mais s’applique encore aujourd’hui. Prenons Elon Musk. Cet immigré aux États-Unis né en Afrique du sud de parents Afrikaners, bien blancs et très conservateurs, a vécu toute son enfance et son adolescence en régime d’apartheid. Son père était brutal et impérieux, il le battait jusqu’à l’envoyer à l’hôpital. Ses copains d’école lui jetaient des pierres et son franc-parler sans aucun filtre (qu’il a gardé aujourd’hui) le faisait mal voir. Les grandes brutes de rugbymen tabassaient volontiers ce chétif, rebelle à la bande. Elon Musk semble en avoir gardé des séquelles : il ne supporte plus aucune entrave à sa propre liberté individuelle.

« Jamais ils n’aimeront ce qui est ordre et règle, dit Alain ; ils auront trop craint pour pouvoir jamais respecter. Vous les verrez toujours enragés contre les lois et règlements, contre la politesse, contre la morale, contre les classiques, contre la pédagogie et contre les palmes académiques ». Ainsi est Musk, brut de décoffrage et impolis, malgré les livres qu’il a lus, brutal comme son maître Trump qui énonce n’importe quoi du moment qu’il l’affirme, imbu de lui-même jusqu’à pousser son ego à la démesure. Certes, en transgressant les règles et habitudes, Musk a construit une galaxie d’entreprises technologiques qui osent – une réussite jusqu’à présent. Mais il se mêle de politique, et d’imposer aux autres ses propres lois.

Où est la « liberté d’expression » dans le trolling, désormais autorisé sur tous les réseaux sociaux yankees, parce que cela coûte moins cher que la modération, et que distinguer le vrai du faux, les fake news des faits réels est une entrave à la liberté de dire n’importe quoi ? Où est la liberté du citoyen européen de choisir ses propres dirigeants, si un Ego musqué lui dit quoi penser et quoi voter en soutenant l’AfD en Allemagne et Nigel Farage en Grande-Bretagne ? Bientôt la France ?

Le propre du libertarien, adepte de la liberté absolue, est d’établir la loi du plus fort. Celle que les gamins ont imposé au petit Elon jadis. Il se venge. Devenu riche, devenu proche du plus puissant, il s’impose sans retenue. Lui est la Loi, qui établit de nouvelles règles. Mais « jamais ils n’aimeront ce qui est ordre et règle », rappelle Alain de ceux qui ont subi un jour la loi du plus fort et la prison de l’État illibéral.

Tout se joue entre deux conceptions de la démocratie : ceux qui pensent que la majorité simple, guidée par des leaders démagogues, impose sa loi à tous – et ceux qui pensent qu’au-dessus de toute majorité existent des règles de droit, qui assurent un garde-fou aux démagogues et aux engouements de circonstance. Ainsi sont les Constitutions, les Principes du droit, les Droits de l’Homme. Musk les piétine, piétinons Musk. Il flotte autour de lui un relent de réfectoire.

Alain, Propos tome 1, Gallimard Pléiade 1956, 1370 pages, €70,50

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Trump et nous

Donald, duc aux cheveux oranges, a gagné non seulement les institutions, mais aussi la population. Il est désormais président de plein exercice des États-Unis, ayant remporté la présidence, le Sénat, la Chambre des représentants, et conservant la Cour suprême. Il a tous les pouvoirs.

Quelle leçon pour nous ?

Son succès est dû à la fois au discours populiste et aux réseaux sociaux.

Il est populiste parce qu’il agite les plus bas instincts humains, la peur et la haine, la survie. L’immigration est pour lui le bouc-émissaire facile de tout ce qui ne va pas en Amérique (comme pour Le Pen-Zemmour). Ceux qui sont différents sont aussi nuisibles que des Aliens venus d’ailleurs ; ils menacent insidieusement la base WASP des États-Unis, en régression démographique. « Apocalypse zombie », dit Elon Musk de l’immigration – bien que lui-même soit immigré. La vulnérabilité aux théories du complot (paranoïa) serait causée par l’instinct de survie : les informations potentiellement dangereuses, même fausses, sont prises en compte plus fortement que les autres ; on les croit plus vite et plus volontiers, selon le Système 1 du cerveau expliqué par Daniel Kahneman.

C’est aussi, pour Trump le trompeur, un coin enfoncé dans la bonne conscience morale de ses adversaires intellos de gauche. Ce pourquoi Kamala Harris, demi-Jamaïcaine et demi-Indienne, n’était probablement pas la bonne candidate pour contrer le mâle blanc dominateur d’origine allemande.

Les réseaux sociaux, c’est Elon Musk (né en Afrique du sud alors raciste), autiste Asperger harcelé à l’école et père de douze enfants avec trois femmes, dont les garçons X Æ A-XII (ou X), Techno Mechanicus (ou Tau), la fille Exa Dark Sideræl (ou Y), et un transgenre Xavier devenue fille (Vivian), « piégée par le woke », dit-il. Il veut sa revanche sur la société et devient l’innovateur en chef de l’Amérique d’aujourd’hui avec SpaceX, Tesla, le transhumanisme Neurolink, OpenAI, xAI et le réseau X (ex-Twitter). Les algorithmes des ingénieurs du chaos, si bien décrits par Giuliano di Empoli dans son livre chroniqué sur ce blog, ont appris tout seul à capter le ressentiment et à s’en servir pour asséner des slogans porteurs à des publics précis.

Le seul personnage historique en politique qui ait réussi cette alliance de manipulation des bas instincts et de technique la plus avancée a été Adolf Hitler. Peut-être est-ce ce qui nous attend.

Le moralisme de gauche politiquement correct qui dérive de plus en plus vers le woke revanchard des minorités colorées, est manifestement rejeté par la population des États-Unis, dans un mouvement non seulement anti-élite, mais aussi anti-assistanat. La liberté prime sur toute notion d’égalité. Les gens veulent faire ce qu’ils veulent sans que des normes, des règles, des lois, ou l’État puissent s’y opposer. Les libertariens représentent l’acmé de l’individualisme porté par le mouvement démocratique. Non sans contradictions : s’il est interdit d’interdire, pourquoi interdire l’avortement pour des raisons morales ?

Le projet MAGA pour l’Amérique à nouveau forte d’Elon Musk, riche de 210 milliards $ et désormais conseiller du président, vient de ses expériences industrielles :

  • Il préfère les essais aux théories, développer par itération plutôt que de tout concevoir en une fois – d’où le flou du « programme » politique.
  • Il cherche avant tout à éliminer pour optimiser – d’où ses propositions de supprimer des milliers de fonctionnaires (5 % par an minimum) et les règles « inutiles » voire « néfastes » à l’initiative.
  • Il prône l’intégration verticale, un maximum de compétences en interne pour maîtriser le maximum de choses sans dépendre de sous-traitants, de leur bon-vouloir, leurs délais, leurs difficultés – d’où les droits de douane élevés aux importations des pays tiers, le rapatriement des industries sur le territoire, et la méfiance envers les « alliances » et tout ce qui n’est pas « intérêt » premier de l’Amérique, voire les coups d’État encouragés à l’étranger proche si c’est pour accaparer les mines de lithium.

A noter pour nous qu’Elon Musk est proche en Europe d’Alain Soral et de Giorgia Meloni ; il a aussi désactivé son réseau de satellites lors d’une offensive ukrainienne en Crimée pour faire plaisir au tyran mafieux Poutine.

La politique, ce n’est pas du rationnel, c’est de l’irrationnel.

Ce sont les émotions véhiculées par les images, mais surtout les instincts de base que sont la peur, la faim, le sexe, qui motivent les votes des électeurs. Freud distingue les pulsions de vie liées à la recherche du plaisir, de la satisfaction et de l’amour – et les pulsions de mort liées à l’agressivité, à la destruction et à la pulsion de retour à l’inorganique. Les psychologues modernes, notamment américains, résument les instincts fondamentaux en : survie, reproduction, réalisation personnelle, soin.

Pour Trump :

  • la peur, donc la survie, c’est l’immigration et le changement culturel du woke ;
  • la faim, donc la réalisation personnelle et le soin aux citoyens légitimes, ce sont les bas salaires, la concurrence chinoise et allemande, et le trop d’impôts ;
  • le sexe, donc la reproduction, c’est le féminisme croissant qui dévalorise la virilité et la victimisation hystérique des Mitou qui fait de tout mâle – dès la maternelle – un violeur prédateur dominateur en puissance.

Où l’on constate objectivement, dans ces élections, que près de la moitié des femelles américaines semblent plutôt aimer être « prises par la chatte », comme l’a déclaré Trump – puisqu’elles ont voté largement pour lui – et que beaucoup de Latinos et de « Nègres » (ce nouveau mot ancien qui va faire führer aux USA, déjà né sous X) préfèrent un mâle blond, riche et autoritaire à une femelle classe moyenne, métissée et libérale.

C’est peut-être aussi ce qui nous attend – dans les prochains mois et les prochaines années.

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